) Le contre-balancement : effets de rang ou de dépendance séquentielle. Dès lors qu une épreuve se trouve organisée en une séquence d items ou d essais, on doit poser l hypothèse que la performance associée à un essai particulier pourrait, au moins en partie, être expliquée par la présence ou le contenu de l item ou de la série d items précédents. D une manière générale, ces effets, que l on appelle effets de transfert, qu ils soient positifs ou négatifs (i.e. : apprentissage / facilitation de la performance ou, au contraire, interférence / diminution de la performance) sont possibles ou probables dans certaines situations expérimentales, particulièrement lorsque l application d un plan d expérience s étale dans le temps et laisse ainsi la possibilité à des facteurs d ordre historique (ou de maturation) de s installer. Ces phénomènes peuvent donc constituer une variable parasite. Ex : prenons l exemple d un plan expérimental à mesures répétées (c est à dire que chaque participant est confronté à toutes les modalités de la VI) constitué d une VI «vin de bordeaux» à modalités : V) St Emilion, V) Fronsac et V) St Julien. On demande aux participants de noter la qualité de chaque vin afin de déterminer lequel est le plus approprié pour un petit repas entre amis. Admettons que les participants aient été choisis de manière à former un groupe très homogène (donc que l on ait un bon contrôle des caractéristiques liées aux participants). Dans cette situation on peut supposer que la note concernant l évaluation du Fronsac (V)peut être modifiée, influencée par le passage du participant par la modalité V (St Emilion) en premier lieu. De même, on peut soupçonner que le passage par les conditions V et V aura une influence sur l évaluation de la condition V (St Julien) Pour corriger cet effet potentiel de l ordre, il suffit de répéter les essais en les présentant à des groupes de participants différents selon un ordre modifié. C est ce que l on appelle la technique de contre-balancement. Ce contre balancement est dit complet lorsque tous les ordres de présentation possibles sont représentés, c est à dire factorielle n (n!) arrangements si n représente le nombre de modalités de notre VI. Dans notre exemple alcoolique, nous devrions construire! groupes de participants, soit 6 groupes, chaque groupe différant quant à l ordre dans lequel il passera les modalités de la VI «Vins de Bordeaux». G V V V G V V V G V V V G V V V G5 V V V G6 V V V Avec V= St Emilion ; V= Fronsac ; V= St Julien.
Le facteur Groupe (G) a 6 modalités ainsi créé est ce que l on appelle un facteur technique. Ce facteur n entre pas habituellement dans le plan d expérience de base. Cependant, son étude peut permettre de dire si oui ou non la suspicion de l existence d une dépendance séquentielle était fondée. Vous remarquerez que lorsque le nombre de modalités de la VI à contrebalancer augmente, on arrive vite à un nombre de groupes de sujets qui rend difficile la mise en place de l étude. Par exemple, si on voulait opérer un contre balancement complet sur une VI à 5 modalités, cela nécessiterait la mise en place de 5xxx groupes soit groupes! C est pourquoi dans ce cas de figure on choisira de n utiliser que quelques arrangements particuliers pour minimiser l effet d ordre : il s agit alors de ce que l on appelle un contrebalancement partiel. Nous avons passé en revue les principales techniques de contrôle des variables parasites. Il nous reste malgré tout un point important à considérer, bien que nous en ayons déjà dit quelques mots : le facteur «sujets» (ou participants). V) Le facteur «sujets» Ce facteur (présent dans la totalité des recherches de psychologie) revêt une importance particulière puisqu il entre largement en cause dans les calculs statistiques d évaluation des hypothèses. De ce ait, il est nécessaire de porter une attention particulière à ce tains problèmes inhérents au facteur sujets lors de la mise en place de la recherche. Plus particulièrement, nous allons aborder ici les notions d échantillonnage, de groupe de sujets et d équivalence des groupes de sujets. ) L échantillonnage Le problème est ici de construire un échantillon de sujets qui sera, dans la mesure du possible, représentatif d une population définie (c est à dire qui possèdera les mêmes caractéristiques que cette population). L échantillon est une population en «miniature». Le critère de représentativité est particulièrement important dans les études de type «questionnaire» (sur les représentations sociales par exemple) ou «sondage d opinion». -) Tirage aléatoire La méthode la plus simple (et aussi la plus utilisée en psychologie expérimentale) consiste à tirer au hasard, parmi la population, les sujets qui participeront à l étude. Il a été démontré que dans la plupart des cas, un triage au sort correctement réalisé permettait d avoir un échantillon correct. Lorsqu un contrôle plus strict de la représentativité de l échantillon sera nécessaire, on utilisera une technique d échantillonnage dite «des quotas».
