Bilan de 4 années de reconnaissance légale de l ostéopathie en France SITUATION GÉNÉRALE DE L OSTEOPATHIE L ostéopathie fait partie des professions libérales réglementées. Les conditions d exercice et de formation de l ostéopathie sont régies par des conditions de diplôme, d inscription administrative et de règles d exercice désormais fixées par un cadre législatif (Loi n 2002-303 du 4 mars 2002 et Décrets n 2007-435 et n 2007-437 du 25 mars 2007, Loi n 2009-526 du 12 mai 2009, Loi n 2009-879 du 21 Juillet 2009 dite HPST) Le dernier texte en date renforce le dispositif en soumettant les établissements de formation agréés par le Ministère de la Santé au contrôle de l'inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS). Par ailleurs, sa rédaction initiale permettait d accroître le nombre d heures de formation - qui doivent être au minimum de 3 520 heures. Mais le Gouvernement, par un décret du 12 avril dernier, et conformément à l avis du Conseil Constitutionnel du 3 février 2011, vient de supprimer l augmentation législative du nombre d heures de formation prévue par l article 64 de la loi HPST. Il appartient désormais au Gouvernement de fixer un référentiel de formation à l ostéopathie conforme au consensus national et international. Les informations relatives à la publication de nouveaux décrets restent contradictoires. La réponse du gouvernement du 1 er mars 2011 à la question parlementaire n 86631 de Monsieur Michel Raison précise «Le Gouvernement n'a pas pour projet de modifier le cadre juridique actuel concernant cette activité». Cependant, la Direction Générale de l Offre de Soins a annoncé successivement aux représentants étudiants puis à ceux de la Fédération Française de l Ostéopathie qu un nouveau décret sur les critères d agrément des établissements de formation est attendu. L ostéopathie est exercée principalement en France par 3 types de praticiens : Des médecins majoritairement issus d une formation complémentaire d environ 300 heures. Des masseurs-kinésithérapeutes issus d une formation complémentaire minimum de 1 225 heures. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 1
Des ostéopathes exerçant à titre exclusif issus de formation qui varient de 2 660 à 4 500 / 5000 heures. Dans certains établissements, les étudiants n ont jamais réellement l occasion de pratiquer l ostéopathie avant de s installer comme professionnel libéral (stages pratiques inexistants). Dans le même temps, une recommandation récente de l Organisation Mondiale de la Santé 1 établit les caractéristiques scientifiques et médicales spécifiques à la profession en fixant le minimum de formation requis à 4 200 heures, dont 1 000 heures de formation pratique. Par ailleurs, la réglementation actuelle relative à la formation des ostéopathes en France témoigne d insuffisances sévères qui ont conduit à l agrément par l état d un nombre important d établissements de qualité particulièrement inégale. Ces carences portent sur la structure même des établissements de formation, sur l absence de référentiel sérieux de formation, sur les compétences réelles à enseigner des équipes pédagogiques et sur les capacités des établissements à offrir de véritables terrains de stages aux étudiants. L Inspection Générale des Affaires Sociales a rédigé en 2010 un rapport relatif au dispositif de formation à l ostéopathie que le gouvernement n a toujours pas rendu public. Néanmoins, le Ministère de la Santé continue à attribuer des agréments parfois même contre l avis de la Commission Nationale d Agrément (commission administrative à caractère consultatif). L ensemble de cette situation est délétère et très préoccupant pour les patients, pour les étudiants, pour les ostéopathes, pour l avenir et la crédibilité de l ostéopathie. Les conséquences en sont multiples. En premier lieu, les patients ne sont pas en mesure de différencier un ostéopathe correctement formé d un ostéopathe qui n en a que le nom, alors qu ils sont de plus en plus nombreux à avoir recours à cette médecine complémentaire. Le nombre total annuel de consultations effectuées par les praticiens exerçant à titre exclusif est évalué pour 2010 à près de sept millions. Aujourd hui en France, toutes les 2 secondes un patient est pris en charge par un ostéopathe exclusif. De plus, la formation de l ostéopathie se dégrade. Les établissements de formation agréés sont désormais au nombre de 53 en France (auxquels il convient d ajouter 14 diplômes interuniversitaires de médecine manuelle-ostéopathie), chiffre qui représente 70 % du nombre total d établissements dans le monde.. La démographie professionnelle est invasive. Les chiffres sont alarmants. Au 1 er Mars 2011, la France comptait 14 550 titulaires du titre d Ostéopathe (à titre de comparaison le Royaume-Uni compte un peu plus de 4 000 ostéopathes). Les projections actuelles permettent d évaluer le nombre d ostéopathes à 25 000 en 2016, si le nombre d établissements reste identique et que les promotions d étudiants conservent la même taille. 1 http://www.who.int/medicines/areas/traditional/benchmarksfortraininginosteopathy.pdf FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 2
