«Banques à charte : prêts à la consommation et prêts à la production»



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Transcription:

Article «Banques à charte : prêts à la consommation et prêts à la production» Jean McNeil L'Actualité économique, vol. 38, n 2, 1962, p. 298-305. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/1001790ar DOI: 10.7202/1001790ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 14 October 2015 02:47

L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE Banques à charte : prêts Dans un récent article de cette à la consommation et revue 1, M. Jean Mehling analyse prêts à la production l'évolution des prêts généraux des banques à charte depuis 1956. Attirant l'attention du.lecteur sur le comportement des prêts industriels et des prêts personnels, il souligne «la lutte pour la prépondérance, dans les prêts généraux bancaires,... entre prêts à la production et prêts à la consommation». Il voit, dans la stagnation des prêts à l'industrie et la vigueur des prêts personnels (graphique I), l'expression du marasme structurel de l'économie canadienne. Celle-ci semble être, «surtout depuis 1956, une économie de consommation et de services, plutôt qu'une économie de type secondaire». L'auteur ne rejette pas, cependant, la possibilité d'une politique expansionniste des banques, en matière de prêts à la consommation, pour ranimer une économie qui, selon les adversaires de M. Coyne, souffre bien plus d'une insuffisance de pouvoir d'achat que d'un sous-développement au niveau secondaire. * * Que faut-il penser de tout cela? L'évolution des prêts personnels et des prêts industriels, depuis 1947» donne heu à des remarques intéressantes (graphique I). En premier Heu, les prêts personnels s'accroissent, depuis 1958, à un rythmé très comparable à celui des périodes antérieures. Sur une base annuelle, les taux composés de croissance sont de 19 p.c, de mars 1948 à mars 1950, de 17 p.c, de juin 1952 à juin 1956 et de 18 p.c, de mars 1958 à mars 1962. Leur évolution actuelle n'est donc pas un phénomène nouveau, mais bien la continuation d'une tendance que l'on décèle durant toute la période.d'après-guerre. En second Ueu, les prêts industriels ont progressé sensiblement aumême rythme que les prêts personnels, durant la période 1948-1957- Cependant, la stagnation dans laquelle ils sont tombés, depuis le troisième trimestre de 1957, nous apparaît dans toute son évidence, malgré un regain de vigueur depuis le début de 1961. 1. J. Mehling, «Monnaie et croissance de l'économie canadienne», L'Actualité Économique, janvier-mars 1962, pp. 677-680. 298

COMMENTAIRES En troisième lieu et c'est sans doute la plus significative de nos constatations ces deux types de prêts évoluent selon une corrélation inverse, les variations des prêts personnels accusant un décalage de 3 à 6 mois, généralement, sur les variations des prêts industriels. Ce phénomène est d'autant plus important que les changements dans la demande de crédits industriels sont plus prononcés. Il ne semble donc pas faire de doute qu'à partir d'un certain niveau d'activité dans le domaine du prêt à la production, les banques choisissent de restreindre le crédit à la consommation, afin de mieux répondre à la demande industrielle. Inversement, le prêt personnel ne croît généralement qu'en période de ralentissement des affaires. En somme, le système est orienté de telle façon que, le prêt industriel étant le placement le plus rémunérateur, les banques ont toujours intérêt à favoriser le crédit industriel dans la mesure Graphique I (IN MILLIONS 01 OOLLAD») (SIM LOO.I 2,000 Prêts industriels et < Canada, 1947-62 personne Is des b anques a charte 1 1,000 800 _ 600 400 prêts industriels i -«-" «"-y #e>»*e>» 1....'.''».-*'..." ** ^ prêts personnels ZOO 100 ' ' i i 1 1 1946 48 '50 "52 '54 299- '56 '58 '60 '62

L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE où il est sollicité. Le placement sur obligations ne donne que rarement un taux de rendement effectif de 6 p.c. par an, ce qui représente le taux d'intérêt maximum exigé, en pratique, sur un prêt. Les dépenses d'adrninistration relatives aux prêts personnels sont, d'autre part, généralement plus élevées, en raison des opérations nécessairement plus nombreuses pour engager un montant égal. On comprend, ainsi, le jeu des composantes de l'actif des banques à charte. Selon l'état de la conjoncture économique et monétaire, les pressions s'exercent soit sur les prêts industriels, soit sur les prêts personnels, soit sur le portefeuille-obligations. Cependant, une attention toute particulière est constamment dirigée vers le crédit à la production. De cette façon, il y a ranimation automatique des activités de production par les banques à charte. * * * Le même raisonnement devrait s'appliquer à la période 1957-1962. Le plafonnement des prêts industriels, pendant quatre années consécutives, aurait incité les banques à chercher du côté du crédit personnel. Dans ce cas, seuls les désordres structurels de l'économie canadienne expliqueraient l'envahissement, par les banques, du secteur de la consommation. En temps de stagnation de la production, la demande de prêts, de la part de l'industrie, se stabilise. Il est normal, dans ces conditions, que des organismes à but lucratif, telles que les banques canadiennes, placent leurs capitaux dans d'autres secteurs. La demande de prêts, venant des consommateurs, devient alors l'exutoire recherché. Selon le schéma traditionnel, il n'y aurait donc pas lieu d'accuser les banques de manquer à leur «vocation» industrielle. Aurait-il pu en être autrement? D'autres hypothèses sont-elles plausibles, qui viendraient modifier le mécanisme? Une pratique assez; récente mérite une attention particulière: depuis 1957, les principales banques ont introduit diverses formules de prêts personnels dont la caractéristique essentielle, en ce qui nous concerne, est un taux effectif d'emprunt variant de 9.5 à 15 p.c. par année, obtenu grâce à une ruse financière non 300

