ENJEUX ET PRATIQUES DE L ASSAINISSEMENT EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

Documents pareils
Un Aperçu de la Situation de l'assainissement en Afrique

S engager pour la survie de l enfant: Une promesse renouvelée

OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT

Le bac à graisses PRETRAITEMENT. Schéma de principe. Volume du bac à graisses. Pose

L eau c est la vie! À l origine était l eau... La planète bleue. Les propriétés de l eau. L homme et l eau. ... et l eau invita la vie.

Guide d entretien. de votre assainissement non collectif

Protection du personnel

United Nations, World Population Prospects, CD ROM; The 2008 Revision.

LE SECTEUR DE L EAU EN JORDANIE : ENJEUX ET ENSEIGNEMENTS. Présentation des enjeux du secteur

p. 4-5 p. 6-7 p. 8-9 p

VILLE DE SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS MISE EN CONFORMITÉ DE L ASSAINISSEMENT INTÉRIEUR D UNE PROPRIÉTÉ

Les durées d emprunts s allongent pour les plus jeunes

Sommaire INTRODUCTION / Le contexte général de la commune / L état des réseaux / Le diagnostic des ouvrages d épuration...

ont besoin d eau potable

En Afrique, les opportunités d emploi offertes aux femmes proviennent à 92 % de l économie informelle (estimation). JORGEN SCHYTTE/Still Pictures

D A N S L E S PAY S F R A N C O P H O N E S

UNE MEILLEURE CROISSANCE, UN MEILLEUR CLIMAT

LES EAUX USÉES. L évacuation des eaux usées. Les eaux vannes (EV) : eaux provenant des cuvettes de WC.

La République centrafricaine perd 13,2 milliards XAF chaque année à cause d un mauvais assainissement

Glossaire : définitions des termes utilisés dans les fiches sur les indicateurs de performance

La République du Congo perd 72,5 milliards XAF chaque année à cause d un mauvais assainissement

Votre installation septique l essentiel à savoir!

REGLEMENT DU SERVICE DE L'ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF. Obligations des propriétaires. Dispositions générales

Note de présentation du Projet d évaluation d un programme communautaire d hygiène et assainissement au Mali.

GUIDE DE L'ÉCO-PRESTATAIRE

Le système de protection sociale en santé en RDC

ASPECTS JURIDIQUES DE L ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF

Enjeux et Perspectives de la composante «Environnement Santé» du Plan d Action de l Initiative Environnement du NEPAD

au concept de «développement durable» Pour une éducation ouverte sur le monde

Règlement du service public d assainissement collectif des communes de l ÉTOILE

Burkina Faso Profil pays EPT 2014

DONNER NAISSANCE NE DOIT PAS ÊTRE UNE QUESTION DE VIE OU DE MORT

Environnement. préservé CONTACT LE SERVICE DE L ASSAINISSEMENT ET VOUS

TNS. BFM LE GRAND JOURNAL Le 14/01/ :17:51 Invité : Thierry VANDEVELDE, fondateur VEOLIA FORCE

Chapitre 6. Le calcul du PIB, de l inflation et de la croissance économique. Objectifs d apprentissage. Objectifs d apprentissage (suite)

Installations de plomberie

Comptes rendus d Activités Techniques et Financières du Service de l Eau Potable Année 2004

LES DTU PLOMBERIE SANITAIRE

Comment les pauvres gèrent-ils le risque?

Page 02 Page 05 Page 08 Page 11 Page 13 Page 15 Page 17 Page 20 Page 28 Page 32 Page 34 Page 36 Page 37

Thème 2 : Le rôle du «secteur informel» dans l intégration régionale

Le système de santé au Cambodge

REUSSIR VOTRE ACHAT IMMOBILIER. Les frais annexes

Économisons. l eau. Une exposition de l agence de l eau Adour-Garonne.

Hausse du crédit bancaire aux entreprises au Canada

Le contexte global. La ressource. I.1 Particularités de la ressource en eau. Superficie : Km 2

Étude auprès de la génération X. Le paiement virtuel et la gestion des finances personnelles

LES RELATIONS ENTRE LE TRESOR PUBLIC ET LA BCEAO

Mon installation d assainissement non collectif PRÉSERVER LA RESSOURCE EN EAU ET RESPECTER LES MILIEUX AQUATIQUES. Guide.

