L Eco-construction : un marché en devenir en pays Sud Charente Accompagnement des Acteurs concernés Note de synthèse des principaux résultats de l enquête de terrain 2 mai 2011 Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 1
Quelques éléments contextuels Depuis l accord de Kyoto, les engagements politiques et les initiatives se multiplient afin de trouver de nouvelles alternatives environnementales, socio-économiques et répondre au défi climatique et énergétique. Le bâtiment en est un enjeu prioritaire, qui fait l objet de changements importants avec la loi Grenelle 2 et la nouvelle réglementation thermique 2012. Le syndicat du pays Sud Charente et ses partenaires considèrent le secteur de l Ecoconstruction comme une vraie opportunité de développement économique pour leur territoire, offrant des perspectives d activités et d emplois non délocalisables. Ils engagent de premières actions en la matière dans le cadre du CLIC, mais constatent des difficultés à mobiliser les professionnels. Aussi, ils acceptent en 2010 la proposition de l Ademe et la Région Poitou-Charentes d être accompagnés par l Ifrée dans leur réflexion stratégique de développement du secteur de l éco-construction. Au regard des enjeux de leur territoire, le Syndicat de pays et ses partenaires dégagent deux axes de travail : 1) L évolution des compétences en matière d éco-construction des professionnels du bâtiment afin d apporter une réponse satisfaisante localement, de préserver des emplois et compétences et de faire de l éco-construction un marché compétitif de demain. 2) Le développement et l acquisition par les professionnels du bâtiment d une approche globale des métiers et travaux sur un même projet (construction et/ou rénovation), dans l objectif de préparer les professionnels aux évolutions des marchés. Quelques éléments méthodologiques Le périmètre d étude Le public : les artisans du bâtiment présents sur le territoire et leurs fournisseurs. La thématique : l éco-construction : la maîtrise de l énergie (conception bioclimatique, isolation, efficacité énergétique), les éco-matériaux (prise en compte des consommations d énergie et de matière nécessaires pour la fabrication, le transport et l élimination) et les énergies renouvelables ; ces différentes techniques pouvant être mobilisées à la fois en construction neuve et en rénovation. Le territoire : le pays Sud Charente. Une démarche collective Le Syndicat de pays met pour condition à cet accompagnement qu il soit une réelle opportunité de travail en partenariat sur le territoire. C est aussi l occasion de préparer le CLIC 2. Un comité de pilotage est constitué : la CAPEB, la FFB, les Chambres consulaires, l AAISC, l Ademe, la Région Poitou-Charentes, le Conseil Général de la Charente, les collectivités. Une démarche par étapes 1. Le recensement de l offre de formation existante en Charente, réalisé par l ONISEP et l ARFtlv (Agence Régionale de la Formation tout au long de la vie). 2. L identification des besoins des professionnels par questionnaires : 296 questionnaires envoyés pour 32 retours, soit un taux de réponse de 10%. 3. L état des lieux des attitudes professionnelles et habitudes de travail, à l aide de 13 entretiens semi-directifs réalisés sur le terrain. 4. L analyse du diagnostic. 5. L élaboration des préconisations d actions, suivie d une restitution finale auprès des élus et des professionnels. Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 2
1 - Les professionnels du bâtiment : qui sont-ils? De très petites entreprises : un unique salarié, le responsable, pour 57% de l échantillon Le CAP est le niveau de formation initiale le plus fréquemment observé Les responsables se situent le plus souvent sur les deux classes d âge suivantes : 41-45 ans et 51-55 ans. Ces responsables misent sur les nouvelles générations et forment des jeunes sous statut d apprentissage ou de contrat de professionnalisation. Des entreprises ancrées sur leur territoire local, développant un marché de proximité, sur un périmètre d une vingtaine de km en moyenne. Une intervention en majorité auprès des particuliers et sur des chantiers de rénovation. En construction neuve, une volonté de se démarquer de la «pratique pavillonnaire» : construire durablement avec des produits de qualité, véritable enjeu de reconnaissance locale. 2 - Les fournisseurs de matériaux : qui sont-ils? Trois catégories de fournisseurs sont observées : La plus représentée : les négociants de matériaux de construction classiques, qui s ouvrent progressivement à la vente d éco-matériaux mais uniquement sur commande. Les négociants spécialisés dans la vente des éco-matériaux, dont l unique représentant en Charente est Ecohabitat à L Isle d Espagnac, les négociants de bois. A noter : les fabricants d éco-matériaux se situent tous à l extérieur de la région et à l étranger, ce qui ne constitue pas cependant un frein à l approvisionnement des fournisseurs. De plus, selon les professionnels rencontrés il y a peu de probabilités à installer en local de tels fabricants, une technique très pointue et très spécifique étant nécessaire. 