COMMENTAIRES formellement interdite par la «Loi sur les Banques» 1. Voici, au tableau I, les principaux taux en vigueur à Montréal, à la fin de juin 1962, sur un prêt de 1,000 dollars, remboursable en 12 versements mensuels égaux. Tableau I Principales formules utilisées et taux exigés, Montréal, juin 1962 Banque Formule Versement mensuel (en dollars) Taux effectif (en p.c.) Canadienne Nationale Royale du Canada de Montréal Provinciale du Canada Toronto-Dominion de Nouvelle-Ecosse Canadienne Impériale de Commerce À terme Familiale Scotia Plan Prêts populaires 87.66 9.44 87.66 9.44 87.71 9.56 87.83 9.82 87.91 9.90 88.33 10.89 89.00 12.32 Il ne s'agit pas ici de discuter la légitimité des taux exigés: c'est un problème légal. Mais, sans entrer dans les détails des différentes formules, faisons certaines remarques. Quelques banques (Canadienne Nationale, Provinciale du Canada, Toronto-Dominion) n'ont aucune formule définie. Elles se contentent de mettre à la disposition de leurs clients les modalités de paiement adoptées par leurs concurrents. D'autres, initiatrices du système, exigent généralement en garantie les biens achetés par l'emprunteur (Banque de Nouvelle-Ecosse) ou administrent un service de prêts personnels complètement centralisé (Banque Canadienne Impériale de Commerce). En raison des frais inhérents à ces deux derniers types d'opérations, on n'est pas surpris de constater que ces formules soient, de loin, les plus coûteuses pour l'emprunteur. D'autres, enfin, (Banque Royale du Canada) consentent des prêts personnels sans autre garantie que la signature de l'emprunteur, ou d'un endosseur lorsque nécessaire. Ce type 1. La «Loi sur les banques» (article 91 paragraphe 1) fixe à 6 p.c. l'intérêt maximum exigible sur un prêt bancaire. La ruse financière consiste à faire rembourser périodiquement, par le client, et le capital et l'intérêt calculé sur le montant initial et pour toute la durée du prêt (c'est-à-dire sans tenir compte des remboursements du capital). Ainsi, l'intérêt sur un prêt de 1,000 dollars, â 6 p.c. pour un an, s'établit à 60 dollars.le client doit rembourser un montant de 1,060 dollars en 12 mensualités de 88.33 dollars, ce qui donne un taux de rendement effectif de 10.89 p.c. pour un an. 301

f 1 - - : ' ' - - L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE Graphique II (EN MILLIONS OC DOLLARS) î SEMILOG.),000 800 fioo Distribution des prêts personnels des banques b charte, Canada, 1956-62 400 -._,*... '1 7--... * prêts ment?nn de va sur nantisse eurs négoci ubles..k. ^-T ~~ J l -1 ^»- ~~^ preis divers -..-" _ ><</ 100 H RO 4/1 I fio j - * - -.*' '""!T '.......»-^ 40 ^ " -.-»?n 10 8 y y prêts pour - améliorations domiciliaires.,." 6. S t : **^ s surgaran 4 de siens meubii :s yr - " '," ". ' 1 - * " '...» -. 2.. ;. 1 1956. 1957 1958 1959 302 I960 1961 1962

