Introduction à la sociologie Séance 8 : Contrôle social, normes, déviance Arthur Vuattoux - vuattoux@univ-paris13.fr
Contrôle social, normes, déviance Trois concepts étroitement liés Norme sociale : «Principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou à une société. Les normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et légitimé par le système de valeurs propre à chaque société ou à chaque groupe social. Les normes sociales sont intériorisées par les individus au cours de la socialisation et régulent les comportements par des sanctions positives ou négatives, formelles ou informelles, quand il y a transgression ou non-conformité» (Alpe et al.) Contrôle social : «Le contrôle social peut être défini comme l ensemble des dispositifs employés dans une société pour assurer la cohésion sociale et assurer le respect des règles édictées. [ ] Le contrôle social s exerce à différents niveaux dans la société (de la mère qui surveille son enfant aux vérifications d identité pratiquées par les forces de police), de façon diffuse (le regard réprobateur d un inconnu) ou par une instances spécialisée (le jugement prononcé par un tribunal). Ces types de contrôle social extrêmement variés renvoient ainsi à l existence de normes diverses» (Riutort) Déviance : «La déviance désigne l ensemble des comportements qui s écartent de la norme sociale et qui, à ce titre, font l objet d une sanction» (Riutort) Exemple : les normes de la minceur
La sociologie de la déviance Notion de «déviance» = pas de connotation morale négative, mais simplement l écart constaté par rapport aux normes sociales généralement admises Domaine d étude très vaste, issu de l École de Chicago en sociologie (années 1920, puis surtout, 1960) Travailler sur la déviance -> travailler sur les normes sociales -> travailler sur la normalité
Différentes manières d envisager la déviance Entrée théorique et empirique par les individus, le milieu ou la société La déviance comme produit de la structure sociale (inégalités) ou comme effet de pouvoir (pouvoir de nomination : qui est déviant et qui ne l est pas) Différentes théories concurrentes : Théorie de la désignation (labeling theory) Théorie de la construction sociale Théorie des sous-cultures déviantes (ex. Gérard Mauger)
Labeling Theory (ou théorie de l étiquetage) «Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme déviants. De ce point de vue, la déviance n est pas une qualité de l acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l application, par les autres, de normes et de sanctions à un «transgresseur». Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette (...) La déviance est une propriété, non du comportement lui-même, mais de l interaction entre la personne qui commet l acte et celles qui réagissent à cet acte» (Howard Becker, Outsiders).
Une version radicale de la labeling theory : la théorie constructiviste Enfin, une manière de concevoir la délinquance à partir de la notion de sous-culture délinquante, cf.gérard Mauger
Déviance, contrôle social et normes sociales en matière de parentalité La sociologie de la déviance s est penchée sur des objets du quotidien, pas uniquement sur le crime ou la délinquance Un exemple : la recherche sur les normes de la parentalité (= fait d être parent, d agir en tant que parent) Référence : Benoît Bastard, «Une nouvelle police de la parentalité?», revue Enfances, Familles, Générations, n 5, 2006.
Une diversification des formes de famille La fin du mariage traditionnel (obligatoire et durable) De nouvelles for mes de c o n j u g a l i t é ( c o u p l e s à distance, conjugalité nonc o h a b i t a n t e, c o u p l e s homosexuels, etc.) Le moment qui «fait» la famille semble désormais être l accès à la parentalité, et non le mariage
Après le déclin du mariage, la parentalité comme moment fondateur du sentiment d appartenance à une famille Affirmation des droits de l enfant (années 1970) Technicisation des normes de la parentalité (soin à accorder aux enfants, démarches à opérer) Nouvelle configuration des rapports de genre où les hommes sont davantage impliqués dans le soin aux enfants (même si des inégalités demeurent) Les «parents» remplacent progressivement, dans le cadre légal, les notions genrées de «père» et de «mère» : neutralisation de la parentalité du point de vue du genre
Des aspects «positifs» à cette promotion de la parentalité (comme l égalité entre femmes et hommes dans le soin aux enfants) Mais une multiplication de normes sociales qui peuvent être perçues comme oppressantes par les individus Exemple : les normes du divorce / obligation de négocier et de s entendre en cas de divorce Faire un enfant est, du point de vue des normes imposées par l État, plus «engageant» que toute forme de contrat conjugal (PACS, mariage, etc.)
