Après des années de bouleversements économiques, la crise financière



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Transcription:

172 Krzysztof Pilawski Après des années de bouleversements économiques, la crise financière a frappé la Pologne de façon spectaculaire. Parallèlement à une hausse du chômage et à une diminution de la production industrielle, la crise a entraîné une division entre partisans d une politique libérale et partisans d une politique sociale. En juin 2008, un célèbre journaliste polonais a annoncé dans Polityka, l hebdomadaire le plus influent de Pologne : «un zloty fort, une baisse du dollar, des faibles droits de douane à l importation donnent enfin à des millions de Polonais la possibilité de consommer, ce dont aucune génération encore en vie ne peut même se souvenir. Des millions de Polonais ordinaires sont rapidement entrés dans le monde ludique de la consommation». Moins de quatre mois plus tard, le même journaliste, déclarait : «C est une crise. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu elle se termine à la fin d un cycle économique typique. Elle se traduira par un changement fondamental de mentalité, de civilisation, d idéologie et par un changement géopolitique qui est déjà en partie perceptible». Pendant des mois en Pologne, on a observé avec curiosité le déclin du marché financier aux États-Unis et les épreuves de nombreux citoyens étatsuniens ordinaires chassés de leur maison parce qu ils étaient devenus insolvables. C était, croyait-on, un monde lointain qui n avait rien à voir avec la Pologne. Les bouleversements économiques Le climat social en Pologne, l an dernier, était le meilleur depuis la transformation du système en 1989. Les centres de recherche sur l opinion publi-

173 que enregistraient des niveaux de satisfaction inégalés à la suite de l abolition du communisme et de son remplacement par un nouveau système. En juillet 2008, le salaire moyen en Pologne était équivalent à mille euros. C était 11,6 % de plus qu en juillet 2007. Les augmentations de salaires dépassaient de trois fois le taux d inflation. On pouvait croire que les Polonais allaient bientôt cesser de chercher des emplois mieux payés à l étranger. Augmentation du PIB en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de l Office central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny) Année Évolution du PIB par rapport à l'année précédente (en pourcentage) PIB (en milliards de zlotys) 2001 1 7508 2002 1,4 7811 2003 3,8 8147 2004 5,3 8837 2005 3,2 9677 2006 6,1 10602 2007 6,7 11753 2008 4,8 (données estimées) Salaire annuel moyen en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de l Office central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny) Année Salaire (en zlotys) 2001 2.062 2002 2.133 2003 2.201 2004 2.290 2005 2.380 2006 2.477 2007 2.691 2008 2.944 La hausse des salaires s est accompagnée d une diminution du chômage. En 2008, pour la première fois depuis novembre 1998, le chômage est tombé au-dessous de 10 %. Les travailleurs de la construction, les ouvriers et les

174 Krzysztof Pilawski ingénieurs de nombreux secteurs, les vendeurs et les conducteurs pouvaient choisir parmi de nombreuses offres d emploi. Les employeurs qui souffraient de pénuries de personnel attiraient les employés potentiels avec des salaires élevés. Pendant une courte période, la plupart des Polonais ont pensé que cet état de choses la hausse des salaires et la sécurité d emploi durerait éternellement. Et cette conviction était partagée par les analystes d institutions financières de haut niveau. Le climat social qui en a résulté reflétait l optimisme des consommateurs et cela a été l un des moteurs du développement économique. Les Polonais ont acheté des maisons et des appartements, des voitures, de nouveaux meubles, des téléviseurs à écran plasma et des ordinateurs. Un nombre croissant de personnes ont décidé d aller en vacances deux fois par an à l étranger en été et en hiver. Afin de financer tout cela, ils ont contracté des prêts auprès de banques qui rivalisaient les unes avec les autres et offraient de l argent sans se préoccuper des capacités de remboursement ou des garanties. Taux de chômage en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de l Office central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny) Mois et année Taux de chômage (en pourcentage) Décembre 2001 17,5 Décembre 2002 20,0 Décembre 2003 20,0 Décembre 2004 19,0 Décembre 2005 17,6 Décembre 2006 14,8 Décembre 2007 11,2 Décembre 2008 9,5 La baisse du zloty La baisse du taux de change du zloty à partir du mois d août a été le premier indice de l approche de la crise. En octobre, on a vu pour la première fois des mouvements rapides du taux de change. Certains disaient qu une attaque spéculative sur le zloty avait été lancée par des institutions financières étrangères (en février 2009, la banque Goldman Sachs a révélé qu elle avait atteint un niveau de bénéfice de 7,9 % avec ses opérations sur le zloty polonais). Le zloty a continué à perdre de sa valeur par rapport aux devises étrangères : euro,

