Club du du Sahel et et de de l'afrique de de l'ouest/ocde & Communauté économique des États de de l Afrique de de l Ouest LEÇONS TIRÉES DE LA RECONSTRUCTION POST-CONFLIT AU RWANDA M. Kladoumadje NADJALDONGAR CELHTO/Union Africaine Niamey, Niger Atelier régional sur le Post-conflit et le Développement (pour la Formulation d une Politique régionale de Reconstruction post-conflit) Golf Hôtel Abidjan, Côte d Ivoire 3-5 juin 2008
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La prise du pouvoir par le FPR et la constitution d un gouvernement en juillet 1994 sur la base des Accords d Arusha a marqué la fin du génocide des Tutsi mais pas la fin du conflit. Le pays continuait à faire face à des agressions à l intérieur de ses frontières de même qu il prenait part à une guerre hors de ses frontières. C est pourtant la fin du génocide qui a constitué le début de la période post-crise. Pour le gouvernement ayant été constitué, il fallait restaurer l autorité de l Etat et reconstruire le pays mais le défi était énorme. Environ 12 % des 7.000.000 habitants d avant le génocide avaient péri ; Le conflit avait fait 2 millions de personnes déplacées ; 2 millions d autres rwandais étaient refugiés dans des pays voisins, partout en Afrique et dans le monde ; 120.000 personnes étaient maintenues dans les prisons à l intérieur du pays ; Des milliers de personnes souffraient de handicap physique ou moral relatif au génocide ; Les femmes violées, infectées du VIH/SIDA, les veuves et les orphelins se comptaient par milliers ; 80 % des enfants survivants avaient été témoins de carnages. Reconstruire dans ce contexte signifiait pour le Rwanda le choix des options claires qui doivent renforcer simultanément et cumulativement l élan vers la paix, la stabilité et le développement. Ainsi, le Rwanda avait fait le choix de : Assurer sa sécurité intérieure et extérieure ; Garantir une gouvernance responsable et la participation de tous ; Assurer une justice réparatrice, réconciliatrice, promouvoir les Droits de l Homme et lutter contre l impunité ; S appuyer sur l assistance humanitaire pour développer le social et l économique ; Mobiliser les ressources de tout genre ; Renforcer le pouvoir socio-économique et politique des femmes. Le Rwanda avait sur cette base formulé une politique claire de reconstruction qui reposait sur la récupération du capital humain : mettre tous les Rwandais ensemble pour reconstruire le pays. C était un pari monstrueux au sortir d un génocide qui avait mis le tissu social complètement en lambeau. Assurer sa sécurité intérieure et extérieure Réduire les dernières poches de résistance des Ex-FAR et Interahamwe. En 2002, la sécurité intérieure avait été totalement assurée. A l extérieur, la guérilla Hutu continuait à lancer à partir du Congo des attaques sur le Rwanda. Le Rwanda avait décidé d occuper l Est du Congo pour maintenir la guerre hors de ses frontières. Page 3
Garantir une gouvernance responsable et la participation de tous Après avoir sécurisé le pays à l intérieur de ses frontières, les consultations électorales avaient été organisées en 2003 : - Adoption de la Constitution par référendum en mai ; - Election présidentielle au suffrage universel en août ; -Elections législatives au suffrage universel en octobre. Les bases d un Etat crédible gouverné selon le principe d un Etat de droit sont posées (la société civile, la presse avec une indépendance relative, etc). Assurer une justice réparatrice, réconciliatrice, promouvoir les Droits de l Homme et lutter contre l impunité Trois instruments judiciaires ont travaillé de manière complémentaire pour résorber le contentieux du génocide des Tutsi de 1994 : il s agit du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), du système judiciaire classique du Rwanda et des juridictions traditionnelles, Gacaca. Dans cette quête de paix et de justice, le Rwanda a soutenu le fonctionnement de ces trois instruments judiciaires. - Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) a été instauré par une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies, résolution 955 du 8 novembre 1994. - Le système judiciaire classique du Rwanda, décapité par le génocide était en reconstitution, car les 20 magistrats que comptait le pays, ne pouvaient pas faire face aux 120 000 détenus en attente de jugement dans les prisons du pays. De plus, rien dans la législation rwandaise ne sanctionnait le génocide. C est ainsi que le Rwanda devait voter la loi organique du 30 août 1996 qui organise la répression du génocide «crime de génocide et