Les normes de la «bonne parentalité» en images Illustration n 1 : campagne anti-tabac (Norvège)
Illustration n 2: campagne pro-allaitement (Ville de New-York)
Une sociologie de la déviance aux objets très divers La nécessité, pour le sociologue, de ne pas s aventurer dans le jugement : les normes sociales disent quelque chose de la société, elles informent sur son fonctionnement, elles ne doivent donc pas en soi être considérées comme «bonnes» ou «mauvaises»
«Tuer son voisin, renverser volontairement du chocolat fondu sur une moquette blanche au cours d un repas, chahuter en classe, être homosexuel, commettre un hold-up dans un bureau de poste, oublier de fêter l anniversaire d un proche, tricher dans une partie de dominos entre amis, s adonner au commerce de stupéfiants ou se prostituer, se moucher au milieu d un concerto de violon. Le quotidien nous expose à d innombrables écarts de conduite qui, d une manière ou d une autre, rompent ce que l on tient pour le cours ordinaire des choses. Ces ruptures ne nous paraissent pourtant pas toutes d égale gravité. Les manquements aux règles de la bienséance, de la politesse et de l honneur se distinguent des agissements qui portent atteinte à la propriété privée, à l intégrité physique ou à l ordre public. Si l habitude nous fait considérer les infractions aux exigences de l étiquette comme des faits difficiles à apparenter à des crimes, c est peut-être que le recours à la procédure pénale est, peu à peu, entré dans les moeurs et que ce qui paraît aujourd hui devoir lui échapper est abandonné aux formes communes de la réprobation sociale. Condamner la conduite d autrui est cependant un acte banal. Réprimander, réprouver, blâmer, discréditer, punir, châtier, corriger, redresser : une infinité de façons de faire savoir à un individu que son comportement est inacceptable nous est disponible. Mais, quelle que soit la forme sous laquelle elle s exprime, la réaction est identique : lorsqu une conduite déroge à ce qu il faudrait qu elle fût, elle donne lieu à une sanction. Or, pour qu une sanction soit prononcée, une première condition semble être requise : qu une idée préalable de ce que le comportement idéal devrait être habite l esprit de ceux qui l infligent comme celui de ceux qui s y soumettent. En d autres termes, il faut que préexiste une norme à l aune de laquelle puisse se mesurer un écart ; et que cette norme soit suffisamment publique pour que la sanction soit comprise en tant que telle». in: Albert Ogien (1995). Sociologie de la déviance, Paris: A. Colin, p.5.
Définitions à retenir Norme sociale : «Principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou à une société. Les normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et légitimé par le système de valeurs propre à chaque société ou à chaque groupe social. Les normes sociales sont intériorisées par les individus au cours de la socialisation et régulent les comportements par des sanctions positives ou négatives, formelles ou informelles, quand il y a transgression ou non-conformité» (Alpe et al.) Contrôle social : «Le contrôle social peut être défini comme l ensemble des dispositifs employés dans une société pour assurer la cohésion sociale et assurer le respect des règles édictées. [ ] Le contrôle social s exerce à différents niveaux dans la société (de la mère qui surveille son enfant aux vérifications d identité pratiquées par les forces de police), de façon diffuse (le regard réprobateur d un inconnu) ou par une instances spécialisée (le jugement prononcé par un tribunal). Ces types de contrôle social extrêmement variés renvoient ainsi à l existence de normes diverses» (Riutort) Déviance : «La déviance désigne l ensemble des comportements qui s écartent de la norme sociale et qui, à ce titre, font l objet d une sanction» (Riutort)