Pilotez les arômes de vos blancs et de vos rosés Voici une synthèse, réalisée par la Chambre d agriculture d Indre et Loire, des éléments simples sur lesquels vous, vignerons, vous allez pouvoir intervenir au chai pour orienter le profil aromatique de vos vins. La liste n est pas exhaustive. Les éléments suivants seront développés dans cette synthèse : - Opérations préfermentaires, protection contre l oxydation et gestion simplifiée du pressurage, - Influence de la turbidité au moment du débourbage, - La température de fermentation alcoolique, - Influence de la souche de levure et gestion de la nutrition azotée. En préambule, toute dilacération des raisins diminue le potentiel aromatique. Il faut récolter tôt le matin quand les températures sont fraîches. La présence de rafle, feuilles dans le jus entraînent l augmentation des arômes végétaux. Il ne suffit que de quelques minutes de macération dans le jus d un bout de feuille, d un grappillon vert, pour que des arômes herbacés indélébiles maquillent votre vin. Vous devez être exigeants sur la qualité de votre récolte, sur le tri. Un tri sélectif des feuilles, des grappillons, de bouts de sarments est judicieux. Quant au pressurage, il serait trop long de le développer complètement. Mais, quelques règles sont à respecter. Il faut éviter l extraction agressive et l oxydation. Le transport de la vendange doit être rapide. Le respect des temps d extraction des jus à chaque palier est incontournable. Plus on presse fort, plus il y a de trituration et de rebêchage, plus il y a de bourbes, plus les risques d oxydation sont importants. A partir de là, votre pilotage sur l aromatique est compromis. Les composés végétaux agressifs, le caractère bourbeux, deviennent des marqueurs d arômes irréversibles. L utilisation de procédé curatif (collage ), limite alors un peu ces défauts. L emploi de neige carbonique diminue un peu le risque d oxydation. Le sulfitage léger à la benne dans le cas d une vendange mécanique augmente les phénomènes de macération mais contre l oxydation. Une dose de 2 à 3 g/hl à la vigne semble un bon choix. Le temps de transport doit être le plus court possible. Dans le cas de vendanges manuelles, ce sulfitage est inutile et sera effectué après pressurage. Macération pelliculaire La macération pelliculaire adaptée aux cépages aromatiques variétaux, type Sauvignon, doit être raisonnée. Elle est déconseillée pour le chenin. L égrappage est préférable, l inertage indispensable. La durée de macération peut varier de 6 H à 12 H à une température basse de 10 C maxi. L augmentation du potentiel aromatique est considérable, notamment pour les terpènes ( linalol) aux arômes muscatés, de rose, muguet, citronel et tilleul. Attention, ils sont très sensibles à l oxydation. Vous devrez éviter la dissolution d oxygène après la fermentation alcoolique. 25 à 30 % de macération pelliculaire bien pratiquée est une mine aromatique. Page 1 sur 6
Impact de la turbidité: Il est inutile et dangereux d obtenir des jus après débourbages clairs comme de l eau. Le niveau de turbidité est très important, vous devez le vérifier. Il ne faut jamais être en-dessous de 120 NTU. Les faibles turbidités entraînent des fermentations difficiles avec des montées d acidité volatile irréversibles (0,5 à 0,7 g/l). Il est démontré (Revue Française d œnologie Nov/ Déc. 2012), que plus le niveau de turbidité est faible, moins l ajout d azote assimilable est efficace. Il faut viser 150 à 200 NTU, ce qui correspond sur un plan pratique à la nuance d un verre dépoli (léger flou, voilé). A ce niveau de flou, la finesse et l élégance aromatique sont privilégiées, le gras est préservé. Le schéma suivant résume cette observation : 0 150 200 NTU Niveau de turbidité (NTU) Risque de montée de volatile Optimum! Aromatique! Fruité, floral Plus la turbidité est haute, plus le niveau de composés soufrés et les caractères choux, bourbes augmentent, plus la fermentation alcoolique s emballe. La