ISSN 2284-3531 Ordine internazionale e diritti umani, (2015), pp. 389-393.



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Transcription:

OBSERVATOIRE SUR LE CONTENTIEUX EUROPÉEN DES DROITS DE L HOMME N. 2/2015 1. ARRET DU 3 OCTOBRE 2014, JEUNESSE C. PAYS-BAS Faits 1. L affaire concerne le refus des autorités néerlandaises d octroyer à la requérante, ressortissante surinamaise, un permis de séjour sur la base de sa vie familiale aux Pays Bas. En effet, entrée aux Pays-Bas en 1997 et y résidant depuis de façon ininterrompue, elle s est mariée à un ressortissant néerlandais, d origine surinamaise, avec lequel elle a eu trois enfants. Elle allègue que le refus de l autoriser à résider aux Pays-Bas a emporté violation à son égard du droit au respect de la vie familiale garanti par l article 8 de la Convention Droit 2. La Cour aborde d emblée le cadre général de l affaire à la lumière de sa jurisprudence relative à l entrée et au séjour des étrangers sous l angle de l article 8 de la CEDH. Elle affirme qu en ce qui concerne la question du respect de cette disposition «suivant un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traites, de contrôler l entrée et le séjour des nonnationaux sur leur sol. La Convention ne garantit pas le droit pour un étranger d entrer ou de résider dans un pays particulier. Le corollaire du droit pour les Etats de contrôler l immigration est que les étrangers et donc, en l espèce, la requérante ont l obligation de se soumettre aux contrôles et aux procédures d immigration et de quitter le territoire de l État contractant concerné lorsqu ils en reçoivent l ordre si l entrée ou le séjour sur ce territoire leur sont valablement refusés» (par. 100). 3. La Cour souligne, ensuite, qu «en principe, les États contractants ont le droit d exiger des non-nationaux qui sollicitent le droit de séjourner sur leur territoire qu ils introduisent la demande appropriée à l étranger. Ils n ont donc pas l obligation d autoriser les ressortissants étrangers à attendre sur leur territoire le résultat d une procédure d immigration» (par. 101). 4. Par conséquent, la présence de la requérante aux Pays-Bas ne peut donc être considérée comme équivalant à un séjour régulier faisant suite à l octroi par les autorités d une autorisation permettant à un ressortissant étranger de s installer sur le territoire national.

390 Toutefois, «lorsqu un État contractant tolère la présence sur son sol d un ressortissant étranger, lui donnant ainsi la possibilité d attendre la décision relative a sa demande d octroi d un permis de séjour, à un recours contre une telle décision ou a une nouvelle demande de permis de séjour, il lui permet de participer à la vie sociale du pays dans lequel il se trouve, d y nouer des relations et d y fonder une famille. Pour autant, cela n implique pas automatiquement que, en conséquence, l article 8 de la Convention oblige les autorités de cet État à autoriser l étranger à s installer sur le territoire national. De même, ce n est pas parce que la requérante a fondé une famille et mis ainsi les autorités du pays d accueil devant le fait accompli que cela entraîne pour celles-ci l obligation, au titre de l article 8 de la Convention, de l autoriser à s installer dans le pays. La Cour a déjà dit que, en général, les personnes qui se trouvent dans cette situation ne sont pas fondées à espérer qu un droit de séjour leur sera octroyé» (par. 103). 5. La Cour ajoute que la situation de la requérante se distingue de celles qui concernent des «immigrés établis», à savoir des personnes auxquelles il a déjà été accordé officiellement un droit de séjour dans le pays d accueil. Pour cette catégorie d étrangers, le retrait ultérieur de ce droit, à la suite par exemple d une condamnation pénale, constitue une ingérence dans l exercice du droit au respect de la vie privée et/ou familiale au sens de l article 8. Dans ce cas, la Cour recherche si l ingérence est justifiée afin de déterminer si un juste équilibre a été ménage entre les motifs sous-tendant la décision des autorités de retirer le droit de séjour, d une part, et les droits que l article 8 garantit à l individu concerné, d autre part. La situation d un immigré établi et celle d un étranger sollicitant l admission sur le territoire national étant, en fait et en droit, différentes, les critères que la Cour a élaborés au fil de sa jurisprudence pour apprécier si le retrait du permis de séjour d un immigré établi est compatible avec l article 8 ne peuvent être transposés automatiquement à la situation de la requérante. En effet, «en l espèce, la question à examiner est plutôt celle de savoir si, eu égard aux faits de la cause pris dans leur ensemble, les autorités néerlandaises étaient tenues en vertu de l article 8 d octroyer un permis de séjour à la requérante afin de lui permettre de mener sa vie familiale sur leur territoire. La présente affaire concerne donc non seulement la vie familiale mais aussi l immigration. Pour cette raison, elle doit être examinée sous l angle d un non-respect par l État défendeur d une obligation positive lui incombant en vertu de l article 8 de la Convention» (par. 106). 6. En matière d immigration en particulier, «l article 8 ne saurait s interpréter comme comportant pour un État l obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence et de permettre le regroupement familial sur le territoire de ce pays. Cela étant, dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l immigration, l étendue de l obligation pour l État d admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l intérêt général. Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle il y a effectivement entrave à la vie familiale, l étendue des attaches que les personnes concernées ont dans l État contractant en cause, la question de savoir s il existe ou non des obstacles insurmontables a ce que la famille vive dans le pays d origine de l étranger concerné et celle de savoir s il existe des éléments touchant au contrôle de l immigration (par exemple, des précédents d infractions aux lois sur l immigration) ou des considérations d ordre public pesant en faveur d une exclusion» (par. 107).