Les établissements en prise directe avec les lois du marché, sur un secteur non soumis à un contrôle de conformité effectif, visent pour une grande majorité une rentabilité au détriment de la qualité des études. Dans de nombreux établissements, les enseignants sont peu ou mal formés et les étudiants ne reçoivent que peu, voire pas d enseignements pratiques individualisés. Cette situation imposera, à très court terme, une forme de concurrence déloyale aux établissements de formation aux standards les plus élevés qui de ce fait risqueront de disparaître au profit des établissements aux charges fixes faibles délivrant un enseignement de piètre qualité. Ensuite, le nombre important de jeunes professionnels entrant sur le marché ne leur permet plus d atteindre un seuil de viabilité dans leur activité professionnelle. Ils se retrouvent donc, après plusieurs années d études et un investissement financier personnel de plusieurs milliers d euros (jusqu à plus de 40 000 euros), dans l obligation de pratiquer de «petits boulots» en parallèle à leur profession d ostéopathe ou de se réorienter vers d autres professions. Notons au surplus que du fait de la particulière professionnalisation de la filière ostéopathique, ces jeunes diplômés éprouvent les plus grandes difficultés à trouver un reclassement professionnel. Enfin, une évolution de l environnement professionnel et des conditions d exercice s imposeront pour apporter aux patients de l ostéopathie une égalité de droits face à l offre de soins et une harmonisation de la qualité afin d offrir les plus sérieuses garanties de sécurité dans leur prise en charge. A cette fin, un dialogue sera à engager avec tous les acteurs de l environnement de la santé pour aborder des sujets aussi cruciaux que l indemnisation au titre de l aléa thérapeutique, le partage du secret médical avec les professions de santé partenaires ou l intégration d ostéopathes dans des entités relevant de la gestion ou de l engagement des pouvoirs publics (maisons de santé). A court terme et au regard de la situation actuelle, la profession ne sera pas en mesure de garantir aux patients une homogénéité des pratiques et une qualité des soins sans une volonté et une intervention forte du Ministère de la Santé en faveur de la maîtrise de la démographie et des standards de formation. Demain, l urgence pour les ostéopathes et les étudiants en ostéopathie réside dans l émergence, en collaboration avec les pouvoirs publics, d une filière complémentaire de soins cohérente et moderne conforme aux attentes de vos électeurs. ETAT DES LIEUX DE LA FORMATION Aujourd hui, les pouvoirs publics semblent hésitants sur la direction à prendre pour encadrer la profession d ostéopathe et paraissent tentés par une certaine forme de dérégulation. A partir du mois d août prochain et si le ministère ne prolonge pas par voie d arrêté les agréments courants les établissements de formation devront de FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 3
nouveau se soumettre à la procédure d agrément. A la différence de 2007, ces établissements sont tous en exercice officiel depuis 4 ans. Le Gouvernement sera par conséquent tout à fait légitime à exiger la production de pièces justificatives permettant d attester la réalité des déclarations (bulletins de salaires des enseignants, activité des lieux de stages, détails des coûts de formation, etc.). 1) La structure des établissements a) Faire respecter les textes De nombreux établissements, malgré l obligation fixée par la réglementation (respect des articles L 731-1 à 17 du Code de l Education, notamment L 731-2), ne sont pas inscrits au rectorat. Nombre d entre eux sont inscrits au Ministère du Travail, ce qui les place en situation de ne pouvoir délivrer un diplôme. En effet, l article L 6313-1 du Code du travail, relatif à la formation continue, dispose que les établissements de formation continue, à ce titre répertoriés auprès des services du Ministère du Travail, ne peuvent délivrer de diplôme que dans le cadre de la Validation des Acquis de l Expérience, et à la condition d être enregistrés auprès du Répertoire National de Certification Professionnelle. Et quand le pouvoir judiciaire a sanctionné des carences de l administration en annulant des agréments, le Ministère de la Santé a riposté en les restituant sous quelques mois sans concertation et sans répondre aux demandes d informations des organisations