175 dollar, franc suisse et livre britannique. Lorsque, à la mi-février 2009, le taux de change est passé à 4,06 zloty pour un euro (en juillet 2008, il était de 3,2 zloty pour un euro), le Premier ministre Donald Tusk a annoncé que le gouvernement interviendrait en vendant des euros si le taux de change tombait en dessous de cinq zlotys pour un euro. Ce point n a pas encore été atteint. Néanmoins la baisse du zloty a été mal accueillie par les citoyens polonais ordinaires qui avaient contracté des prêts pour l achat d une maison ou d un appartement en devises étrangères ; elle a aussi été mal accueillie par les entrepreneurs. Des milliers d entreprises avaient pris des options sur devises avec des banques lorsque le zloty était fort, espérant vendre des euros aux banques à un taux plus élevé que le taux officiel. Toutefois, avec la faiblesse du zloty, le taux de change est tombé beaucoup plus bas que le taux officiel. Des entreprises ont dû vendre des euros aux banques à un taux de change beaucoup plus bas que le taux officiel. Certaines entreprises n ont pas pu honorer les obligations de leurs prises d options sur devises et ont dû déclarer faillite. Ce sont les sociétés dont les propriétaires étaient polonais qui étaient les perdantes ; les vendeurs d options sur devises étaient en revanche des institutions internationales. Quatre-vingt quinze pour cent des accords portant sur des options sur devises ont été conclus en juillet 2008, date à laquelle le zloty était le plus fort. La police polonaise enquête pour déterminer s il y a eu violation de la loi dans cette affaire. Le vice-premier ministre et ministre de l Économie, Waldemar Pawlak, qui est aussi un dirigeant de Polskie Stronnictwo Ludowe (PSL-Parti paysan polonais), parti qui a formé une coalition avec Platforma Obywatelska (PO-Plateforme civique), déclare vouloir annuler les options sur devises qui, selon lui, constituent «un vol aux dépens des entreprises polonaises». La baisse du zloty a entraîné une perte pour plus de 1,3 million de propriétaires d exploitation agricole qui, en fonction de la superficie de leur exploitation, reçoivent des paiements calculés sur la base d une règle de l UE fondée sur les taux de change au 30 septembre 2008. Or la valeur du zloty était considérablement plus faible à cette date qu aujourd hui, et le coût des moyens de production de l agriculture (les machines agricoles, les engrais, etc.) dépend dans une large mesure du taux de change de l euro. Au cours du premier trimestre de 2008, le PIB a augmenté de 6 % par rapport au premier trimestre de l année précédente au cours du deuxième trimestre, de 5,8 %, et au cours du troisième trimestre, de 4,8 %. Ce n est pas avant le quatrième trimestre qu un ralentissement plus important du taux de croissance a été noté avec une augmentation du PIB de 2,9 %. Cependant, par rapport à d autres pays de l Union européenne, ce taux de croissance était encore favorable à l économie polonaise. Le PIB dans la zone euro a diminué de 1,2 % au quatrième trimestre de 2008 alors qu en Pologne il a augmenté de près de 3 %.

176 Krzysztof Pilawski Variation du PIB au quatrième trimestre de 2008 par rapport au quatrième trimestre de 2007 en Pologne et dans certains pays de la zone euro Eurostat et données de l Office central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny) Pays Variations du PIB (en pourcentage) Pologne 2,9 Grèce 2,6 Autriche 0,5 Belgique -0,5 Pays-Bas -0,5 Espagne -0,7 France -0,1 Allemagne -1,6 Portugal -2,1 Italie -2,6 La situation économique de la Pologne est relativement bonne, en particulier par rapport à la situation de la Hongrie, des États baltes, ou de la région orientale de l UE. Variation du PIB au quatrième trimestre de 2008 par rapport au quatrième trimestre de 2007 en Pologne et dans d autres pays de la partie orientale de l UE (Eurostat et données de l Office central de statistiques) Pays Variations du PIB (en pourcentage) Roumanie 4,5 Bulgarie 3,6 Pologne 2,9 Slovaquie 2,7 République tchèque 1,0 Lituanie -1,5 Hongrie -0,2 Estonie -9,4 Lettonie -10,5