DÉCLARATIONS DU VENDEUR SUR L IMMEUBLE 1 INFORMATIONS GÉNÉRALES VENDEUR 2 / PAR VENDEUR 1 / PAR

Quelles ressources pour vivre seul, en 2014, dans une commune du Doubs? Essai d évaluation

eat recovery system Metos Traitement de Déchets Solus Eco Flex Waste La solution compacte à vos dechets!

RÉSUMÉ DES PRINCIPALES RÈGLES CONCERNANT LE RACCORDEMENT D UNE RÉSIDENCE AU NOUVEAU RÉSEAU D AQUEDUC ET D ÉGOUT DU VILLAGE

Systèmes de stockage simples à installer et économiques

Présentation du Programme

L'assainissement individuel : est-ce une solution archaïque et chère?

Le point en recherche

À LA RENCONTRE D UN CHERCHEUR DE FUITE

Présenté par Stéphane Hurens

Le marketing de l assainissement en pratique! Paris 16/06/2015

Règlement du Service Public Communal de l Assainissement Commune de Vitry sur Seine 1

Evaluation Multisectorielle RRM dans le Groupement de Minime, Bouar, Nana-Mambéré Rapport préliminaire

Couverture du risque maladie dans les pays en développement: qui doit payer? (Paris, 7 mai 2008)

FICHE ROL DEPARTEMENT DU TARN RELEVE D OBSERVATION LOGEMENT (ROL) I:\ENVIR\CB\2008\HABITAT\guide as\fiche ROL.doc

CANADA. Troquer la sécurité humaine contre l équilibre budgétaire

Consultations prébudgétaires

Ameth Saloum NDIAYE. Colloque régional UEMOA-CRDI

REGLEMENT DU SERVICE DE L'ASSAINISSEMENT NON COLLECTIF. ❶ Dispositions générales

West Africa Water Supply, Sanitation and Hygiene (USAID WA-WASH) Program

asdf Deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement Madrid (Espagne) 8-12 avril 2002 madrid

La retraite. n est pas un privilège! Avant-propos. Qu est-ce que le RREGOP? En savoir plus sur le RREGOP pour mettre fin aux malentendus

Uniterres. Rapprocher l aide alimentaire et les producteurs locaux

Fiche 7: Privatisation et eau

Conseil économique et social

L AIDE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE

Pour améliorer la qualité Objectif esthétique pour l eau potable 1 mg/l

ETABLISSEMENT PUBLIC A CARACTERE INDUSTRIEL ET COMMERCIAL Rue Félix CHABAUD VENELLES N SIRET : Code APE : 410 Z

LES OMD EN CHIFFRES. Par Raulin Lincifort CADET INTRODUCTION

Astuces. L eau. moins. dépenser. pour

CARNET D'ENTRETIEN D'UNE INSTALLATION D'ASSAINISSEMENT AUTONOME

Résumé du Cadre stratégique anti-pauvreté des TNO

PRODUITS MORTELS LES PESTICIDES DANS LE COTON

RÉGION OUEST. Assainissement - Hygiène Gestion des déchets Services à l industrie

Corefris RAPPORT ANNUEL Annexe 3 : La hausse des prix de l immobilier est-elle associée à une «bulle» de crédit en France?

Thierry Gallauziaux David Fedullo. La plomberie

L économie Mobile De l Afrique Subsaharienne 2013

Le point sur la couverture du risque maladie au Niger

REPUBLIQUE DU SENEGAL

Règlement numéro LA GESTION DES EAUX DE SURFACE ET LES RACCORDEMENTS AUX SERVICES D AQUEDUC ET D ÉGOUT. Avril 2011

Réussir son installation domotique et multimédia

L'amélioration des performances économiques des territoires : méthodologie des cartes de performance. Application à la liaison Grenoble Sisteron

POLITIQUE D ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

immigration conséquences positives pour les assurances sociales

ATTENDU QU un montant de $ est à pourvoir pour l année 2015, par l ensemble des contribuables de la Municipalité pour la solidarité sociale;

Quel Sont les 7 couleurs de l arc en ciel?