391 7. De plus, «il importe également de tenir compte du point de savoir si la vie familiale a débute à un moment ou les individus concernés savaient que la situation de l un d entre eux au regard des lois sur l immigration était telle que cela conférait d emblée un caractère précaire à la poursuite de cette vie familiale dans l État d accueil. En vertu d une jurisprudence constante de la Cour, lorsque tel est le cas ce n est en principe que dans des circonstances exceptionnelles que l éloignement du membre de la famille ressortissant d un pays tiers emporte violation de l article» (par. 108). 8. Encore, et surtout, le fait que la mesure d éloignement puisse viser indirectement un enfant est un élément à prendre en considération. En effet, «lorsque des enfants sont concernés, il faut prendre en compte leur intérêt supérieur. Sur ce point particulier, la Cour rappelle que l idée selon laquelle l intérêt supérieur des enfants doit primer dans toutes les décisions qui les concernent fait l objet d un large consensus, notamment en droit international. Cet intérêt n est certes pas déterminant à lui seul, mais il faut assurément lui accorder un poids important. Pour accorder a l intérêt supérieur des enfants qui sont directement concernés une protection effective et un poids suffisant, les organes décisionnels nationaux doivent en principe examiner et apprécier les éléments touchant a la commodité, à la faisabilité et à la proportionnalité d un éventuel éloignement de leur père ou mère ressortissants d un pays tiers» (par. 109). 9. En l espèce, selon la Cour, l élément central dans l affaire est donc de savoir si les autorités ont protégé le droit fondamental de la requérante au respect de la vie familiale garanti par l article 8 de la Convention. 10. Pour conclure à la violation de la CEDH, les points suivants ont été mis en évidence : - la requérante se trouve en situation de séjour irrégulier aux Pays-Bas ; - ayant à plusieurs reprises essuyé un échec en vue d obtenir la régularisation de sa situation elle savait et ce bien avant d entamer une vie familiale aux Pays-Bas que son séjour sur place était précaire ; - lorsque les autorités se trouvent mises devant le fait accompli, ce n est que dans des circonstances exceptionnelles que l éloignement du membre de la famille qui est ressortissant d un pays tiers peut être juge incompatible avec les dispositions de l article 8 ; - tous les membres de la famille de la requérante à l exception d elle-même sont des ressortissants des Pays-Bas et son mari et leurs trois enfants ont le droit de vivre leur vie familiale ensemble aux Pays-Bas; - a la naissance la requérante était de nationalité néerlandaise, nationalité perdue avec l accession à l indépendance du Surinam ; de ce fait on ne peut donc pas simplement considérer sa situation comme équivalente à celle d autres candidats a l immigration qui n ont jamais eu la nationalité néerlandaise ; - la requérante se trouve aux Pays-Bas depuis plus de seize ans et elle n a pas d antécédents judiciaires. Si elle n a certes pas respecte l obligation qui lui était faite de quitter le territoire, les autorités néerlandaises ont pour leur part toléré sa présence pendant une durée considérable, tandis qu elle réitérait ses demandes de permis de séjour et attendait l issue des recours correspondants ; - en la laissant demeurer sur le territoire pendant une période aussi longue alors que pendant une grande partie de ce laps de temps elles pouvaient l expulser, les autorités ont en pratique permis a la requérante d établir et de développer des liens familiaux, sociaux et culturels étroits avec le Pays;