177 Diminution de la production industrielle et hausse du chômage Depuis novembre 2008, la production industrielle a chuté. En novembre, la baisse s est élevée à 9,2 % par rapport à novembre 2007 en décembre à 4,4 %, tandis qu en janvier 2009, la baisse s est élevée à 14,4 %. La baisse de la production industrielle est le résultat de la baisse de la demande intérieure et en premier lieu de la situation sur le marché mondial, y compris de la situation dans la zone euro, aux États-Unis et en Ukraine. La zone euro est le principal partenaire économique de la Pologne. Les échanges commerciaux avec l Allemagne représentent à eux seuls un quart de la totalité des échanges commerciaux de la Pologne. La diminution du PIB de la zone euro a entraîné une baisse de la demande pour les produits polonais. Krosno, dans la région de Podkarpacie, avec une population de cinquante mille habitants, a été la première ville polonaise à être gravement touchée par la crise. Dans cette ville qui il n y a pas si longtemps était fière de son très faible taux de chômage (4,9 %), deux mille personnes ont perdu leur travail en quelques mois. Il n y avait plus de demande pour les produits en verre, les amortisseurs, les meubles, les pièces détachées d avion et les yachts fabriqués là-bas. Les salariés licenciés ont considérablement réduit leurs achats ils ont cessé d aller au restaurant, au café ou au cinéma. Cela a généré des pertes d emplois dans le secteur des services et la faillite de petites entreprises. La situation dans d autres petites villes comme Krasnik, Stalowa Wola ou Ostrzeszów, dont l économie dépend d une seule entreprise ou d un petit nombre d entreprises, est similaire. En janvier 2009, il y avait 160 600 chômeurs de plus qu en décembre 2008 et le taux de chômage était de 10,5 %. La crise a aussi aggravé la division du pays entre régions pauvres et régions riches. En janvier, le taux de chômage des voïvodies de Wielkopolskie, Śląskie et Mazovie ne dépassait pas 8 %. Mais dans la voïvodie de Warmińsko-Mazurskie il a atteint 18,1 % et en Świętokrzyskie, Zachodniopomorskie, Kujawsko-Pomorskie, Lubuskie et Podkarpackie, il a dépassé 14 %. Selon les prévisions gouvernementales, le taux de chômage va atteindre cette année en Pologne12,5 % ou 13,5 %. En 2010 il atteindra 14 %, ce qui signifie que plus de deux millions de personnes seront au chômage. Au début du mois de mars, la Gazeta Wyborczaa écrit qu il y aurait des gens prêts à accepter un emploi pour un salaire mensuel équivalant à deux cents euros. Et ce ne sont pas seulement les travailleurs de la construction ou du secteur industriel qui sont en train de perdre leur emploi et par conséquent leur solvabilité. Le groupe touché comprend des jeunes gens dynamiques dont la carrière a été rapidement interrompue par la crise. Ce sont des salariés des banques, des compagnies d assurance, des agences de publicité, ou des gestionnaires d entreprises et des journalistes. Ils appartiennent à des groupes qui sont des enthousiastes du capitalisme et qui sont le cœur de l électorat libéral de la Platforma Obywatelska.

178 Krzysztof Pilawski Donald Tusk s est rendu en Grande-Bretagne avant les élections parlementaires de 2007. En promettant des emplois aux Polonais qui travaillaient làbas, il a tenté de les convaincre de rentrer chez eux après le triomphe de son parti. Il n a plus le même message aujourd hui car beaucoup de ceux qui sont revenus de l étranger sont maintenant au chômage. Les réactions des hommes politiques Le projet de budget pour 2009, établi par le gouvernement en juin 2008, a prévu une hausse du PIB de 4,8 %. En décembre, le projet a été modifié et la hausse prévue du PIB a été baissée à 3,7 % pour 2009. Maintenant, le gouvernement de Donald Tusk prévoit pour cette année une croissance du PIB de 1,7 %. Toutefois, il n est pas improbable que le PIB baisse encore davantage. Un amendement à la loi de finances devrait être prêt d ici le milieu de l année. Jusqu en octobre, le Premier ministre Donald Tusk était encore convaincu que la Pologne était «un îlot de stabilité» au milieu des autres pays développés d Europe et du monde et qu il n existait aucun motif d inquiétude en ce qui concerne la récession des marchés financiers. Il a affirmé que l entrée rapide dans la zone euro était le meilleur moyen pour protéger la Pologne de la crise financière. Il a fixé à la fin 2011 cette entrée dans la zone euro. Le PSL (Le parti représentant principalement les agriculteurs qui bénéficient de paiements à la surface) ainsi que le SLD (Alliance démocratique de la gauche) qui vise à la pleine intégration de la Pologne dans l Union européenne, sont tous deux en faveur d une rapide entrée en «Euroland». Prawo i Sprawiedliwość PiS (Droit et Justice), la principale force d opposition dirigée par Jarosław Kaczyński, a décidé de se servir de la question de l euro comme principal sujet dans le débat sur la crise. Ce débat est sur le point de diviser la société en partisans et en adversaires de l euro aux élections de juin au parlement européen. Selon le PiS et le président Lech Kaczyński, la non-adoption de l euro n est pas la cause de la crise en Pologne puisque les pays qui ont adopté l euro ont des indicateurs économiques pires que la Pologne. Le PiS a exigé un référendum sur l adoption de l euro et a averti que la nouvelle monnaie allait provoquer une avalanche d augmentations de prix et dégrader les conditions de vie des Polonais, en particulier des plus pauvres. Le PO a jugé que l euro n est pas la cause de la récession et a affirmé que le fait de ne pas être dans la zone euro approfondit la crise en Pologne. Cette absence permettrait de spéculer sur le zloty, créerait des menaces d inflation, entraverait la vente rentable des obligations d États qui ont maintenant de solides concurrents sous la forme d obligations émises en euros stables par d autres pays. Le PO associe l introduction de l euro à une meilleure intégra-