Migration: un plus pour la Suisse Relations entre État social et migration: la position de Caritas

La question sociale globale et les migrations. Présentation de Jean Michel Severino aux semaines sociales, 28 Novembre 2010

ENSAE, 1A Maths. Roland Rathelot Septembre 2010

ANNULATION DE LA DETTE EXTÉRIEURE POUR LES PAYS TOUCHÉS PAR LA MALADIE À VIRUS EBOLA

Règlement du Service Public d assainissement non collectif (SPANC)

Transcription:

ENJEUX ET PRATIQUES DE L ASSAINISSEMENT EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE Martin SEIDL, CEREVE (ENPC-ENGREF-UPVM), 6 et 8 av. Blaise Pascal, Cité Descartes, 77455 Marne la Vallée Cedex 2. Tél : 01.45.17.16.25. Fax : 01.45.17.16.27. Courriel : martin.seidl@cereve.enpc.fr Résumé Cet article a comme objectif de donner un bref aperçu de l état de l assainissement en Afrique de l Ouest et de présenter quelques chiffres issus d une étude réalisée sur trois grandes villes du sous-continent. 1. Enjeux de l assainissement A l`échelle planétaire, 21% de l incapacité de travail due aux maladies provient des facteurs environnementaux. Le taux le plus élevé se situe Afrique de l Ouest, où il atteint 10 fois le niveau européen (Figure 1A). Les problèmes dus à l eau et à l assainissement représentent presque la moitié des facteurs liés à l environnement (figure 1B). A B Autres 13% EAU 48% Blessure 9% Fumée 30% Figure 1: Perte de l activité due aux maladies liées à l environnement dans le monde (A) et importance d un accès adéquat à l eau potable et l assainissement (B), d après WHO (2000) et DFID (2002). Ce constat était un des points de départ pour mettre en place les objectifs du millénaire du développement durable (OMD) pour l eau et l assainissement. Un de ces objectifs est de 17èmes Journées Scientifiques de l Environnement : le Citoyen, la Ville et l Environnement, 23-24 mai 2006, Collection HAL Archives Ouvertes (http://hal.archives-ouvertes.fr/jse2006)

17èmes JSE : le citoyen, la ville et l environnement (23-24 mai 2006) diminuer de moitié d ici 2015 le nombre des personnes n ayant pas accès adéquat à l eau potable et à l assainissement. Le manque d assainissement dans de nombreux pays en développement est un véritable fardeau pour la santé de la population. L absence d infrastructures adéquates d assainissement augmente le risque de contact avec les excréta, qui sont souvent des vecteurs d organismes pathogènes dangereux pour la santé humaine. D après les chiffres de l OMS (OMS et Unicef, 2000) chaque année, environ 4 milliards de cas de diarrhée provoquent 2,2 millions de décès, la plupart chez des enfants de moins de cinq ans, ce qui équivaut un enfant mourant toutes les 15 secondes ou 20 gros porteurs s écrasant chaque jour. Ces décès représentent approximativement 15% de l ensemble des décès d enfants de moins de 5 ans dans les pays en développement. Des interventions portant sur l eau, l assainissement et l hygiène permettraient de réduire d un quart ces risques (Figure 2). Figure 2. L impact de l assainissement sur la santé de la population d après Moraes et al. (2002). L inadéquation d accès à l eau et à l assainissement a un effet multiplicateur au sein de la population. Le récent rapport sur le développement humain (UNDP, 2006) souligne l immensité des pertes subies dans certaines régions les plus pauvres du monde et met en évidence les coûts liés aux dépenses de santé, à la perte de productivité et à l absentéisme au travail. Les pertes subies sont plus importantes dans les pays les plus pauvres. En Afrique subsaharienne, par exemple, elles représentent environ 5 % du PIB, soit quelque 28,4 milliards USD par an, un chiffre qui dépasse le montant total de l aide et de l allègement de la dette alloué à la région en 2003. Ces coûts agrégés dissimulent l impact réel du déficit, car dans leur majorité, les pertes sont supportées par les ménages se situant en dessous du seuil de pauvreté, renforçant ainsi les inégalités sociales sur le plan de santé, de travail et de l éducation. En termes d efficacité, les investissements dans l eau et l assainissement sont en mesure de générer un rendement élevé. 1 USD investi dans ce secteur en rapporte en moyenne 8 grâce à une baisse des coûts du système de santé publique et à la réalisation des gains de productivité. Au-delà du simple profit, l amélioration de l accès à l eau et aux moyens d assainissement peut générer des effets dynamiques à long terme, lesquels stimuleront la croissance économique. 2 / 9

