Décision de la Chambre de Résolution des Litiges ayant siégé à Zurich, Suisse, le 4 février 2005, dans la composition suivante : Slim Aloulou (Tunisie), Président (n a pas participé aux délibérations) Mario Gallavotti (Italie), membre Maurice Watkins (Angleterre), membre Philippe Piat (France), membre Michele Colucci (Italie), membre au sujet d une plainte soumise par le joueur X, Côte d Ivoire, ci-après, le demandeur à l encontre du club Y, Tunisie ci-après, le défendeur concernant la rupture de leur relation contractuelle
Faits Le 1 septembre 2002, le joueur, X, et le club, Y, ont signé un contrat de travail pour une durée de trois ans. Le salaire mensuel convenu était de USD 1 000. En octobre 2003, suite à des reproches sur sa conduite dans la vie privée, le joueur a apparemment été informé verbalement par le club qu il était suspendu jusqu à nouvel ordre. Selon le joueur, ni des raisons de cette décision ni la sanction proprement dite ne lui ont jamais été notifiées formellement. Le joueur avoue cependant avoir été convoqué devant le conseil de discipline du club pour dégradation du logement mis à sa disposition et pour indiscipline. A cet égard, le joueur déclare avoir signé un document par lequel il s engageait à dédommager le club à hauteur de TND 3 000 et à adopter une meilleure conduite, mais il soutient n avoir reçu aucune copie dudit document. Depuis fin octobre 2003, le joueur affirme que, sans que son contrat ne soit résilié, il a été interdit d entraînement, n a disputé aucun match avec le club, a été privé de salaires et de primes et a été expulsé de son logement. Le 20 janvier 2004, le joueur a soumis au club une proposition de résiliation à l amiable, selon laquelle ce dernier devait lui payer ses arriérés de salaires et primes de matches, soit TND 10 850 et résilier formellement le contrat. Cependant, le club n a pas donné suite à cette proposition. Le 15 juin 2004, afin d aboutir à un règlement à l amiable du conflit, le joueur a encore une fois saisi le club par courrier recommandé, mais ce courrier est resté sans réponse. Une copie de ces courriers figure au dossier. Le 14 août 2004, devant sa précaire situation financière et la nécessité de trouver un nouveau club, le joueur a notifié au club la résiliation de son contrat avec une demande de USD 500 000 de dommages et intérêts. Le 24 août 2004, le club Y a saisi la FIFA au travers de la Fédération Tunisienne de Football, informant que le joueur ivoirien avait quitté la Tunisie sans autorisation préalable et écrite du club. Le 6 septembre 2004, n ayant toujours pas de nouvelles de la part du club, le joueur a décidé de saisir la FIFA afin de faire constater par la Chambre de Résolution des Litiges la résiliation unilatérale pour juste motif du contrat qui le liait au club Y, même si la simple application de l article 24 du Règlement FIFA concernant le statut et le transfert des joueurs relatif à la rupture unilatérale pour juste cause sportive aurait pu, selon lui, s appliquer au cas d espèce, n ayant disputé aucun match depuis le mois d octobre 2003. En outre, il a soumis une plainte financière, réclamant o le paiement de tous les salaires et primes de matches, y compris les avantages en nature stipulés au contrat (logement meublé dans un quartier résidentiel à Tunis et un billet d avion Tunis-Abidjan), non versés depuis le mois d octobre 2003 jusqu au 14 août 2004, sachant que son salaire mensuel était de USD 1 000 et qu il estime la valeur d un logement meublé à Tunis à USD 550 ; o le paiement d EUR 1 500 000 à titre de dommages et intérêts pour le préjudice professionnel, moral et financier subi. 2