3 - Le marché de l Eco-construction en pays Sud Charente Avant 2008, le marché est florissant, soutenu par les crédits d impôts. Des entreprises commerciales saisissent cette opportunité économique pour se positionner et vendre, parfois, des offres de services de faible qualité. «Des arnaques» sont alors constatées, créant du tort aux artisans en général et aux éco-produits. Les artisans font état d un sentiment de concurrence déloyale, d un manque de soutien face à ces entreprises commerciales. Ces dérégulations du marché sont fortement accentuées avec la crise de 2008 et demeurent encore à l heure actuelle. Depuis, avec la baisse des crédits d impôts, de la demande et les répercussions «des arnaques», le marché de l éco-construction et les artisans se trouvent fragilisés. Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 3
4 - Le positionnement actuel des professionnels du bâtiment 4.1 Leur investissement actuel du marché Une démarche d économies d énergie respectueuse de l environnement, qui se distingue de l approche de l éco-construction portée par les écologistes militants. 60% des entreprises ayant répondu aux questionnaires, déclarent être positionnées sur le marché de l éco-construction. Les maçons, les plombiers/chauffagistes et les électriciens semblent être plus ouverts à l Ecoconstruction que les menuisiers, les plaquistes, les carreleurs. Pour 1/3 des entreprises, l éco-construction représente déjà plus de la moitié du chiffre d affaires global. Pour les 2/3 restant, ce marché est beaucoup plus variable, voire minimal. D une manière générale, la part de leur activité consacrée à l éco-construction diminue depuis la crise de 2008. Une forte plus-value liée à ce positionnement, celle de développer une compétence, un savoir-faire artisanal et une relation de confiance et de proximité avec le client. Ils découvrent de ce positionnement également une nouveauté : l artisan est interpellé en amont par le client pour un conseil sur la solution la plus optimale au regard de l habitation, puis sur l installation et le service après-vente. Le conseil prend une place prédominante dans l activité des artisans. 4.2 Les éco-produits utilisés Sont utilisés pour : la production d eau chaude et d électricité : chauffe-eau solaire combiné, panneaux photovoltaïques, le chauffage : pompe à chaleur, chaudière à condensation, poêle, chaudière à granulés bois, l isolation et les aménagements intérieurs : ouate de cellulose, chanvre, fibres de bois, fibres de copeaux de bois, fenêtres en PVC 2012, la peinture. 4.3 Leurs pratiques en matière de formation Un nombre très faible de formations suivies, les artisans comptant sur leur expérience et leurs acquis. Les fournisseurs sont la principale source de formation. En général les responsables partent en formation puis forment leurs salariés. Les formations suivies essentiellement dans le domaine des énergies renouvelables. Un intérêt pour les formations permettant d obtenir les certifications et de bénéficier d un appui au conseil, d une reconnaissance et d un moyen de se démarquer sur un marché nouveau. 4.4 Le travail en réseau Une pratique déjà installée mais informelle, ponctuelle et à très petite échelle. Les artisans reconnaissent l atout du réseau pour eux : démultiplication des moyens, échanges, et pour les clients : un seul interlocuteur, une vision partagée du chantier, un gain en efficacité. Le travail en réseau est contraire à leurs habitudes de travail, reconnaissant travailler seuls. Les artisans sont en position de concurrence, surtout en temps de crise. Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 4