-) Méthode des Quotas L application de cette méthode nécessite une connaissance préalable des caractéristiques de la population (par exemple proportion de femmes et d hommes, CSP, niveau culturel, etc.). La méthode des quotas va consister, à partir des informations concernant la population d origine (on parle aussi de population parente), à extraire un échantillon en respectant les proportions des différentes caractéristiques de la population d origine que l on soupçonne pouvoir avoir un effet sur le phénomène étudié. Cette technique permet donc d obtenir au final un «modèle réduit» de la population de départ, tout au moins en ce qui concerne les caractéristiques prises en compte. ) La notion de groupes de sujets (ou groupes de mesures) -) Groupes indépendants et groupes appariés Il existe types de groupes de mesures : les groupes indépendants et les groupes appariés. La distinction entre ces types de groupes se fait au niveau du mode de récolte des mesures. Groupes Indépendants On parle de groupes indépendants lorsqu un groupe de sujets différent est attribué à chaque condition expérimentale (autrement dit à chaque modalité de la VI ou croisement de modalités des VI). Groupes appariés Au contraire, on parle de groupes appariés lorsque les mesures sont le résultat de l observation des mêmes sujets passant l ensemble des modalités d une VI particulière. -) Choix du statut des groupes de mesures : avantages et inconvénients D une manière générale, il est toujours préférable de conserver les mêmes sujets afin de les observer dans les différentes conditions expérimentales. Ce procédé de comparaison dit «intra-sujets» permet : D économiser le nombre de sujets lorsque les effectifs sont restreints. De réduire les variations inter individuelles non contrôlables, toujours plus importantes que les variations intra individuelles. Chaque sujet étant dans ce cas son propre contrôle, on détecte plus facilement l impact de la variable indépendante sur la mesure. Cependant l usage de groupes indépendants peut se justifier (ou est rendu nécessaire) dans certaines circonstances : Pour éviter les effets d ordre, d apprentissage ou d interférence. Plus généralement des groupes indépendants sont nécessaires lorsque le fait de passer par plusieurs niveaux de la VI risque de permettre au participant de se rendre compte de ce qui est manipulé.
Lorsque l on utilise des variables invoquées ou de type «personnalité» (âge, poids, sexe, introversion/extraversion, etc.). L impossibilité est donc ici d ordre technique (on ne peut pas être une fois introverti et la suivante extraverti). -) Groupes contrôles et groupes contrastés Groupes contrôles On appelle groupe contrôle un groupe de sujets affecté à une condition expérimentale où la variable indépendante n intervient pas. La performance (les mesures ; VD) obtenue à partir de ce groupe sert donc de groupe de référence (vous trouverez parfois le terme «niveau de base» ou «ligne de base») et permet (en comparant le groupe contrôle et les groupes expérimentaux) de vérifier l effet de la VI. Ex. : Dans une recherche de 998, Dijksterhuis & Van Knippenberg se sont intéressés à l effet de l activation préalable de stéréotypes en mémoire sur nos capacités à traiter l information. Dans un premier temps les participants devaient penser pendant 5 minutes à ce qu ils imaginaient être les caractéristiques soit du hooligan (individu «bête» par excellence), soit du professeur de fac (a priori pas trop idiot). Dans un second temps, les auteurs demandaient aux participants de répondre à une série de questions issues du jeu «Trivial Pursuit». Un dernier groupe, le groupe contrôle, répondait uniquement et directement aux questions et sa performance servait de base de référence pour les comparaisons entre groupes. Les résultats de cette expérience ont montré que les individus chez qui on avait préalablement rendu actif en mémoire le stéréotype du hooligan répondent significativement moins bien que les individus du groupe contrôle qui répondent eux même moins bien que les individus chez qui le stéréotype du professeur a été activé! Ces résultats ont été interprétés par les auteurs en terme de disponibilité ou d inhibition de stratégies cognitives liées à l activation en mémoire des stéréotypes. Moralité, à votre prochain examen pensez à vos profs N.B. : une distinction doit être faite entre «groupe contrôle» et «situation contrôle». La situation contrôle renvoie à la condition expérimentale correspondant au niveau «zéro» de la variable indépendante lorsque tous les sujets passent par toutes les conditions de cette variable (groupes appariés). Groupes contrastés Dans la plupart des cas, un effort particulier est fourni pour que les groupes de sujets d une recherche soient les plus équivalents possibles. Cependant, nous avons vu qu il est parfois intéressant de manipuler des VI invoquées (qui peuvent être des caractéristiques des sujets). Dans ce cas, on cherchera non plus à avoir des groupes d individus les plus équivalents possibles, mais au contraire des groupes qui différent selon une ou plusieurs caractéristiques particulières (sexe, degré d expertise, opinion ). C est ce que l on appelle des groupes contrastés. N.B. : l introduction de VI invoquées peut avoir lieu a posteriori. Plus précisément, on peut introduire dans l expérience une mesure (de caractéristique de personnalité, etc.) dont le traitement va permettre de repartir a posteriori les individus dans des groupes contrastés.
