PRÉVENIR LE PREMIER DES DÉCROCHAGES SCOLAIRES : L ÉCHEC PRÉCOCE EN LECTURE Les échecs précoces en lecture constituent une amorce de décrochages ultérieurs Une réduction massive des échecs précoces en lecture peut être visée pour la fin du quinquennat actuel à condition d agir à la fois dans le temps scolaire et le temps périscolaire Une coéducation pilotée par les municipalités doit jouer un rôle déterminant Cela se fera seulement si des circuits de financement pérennes et des financements adéquats sont mobilisés À titre d exemple, un outil de coéducation efficace et reproductible à grande échelle dont le potentiel n a pas été exploité : le Coup de Pouce Clé L ensemble de ces données et analyses conduit l Apféé à faire cinq propositions précises ; leur mise en œuvre serait susceptible de changer rapidement la donne sociale des débuts de scolarité. 1. Les échecs précoces en lecture constituent une amorce de décrochages ultérieurs Telle est la conclusion proposée par Élisabeth BAUTIER : «Même si les difficultés scolaires ne peuvent être isolées de leurs causes et effets sociaux et subjectifs, le décrochage scolaire apparaît comme le fruit d un processus lent qui trouve son origine dans un décrochage cognitif précoce et se joue dans l interaction entre les élèves et l institution scolaire... Il apparaît dans les travaux de Sylvain BROCCOLICHI, basés sur les études de dossiers scolaires et sur des entretiens avec des jeunes décrocheurs, que ces élèves n avaient pas à leur sortie de primaire ce que nous appellerons les prérequis pour réussir au collège.» Si l on partage l avis de ces chercheurs, la première chose à faire pour «prévenir les décrochages scolaires» est de tenter de prévenir l échec précoce en lecture. 1/5
2. Une réduction massive des échecs précoces en lecture peut être visée pour la fin du quinquennat actuel à condition d agir à la fois dans le temps scolaire et le temps périscolaire «Si l on entend par savoir-lire la capacité à décoder et comprendre un récit écrit de deux ou trois lignes, on peut affirmer que tous les enfants (sauf un petit nombre de cas pathologiques) peuvent savoir lire en fin de CP. Les travaux de recherches ( ) permettent de dire que ce n est pas un pari, encore moins un mythe. C est possible ici et maintenant» Telle était la conclusion du premier colloque scientifique de l Apféé (conseil économique social, mai 93). Il était alors précisé qu un tel objectif pouvait être atteint si l on intégrait les acquis de la recherche scientifique dans les pratiques éducatives, à la fois dans le temps scolaire et dans le temps périscolaire et périfamilial. «Le changement, c est maintenant», alors pourquoi ne pas le faire maintenant? 3. Une coéducation, pilotée par les municipalités doit jouer un rôle déterminant Donnée expérimentale relative aux échecs dans l apprentissage de la lecture au CP = constat Avec l école telle qu elle fonctionne actuellement, - dans une même classe de CP (représentative de la plupart des classes de CP), certains élèves savent très bien lire en fin d année, alors que d autres sont en échec ; - la plupart des élèves qui sont en échec n ont pas, chaque soir, après la classe, le soutien dont ils ont besoin pour réussir. Analyse correspondante : ce n est donc pas (principalement du moins) pendant les heures de classe que se crée l inégalité des chances de réussite ; celle-ci se crée principalement en dehors de ces heures de classe = ce qui se passe en dehors de la classe, et principalement le soir à la maison. Conséquence : une amélioration des pratiques éducatives pendant le temps de la classe est possible et utile. Mais, une réduction massive des échecs scolaires précoces nécessite le développement massif d une coéducation efficace en dehors des heures de classe. Il est nécessaire de susciter, après la classe, une mobilisation des enfants, de leurs parents et des divers adultes susceptibles d apporter aux enfants, de manière 2/5
concertée, l aide dont ils ont besoin pour réussir : cela relève de la «coéducation» 1 qui concerne la politique générale locale, faisant intervenir notamment les actions territoriales, sociales, culturelles, familiales, etc. Or seules les collectivités locales peuvent piloter et faire fonctionner de manière pérenne la coéducation, en concertation avec leurs écoles et les inspecteurs de l éducation nationale. 4. Cela se fera seulement si des circuits de financement pérennes et des financements adéquats sont mobilisés Les circuits de financements actuels, via les équipes de réussite éducative, constituent un modèle opérationnel. La loi pluriannuelle 2005-2009, votée en janvier 2005, prévoyait des crédits PRE de montants successifs de 2005 à 2009, en M : 62, 174, 411, 411, 411. Mais les crédits affectés ont été beaucoup plus faibles et n ont jamais dépassé sensiblement 100 M. L ordre de grandeur des financements nécessaires est probablement de l ordre de 400 M /an en fin de quinquennat. Nota bene : Il faudrait laisser aux municipalités le droit de choisir, pour augmenter la réussite dans leurs écoles, les actions périfamiliales et périscolaires de leur choix, en conditionnant cependant les cofinancements apportés par la politique de la ville à des critères définis par le ministre (dont, notamment une évaluation annuelle systématique sur l efficacité des actions en termes de réussite scolaire). Il ne faudra surtout pas «imposer» aux municipalités le choix d un dispositif (quand bien même il s agirait du Coup de Pouce Clé). 