Enjeux et pratiques de l assainissement en Afrique sub-saharienne 2. Les Objectifs du Millénaire pour le Développement A B Figure 3. Le nombre des personnes (en millions) ayant accès à l assainissement adéquat en Afrique sub saharienne (A) et la couverture correspondante sur le continent africain (B), d après WHO et Unicef (2006). A l échelle mondiale, la couverture des services de base et son taux d élargissement sont les plus faibles en Afrique subsaharienne. Entre 1990 et 2004, les efforts consentis ayant permis une augmentation nette de la population desservie de 107 millions, principalement dans les zones urbaines, ont été quasi annulés par l accroissement total démographique de 218 millions de personnes. Ainsi aux rythmes actuels de croissance et d élargissement des services, les OMD pour l eau et l assainissement ne seront pas atteints. Bien que les sources du problème puissent varier d un pays à l autre, on peut indiquer trois raisons principales à ce retard. D abord, rares sont les pays qui accordent une priorité politique à l eau et à l assainissement, deuxièmement, les plus démunies paient souvent les services d eau et d assainissement les plus chers et troisièmement, la communauté internationale n est pas parvenue à accorder la priorité à l eau et à l assainissement lors des partenariats créés autour des Objectifs du Millénaire pour le Développement (UNDP, 2006). 3. Etat de l assainissement Dans les villes d Afrique, en particulier celles d Afrique subsaharienne, la majeure partie des habitations ne sont pas raccordées à un réseau d égout, mais sont équipées de systèmes individuels comme les latrines traditionnelles ou latrines à fosses étanches. Certaines habitations ne disposent d aucun système d assainissement. Une fois remplies, les fosses sont mécaniquement vidangées et leur contenu est rejeté à l extérieur de la ville sans aucun traitement préalable. Ce type de gestion pose un problème sanitaire et environnemental. Mal gérés, les excréta constituent une source des maladies 3 / 9

17èmes JSE : le citoyen, la ville et l environnement (23-24 mai 2006) évidente, multipliant les risques de diarrhées, de fièvre typhoïde ou de dysenterie. Dans le même temps, les boues de vidange contaminent les nappes et les plans d eau, rendant leurs eaux inaptes à la consommation (Morel 2003). Pour mieux comprendre les enjeux d assainissement individuel et collectif une étude a été menée sur trois villes de l Afrique de l Ouest : Yamoussoukro, Cotonou et Ouagadougou. (Gnaboa, 2004; Seidl et al., 2005). L objectif de l étude était, d une part de déceler les usages de l eau au sein des ménages afin de mieux appréhender les flux d eaux usées et, d autre part, d évaluer la perception des habitants de leur système d assainissement. 4. Les flux Nos travaux révèlent, entre autres, que l accès à l eau potable au sein d un ménage n augmente pas nécessairement sa consommation. A Yamoussoukro, 80 % des ménages sont connectés au réseau d eau potable contre 47 % à Ouagadougou et 39 % à Cotonou. La consommation moyenne de l eau est sensiblement identique avec 50 litres par jour et par personne à Yamoussoukro et à Cotonou et 40 litres à Ouagadougou. La ville de Yamoussoukro a été étudiée plus en détail et est comparée ci-dessous avec la situation en France. A. Usage B. Destination 17% 7% lessive vaisselle 15% lessive 8% cuisine 2% divers 2% 33% 23% 20% 16% 7% fosse puisard 4% caniveau bain 73% 7% 8% 13% 68% 49% 19% dehors nature n.d. bain Figure 4: Les différents usages (A) et destinations de l eau (B) à Yamoussoukro en 2005. Le volume total journalier a été estimé à 54 L par personne. 80% des ces besoins étaient couvert par le réseau domestique d eau potable. La figure 4 montre les différents flux des eaux usées pour la ville de Yamoussoukro. L eau consommée est utilisée principalement pour l hygiène corporelle (73%) tandis que 2% servent pour la préparation des aliments et 8% pour la lessive (Figure 4A). Les eaux de bain sont évacuées principalement (68%) via des systèmes enterrés, contrairement aux eaux de lessive 4 / 9

