Situation économique de la Finlande fin mars 2016 Résumé Avec le retour en 2015 d une croissance positive et des succès annoncés sur le plan des réformes, l horizon semblait s ouvrir pour le gouvernement finlandais mais la fragilité de l ensemble a été relevée par les agences de notation (la Finlande a perdu début mars son AAA chez Fitch ; Moody s a reporté sa décision à début juin). Le gouvernement élu en 2015 peine à faire adopter par les partenaires sociaux les mesures qui doivent permettre de redresser la compétitivité-coût des exportations. La mise en place de l ensemble des réformes structurelles identifiées comme nécessaires est très lente. En revanche, le redressement de la situation des finances publiques également promis par le nouveau gouvernement s est matérialisé dès 2015 et devrait se poursuivre en 2016. Cette austérité budgétaire est cependant de nature à freiner la reprise alors que la Finlande reste le seul pays de l Union européenne (hormis da Grèce) pour lequel la Commission européenne prévoit en 2016 une croissance inférieure à 1%. L économie finlandaise est sortie de la récession en 2015 La Finlande est sortie de la récession en 2015, avec une croissance du PIB de +0,5%, contre -0,7% en 2014 1, alors que le gouvernement avait révisé ses prévisions à la baisse il y a quelques mois et que la Banque centrale, l OCDE, ou encore Nordea, prévoyaient une quatrième année de croissance négative. La croissance en début d année a été plus soutenue que ce qui avait été initialement perçu et Statistiques Finlande a révisé à la hausse les résultats initialement publiés pour les trois premiers trimestres. Les prix à la consommation ont reculé de 0,2%. Le PIB reste inférieur de 5,5% à son niveau de 2008. La croissance a été soutenue essentiellement par la consommation privée (+1,4), ce qui a surpris compte tenu de la situation du chômage (9,4 % en moyenne en 2015 contre 8,7% en 2014, dont un nombre de plus en plus important de chômeurs de longue durée) et des discours sur l austérité. De fait, les salaires ont cru de 1%, le gel négocié au niveau national étant amendé par des accords plus généreux au niveau des branches. Le pouvoir d achat des ménages a aussi été soutenu par la baisse des prix. De plus, les banques ont offert des reports d échéances sur les crédits immobiliers en cours. La consommation publique recule de 0,9 pt sous l effet des premières coupes budgétaires mises en œuvre par le nouveau gouvernement et de la baisse des taux d intérêts. La contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB a été positive, grâce surtout aux exportations de services (+6 %), qui permettent une progression des exportations totales de 0,6 % alors que les exportations de biens baissent de 1,4 %, et à une baisse de 0,4 % des importations. L investissement a continué à reculer (-1,1 après -2,6 en 2014). Pour 2016, le ministère des finances prévoit une croissance de 1,2% alors que la Commission européenne et Nordea ont revu à la baisse leur prévision, à 0,5% (+0,7 pour Danske Bank). Les pressions à la modération salariale et une inflation plus soutenue devraient 1 En mars 2015, la baisse du PIB avait été évaluée à -0,1 mais avait été par la suite sensiblement revue à la baisse. 1
contenir l évolution de la consommation privée tandis que les coupes budgétaires devraient continuer à peser sur la consommation publique. La croissance devrait donc être portée essentiellement par les investissements privés. Plusieurs projets d ores et déjà engagés, dans les secteurs du bois et de l énergie, donnent une certaine crédibilité à ce scénario. Certains de ces investissements se traduisent par une hausse des importations (par exemple le renforcement de la flotte de Finnair) alors que les perspectives en matière d exportations restent peu dynamiques, ce qui devrait peser sur la contribution du commerce extérieur à la croissance. La Finlande peine à redresser sa compétitivité coût et hors coût Les problèmes économiques de la Finlande s expliquent en partie, pour ce petit marché très ouvert sur l extérieur, par les pertes de parts de marché à l exportation (- 24% entre 2009 et 2014), liées à une dégradation de sa compétitivité