Rapport sous embargo jusqu'au 28 octobre 2014, 11 heures «Les enfants de la récession» Impact de la crise économique sur le bien-être des enfants dans les pays riches Messages clés et principales données Evolution de la pauvreté des enfants depuis 2008 (cf. tableau de classement n 1 «Evolution de la pauvreté des enfants») Environ 76,5 millions d enfants vivent en situation de pauvreté dans les 41 pays les plus riches de la planète. Dans plus de la moitié des pays, plus d un enfant sur cinq vit en situation de pauvreté. En Grèce, Lettonie et Espagne, le taux d enfants en situation de pauvreté s élève à plus de 36 %. Aux Etats-Unis, le taux d enfants en situation de pauvreté est de 32 %, et en Italie de presque 30 %. Dans 23 pays, la pauvreté des enfants a augmenté depuis 2008, avec de grandes variations selon les pays (de 0,55 point 1 en Israël jusqu à 20,4 points en Islande). Les 5 pays les plus mal classés dans le tableau mesurant l évolution de la pauvreté des enfants (ceux qui ont connu la détérioration la plus forte, de 10 à 20 points ce qui représente une augmentation jusqu à plus de 50%) sont : l Irlande (10,60 points d augmentation), la Croatie (11,80), la Lettonie (14,60), la Grèce (17,50) et l Islande (20,40). Dans un groupe important de 18 pays (ceux qui ont réussi à faire baisser sensiblement le taux de pauvreté des enfants entre 2008 et 2012, situés en haut du classement), les familles et les gouvernements ont mis en place diverses stratégies permettant d affronter les pires conséquences de la récession. Dans ce classement, la France est en 30 e position des 41 pays étudiés : le taux de pauvreté des enfants a augmenté de trois points (de 15,6 % à 18,6 %) entre 2008 et 2012, ce qui correspond à une augmentation nette d'environ 440 000 enfants pauvres. 1 L évolution du taux de pauvreté des enfants est mesurée en «point», qui correspond à la différence entre deux pourcentages. Par exemple la pauvreté des enfants en Islande était évaluée à 11,2% en 2008, et à 31,6% en 2012, soit une évolution de 20,4 points.
La figure 10 2 du rapport montre quant à elle que le niveau de pauvreté des personnes âgées a diminué dans 24 des 31 pays européens (l Union Européenne, plus l Islande, la Norvège et la Suisse), tandis que le niveau de pauvreté des enfants augmentait au cours de la même période dans 20 pays, ce qui laisse supposer que les mesures de protection ont été plus efficaces pour les personnes âgées que pour les plus jeunes. Dans 28 des 31 pays étudiés, le taux de pauvreté des jeunes a augmenté plus rapidement (ou diminué plus lentement) que celui des personnes âgées. En France, alors que la pauvreté des enfants a augmenté de 3 points entre 2008 et 2012, la pauvreté chez les personnes âgées a diminué de 2,9 points. Taux NEET (Not in Education, Employment or Training) (cf. tableau de classement n 2 «Pourcentage de jeunes de 15 à 24 ans ne travaillant pas et ne suivant ni études, ni formation») La récession a touché les jeunes très durement, avec un taux de NEET qui augmente considérablement dans la plupart des pays de l Union Européenne. La Croatie, Chypre, la Grèce, l Italie et la Roumanie ont connu une augmentation d environ 30 %. En 2013, l Union Européenne comptait près d un million de NEET de plus qu en 2008, soit 7,5 millions, équivalant à presque la totalité de la population de la Suisse. Les Etats-Unis ont vu la plus grande augmentation du taux de NEET, suivis de l Australie, parmi les pays de l OCDE qui ne sont pas dans l Union Européenne 3. La Turquie conserve le taux NEET le plus fort (un jeune sur quatre en 2013) malgré une baisse importante pendant la période étudiée. Le Mexique connaît une situation similaire (un jeune sur cinq était NEET en 2013) malgré la stabilisation observée. Si l on considère l ensemble des pays du monde, c est la Turquie qui peut se prévaloir de la plus importante baisse du taux de «jeunes NEET». Malgré tout, ce pays conserve le taux le plus fort : un jeune sur quatre était NEET en 2013. Le Mexique connaît la même situation, si le taux de «jeunes NEET» est resté stable, pour autant La France se situe au 12 e rang sur les 41 pays étudiés avec 11,2 % des 15-24 ans qui n étaient pas scolarisés, n avaient pas de travail ou ne suivaient pas de formation en 2013 (l augmentation entre 2008 et 2013 n a été que de 1 point). 2 Différence d évolution de la pauvreté ancrée (2008-2012) entre les enfants et les personnes âgées. 3 Australie, Canada, Chili, Corée, Etats-Unis, Islande, Israël, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse, Turquie. 2 / 5
«Une onde de choc universelle» Cinq ans après le début de la crise financière et économique mondiale (2008), la situation des enfants vulnérables dans l'ensemble de l Union Européenne et de l OCDE s est dégradée de manière significative. Le revenu médian 4 des ménages avec enfants a baissé dans presque la moitié des pays présentant des données disponibles. Pour un ménage, avoir un ou des enfants augmente de 7 % à 11 % le risque de devenir un travailleur pauvre (travaillant mais restant en dessous du seuil de pauvreté). Ce risque est presque deux fois plus élevé pour les parents isolés (20,2 %). Dans les pays les plus touchés par la crise, la proportion de ménages avec enfants ne parvenant pas à faire face aux dépenses imprévues a considérablement augmenté. De nombreux ménages ont de plus en plus de difficultés à conserver le niveau de vie de la classe moyenne inférieure. «Les enfants pauvres souffrent le plus» Les enfants qui vivent des situations familiales de vulnérabilité particulièrement marquée, à savoir vivant dans une famille connaissant le chômage, migrante, monoparentale et/ou grandissant dans une