179 tion dans l UE, un meilleur climat pour l investissement étranger, des profits pour les entreprises polonaises qui collaborent avec l Euroland, ainsi que la réduction de l inflation et la baisse des taux d intérêt, ce qui stimulerait le développement de l investissement. Invoquant l exemple de la Slovaquie qui a adopté l euro le premier janvier 2009, le PO est convaincu que les menaces de hausses des prix étaient sans fondement. Au fil du temps, le conflit est devenu moins polarisé parce que le PiS n a plus remis en question l adoption de l euro. Il a seulement insisté pour la retarder (jusqu en 2015 ou même plus tard) tandis que le gouvernement reportait la possibilité de l introduction de l euro jusqu en 2012 ou 2013 et il a convenu, en outre, que ce sont les conditions de l entrée de la Pologne en «Euroland» plutôt que la date de l adoption de l euro qui importaient. La conception gouvernementale de la lutte contre la récession est incarnée par le ministre des Finances, Jacek Rostowski (Jan Rostowski-Vincent), un économiste né à Londres, qui a passé la majeure partie de sa vie en Grande- Bretagne. Son néolibéralisme lui a valu le surnom de «Balcerowicz numéro 2». Rostowski a été conseiller de Leszek Balcerowicz lorsque, en tant que vice-premier ministre et ministre des Finances (1989-1991) il appliquait ce qu on a appelé sa «thérapie de choc». Rostowski veut maintenir à tout prix le déficit du budget de cette année à sa prévision de 18,2 milliards de zlotys polonais. À son avis, la Pologne ne peut pas se permettre un déficit plus élevé, en particulier parce que cette année, l État doit vendre des obligations d une valeur de 155 milliards de zlotys polonais pour s acquitter de ses obligations envers des créanciers étrangers, ce qui sera extrêmement difficile en raison de l énorme quantité de titres émis par d autres pays de l Union européenne. Le ministre des Finances affirme que la direction prise par les grands pays européens dans la lutte contre la crise qui est d augmenter la dette publique via l émission de titres est un mauvais choix et que pour la Pologne qui est un pays pauvre, ce serait fatal. Dans son interview à la «Gazeta Wyborcza» du 13 février 2009, Rostowski a déclaré : «Il est trop tôt pour savoir à quels problèmes vont faire face les pays qui sont tellement disposés à accroître leur déficit. Jusqu à ce que nous connaissions ces résultats, il serait aventuriste d augmenter notre dette. La voie polonaise pour sortir de la crise est prudente, elle consiste à accumuler des réserves et à se préparer pour ce qui va sans aucun doute être une période très difficile pour notre économie». «La privatisation est un meilleur moyen d acquérir des moyens financiers que d augmenter la dette» selon Rostowski. Cette année, le ministère du Trésor veut vendre plusieurs grandes entreprises, y compris des entreprises du secteur de l énergie. Le point de vue de Rostowski est partagé par Donald Tusk qui s identifie à l aile libérale depuis le début de la «transformation». Le ministre des Finances est également soutenu par Leszek Balcerowicz qui