coût et hors coût et à des problèmes de spécialisation des exportations. Des facteurs conjoncturels comme la récession en Russie se sont ajoutés à ces problèmes structurels. La dégradation de la compétitivité-coût a été imputée aux rigidités du système de négociation salariale, la progression des salaires ayant été très difficile à freiner à la suite de la crise de 2008. Pour assurer à l avenir une meilleure maîtrise de l évolution du coût du travail, le gouvernement, soutenu par la confédération patronale, souhaite que les négociations salariales, actuellement menées au niveau national, soit décentralisées au niveau des branches. Des discussions entre partenaires sociaux sont en cours sur ce point. La hausse des salaires a aussi été plus élevée dans les secteurs de l économie protégés de la concurrence internationale que dans les secteurs exportateurs. Or, les coûts induits pour les entreprises dans leurs achats d input pèsent sur leur compétitivité à l international. Les négociations salariales pourraient donc à l avenir être conduites d abord dans les secteurs exportateurs, qui donneraient ainsi le ton pour l ensemble de l économie, mais cela n empêcherait pas les entreprises d accorder des hausses supérieures, particulièrement si elles sont protégées de la concurrence internationale. L ouverture à la concurrence des secteurs protégés reste donc une réforme essentielle pour la maîtrise des salaires et des prix. Sur ce point, les réformes structurelles recommandées par les organisations internationales avancent très lentement. Par exemple, dans le secteur de la distribution, la libéralisation des horaires d ouverture des magasins ne constitue qu un progrès mineur alors que par ailleurs la concentration risque de se renforcer, Kesko ayant annoncé fin 2015 une offre d achat sur le groupe Suomen Lähikauppa, qui occupe la quatrième place sur le marché. A la suite de cette acquisition, qui doit d abord recevoir l approbation de l autorité de la concurrence (KKV), la part de marché de Kesko dans la grande distribution devrait atteindre 40%, derrière S-Group qui détient 46% des parts de marché. Pour rattraper, par rapport à ses principaux concurrents, la hausse excessive du coût unitaire du travail entre 2007 et 2013, le gouvernement a appelé de ses vœux dès sa formation en mai 2015, un «pacte social» visant à réduire les coûts en allongeant la durée du travail. Diverses mesures ont été discutées entre partenaires sociaux pendant plusieurs mois. Faute de résultats, le gouvernement a menacé à l automne de légiférer dans ce domaine réservé aux partenaires sociaux, et a présenté un paquet de mesures jugées particulièrement draconiennes par les syndicats. Début mars, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur un allongement de la durée annuelle du travail de 24 heures, une réduction de 30% des congés payés des employés du secteur public pour les trois prochaines années, une augmentation de 1,2% des contributions des employés au système de retraite et une diminution du même montant 2
des contributions employeurs, et une augmentation de 0,85% des contributions des employés à l assurance chômage. Cet accord prévoit également un gel des salaires pour les douze prochains mois. L effet de ces mesures sur le coût unitaire du travail doit encore être précisé mais les premières estimations (-3,8/-4%) sont inférieures à l objectif initialement présenté comme nécessaire par le gouvernement, soit une réduction de 5% du coût unitaire du travail. De plus, les syndicats estiment que les pertes de salaires pour les employés (près de 500 euros par an), devraient être compensées par une réduction immédiate de l impôt sur le revenu de l ordre de 500 M à 1 Md d euros. L effet de ce pacte social sur les finances publics serait alors nul voire négatif alors que le gouvernement en attendait des économies de l ordre d 1,5 Md. Le gouvernement a cependant réservé un accueil enthousiaste à cet accord et a annoncé qu il renonçait à légiférer. Les discussions se poursuivent désormais entre les partenaires sociaux au niveau des diverses branches sectorielles mais il n est pas certain, à ce stade, que suffisamment de syndicats