5. À titre d exemple, un outil de coéducation efficace et reproductible à grande échelle dont le potentiel n a pas été exploité : le Coup de Pouce Clé Fruit de recherches scientifiques et d expérimentations, le Coup de Pouce Clé est un dispositif mis en œuvre par les municipalités, en étroite collaboration avec leurs écoles et avec l aide de l Apféé. Il permet d accompagner en dehors du temps scolaire des enfants de CP jugés «fragiles en lecture» (c'est-àdire en risque d échec) parce qu ils ne reçoivent pas, en dehors du temps scolaire, l aide dont ils ont besoin pour réussir à apprendre à lire ; les parents des enfants bénéficient eux aussi d un accompagnement. En 2011-2012, plus de 10 000 enfants ainsi que leurs parents ont été accueillis en clubs Coup de Pouce Clé, ceci en 282 villes. Depuis la création de cet outil en 1995, 70 000 enfants ont été concernés ; l Apféé dispose d évaluation sur ces 70 000 enfants. 1 Le Premier Ministre a rappelé, dans un courrier du 27 juillet 2012, qu il avait été signataire de l Appel de Bobigny (prônant notamment la «coéducation») lorsqu il était maire de Nantes, et qu il restait «solidaire, en tant que Premier Ministre, des principes énoncés par ce texte». 3/5
Voir ci-après des compléments d informations à ce sujet. Le Coup de Pouce Clé a une EFFICACITÉ PROUVÉE dans la prévention des échecs précoces en lecture auprès des enfants scolarisés issus principalement de milieux défavorisés Mais il fait plus que cela, ce qui le rend UNIQUE. 1. Le Coup de Pouce Clé est un dispositif efficace de prévention des échecs précoces en lecture 17 années d'évaluations ont établi que plus de 75% des enfants jugés en risque d'échec par les maîtres de CP deviennent bons ou moyens lecteurs dès la fin du CP. Une évaluation récente (FEJ- mai 2012) démontre que le CPC est efficace "parce qu'il cible un certain nombre d'enfants"*, "les élèves des milieux en difficulté scolaire qui ont besoin d'une stimulation différente que celle de l'école pour entrer dans la logique scolaire"*. 2. Le Coup de Pouce Clé renforce l'estime de soi des enfants Selon les enseignants, 80% des enfants en CPC progressent dans la confiance en soi, 75% dans la motivation d'apprendre et l'intérêt pour l'école. 3. Le Coup de Pouce Clé produit des "impacts sur les postures parentales" D'une part parce qu'il établit "des passerelles entre la communauté familiale et la communauté éducative"* D'autre part parce qu'"il renforce l'estime de soi des enfants et, à travers eux, celle des parents"*. 4. Le Coup de Pouce Clé est reproductible à grande échelle Beaucoup d'expérimentations réussies ici ou là s'avèrent décevantes dès qu'on tente de les extrapoler. Or le CPC "garantit non seulement l'existence d'un cadre partenarial entre les communes et l'éducation nationale, mais aussi une organisation et un contenu pédagogiques formalisés et encadrés"*. Ceci explique que les mesures d'efficacité du CPC donnent les mêmes résultats positifs année après année. Ainsi le Coup de Pouce Clé n'est pas qu'un dispositif efficace de prévention de l'échec scolaire précoce. Il a un effet favorable sur l'envie d'apprendre de l'enfant et sur sa confiance, ainsi que sur le comportement de ses parents. Son caractère normé garantit l'efficacité quel que soit le lieu de sa mise en place. En parvenant dans la durée à atteindre ces 4 objectifs le Coup de Pouce Clé est spécifique et sans doute unique. * Évaluation des cabinets Acadie et Aurès, réalisée pour le FEJ, mai 2012 4/5
6. Complément : coûts annuels de différents dispositifs d aide aux jeunes (source : EPIDE) Actions consécutives à des échecs éducatifs : EPIDE.. 38 000 / jeune Maison centrale (prison)..60 000 / jeune Centre éducatif renforcé.. 170 000 / jeune Centre éducatif fermé 230 000 / jeune Établissement pénitentiaire pour mineurs.124 000 / jeune Une action de prévention de décrochages scolaires précoces : Le Coup de Pouce Clé 1 500 / enfant (une seule fois dans sa vie) [Ces 1 500 correspondent à 150 heures d accompagnement de l enfant et de ses parents] 7. Conclusion L ensemble des données et analyses précédentes conduit l Apféé à faire 5 propositions : - proposition n 1 : viser une réduction massive des échecs précoces en lecture pour la fin du quinquennat - proposition n 2 : préciser les voies retenues pour y parvenir - proposition n 3 : donner aux municipalités mission de mettre en place des dispositifs de coéducation efficaces pour améliorer la réussite scolaire dès la fin du CP - proposition n 4 : pérenniser les circuits de financement actuellement opérationnels (via les équipes de réussite éducative et les PRE) - proposition n 5 : mobiliser un financement pluriannuel et en garantir la pérennité jusqu en fin de quinquennat (le coût en très modeste en comparaison de celui des conséquences des décrochages scolaires). Si ces propositions sont mises en œuvre dans leur intégralité, la donne sociale des débuts de scolarité pourrait être radicalement changée dès 2017. Une précision : si l on ne s intéressait qu aux seules conséquences budgétaires, il faudrait souligner que les économies suscitées par un tel résultat seraient très largement supérieures au coût de l investissement ainsi réalisé. 5/5
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