180 Krzysztof Pilawski est toujours présent dans les médias. La position des néolibéraux est tellement forte que Rostowski peut déclarer publiquement qu il va utiliser cette occasion pour procéder à «la deuxième transformation» (La première ayant eu lieu en 1990 sous Balcerowicz). Michał Boni est une deuxième figure clé dans le gouvernement Tusk impliquée dans une stratégie anticrise. Il est président du comité permanent du conseil des ministres et un des dirigeants de l équipe de conseillers stratégiques du Premier ministre. Il a également été un associé de Leszek Balcerowicz. Boni est responsable de la politique sociale. Il a joué un rôle crucial dans l adoption d une loi à l automne 2008, qui a privé beaucoup de gens de leurs droits à une préretraite. Une de ses tâches consiste à surveiller les dépenses sociales. En outre, malgré la résistance des syndicats, le gouvernement insiste pour qu on paie chaque salarié la moitié du salaire minimum, indépendamment de son temps de travail : six heures ou quatre heures par jour. Ce montant est égal à 160 euros hebdomadaires. La stratégie du gouvernement Donald Tusk, c est-à-dire la rigueur financière et la privatisation, est soutenue par le grand capital. Un grand nombre d employeurs baissent les salaires et coupent dans les avantages sociaux des salariés. Le but de certains licenciements est de réengager des salariés dans des conditions plus rentables pour les employeurs, plutôt que le désir de faire correspondre le nombre d employés aux commandes passées à l entreprise. Des employeurs ont fait bon usage de la récession pour pousser plus fortement en faveur de changements dans le code du travail, en introduisant entre autres choses ce qu on appelle la flexibilité du temps de travail. Une autre vision de la lutte contre la crise est représentée par le PSL, partenaire du PO dans une coalition. Waldemar Pawlak recherche un élargissement de la base de son parti. Il est très familier avec l environnement industriel de la Pologne et utilise sa position de vice-premier ministre et ministre de l Économie pour devenir le principal porte-parole de l industrie polonaise. Pawlak fait valoir que, à la différence de Rostowski, il ne se concentre pas sur la rigueur financière mais sur la recherche de moyens pour relancer l économie. C est Pawlak qui a préparé le plan anticrise de stabilité et de développement présenté par Donald Tusk à la fin de 2008. Son plan prévoit un financement de l économie polonaise de 91,3 milliards de zlotys dans les années 2009-2010. Le plan suppose des garanties plus élevées pour les prêts accordés aux petites et moyennes entreprises le montant total de l aide, y compris les garanties de prêt, est égal à environ 60 milliards de zlotys. En outre, le plan anti-crise prévoit, entre autres choses, l accélération des investissements réalisés à partir de fonds de l UE (environ 20 milliards de zlotys) et des investissements dans les sources d énergie renouvelable (1,5 milliard de zlotys). Pawlak a été le premier à avoir eu l idée d un remboursement par l État d une partie des prêts hypothécaires contractés par des personnes qui ont

181 perdu leur emploi sans faute de leur part. Cette idée a ensuite été reprise par Donald Tusk comme si elle venait de lui car il a estimé que les bénéficiaires de cette politique seraient les meilleurs supporters de Platforma Obywatelska. La proposition formulée par Pawlak d invalider les options sur devises est de loin le plus audacieux acte d ingérence de l État dans l économie. Le ministre Rostowski s y oppose fermement. Le ministre du Travail et de la politique sociale, Jolanta Fedak de PSL, qui a une attitude plus favorable envers les travailleurs et qui cherche à établir de bonnes relations avec les syndicats, constitue une alternative possible pour le gouvernement Boni. L opposition Prawo i Sprawiedliwość et Sojusz Lewicy Demokratycznej soutenue par les syndicats (y compris par «Solidarité» qui a des liens avec la droite et aussi par «l Alliance polonaise des syndicats» qui est plutôt à gauche) accusent Rostowski de ralentir l économie par la baisse de la demande intérieure. L opposition accuse Rostowski de se comporter comme Balcerowicz, qui en 1997 a été nommé vice-premier ministre et ministre des finances dans le gouvernement de Jerzy Buzek. Elle souligne également que le gouvernement Tusk se concentre sur les réductions, les économies et le «serrage de ceinture» alors que d autres pays cherchent des moyens de relancer leur économie. Politique libérale contre politique sociale Le conflit autour de l euro s oriente vers une division entre les partisans d une politique libérale et les partisans d une politique sociale. Cette dernière est principalement représentée par le PiS, parti conservateur de droite, car le SLD, en raison de longs différends au sein du parti, n est pas en mesure d élaborer sa propre stratégie cohérente anticrise. Le PiS a non seulement un important groupe de représentants au Parlement (156 députés du parlement dans la Diète qui en compte 460 et 38 sénateurs au Sénat qui compte 100 membres), mais il a aussi le soutien du président Lech Kaczyński qui est docteur en droit du travail et adversaire du néolibéralisme, et qui est en faveur d un dialogue social prenant en compte les intérêts des travailleurs. En février, le Président a nommé deux conseillers économiques avec des points de vue similaires. L un des deux est Ryszard Bugaj, bien connu comme militant de l opposition du temps de la République populaire de Pologne. Dans les années 1990, Bugaj a été l un des dirigeants d un parti de gauche appelé Unia Pracy (Union du travail). Il a représenté le parti à la Diète où il était un critique vigoureux de Balcerowicz. Le PiS veut une augmentation du déficit cette année, qui passerait de 18,2 milliards de zlotys à 25 milliards de zlotys. Il est fortement opposé au plan de privatisation du gouvernement et veut plutôt que le gouvernement se concentre sur la protection des emplois et aide les personnes souffrant de la récession, au lieu de se concentrer sur la rigueur budgétaire. Le PiS s est opposé