392 - il est vrai qu eu eǵard au passe commun de la requeŕante et de son mari et a l âge relativement bas de leurs enfants, il semble ne pas y avoir d obstacles insurmontables a ce qu ils s installent au Surinam, bien que cette solution soit plutôt difficile pour eux ; - toutefois, en évaluant les conse quences que peut avoir pour les trois enfants de la requeŕante la dećision des autoriteś neérlandaises, il y a lieu de prendre en compte l inteŕêt supeŕieur des enfants, le fait que cet intérêt doit primer dans toutes les dećisions qui les concernent faisant l objet d un large consensus, notamment en droit international ; - dans les affaires de regroupement familial la Cour attache une attention particulie re a la situation des mineurs concerneś, en particulier a leur âge, a leur situation dans le ou les pays en cause et a leur degre de deṕendance a l eǵard de leurs parents ; - pour accorder a l inteŕêt supeŕieur des enfants qui sont directement concerneś par une mesure d éloignement du pays où ils sont nés une protection effective et un poids suffisant, les organes dećisionnels nationaux doivent en principe examiner et apprećier les eĺeḿents touchant a la commodite, a la faisabilite et a la proportionnalite d un e ventuel eĺoignement ; - en ce qui concerne la marge d appréciation reconnue à l Etat en matière et compte tenu des circonstances particulie res de l espe ce, il est douteux que des consideŕations geńeŕales se rapportant a la politique d immigration puissent en elles-mêmes être consideŕeés comme un motif suffisant pour refuser a la requeŕante le droit de reśider aux Pays-Bas. En définitive la Cour a jugé que les circonstances entourant le cas de la requeŕante doivent être consideŕeés comme exceptionnelles et que le refus qui lui a été opposé de régulariser sa situation aux Pays-Bas a violé la Convention. Bref commentaire Nonobstant un argumentaire dont la densité peut surprendre, l arrêt Jeunesse semble témoigner d une certaine gêne. La texture même de la partie «en droit» est révélatrice d une démarche, assez inhabituelle d ailleurs, destinée à vouloir convaincre pleinement quant à la justesse de la solution retenue. Comme cela se produit généralement, surtout dans les arrêts de Grande Chambre, l argumentaire de l arrêt se développe autour de deux aspects : les principes qui se dégagent de la jurisprudence et leur application au cas d espèce. La Cour s appuie, d abord, sur les principes sur lesquels a été bâtie une jurisprudence qui ne peut pas cacher des difficultés évidentes, s agissant de la matière délicate de l immigration. Ainsi, afin de rassurer les Etats, la Cour rappelle que, la CEDH ne garantit pas le droit pour un e tranger d entrer ou de reśider dans un pays qui n est pas le sien. Le corollaire du droit pour les E tats de contrôler l immigration est que les e trangers ont l obligation de se soumettre aux contrôles et aux proce dures d immigration. Cependant, le pouvoir reconnu aux Etats en matière d entrée et de séjour des étrangers doit se mesurer aux atermoiements des autorités, notamment lorsque celles-ci tolèrent pendant un long laps de temps leur preśence sur leur sol, lui permettant ainsi «de participer a la vie sociale du pays dans lequel il se trouve, d y nouer des relations et d y fonder une famille».

393 En d autres termes un Etat, par le fait de tolérer cette présence, peut se voir reprocher un comportement de nature à limiter son droit de contrôler en définitive certains flux migratoires. A cette première limitation au pouvoir des Etats s en ajoute une seconde : l intérêt supérieur des enfants. Et la Cour de souligner à ce sujet que «l ideé selon laquelle l inteŕêt supeŕieur des enfants doit primer dans toutes les dećisions qui les concernent fait l objet d un large consensus, notamment en droit international». Enfin, la Cour tient à préciser que lorsque les autoriteś se trouvent mises devant le fait accompli, ce n est que dans des circonstances exceptionnelles que l eĺoignement du membre de la famille qui est ressortissant d un pays tiers peut être juge incompatible avec les dispositions de l article 8. Comme on peut le voir, le raisonnement de la Cour se ressent à la fois d une rigueur et d une prudence particulières, l une et l autre constituant des aspects d une même vision : rassurer les Etats tout en essayant de protéger des êtres humains. Ce qu il faut souligner est que la solution à retenir est tributaire de faits spécifiques à chaque affaire. Ce sont en définitive les «circonstances exceptionnelles» qui sont de nature à limiter ou à tempérer le pouvoir de l Etat à éloigner des étrangers en situation irrégulière, le sort de ces étrangers différant de celui des «immigrés établis» dont l éloignement peut dépendre, en principe, de la seule condamnation en matière pénale. Tout compte fait, le seul élément qui peut nécessairement emporter la conviction de la Cour semble être l intérêt supérieur de l enfant, intérêt tel qu il est conçu et apprécié dans chaque cas par les juges de Strasbourg. MICHELE DE SALVIA