Finalement, le joueur a demandé à obtenir une lettre de libération du club afin de pouvoir poursuivre sa carrière au sein d un autre club. Contacté par l administration de la FIFA, le club tunisien a contesté les allégations du joueur et a demandé que ses prétentions soient rejetées. Le club a informé que, depuis son recrutement, le joueur a fait l objet de plusieurs rappels à l ordre et que, suite à ses nombreux égarements, il a été convoqué devant le conseil de discipline du club, où il a reconnu ses torts et a demandé clémence. Une copie du procès-verbal de la réunion figure au dossier. Prenant acte de cet aveu et tenant compte du jeune âge du joueur, le club a déclaré lui avoir infligé une sanction pécuniaire à retenir sur ses différentes primes et lui avoir demandé le remboursement des dégâts causés à l appartement mis à sa disposition. Une copie de l état des lieux rédigé par le propriétaire figure au dossier. Selon le club, le joueur n a pas accepté cette décision et il a déserté d une manière unilatérale les entraînements. Le club assure tenir à disposition du joueur ses salaires et primes auxquels il a droit selon son contrat de travail. En ce qui concerne le transfert du joueur au sein d un autre club, le club tunisien a déclaré être disposé à le libérer si une proposition financière intéressante était présentée, cela en dépit des griefs qu il porte à son encontre pour ne pas avoir respecté ses engagements contractuels. Le 19 octobre 2004, compte tenu de la position du club, l administration de la FIFA a demandé à celui-ci plus de précisions pour compléter le dossier, notamment la somme qu il détenait à disposition du joueur, le montant de la sanction pécuniaire infligée par le conseil de discipline, le montant des frais à rembourser pour l appartement, s il existait une copie de la notification des sanctions prises par le conseil de discipline, la date à laquelle le joueur avait déserté et la somme qu il réclamait à titre d indemnité de rupture unilatérale de contrat ou qu il serait prêt à recevoir pour libérer le joueur. Le 25 octobre 2004, le club tunisien a envoyé à la FIFA un courrier dans lequel il déclare que, bien qu il dispose de réponses et de preuves sur les points soulevés, il préfère s en tenir à l acte de résiliation daté du 5 février 2004 signé par le joueur et légalisé par les autorités officielles le 17 mars 2004, selon lequel les deux parties conviennent d un commun accord de mettre fin au contrat et, en contrepartie de sa libération, le joueur donne au club quitus de solde de tout compte pour tous les salaires, primes et avantages antérieurs. Ainsi, le club demande que le litige soit classé. Une copie de ce document figure au dossier. Le 26 octobre 2004, au vu de ce qui précède et de la requête explicite du joueur, l administration de la FIFA s est vue obligée de prendre une décision administrative en ce dossier et d autoriser X à signer avec l employeur de son choix. Le joueur nie avoir signé le document de résiliation produit par le club tunisien et précise qu il ne signe jamais à côté de son nom mais bien en dessous de celui-ci. En outre, le joueur s étonne de la production d un tel document à ce stade de la procédure, alors que le club avait porté plainte à son encontre pour désertion le 14 août 2004 et qu il avait manifesté à la FIFA une position complètement différente jusqu alors. 3
Considérations de la Chambre Les membres de la Chambre, tout d abord, ont confirmé que la Chambre est compétente pour traiter le présent cas conformément à l article 42 du Règlement de la FIFA sur le statut et les transferts des joueurs. Les membres de la Chambre ont dûment noté que, depuis octobre 2003, les rapports de travail entre les parties se sont fragilisés. En effet, le joueur a été appelé à comparaître devant le Conseil de discipline du club en raison de sa conduite et de la dégradation du logement mis à sa disposition. Ceci a été reconnu par M. X. D après le joueur, vers la fin d octobre 2003, le club a cessé le paiement de son salaire et des bonus, il a été exclu de l entraînement avec l équipe et n a été retenu pour disputer aucun des matches du club. De plus, il affirme avoir été expulsé de son appartement. Après cela, des tentatives ont été effectuées par le joueur pour régler cette affaire à l amiable, tentatives qui, selon M. X, n ont pas mené au règlement du présent litige. M. X affirme qu il a résilié son contrat par écrit le 14 août 2004. Le 6 septembre 2004, le joueur s est adressé à la Chambre de Résolution des Litiges, lui demandant de confirmer qu il avait résilié son contrat pour juste motif compte tenu des faits précédemment exposés. En outre, le joueur estime que l article 24 du Règlement concernant le statut et le transfert des joueurs est applicable au cas présent. M. X a aussi déposé une plainte financière portant sur une