température de fermentation et souche de levure : La tendance serait actuellement de rechercher des fermentations à des températures de plus en plus basses. De nombreux travaux ( Meistermann 2002) ont démontré les effets négatifs d une température élevée et ont conseillé des températures de 15 à 18 C. Mais, selon la souche levures utilisées les résultats ne sont pas si évidents. Il faut vraiment adapter la température de fermentation alcoolique à la souche choisie. Des travaux récents (Pillet 2011), confirment que des basses températures impliquent des fermentations alcooliques plus longues sans générer d arrêt de fermentation alcoolique. Une vitesse de fermentation alcoolique différente influe sur les arômes obtenus. Certaines enzymes de la levure intervenant dans le développement d arômes variétaux pourraient être inhibées par l alcool. Des fermentations alcooliques plus lentes laisseraient plus de temps à l enzyme pour travailler. C est pour cela que la stabulation à froid (4 à 6 C) sans oxydation des moûts durant 4 à 5 jours avant fermentation alcoolique serait favorable. Arômes fermentaires Composés essentiellement d esters, ils participent à l arôme fruité et floral des vins. Le plus commun est l acétate d isoamyle (Banane). Il peut avoir un effet dominant fugace, rendant le vin un peu trop simple. Mais, associé à d autres esters type Phenyl ethanol (Rose), acetate d hexyle (poire), octonoate d ethyle (floral ), il participe à la complexité aromatique. La libération de ces esters est très dépendante de la température de fermentation alcoolique. Des températures entre 15 et 18 C favorisent la fermentation des acétales fermentaires. Page 2 sur 6
Arômes variétaux : Thiols volatils (Buis, pamplemousse, zeste de citron) terpènes. Masneuf et ol (2006) a démontré qu une fermentation menée à 20 C permet une meilleure libération de 3MH (3 mercaptohexam 1 ol) et son acétate qu à 13 C. (Notes pamplemousse, fruit de la passion). Swiegers remarque que 18 C est mieux que 23 C. Le dégazage excessif lié à la fermentation tumultueuse provoque une perte aromatique. Il ne faut pas dépasser 22 C. Sur le chenin, il faut privilégier la recherche des arômes fruits exotiques associés aux arômes fermentaires. 18 C 20 C = optimum pour les thiols, fruits exotiques Concernant les terpènes, une température de 20 C aura tendance à les développer. Par rapport au profil thermique, il ressort d après notre expérience qu après 1010 il faut stopper le refroidissement pour assurer une bonne fin de fermentation alcoolique et terminer la fermentation alcoolique proche de 20 C. Arômes fermentaires, variétaux et terpènes interviennent en synergie les uns avec les autres pour participer à l arôme fruité des vins blancs et rosés. Selon le choix de la souche de levures et le cépage, la température de fermentation alcoolique pourra être différente d une cuve à l autre pour ensuite par assemblage libérer de la complexité. Nutrition azotée de la levure : C est un élément essentiel pour assurer une fermentation alcoolique complète et régulière. L azote assimilable est composé d azote minéral (sels d ammonium) et organique (acides aminés). On estime qu il faut environ 140 mg/l d azote assimilable pour un moût de 12 % pour assurer la fermentation alcoolique. Pour chaque degré probable supplémentaire, on rajoute 30 mg/l. La mesure de l azote assimilable après débourbage est indispensable pour mettre en place une correction raisonnée des apports azotés. Le débourbage a un impact sur la charge d azote assimilable. C est pour cela que la mesure doit se faire après cette opération. En effet, en cas de carence, la levure subi un stress, provoquant des fermentations languissantes ou des arrêts de fermentation alcoolique et donc pertes aromatiques. D autre part, les notes de réduction sont favorisées. Mais, un apport excessif d azote minéral peut provoquer aussi l apparition de composés soufrés désagréables comme l H 2 S. L apport azoté doit être