adhèrent à l accord final pour que celui-ci soit finalement mis en application. En termes de spécialisation, la restructuration des secteurs du bois-papier vers des produits plus porteurs, par exemple, la pâte à papier, s est poursuivie. Les exportations de produits forestiers ont progressé de 2% en 2015. Les investissements dans le secteur bois-papier repartent et contribueront à soutenir l investissement privé en 2016-2017 avec, par exemple, deux projets majeurs dans la pâte à papier (Finnpulp, 1,4 Mrd et Metsä Group, 1,2 Mrd ). La spécialisation de la Finlande dans les exportations de biens d équipement, qui ne réagissent qu avec retard aux variations de l activité, constitue aussi un frein à la reprise. Les perspectives d évolution sur ce point semblent limitées : la reprise de l activité de terminaux mobiles de Nokia par Microsoft est un échec qui s est traduit par la suppression de plus de 1000 emplois et le nouveau Nokia pourrait redémarrer une production de téléphones mobiles mais il est peu probable qu elle sera localisée en Finlande. Beaucoup d industries ont délocalisé leur production : par exemple, Fiskars vient d annoncer la délocalisation d une partie de sa production en Pologne. Enfin, la récession en Russie et les sanctions et contre sanctions ont conduit à une baisse d un tiers des exportations de la Finlande vers la Russie en 2015. Le déficit public a été ramené en-dessous de la barre des 3% en 2015 Le déficit public est passé de 6,5 Mds d euros en 2014 à 5,7 Mds en 2015, soit 2,7% du PIB contre 3,2% l année précédente, alors que la prévision du ministère des finances était encore de 3,3% en janvier dernier. Un transfert exceptionnel de 0,5 Md d euros effectué par le fonds de pensions d état (VER) est venu réduire le déficit de l Etat central. S y sont ajoutées les premières coupes effectuées dans les dépenses par le nouveau gouvernement, la réduction des dépenses d intérêt sur la dette liée à la baisse des taux, ainsi que des ventes d actifs. Le léger surplus de croissance a par ailleurs soutenu les recettes. Au total, le déficit de l Etat central a été ramené à 3,1% du PIB contre 3,8% en 2015. Le déficit des collectivités locales est inférieur de 0,2 pt de PIB par rapport à ce qui était prévu et par rapport à l année précédente (soit -0,7 contre -0,8% en 2015). Enfin, l excédent des fonds de pension et des fonds de sécurité sociale) continue à se réduire, mais moins que prévu (1% contre 1,3% en 2015). Pour 2016, le ministère des finances prévoyait en janvier dernier que le déficit serait limité à 2,9% du PIB, dont -2,9% pour l Etat central, -0,9% pour les collectivités locales, 1,1% pour les fonds de pension et -0,2% pour les autres fonds de sécurité sociale. Depuis le début de la 3
récession, les évolutions les plus marquantes s agissant de ces soldes ont été le creusement du déficit de l Etat central entre 2012 et 2014 et la baisse des surplus dégagés par les fonds de pension sous l effet de l augmentation du nombre de retraités, de l augmentation du montant moyen des pensions et de la baisse des taux d intérêt. Le déficit des collectivités locales est resté à peu près stable, grâce à des transferts de l Etat central et le surplus des autres fonds de sécurité sociale s est transformé en déficit du fait de la montée du chômage. Des réductions de dépenses de 700 M sont prévues au budget pour 2016. Elles s inscrivent dans le cadre d un plan de consolidation des finances publiques mis en place par le nouveau gouvernement élu en 2015. Ce plan prévoit au total 4 Mds d euros de réduction du déficit public d ici 2019. Pour 2016, les économies proviendront principalement de la désindexation des prestations sociales (-70M ), de la baisse des dépenses d aide au développement (-200M), de certains remboursements de sécurité sociale (-60M), de budgets alloués à l éducation (-150M) et des aides aux entreprises (-80M). Au niveau des collectivités locales, les mesures prévues sont par exemple la réduction du droit d accueil de jour des jeunes enfants dont l un des parents ne travaille pas et la réduction de l encadrement des structures correspondantes. Le coût du chômage, l accroissement des dépenses de sécurité et des dépenses militaires (+100 M), le coût de l accueil des migrants, la hausse des transferts de l Etat central aux collectivités locales (+400M) et le financement de projets destinés à relancer l investissement devraient à l inverse se traduire par une hausse des dépenses. Plus de 620 M sont budgétés pour l accueil des migrants, tant pour les dépenses des administrations centrales que pour les transferts aux collectivités locales à ce titre. 