COMMENTAIRES. très récent d'opérations, qui tend d'ailleurs à se généraliser, permet d'éviter lesfrais dela centralisation, puisque tout se fait au niveau de la succursale, et de réduire au minimum les dépenses attachées à la reprise des biens pris en garantie par la banque, si les versements ne sont pas effectués. Que nous révèle le graphique II sur l'essentiel du comportement des prêts personnels depuis 1956? Les prêts consentis sur la garantie de biens meubles ont triplé en 1958 et presque quadruplé en 1959, passant respectivement de 10 à 30 millions et de 30. à 110 millions dedollars. En 1960 et 1961, ils ont cru à un taux composé d'environ 9 p.c. par trimestre, soit de 110 à 225 millions de dollars. En 1961», les avances sur la garantie de véhicules-moteurs comptent pour un peu plus de 80 p.c. Ce sont les prêts classifies sous la rubrique «divers» (environ 55 p.c. des prêts personnels) qui ont dominé la tendance, avec un taux composé de croissance d'environ 17 p.c. par an, de mars 1958 à mars 1962, comparativement à 18 p.c. par an sur l'ensemble des prêts personnels, pendant la même période. Or, en 1961», près de 40 p.c. de ces prêts sont remboursables par versements égaux, capital et intérêts, en vertu, vraisemblablement, des formules de crédit mentionnées plus haut. D'autre part, les prêts personnels consentis par nantissement de valeurs négociables n'ont pas bougé durant la période. Les prêts accordés en vertu de la «Loi nationale sur l'habitation», pour financer les améliorations apportées aux logements, se sont stabilisés en 1959. Cette initiative s'est donc révélée un réel succès. Et pour cause! Les taux d'emprunt exigés par.les banques demeurent passablement inférieurs à ceux du crédit à la consommation effectué en dehors des banques (en particulier, à ceux des compagnies de finance). De plus, la banque exige souvent moins de garantie matérielle, préférant prêter sur une base de crédit sélectif. * * * On se trouve donc placé, dans cette analyse, en face de l'hypothèse suivante: le prêt personnel, tel que pratiqué à l'heure 1. Seule année pour laquelle le renseignement est disponible. 303

L'ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE présente, ne serait-il pas devenu, pour les banques, le placement le plus rémunérateur, occupant ainsi la place traditionnellement réservée au prêt industriel? Problème difficile à résoudre s'il en est un, étant donné la disette de renseignements sur les aspects financiers du commerce bancaire. Problème essentiel, cependant, puisqu'il se situe au cœur de la politique monétaire, au niveau des banques à charte. Dans un contexte où le prêt industriel demeure le placement bancaire de premier ordre, la monnaie tend à circuler de la banque vers la production pour enfin toucher le consommateur. En d'autres termes, le crédit bancaire sert à financer directement un accroissement de production et, par ricochet, à distribuer un pouvoir d'achat supplémentaire. La transformation de la monnaie en pouvoir d'achat est cependant retardée. Dans la mesure, alors, où une forte expansion des affaires rend nécessaire des mesures de restriction du crédit qui, à leur tour, agissent dans le sens d'une limitation du prêt personnel, on arrive à cette situation paradoxale d'une consommation qui tend à s'essouffler, à un moment où l'on a besoin de marchés plus étendus. Ce qu'il faut retenir, quant au fonctionnement du système, c'est que, d'une part, un rajustement s'effectue, en période de contraction monétaire, du côté du prêt à la consommation. Il est difficile d'apprécier dans quelle mesure cela contribue à former un goulot d'étranglement puisque, même si les banques fournissent une partie importante du crédit à la consommation, elles ne sont pas les seules. D'autre part, les mesures propres à freiner brusquement toute expansion monétaire sans provoquer un renversement de la conjoncture, comme ce fut le cas en 1959, gardent toute leur efficacité, la majorité des prêts bancaires étant remboursables à très court terme. Si, au contraire, les banques préfèrent en tout temps le prêt personnel au prêt industriel, en raison d'une rentabilité accrue, la monnaie aura de plus en plus tendance à atteindre la consommation sans passer par la production. Il y a, d'une part, un renversement complet du mécanisme traditionnel. Dans ce cas, en effet, il y a activation immédiate, même en période d'expansion, de la demande globale de biens et de services, puisqu'il y a création instantanée de pouvoir d'achat. Il y a aussi stimulation des acti- 304

COMMENTAIRES tivés de production. Mais on pose alors le problème du financement de la production supplémentaire. Le rajustement aux restrictions de crédit, qui se faisait auparavant par le prêt personnel, se fait dorénavant par le prêt industriel, les banques utilisant leurs liquidités à soutenir l'effort de consommation. D'autre part, l'efficacité de la politique monétaire pourra être dangereusement compromise dans la mesure où, les banques s'étant accaparées d'une large part du crédit à la consommation et les prêts personnels constituant un pourcentage relativement très élevé de l'actif des banques, il deviendra pratiquement impossible à la banque centrale de freiner brusquement tout accroissement du crédit bancaire sans bloquer l'expansion, l'échéance moyenne des prêts personnels se situant entre un et trois ans. Comme on s'en rend compte, des changements majeurs risquent de s'être produits, depuis cinq ans, dans le fonctionnement et, par suite, dans l'efficacité de la politique monétaire au Canada. Il serait important de s'en assurer. Jean McNEIL 305