raisonné. Pour des carences importantes, l apport se fait en deux fois. Un premier apport d azote ammoniacal (phosphate diammonique) juste après le début de fermentation alcoolique (perte de 5 à 10 points). Nous rappelons que 20 g/hl de phosphate apportent 40 mg/l d azote assimilable. Un deuxième apport sous forme d azote aminé à densité initiale 30 points. Dans le cas de faible carence, l azote aminé seul est conseillé avant 1050-1060. A trop forte concentration, le sulfate ou phosphate diammonique, peuvent aussi libérer des arômes technologiques volatils et chimiques et des bourbes plus agressives (ICV Août 2007). On profitera de ces corrections pour oxygéner le moût (apport de 2 à 4 mg/l d O2). Page 3 sur 6
Densité Densité initiale -5 points azote ammoniacal + Oxygène (2 à 4 mg/l) d-30 points Azote Aminé + Oxygène (2 à 4mg/l) 995 Temps Choix de la souche de levure : Gestion simplifiée de l azote assimilable et de l oxygène. La liste de souches commerciales est très longue. Vous pouvez relancer le détail sur le site www.vignevin.com/outils en lignes/fiches-levures. Globalement et facilement on peut classer les souches en quelques familles. - Levures «starter» adaptées à tous les cépages qui assurent une fermentation alcoolique régulière (15 à 20 C selon la souche). - Levures libératrices «d arômes fermentaires» à utiliser à une température de 15 à 18 C. - Levures libératrices «de thiols», terpènes, fruits exotiques, à utiliser à une température de 18 à 20 C. Dans un chai, si vous levurez, utilisez ces trois familles et assemblez ensuite. Pour le chenin, évitez les souches libératrices de 4MMP (buis, genêt), accentuant le végétal. Exemples pour le Sauvignon : Page 4 sur 6
Cave A Levures starter 15 20 C Cave B Levures à arômes fermentaires 15 à 18 C Cave C Levures thiols 18 20 C Assemblage après fermentation alcoolique et dégustation selon profil de vin souhaité par le cépage Sauvignon. Exemple pour le chenin : Cave D Levures starter 15 20 C Cave E Levures fermentaires 15-18 C Cave F Levures fermentaires ou levures libérant peu de 4MMP 15 18 C Assemblage après fermentation alcoolique et dégustation selon profil du vin souhaité par le chenin. Pour le chenin, se pose le choix de l équilibre acide (choix d une levure désacidifiante). Le pilotage des arômes au chai doit être déterminé en fonction du vin souhaité et adapté au millésime. Ce 2013 s annonce assez tardif. L impact de l acidité sur l équilibre sera un facteur très important. Si vous envisagez des FML sur blancs ou rosés, il faudra tenir compte des modifications aromatiques liées à cette fermentation. Le caractère lacté, caramel au-delà de 30 %, peut prendre le dessus et alourdir le pool aromatique. Enzymes libératrices d arômes Page 5 sur 6
Ces β-glucosidases ajoutées en fin de fermentation (densité inférieure à 1000), sont très efficaces. Elles libèrent des arômes terpéniques (ananas) très intenses. Attention, ces arômes sont assez fragiles et fugaces et sont destinés aux mises précoces. Ils ne résistent pas à l oxydation. Il ne faut pas les utiliser sur tout le chai ; 10 à 20 % est un bon choix comme mine aromatique. Elles peuvent transformer un chenin en gewurztraminer, alors attention au dosage. Leur activité est bloquée ensuite par le bentonitage. Conclusion Vous avez des moyens d influencer le potentiel d aromatique de vos vins : Gestion de l oxydation, Qualité de la récolte et du pressurage, Gestion du débourbage = Niveau de turbidité, Choix de la souche levure, Choix des températures de fermentation alcoolique, Utilisation ou pas d enzymes libératrices d arômes, Malo ou pas Malo? Gestion de la nutrition azotée avec l utilisation d azote organique. L équilibre en bouche est aussi un aspect fondamental. La gestion de l amertume, de l acidité, du gras, doivent s imbriquer dans le schéma de vinification pour obtenir des vins blancs et rosés distingués et élégants. L équipe viti-oeno de la chambre d agriculture d Indre et Loire Page 6 sur 6