Enjeux et pratiques de l assainissement en Afrique sub-saharienne (Figure 4B). Cette différence est principalement due à l utilisation elle-même et à l endroit de production. Si on regarde ailleurs dans la sous-région on peut constater que les volumes d eau utilisées par jour et par personne et son usage, sont presque identiques. Cependant le devenir des eaux usées est bien différent dans chaque ville. Les eaux de bain sont en général dirigées vers une fosse (septique) ou un puisard, et sont beaucoup plus canalisées à Yamoussoukro qu ailleurs. On trouve la plus grande différence pour les eaux de lessive et les eaux de vaisselle. A Ouagadougou comme à Cotonou ces eaux terminent presque exclusivement dans la cour ou sur la voie publique, contrairement à Yamoussoukro ou elles sont évacuées aussi par caniveaux et puisards. Les différences sont dues d une part à la conception des différentes villes et d autre part à la situation socio-économique des ménages. Yamoussoukro est une ville nouvelle, construite pour les fonctionnaires de l état, tandis que les autres villes connaissent une histoire coloniale et une croissance due à l exode rural. Au sein de la population elle-même, on peut observer un autre clivage, de type économique. Prenons Yamoussoukro comme exemple. Bien que tous les ménages soient satisfaits de leur approvisionnement en eau à plus de 75%, cette satisfaction est plus élevée pour les familles avec les revenus plus importants. Ce pourcentage n est que 20% pour l assainissement avec une différence selon revenu encore plus marquée. Cependant même les ménages aux revenus les plus élevés ne sont satisfaits qu à 40% de leur système d assainissement. bain lessive cuisine vaisselle autres toilettes Paris Yamoussoukro L/j/pers 0 20 40 60 Figure 5 : Comparaison Paris Yamoussoukro d après les données des usages de l eau potable pour la région parisienne (SEDIF, SIARL, 2007) et l enquête ménage à Yamoussoukro (Seidl et al., 2005) Pour mieux comprendre les enjeux de l eau et de l assainissement en Afrique de l Ouest, comparons quelques données de Yamoussoukro avec celles de Paris (Figure 5). En région parisienne nous consommons environ 3 fois plus d eau, ce qui revient à environ 2% du revenu minimum, tandis qu en Afrique les coûts sont environ le double, mais sans les services d assainissement et avec un niveau de service d approvisionnement inférieur. On estime que la vidange de la fosse peut augmenter ces frais d environ 25% (10 CFA/jour/pers, Gnaboa 2004). Par ailleurs le nombre de personnes vivant d un seul salaire est au moins deux fois plus important à Yamoussoukro qu en France, ce qui ne fait qu agrandir cette différence. La connexion d eau potable au sein des ménages ne correspond pas forcement aux standards européens. Souvent il s agit d un robinet dans la maison ou dans la cour à partager entre plusieurs personnes. Le fait de ne pas en posséder ne veut pas dire que la famille n a pas d accès à l eau potable. Ceci veut simplement dire que le ménage, doit se procurer l eau 5 / 9

17èmes JSE : le citoyen, la ville et l environnement (23-24 mai 2006) potable auprès de revendeurs et la stocker temporairement avant usage. Ce système alourdi les tâches ménagères, principalement celles des femmes et des enfants et augmente la possibilité de contamination par les pathogènes. La prévalence de la fièvre typhoïde en est un indicateur révélateur (Tableau 1). Tableau 1 : Synthèse d après les données des usages de l eau potable pour la région parisienne et pour la Côte d Ivoire. (D après les sites Internet du SEDIF, de l INSEE et de l INVS en janvier 2007) France Côte d Ivoire Egouts connexion (%) >90 < 10 AEP connexion (%) 95 80 Croissance (% / an) 1 4 Température ( C) 15 27 Bilan hydrique (mm/an) +400 + 200 Eau (L/j/pers) 150 * 54 Revenu minimum et médian. ( / mois) 1000 et 2080 ** 23 et 280 Prix de l eau ( / m3) 4 * 0.65 Fièvre typhoïde ( ) <0.01 *** 25 La figure 6 nous montre que les excréta à Yamoussoukro sont évacués à la hauteur de 8% par un système central. Ce chiffre parait très faible par rapport à la France, mais constitue un taux admirable pour la sous-région. Une minorité de cette population utilise des latrines, dont une petite partie de type VIP. Les fosses sont en principe étanches, recevant les eaux des vannes et une partie importante des eaux grises. Les latrines sont des puits avec une infiltration des excréta liquide et ne reçoivent pas les eaux grises. On remarquera que le volume d excréta, dans les latrines bien conçues, peut être réduit à 30% (Okounde et al., 2002 ; Del Porto et al. 1999). A. eaux usées B. excréta STEP 8% Caniveau 6% STEP 8% Puits perdu 16% Plein air 23% latrine 19% Fosses 42% ND 5% fosses 73% Figure 6 Destinations des eaux usées(a) et des excréta (B) à Yamoussoukro en 2005. 6 / 9