somme équivalente au total de ses salaires, de ses bonus, de ses frais de logement et de déplacement pour la période allant d octobre 2003 au 14 août 2004. Par ailleurs, le joueur réclame EUR 1,5 million à titre de dommages et intérêts. Le 24 août 2004, le club s est adressé à la FIFA déclarant que le joueur avait quitté la Tunisie sans l autorisation écrite préalable du club. En réponse à la réclamation du joueur, le club Y maintient que le joueur avait été sanctionné par son Conseil de discipline et que, par la suite, M. X s est abstenu de participer à l entraînement des joueurs. Le club Y déclare aussi que les salaires et les bonus auxquels le joueur avait droit conformément au contrat de travail sont à sa disposition au club. La Chambre a noté que le club, à un stade ultérieur de la procédure administrative, a présenté un document signé par les parties concernées, et daté du 5 février, en vertu duquel les parties convenaient de mettre fin au contrat de travail d un commun accord. Qui plus est, toujours en vertu du même document, le joueur donne au club quitus de solde de tout compte en échange de sa libération. Les membres de la Chambre ont reconnu que ce document avait été légalisé par un notaire public le 17 mars 2004 selon le cachet officiel correspondant. 4
A ce sujet, il est dûment noté que le joueur nie avec véhémence avoir signé le document daté du 5 février 2004. M. X affirme qu il ne signe jamais à côté de son nom mais toujours en dessous de celui-ci. En outre, le joueur est extrêmement surpris par la présentation du document par le club à un stade ultérieur de la procédure, sachant que le club a déposé plainte contre lui auprès de la FIFA en août 2004 affirmant qu il avait quitté la Tunisie sans son autorisation écrite. Par ailleurs, le club avait exprimé un tout autre point de vue avant de soumettre le document en question. Les membres de la Chambre ont pris en considération l ensemble des éléments précédemment exposés et reconnu que la position du club tunisien avait changé au cours de la procédure administrative. Cette seule circonstance, toutefois, n implique pas nécessairement que la dernière position du club doive être rejetée. Qui plus est, le club Y a soumis des preuves tangibles soutenant sa position (modifiée). Pour ce qui concerne l accord de résiliation daté du 5 février ayant été présenté par le club, la Chambre a signalé qu il était non seulement signé par le joueur, mais, plus encore, certifié. La Chambre n a donc aucune raison de mettre en doute la légalité et l authenticité du document en question. La Chambre a pris en considération que le joueur nie avoir signé ledit accord de résiliation malgré la certification du document correspondant. A ce sujet, et en sus des considérations précédentes, les membres de la Chambre ont convenu qu il n est pas du ressort de la Chambre d établir si la signature est vraie ou falsifiée. A la lumière des éléments précédemment exposés et compte tenu de la teneur du contrat de résiliation, la Chambre a décidé de rejeter la plainte du joueur. Par ailleurs, la Chambre a confirmé la décision provisoire prise par l administration de la FIFA d autoriser le joueur à signer avec le club de son choix. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges 1. La plainte du demandeur, Monsieur X, est rejetée. 2. Conformément à l article 60, alinéa 1, des Statuts de la FIFA, cette décision est susceptible de recours au Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Le recours devra être interjeté dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision et devra comprendre tous les éléments figurant au point 2 des directives émanant du TAS, dont copie est jointe à la présente. Le recourant dispose de 10 jours 5
supplémentaires à compter de l expiration du délai de recours pour déposer son mémoire d appel contenant une description des faits et des arguments légaux fondant le recours (cf. point 4 des directives annexées). Les coordonnées du TAS sont les suivantes : Pour la Chambre de Résolution des Litiges : Avenue de Beaumont 2 1012 Lausanne Téléphone : +41 21 613 50 00 Télécopie : +41 21 613 50 01 Courrier électronique : info@tas-cas.org www.tas-cas.org Urs Linsi Secrétaire Général Annexe : Directives du TAS 6