5 - Le positionnement à venir des professionnels du bâtiment sur un marché de l Eco-construction en devenir 5.1 Un marché en devenir Les artisans sont conscients et convaincus que le marché de l Eco-construction est le marché de demain, et qu il se développera fortement avec les chantiers d isolation intérieure et extérieure. Ce constat est également partagé par les fournisseurs de matériaux. «C est une évidence. C est le marché de demain. La réglementation l oblige. C est une conviction personnelle : on ne peut plus faire comme avant.» Il est alors important «de ne pas rater le train, sinon l artisan végètera ou disparaîtra», de se préparer, d anticiper ce redémarrage. 5.2 Un souhait, une volonté de poursuivre cette ouverture Le marché de l Eco-construction offre trois grandes opportunités aux artisans : économique : un moyen de se démarquer par rapport aux concurrents, de développer une niche économique et de s ancrer sur le territoire local, sociale : une occasion de revaloriser les métiers du bâtiment mais aussi d une reconnaissance sociale pour l artisan, environnementale : un moyen de réduire ses impacts sur l environnement. 5.3 Des évolutions à venir En effet, cette ouverture au marché de l Eco-construction n est pas sans incidence, elle oblige à des changements de 4 ordres : techniques : acquérir de nouvelles façons de faire liées aux nouvelles réglementations et techniques. culturels : considérer l habitat dans sa globalité. Cette transversalité, distincte de la polyvalence, nécessite un travail en réseau interprofessionnel le plus en amont possible. socio-culturels : adopter un nouveau rapport au client. L artisan est à la fois conseiller, prescripteur, installateur et en charge de la maintenance. environnementaux : avoir toujours le souci d allier environnement et économie. Si l aspect technique est en cours d acquisition pour certains artisans, les éco-produits restent encore méconnus pour d autres. Enfin, les changements d ordre culturel demanderont du temps pour se réaliser et nécessiteront d être accompagnés. Si les entreprises des secteurs plomberie/chauffage, électricité investissent le marché de l Eco-construction, celles des autres secteurs le font de manière très timide. Pourquoi et comment mobiliser l ensemble des professionnels? 6 - Des freins identifiés au développement du marché de l Eco-construction Du côté des clients : - Avant tout un frein économique : des budgets serrés et un coût des éco-produits dissuasif comparé aux produits classiques. - La méconnaissance de ces nouveaux produits et la méfiance suite à la mauvaise presse faite sur certains équipements. Du côté des artisans : - La faible demande ne leur permet pas de se familiariser avec ces éco-matériaux, ils craignent de ne pas les maîtriser techniquement et ne sont pas force de proposition. - La difficulté de s approvisionner en petites quantités, ces produits n étant disponibles que sur commande. Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 5
- Pour certains artisans le fait d intervenir tardivement dans le projet, alors que les choix sont déjà faits, mais ils avouent ne pas chercher à travailler en réseau. - Un sentiment de concurrence déloyale face aux entreprises commerciales, d un manque de référencement, de soutien de l artisanat et du savoir-faire local, mais ils ne se constituent pas en réseau pour faire contrepoids et proposer une offre de service globale et locale. Du côté des fournisseurs de matériaux classiques : - Ne développent pas de stock tant que la demande reste ponctuelle et limitée. - Ne sont pas un frein au développement mais n en seront pas les initiateurs. Du côté des collectivités : - Difficultés pour les artisans à répondre aux appels d offres. - Pour autant, ils considèrent les marchés publics comme un outil pouvant donner l exemple, inciter à l utilisation des éco-matériaux, voire les rendre obligatoire. Du côté de la conjoncture : - Une dérégulation du marché : augmentation des coûts des produits soutenus par des crédits d impôts, profusion d offres de services de faible qualité ; - Un marché fragilisé et déstabilisé par la crise de 2008. 7 - Des leviers possibles Un ralentissement du marché est constaté du fait de la crise de 2008, s ajoute à cela la mauvaise presse faite sur certains produits. Des attentes, craintes et freins sont observés de part et autre entre les clients, les artisans et les fournisseurs, créant une dynamique non vertueuse, non incitative. Pourtant, un potentiel de développement environnemental et économique à venir est identifié : l isolation. Il importe de mettre en place des leviers pour faciliter le redémarrage du marché. Les artisans expriment des besoins de : information, réassurance par rapport aux éco-matériaux, au marché, puis, dans un second temps de formation, reconnaissance et soutien, un acteur pionnier (organisations professionnelles, par exemple) pour relancer le marché, mais cette fois-ci un marché raisonné, organisé, un travail en réseau, même si cette pratique n est pas acquise par tous. L élément déclencheur est la demande. Par la demande, le marché se relancera. Pour se faire, il est nécessaire de sensibiliser les clients, d informer les artisans pour qu ils soient plus «offensifs». Ainsi, deux leviers majeurs émergent : 1. Agir sur la demande, 2. Agir sur le local, le territoire, l organisation des professionnels. Note de synthèse pays Sud Charente 2 mai 2011 Page 6