Enjeux et pratiques de l assainissement en Afrique sub-saharienne La figure 7 donne une vue globale des flux des eaux grises et des eaux vannes dans les ménages de Yamoussoukro, tels qu identifiés dans la figure 6. Même si la majorité des ménages sont reliés au réseau d'approvisionnement en eau, seulement 8% bénéficient du réseau d égouts. Cependant 40 % sont canalisés pour un traitement potentiel. Un ménage de 10 personnes dispose de 235 litres par jour dans les fosses (septiques). Compte tenu de la vidange trimestrielle des fosses septiques de volume moyen de 8 m 3 au sein de chaque ménage, nous pouvons en conclure que presque 75% du flux liquide des fosses n est réellement ni collecté, ni traité. On peut ainsi estimer que la majeure partie du flux d azote ne sera pas traitée par ces types de fosses. Si nous estimons la production des eaux grises à 54 L/pers/jour avec une contamination fécale de 10 5 Escherichia Coli/L et si nous estimons la production d excréta à 1 L/pers/jour (Schouw et al., 2002) avec une concentration de 10 8 E. Coli/L, la contamination en pathogènes véhiculée par les excréta est 20 fois plus élevée que celle des eaux grises, bien que leur volume soit 50 fois plus faible. Vu la marge d erreur des chiffres, nous pouvons conclure que le risque majeur de contamination fécale est lié aux excréta solides. Cependant, comme pour l azote une gestion efficace ne se fera qu avec des fosses réellement étanches ou des latrines bien conçues. L estimation de ces flux montre ainsi que le mélange des flux des eaux grise et des eaux vannes au sein d une fosse toutes eaux, augmente les risques de contamination de la nappe aussi bien par les pathogènes qu avec de l azote. eau vanne eau grise traitement transport Fosses 22 17 Caniveau 3 Puisard 8.6 Dehors 12 Latrine traditionnelle 0.17 Fosse 0.73 Réseau 4.3 Latrine VIP 0.02 Réseau 0.08 Brouette ou seau Camion vidange Egout sol traitemen t? support filtrant sol enfouissement sur place 10% Traitement 10% STEP milieu naturel Figure 7Flux d excréta à Yamoussoukro en 2005 en litre par personne et par jour. Les pourcentages pour le traitement des boues et l enfouissement sur place sont des estimations. 7 / 9

17èmes JSE : le citoyen, la ville et l environnement (23-24 mai 2006) 5. En guise de conclusion L étude menée en 2005 (Gnaboa, 2004 ; Seidl et al., 2005 ) en Afrique de l Ouest, montre que Cotonou est la seule des villes étudiées à posséder une station pour le traitement des boues de vidange ; une vingtaine d entreprises viennent y déposer près de 70 % de la production de boues. Le service porte ses fruits. A Cotonou seulement 40 % des personnes interrogées pensent que leurs eaux usées sont mal gérées, alors que ce taux d insatisfaction s élève à 65 % à Yamoussoukro et à Ouagadougou. Cependant 87 % des ménages de Ouagadougou et 78 % de ceux de Yamoussoukro seraient prêts à participer au financement d un système amélioré, contre seulement 21 % à Cotonou. Pour améliorer le système d assainissement, il faut choisir un model. Le model actuel en Afrique de l Ouest est le système individuel, qui si correctement géré, peut donner satisfaction. Cependant si la pression démographique se poursuit, une conséquence inévitable de la densification de l habitat sera la construction d habitations multicouches, comme dans la plupart des mégapoles industrialisés. Ainsi un système central de collecte des excréta deviendra économiquement plus avantageux. Aujourd hui on assiste à cette mutation à Ouagadougou ou le centre sera reconstruit avec de l habitat à plusieurs niveaux, accompagné d un système de collecte et de traitement central. Bien que l habitat se densifie au centre ville, une majorité de la population urbaine vivra dans des zones peu denses ou l assainissement individuel restera en place. Une amélioration de ces structures et de leur gestion sera financièrement plus avantageuse que la mise en place d un système central. Les coûts de la mise en place d un système central ne dépend pas seulement du contexte socio-économique mais aussi de la géographique locale. Dans les trois villes étudiées, une collecte gravitaire sera très difficile du à l absence de dénivelé. De plus à Cotonou la nappe phréatique est affleurante augmentant les fuites intra-réseau. La consommation d eau dans cette région est significativement plus faible qu en France ce qui fera que la formation des dépôts sera plus importante. Mais à part des facteurs augmentant les coûts, il y a d autres aspects pouvant les réduire. Par exemple le réseau pourra se faire avec un diamètre plus réduit donc moins coûteux, ou avec des systèmes condominaux, demandant une participation importante des habitants, réduisant de plus de 30% les coûts de la mise en place du réseau. Cependant un système individuel, comme collectif, mal construit et mal géré entraîne indéniablement une contamination du sous-sol et des ressources en eaux. Pour un système individuel, on optera pour la séparation des flux et la réutilisation, tandis que pour un système central la collecte du plus grand volume est souhaitable. La technologie de traitement ne nécessite pas des prouesses technologiques car la nature peut le faire sous une forme simplifiée comme le lagunage ou la filtration lente. Ces quelques exemples voudraient montrer que des options pour un assainissement adéquat en Afrique de l Ouest existent, sans cependant être nécessairement des copies des systèmes déployés en France. Les usagers locaux sont prêts à payer pour améliorer leur situation, mais les institutions nationales et internationales sont loin d en êtres vaincues. 8 / 9