32000 migrants ont été accueillis en 2015 et le budget 2016 est basé sur une estimation de 15000 arrivées en 2016. Enfin, le soutien à l investissement s inscrit dans le cadre d un plan de relance de l investissement de 1,6Md sur la période 2016-2018, dont 1 Md pour le financement de projets (216 M en 2016) et 600M (100M en 2016) pour la réparation d infrastructures routières. Ce plan d investissement doit être financé essentiellement par le produit de la vente d actifs publics. En matière de recettes, le plan de consolidation prévoit essentiellement un transfert de la charge des impôts directs vers les impôts indirects, bénéficiant de façon prioritaire aux plus défavorisés. Par exemple, la hausse des crédits d impôts sur les bas revenus devrait coûter 450 M en 2016. Au total, une hausse des recettes de 400 M est prévue en 2016. Le «budget review 2016» publié par le ministère des finances en janvier contient des précisions sur le budget de l Union européenne et la contribution de la Finlande à ce budget soit près de 2 Mds, dont 129 M pour le rabais du Royaume-Uni. Les financements européens attendus par la Finlande sont estimés à 1,2 Mds. La dette publique est passée de 59,3% du PIB fin 2014 à 63,1% fin 2015. En janvier dernier, le ministère des finances prévoyait une poursuite de sa progression à 64,9% du PIB fin 2016. Au total, l orientation du budget pour 2016 ne devrait pas soutenir l activité. L effet des réductions d impôts pour les bas revenus devrait être annulé par les mesures affectant les prestations sociales, les ménages avec enfants ou encore les étudiants. La part du plan de soutien à l investissement qui doit être mis en œuvre en 2016 est trop faible pour faire une différence. Le conseil d analyse économique de Finlande, organe indépendant créé en 2014, a publié en janvier 2016 un rapport évaluant la politique économique du gouvernement. Il regrette que le programme de consolidation budgétaire se fasse essentiellement à travers des coupes importantes alors qu il 4
existe selon lui des marges de manœuvre pour améliorer l efficacité du système fiscal à travers l harmonisation du taux de TVA par exemple. La réduction du déficit public constatée dès 2015 devrait aider la Finlande dans les discussions avec la Commission européenne à venir au printemps dans le cadre du semestre européen. La Finlande fait en effet partie des cinq pays ayant reçu début mars une lettre de la Commission faisant état de sa préoccupation quant à l évolution préoccupante de leur endettement, lettre qui a été publiée par le ministère des finances. A plus long terme, la soutenabilité des finances publiques nécessite la mise en place de réformes, notamment pour maîtriser l évolution des dépenses liées au vieillissement rapide de la population. Après la réforme des retraites, votée par le Parlement en novembre 2015, le gouvernement de coalition est parvenu fin 2015 à un accord sur les contours de la réforme du système de santé et des services sociaux qui devrait être mise en place en 2019. Cette réforme vise à transférer les responsabilités des municipalités en matière de services de santé et de services sociaux vers de nouvelles structures régionales. La réforme prévoit la création d un nouvel échelon administratif de 18 régions, parmi lesquelles 15 seront chargées de l organisation des services de santé de manière autonome et 3 en collaboration avec une autre région. De nombreux points restent cependant à préciser et même les grandes lignes de cette réforme, telles que le nombre de régions de santé, leur capacité à collecter des impôts, etc., sont toujours débattues au sein du gouvernement de coalition. Une proposition législative est attendue d ici la fin de l année 2016. 5