182 Krzysztof Pilawski (comme le SLD) aux coupes du ministère du Budget de la Défense nationale pour l achat de nouveaux équipements produits dans les usines polonaises. Le 6 mars, lorsque des milliers de membres des syndicats des usines d armement ont protesté à Varsovie en face de la Diète et de la Chancellerie du Premier ministre, un représentant de l Office national de sécurité du Président a accueilli la délégation des syndicalistes et a exprimé son soutien à leur action. Bien que la crise en Pologne ne fasse que prendre de l ampleur, il est visible que la scène politique se divise en deux blocs : le bloc libéral et le bloc social. La Platforma Obywatelska libérale est encore en tête. Selon les résultats des sondages, elle a le soutien de 45-50 % des citoyens. Le PiS a 25 % de soutien, le SLD 8 %, et le PSL 6 %. Le soutien pour les autres partis est inférieur au seuil électoral de 5 %. Les pourcentages risquent de changer cette année. L augmentation du chômage, la peur de perdre son emploi et les difficultés pour trouver du travail, ainsi qu un ralentissement de la croissance des salaires et le coût élevé de la vie sont tous des facteurs défavorables pour le gouvernement, en particulier pour le PO. Le 1 er mars, aux élections présidentielles à Olsztyn, capitale du chômage dans la voïvodie de Warmińsko-Mazurskie, le candidat PSL a battu le candidat PO, malgré le soutien du Premier ministre Donald Tusk. L affaiblissement du soutien populaire pour le PO sera probablement accompagné d une restauration de l influence du PiS. Ce parti a cessé de mettre l accent sur des slogans anticommunistes et se concentre maintenant sur les problèmes économiques. Un nouveau renforcement de l indépendance du PSL au sein du gouvernement de coalition, en tant que parti modéré centriste, pourrait également se produire. Le PSL pourrait prendre la place du SLD en tant que troisième pouvoir politique. Idéologiquement à la dérive, le SLD n est pas en mesure de jouer le rôle de principal groupe d opposition luttant pour l emploi, la protection des plus pauvres et la justice sociale. Les revendications sociales de ce parti ont été reprises dans une large mesure par les frères Kaczynski. D autre part, il n y a pas de parti de gauche qui pourrait remplacer le SLD. Si la crise en Pologne s aggrave, il est plus vraisemblable que ce soit un nouveau parti national catholique qui fasse son apparition plutôt qu un nouveau parti social de gauche. Il est également possible qu une force politique complètement nouvelle émerge des protestations sociales si la situation économique devient très mauvaise (comme le Samoobrona d Andrzej Lepper dans les années 1990). Pour l instant, la situation en Pologne semble être plus stable que le zloty. Aucun parti représenté au parlement polonais ni même les grands syndicats ne sont intéressés à perturber la paix sociale. Les revendications sont modérées. L intensité des conflits est inférieure à ce qu elle était pendant les campagnes électorales de 2005 et 2007. Les forces politiques et sociales au pouvoir comprennent qu une tentative de déstabilisation ne leur profiterait pas, alors que cela avait profité aux institutions financières occidentales lors de l attaque

183 contre le zloty polonais. Au contraire, ces forces comprennent que cela pourrait se retourner contre elles.