VI) Résultats de la manipulation des VI : effets principaux et effets d interactions. Un comportement, un état mental ou un processus mental n est en général pas influencé par une seule composante de l'environnement ou de la personnalité des individus. Nous l avons vu, s il est possible de neutraliser certaines variables par l utilisation des techniques appropriées, on cherche surtout à manipuler certaines variables de manière à déterminer leurs effets. Lorsque l on manipule une seule VI, on testera ce que l on appelle un effet principal (ou effet simple). En revanche, dès que l on manipule plus d une variable indépendante (ce qui est le cas de la plupart du temps), on va vouloir analyser non seulement l effet principal de chacune des VI, mais aussi les effets conjoints des VI, autrement dit : leurs interactions. ) Définitions Effet principal : On entend par effet principal, l effet d une seule VI sur une ou plusieurs VD(s). On cherche à évaluer si les résultats obtenus sur les mesures (VD) sont différents en fonction des modalités de la VI. Si tel est le cas, la VI a un effet, dans le cas contraire elle n en a pas. Effet d interaction (la petite phrase magique ) On dit qu il y a interaction lorsque le fait de changer la modalité d une VI modifie l influence de l autre VI sur la VD. ) Et concrètement? : Exemple et représentation graphique. Il est sans doute plus aisé de comprendre la définition de l interaction à partir de la représentation graphique «type» d une interaction : l interaction dite «croisée». Admettons que l on cherche à évaluer, chez le pingouin, l impact de la présence ou l absence du jogging matinal (lorsque l ours blanc a faim ) et du nombre de sardines ingérées ( vs 5) sur la vitesse de nage de la grande course du samedi. Les résultats sont les suivants:
Vitesse de nage en m/s Vitese de nage du pingouin en fonction de l'activité physique matinale et du nombre de sardine ingérées,5,5,5,5,5 Pas Jogging Jogging 5 S S. Activité matinale Si L on regarde ce graphique on peut extraire plusieurs informations : Le sens de l effet principal de l activité matinale : les pingouins nagent aussi vite lorsqu ils font de l exercice le matin que lorsqu ils n en font pas (on considère ici les moyennes relatives à la VI «Activité matinale» en comparant la moyenne de la modalité jogging à celle de la modalité pas de jogging). Le sens de l effet principal du nombre de sardines ingérées : les pingouins nagent aussi vite lorsqu ils ont ingéré sardines que lorsqu ils en ont ingéré 5 (on ne s intéresse cette fois-ci qu aux moyennes qui concernent la VI «Nombre de sardines»). Le sens de l interaction de l activité matinale et du nombre de sardines ingérées : alors que les pingouins qui ne font pas de jogging le matin nagent plus vite lorsqu ils ont le ventre plein (5 sardines) que lorsqu ils ont le ventre vide ( sardines), les pingouins qui font de l activité le matin, eux, sont plus performants lorsqu ils n ont mangé que sardines que lorsqu ils en ont mangé 5. NB : le fait de prendre en compte plusieurs VI dans une recherche ne signifie pas forcément qu il y ait interaction. Cela signifie seulement qu une interaction est possible, envisageable, et qu il faut donc se poser la question de sa présence éventuelle. La seule manière de répondre de manière définitive à la question de la présence d une interaction passe par l utilisation de méthodes statistiques (en particulier l analyse de variance, qui va permettre de définir si une interaction est significative ou non).
NOmbre moyen de bidules ) Les différents types d interactions Nous l avons dit, il y a interaction entre VI (ou plus) lorsque le fait de changer la modalité de l une des VI modifie l effet de(s) l autre(s) VI sur la VD. Cet effet d interaction des VI sur la VD peut-être de type additif ou non additif. Pour illustrer les différentes possibilités, nous considèrerons VI à modalités : VI : ( et ) VI : Type de machin ( et ) VD : Nombre moyen de bidules Action d une seule variable (Fig. A) Ici seul le type de machin a un effet : le nombre de bidules est plus élevé en modalité qu en modalité (>) alors que le type de truc n a pas d effet (=). Fig. A: Nombre de bidules en fonction du type de truc,5,5,5,5,5 Action séparée de chaque variable (Effet additif ; Fig. B) L action combinée des deux VI correspond à la somme de l effet séparé de chaque variable. C est en condition machin et truc que le nombre de bidules est le plus élevé, par addition de l action de chaque variable.
Nombre moyen de bidules Nombre moyen de bidules Fig. B: Nombre de bidules en fonction du type de truc 6 5 Interaction des deux variables (Effet non additif ; Fig. C, D & E) * L action d une variable est inversée par les modalités de l autre (Fig. C). Le machin engendre un nombre supérieur de bidules avec le truc que le truc. Inversement, le machin entraînera un nombre plus important de bidules avec le truc qu avec le truc. Fig. C: Nombre de bidules en fonction du type de truc,5,5,5,5,5 * L action d une variable est annulée par l une des modalités de l autre (Fig. D). L action du type de truc est nulle pour le machin, mais le truc combiné au machin engendre un nombre de bidules plus important que le truc combiné au machin.
Nombre moyen de bidules Nombre moyen de bidules Fig. D: Nombre de bidules en fonction du type de truc,5,5,5,5,5 * Une variable a plus ou moins d effet selon la modalité de l autre variable (Fig. E). La différence entre les machins et, en terme de bidules, sera plus importante dans la condition truc que dans la condition truc. Fig. E: Nombre de bidules en fonction du type de truc 6 5 Passons maintenant à la mise au point et à l écriture des plans d expérience.