professionnelles. b) Locaux La réglementation actuelle est discrète quant aux caractéristiques des locaux dédiés à l enseignement de l ostéopathie. Si un point concerne «La description des locaux et des matériels pédagogiques», il n est nulle part exigé que ceux-ci soient permanents, conduisant nombre d établissements agréés à dispenser leur formation dans des hôtels ou des lieux loués pour l occasion, ce qui nuit à la pérennité du dispositif et restreint fortement l éventail des modalités pédagogiques. c) Transparence financière de l établissement La réglementation en vigueur ainsi que son interprétation par la DHOS-DGOS sont trop imprécis sur la transparence financière des établissements. Il apparaît pourtant primordial qu un contrôle puisse être effectué sur les comptes de l établissement de formation afin de garantir la pérennité de la structure et la capacité de l établissement à honorer durablement ses engagements à l égard des étudiants. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 4
2) Programme de formation La réglementation en vigueur est imprécise sur le référentiel de formation, auquel il est juste fait mention sans pour autant être vraiment décrit, tout au plus les unités de formation donnent-elles l intitulé des matières. Afin de contrôler tout risque de dérives, l élaboration d un référentiel de formation détaillé, figurant dans les annexes des futurs décrets et arrêtés, est nécessaire. Dans le «Benchmark for training in Osteopathy», seul document international institutionnel, l OMS fixe à 4 200 heures, dont 1 000 heures de pratique clinique, le cursus minimum de formation pour devenir ostéopathe. En l absence de document institutionnel européen ou français, le «Benchmark for training in Osteopathy» constitue dorénavant une référence incontournable. Un référentiel de formation français est en cours de rédaction, sous l autorité d un expert reconnu dans le monde de la pédagogie ; il devrait être publié dans les prochains mois. 3) Capacité pédagogique de l établissement De nombreux manquements ont été, sinon constatés, au moins suspectés dans le respect du cahier des charges pédagogiques réglementaire des établissements de formation. Des témoignages ont été recueillis, confirmant ces suspicions, tandis que certains calculs portant sur les déclarations des établissements démontraient le caractère fantaisiste de leurs prétentions. Enfin, l une des grandes carences de la réglementation relative à l ostéopathie réside dans l absence de critères de qualification nécessaire pour enseigner. Alors qu un des points clefs de la formation en ostéopathie est constitué de la qualité, de la quantité et de la diversité des terrains de stages, la réglementation en vigueur relative à la formation pratique des ostéopathes manque considérablement de précision. C est ainsi que de jeunes professionnels obtiennent leur diplôme d ostéopathe sans avoir vraiment eu l occasion de soigner de véritables patients. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 5
CONCLUSION En synthèse, Il convient de souligner l urgence des mesures à prendre pour garantir une égalité de soins à tous les citoyens ayant recours à l ostéopathie. Un bilan de la situation permet d affirmer que : la qualité de la formation va en se dégradant ; l avenir des jeunes ostéopathes est en péril ; la profession est en danger ; la sécurité des patients risque d être fortement compromise. Les pouvoirs publics estimeront probablement nécessaire de prolonger les agréments des établissements de formation en vigueur. En effet, et même si l on considère l hypothèse favorable selon laquelle la DGOS aurait déjà travaillé sur la question, l appropriation par le gouvernement du référentiel de formation en cours de rédaction par la profession et la formalisation de critères d agrément juridiquement stables prendront du temps. Le contrôle par une autorité a été prévu par la loi, un rapport a été commandité, des conclusions ont été présentées au Ministère de la Santé. Une diffusion rapide des préconisations de l IGAS pour la formation en ostéopathie offrirait des prospectives objectives sur l évolution de la formation des ostéopathes. De graves dysfonctionnements aboutissent aujourd hui à une situation dont les conséquences doivent être évaluées dans les plus brefs délais. Les responsabilités doivent, dès à présent, être identifiées pour apporter une remédiation à une situation déjà préoccupante qui ira en s aggravant si aucune mesure n est prise. Il s agit d un problème de santé publique, d une question d intérêt général. En effet, la sécurité des patients est en jeu. En outre, les enjeux sociaux qui sont mis en balance sont majeurs, ils concernent l avenir d une profession et de milliers de jeunes. En l état, il semble indispensable que le Parlement, qui a pris position de manière courageuse dans la loi HPST, s empare de la question, afin d identifier avec précision les erreurs commises dans la gestion du dossier de l ostéopathie en France, et émette des suggestions pour remédier aux dysfonctionnements avérés actuels et propose un dispositif global et cohérent pour l ostéopathie et les ostéopathes au plus grand bénéfice des patients citoyens. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 6