famille nombreuse, sont ceux qui connaissent les situations de pauvreté les plus sévères. La proportion d enfants de moins de 18 ans vivant dans des ménages sans emploi a quasiment doublé en Espagne et au Portugal, et a quasiment triplé au Danemark. La Bulgarie, l Espagne, la Grèce et l Irlande ont connu les plus fortes augmentations absolues (plus de 5 %). Deux tiers des pays européens étudiés ont connu une aggravation du dénuement matériel 5 sévère après 2008. La Grèce fait partie des pays ayant connu les plus fortes augmentations absolues. Selon la figure n 6 du rapport le taux de dénuement matériel sévère des enfants a doublé en Grèce. Dans les pays les plus touchés, la proportion d enfants gravement défavorisés a quasiment doublé en quatre ans. Le nombre absolu d enfants vivant dans un dénuement matériel sévère dans les 30 pays européens étudiés était de 11,1 millions en 2012, soit 1,6 million de plus qu en 2008. L Espagne, la Grèce, l Italie et le Royaume Uni ont connu des augmentations sans précédent. En 2012, près de la moitié des enfants gravement défavorisés (44 %) vivait dans trois pays : l Italie (16 %), la Roumanie (14 %) et le Royaume Uni (14 %). 4 Le revenu médian est celui qui partage la population en deux, autant gagne moins, autant gagne davantage. Quand le revenu médian augmente, le seuil de pauvreté s accroît donc. 5 L indicateur de dénuement matériel permet d obtenir une vision globale du bien-être matériel des familles. Les enfants et adolescents sont considérés comme gravement défavorisés si le ménage dans lequel ils vivent n a pas les moyens de payer au moins quatre des neuf éléments que sont par exemple un loyer ou un prêt immobilier, le maintien d un chauffage suffisant dans le domicile, l achat régulier de viande ou de protéines, une machine à laver, une voiture,etc.. 3 / 5
«Une génération mise de côté» Il y a des signes manifestes que toute une génération d'enfants et de jeunes grandit dans des conditions de privation que leurs parents et grands-parents n ont jamais connues. Le nombre de jeunes chômeurs de longue durée (12 mois ou plus) et de jeunes en situation d emploi à temps partiel (non choisi) a atteint des niveaux inquiétants dans beaucoup de pays. Les chômeurs de 15 à 24 ans ont augmenté dans 34 des 41 pays analysés entre 2008 et 2013. Quatre pays se détachent avec une hausse supérieure à 25 points : Chypre, la Croatie, l Espagne et la Grèce. Le chômage des jeunes dans ces mêmes pays avait diminué régulièrement lors des périodes précédentes. La récession a inversé cette tendance. En France, le chômage des jeunes a augmenté de cinq points depuis 2008, avec 23,9% des 15-24 ans demandeurs d'emploi en 2013 (figure 12). La France se classe : - en 22 ème position des 41 pays étudiés en termes d évolution du chômage des jeunes depuis 2008 - en 30 ème position des 41 pays étudiés concernant le taux de chômage des jeunes en 2013. «Une riposte inégale» L ampleur et la nature des mesures de protection sociale ont varié considérablement d un pays à l autre. Lorsque des coupes budgétaires sont apparues dans certains pays, en particulier dans le bassin méditerranéen, le passage d une phase de relance à une phase de consolidation a renforcé les inégalités et contribué à détériorer les conditions de vie des enfants. Des millions d enfants supplémentaires auraient peut-être pu être aidés si certaines politiques de protection existantes avaient été plus solides et si elles avaient été renforcées pendant la récession. Celle-ci a exposé 619 000 enfants supplémentaires à des épreuves et à des risques durables en Italie, 440 000 en France, 1,7 million aux Etats-Unis et 2 millions au Mexique. Tous les pays ont été et sont encore confrontés à des choix difficiles, des budgets limités et une détérioration des conditions économiques. La demande de mesures d austérité était forte, tout comme les requêtes d autres secteurs vulnérables, d où la nécessité d établir des priorités mais, comme le montre le rapport, certaines politiques et leurs modalités de mise en œuvre ont été plus efficaces que d autres. 4 / 5
De manière plus positive, dans un certain nombre de pays, la pauvreté chez les enfants a diminué et certaines politiques publiques ont été mises en œuvre dans l optique de réduire l'impact de la crise sur les enfants. Alors que des millions d'enfants sont tombés dans la pauvreté au cours de la période étudiée, des millions d autres en ont été aussi sortis, au cours de ce que l on peut qualifier comme l'une des pires crises économiques mondiales traversées depuis le début du 20 ème siècle. «Le grand bond en arrière» Une évaluation de l impact de la crise sur le revenu médian des ménages avec enfants indique qu entre 2008 et 2012, les familles grecques ont perdu l équivalent de 14 années de progrès ; l Irlande, le Luxembourg et l Espagne ont perdu une décennie entière ; et quatre autres nations ont perdu presque autant. Les enfants et leur famille ne sont pas au bout de leur peine et il faudra sans doute des années pour que nombre d entre eux retrouvent le niveau de bien-être antérieur à la crise. Les conclusions du rapport soulignent que les enfants sont les grands oubliés des débats autour de la crise économique et financière débutée en 2008, mais aussi le peu de connaissance de nos sociétés concernant la pauvreté des enfants et ses conséquences sur la vie quotidienne et l avenir des jeunes. Les Etats ont la possibilité de faire évoluer leurs politiques publiques afin de réduire l impact de la récession sur les conditions de vies des enfants et adolescents ; sans ces mesures spécifiques et ciblées, dans un certain nombre de pays, une génération entière pourrait être sacrifiée. 5 / 5