massacres». - La création des Gacaca correspond à la volonté du gouvernement rwandais d accélérer le processus de résolution de ce contentieux. Ainsi, la loi organique Nr :40/2000 du 26 janvier 2001 portant création des «Juridictions Gacaca» et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crime contre l Humanité, commises entre le 1 er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 a été adoptée par l Assemblée Nationale rwandaise. Cet élan est soutenu par une politique de réconciliation nationale qui passe par la détermination de la réalité des faits, la reconnaissance des responsabilités et le pardon national. A côté de cela, l Etat a mis en place des programmes d éducation à la citoyenneté responsable, la promotion des Droits de l Homme. Une importance capitale avait été donnée au développement d un travail de mémoire car l histoire du génocide ne devrait pas passer dans l oubli. Il s agit de freiner le négationnisme et la banalisation, et de rappeler sans stresser ni culpabiliser les consciences de cette dérive collective par les mémoriaux, les commémorations, les programmes d éducation, la prise en compte de ce passage dans l histoire du pays, etc. S appuyer sur l assistance humanitaire pour développer le social et l économique L assistance humanitaire était incontournable, dans le contexte du Rwanda ; l aide humanitaire devait accompagner et servir de fondement à la reconstruction. La prise en charge des refugiés, des personnes déplacées, des traumatisées, des prisonniers, des personnes infectées du VIH/SIDA, des veuves, des orphelins et la réintégration des combattants démobilisés etc. Page 4
représentent une tâche énorme. L Etat devait prendre des dispositions pour assurer progressivement le relais des humanitaires. A côté de cela, il faut activer le dialogue social et cultiver la coexistence pacifique pour aller lentement vers le pardon et la réconciliation ; aborder de manière lucide la délicate question du foncier. Le Parlement a buté longtemps sur la question du code foncier. Mobiliser les ressources de tout genre Les Rwandais avaient fondé de grands espoirs sur la table ronde de Genève pour le financement de la reconstruction du pays. Leur espoir a été déçu ; l élan de solidarité humanitaire qui s est manifesté à la sortie du génocide s est estompé quand il s est agi de financer des programmes durables de reconstruction post-conflit. Il fallait compter d abord sur les ressources propres. En cela, la diaspora rwandaise avait été fortement mobilisée en vue de la reconstruction du pays. Les consultations électorales de 2003 n auraient pas pu avoir lieu sans un financement consistant des rwandais eux-mêmes. Face à ses difficultés, le pays a opté pour une politique opportuniste de partenariat. En vue de mieux capter les fonds privés, le Rwanda a décidé de convaincre par sa stabilité, la pertinence de sa gestion et une politique attrayante pour les investisseurs. Il est important de souligner le rôle des solidarités africaines qui se sont manifestées auprès du Rwanda : Afrique du Sud, Kenya, Nigeria etc., et asiatique : Cambodge, Inde etc. Renforcer le pouvoir socio-économique et politique des femmes Morts pendant le génocide, emprisonnés, en rébellion à l est de la RDC, refugiés ou exilés les hommes avaient déserté le chantier du développement au Rwanda. La participation des femmes à la reconstruction du pays a été fortement appuyée par le gouvernement. Elles sont présentes à tous les niveaux dans les actions de développement, enlèvement des ordures, entretien des jardins et édifices publics, gardiennage, responsabilité dans la gestion des entreprises etc. Au parlement rwandais, 49% des députés sont des femmes, ainsi qu une très forte proportion de sénateurs et de ministres. Cela fait du Rwanda le pays dont la participation des femmes au pouvoir politique est la plus forte au monde. C est donc cette politique de reconstruction post-conflit que le Rwanda a mis en place pour l articuler progressivement à sa vision 2020 dont les piliers sont : 1. La construction de la nation et de son capital social. 2. Le développement d un Etat crédible et efficace gouverné selon le principe d un Etat de droit. 3. Le développement des ressources humaines en conformité avec l objectif de faire du Rwanda une économie prospère fondée sur le savoir et le savoir-faire. 4. Le développement de l entreprenariat et du secteur privé. 5. Le développement des infrastructures de base dont la planification urbaine. 6. La modernisation de l agriculture et de l élevage. ********************** Page 5