Enjeux et pratiques de l assainissement en Afrique sub-saharienne Bibliographie Del Porto D, Steinfeld C. (1999). Composting Toilet System Book: A Practical Guide to Choosing, Planning and Maintaining Composting Toilet Systems. EcoWaters 235p. DFID (2003). Health, environment and the burden of disease; A guidance note. Department for International Development of the UK Government, London 62p. Gnaboa Z.-T. (2004). Comment traiter les eaux usées domestiques des fosses toutes eaux? Cas de Yamoussoukro, Cotonou, Ouagadougou., Mémoire de DEA, ENGREF-ENPC, Paris, France, 47p. INSEE (2007). La France en faits et chiffres - chiffres 2004. Institut national de la statistique et des études économiques - www.insee.fr/fr/ffc/accueil_ffc.asp INVS (2007). Institut de veille sanitaire - www.invs.sante.fr Moraes L.R.S, Cancio J.A., Cairncross S., Huttly S. (2002). Impact of drainage and sewerage on intestinal nematode infections in poor urban areas in Salvador, Brazil. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene. Vol. 98, p 197-204. Morel à l Huissier A. (2003). Gestion domestique des eaux usées et des excréta : étude des pratiques et comportements, des fonctions de demande, de leur mesure en situation contingente et de leur opérationnalisation, chapitre 2, PDM-pS-Eau, 197p. Okounde J.-E., Collignon B. (2002). Les entreprises de vidange mécanique des systèmes d assainissement autonome dans les grandes villes africaines. Etude de cas : Cotonou. SETEM-Benin 45p. OMS, UNICEF (2000). Rapport sur l évaluation de la situation mondiale de l approvisionnement en eau et de l assainissement en 2000. Organisation mondiale de la Santé et Fonds des Nations Unies pour l Enfance, 88p. Schouw N.L., Bravo A., Tjell (2002). Technical, economic and environmental feasibility of recycling nutrients in waste. The Science of The Total Environment Vol. 286, Issues 1-3, p 155-166 SEDIF (2007). Syndicat des Eaux d'ile-de-france - www.sedif.com SIARL (2007). Syndicat intercommunal d'assainissement de la région de Lagny-sur-Marne - www.siarl.fr Seidl M., Gnaboa Z., Mouchel J.-M. (2005). Socio-cultural aspects of individual sanitation in West African cities. Proceedings International IWA conference AGUA 2005, October 31 November 4, 2005, Cali, Colombia. CDRom UNDP (2006). Rapport mondial sur le développement humain 2006 : Au-delà de la pénurie: Pouvoir, pauvreté et la crise mondiale de l eau 2006. 64p WHO (2000). World Health Report 2000: Health Systems, Improving Performance. World Health Organization, Geneva. 215p. WHO, Unicef (2006) Joint Monitoring Programme JMP, update august 2006 data for 2004. www.wssinfo.org/en/welcome.html JSE-Seidl-HAL-2007-10-18.doc 9 / 9