QUESTIONS PARLEMENTAIRES 1) Etudiants M. attire l'attention de Monsieur le Ministre du Travail, de l Emploi et de la Santé sur les préoccupations des étudiants en ostéopathie. Le nombre d établissements de formation agréés est dorénavant très important en France : 53. Le gouvernement semble compter sur les lois du marché pour une régulation. Mais cette situation engendre un environnement concurrentiel exacerbé qui aboutira immanquablement à court terme à une baisse de la qualité de la formation et une fermeture d établissements de qualité. Les dispositions législatives de la loi HPST qui prévoient un encadrement de l environnement de la formation par l IGAS n ont pas pour l instant prouvé son efficacité. Le rapport IGAS relatif à la formation à l ostéopathie, remis à Madame Bachelot en janvier 2010, n a toujours pas été rendu public. Dans ce contexte, il est légitime de s inquiéter dès à présent sur les risques : d un accroissement du nombre d établissements qui pour beaucoup n offrent déjà que peu de garanties quant aux modalités pédagogiques élémentaires requises pour ce type de formation ; de voir des établissements en difficulté brader un enseignement déjà peu encadré ; d assister à une cessation d activité de certains établissements sans assurance pour les étudiants de pouvoir terminer leur cycle d études ; d assister à une paupérisation importante des jeunes professionnels liée à une saturation du marché ; de favoriser une perte de compétence préjudiciable à la santé des patients. Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 7
2) Patients M. attire l'attention de Monsieur le Ministre du Travail, de l Emploi et de la Santé sur les préoccupations des patients de l ostéopathie exclusive. Le nombre d établissements de formation à l ostéopathie est désormais très important. La qualité de la formation est très hétérogène, la durée varie de 2 660 à plus de 4 200 heures. En l absence de publication du rapport IGAS sur la formation et une augmentation sensible du nombre d établissements agréés sans réel contrôle de la formation, les patients s interrogent sur les garanties réelles apportées par les ostéopathes quant à l égalité qualitative des pratiques professionnelles. Les patients s inquiètent pour la qualité des soins proposés par de futurs ostéopathes insuffisamment ou mal formés. C'est pourquoi, aujourd'hui, de nombreux patients, convaincus de l intérêt et des bénéfices apportés par l ostéopathie à l environnement actuel de la santé, souhaitent voir respecter leurs droits à obtenir des garanties sérieuses relatives à la formation des futurs professionnels auxquels ils confieront leur santé. Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 8
3) Professionnels M. attire l'attention de Monsieur le Ministre du Travail, de l Emploi et de la Santé sur les inquiétudes des ostéopathes, suite à la publication du décret du 12 avril supprimant le relèvement de la formation des ostéopathes prévu par l article 64 de la loi HPST. Cette nouvelle situation permet désormais de réelles opportunités pour établir un dialogue avec tous les professionnels concernés par l usage du titre d ostéopathe afin d établir pour la formation des modalités adaptées à chaque catégorie, alors que l OMS préconise une formation basée sur 4 200 heures dont un minimum de 1 000 heures de pratique pour les non professionnels de santé. Dans un environnement socioprofessionnel difficile et alors que l ostéopathie connaît une reconnaissance importante du public, que 10 établissements de formation ont obtenu du Répertoire National des Certifications Professionnelles le niveau 1, de nouvelles règles d agrément de ces établissements deviennent indispensables. Une baisse du niveau de formation et l attribution massive d agréments à des établissements qui n apportent pas des garanties suffisantes pour la formation mettent en péril la profession. Les ostéopathes exerçant à titre exclusif l ostéopathie revendiquent un cursus de formation spécifique dissocié de celui des professionnels de santé destiné à apporter aux patients une garantie de qualité des soins et une plus grande transparence quant aux différents professionnels exerçant l ostéopathie. Ainsi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement en la matière. FFO/SFDO-10 juillet 2011 Argumentaire ostéopathie 9