Stardust : la première mission d échantillons cométaires

Documents pareils
Activité 34 Du bateau à la fusée

THEME 2. LE SPORT CHAP 1. MESURER LA MATIERE: LA MOLE

Le satellite Gaia en mission d exploration

Seconde Sciences Physiques et Chimiques Activité ère Partie : L Univers Chapitre 1 Correction. Où sommes-nous?

La fonte des glaces fait-elle monter le niveau de la mer?

Celestia. 1. Introduction à Celestia (2/7) 1. Introduction à Celestia (1/7) Université du Temps Libre - 08 avril 2008

TOUT CE QUE VOUS AVEZ VOULU SAVOIR SUR MERCURE

Comprendre l Univers grâce aux messages de la lumière

TP N 3 La composition chimique du vivant

Chapitre 2 : Respiration, santé et environnement.

Le polissage par laser

BTS BAT 1 Notions élémentaires de chimie 1

L E BILAN DES ACTIVITÉS

Chapitre 6 : les groupements d'étoiles et l'espace interstellaire

Vie et mort des étoiles. Céline Reylé Observatoire de Besançon

RÔLES DE LA MICROSTRUCTURE ET DE LA COMPOSITION MINERALOGIQUE DE SOLS ARGILEUX DU BASSIN DE PARIS SUR LEUR SENSIBILITE AU RETRAIT - GONFLEMENT

CONSTRUCTION D UN CHAUFFE EAU SOLAIRE

L ENERGIE NUCLEAIRE A T ELLE UN AVENIR? Une réponse dans l espace?

Activité 1 : Rayonnements et absorption par l'atmosphère - Correction

FORD C-MAX + FORD GRAND C-MAX CMAX_Main_Cover_2013_V3.indd /08/ :12

UTILISATION DES SÉDIMENTS VALORISÉS : exemple de la plate-forme expérimentale SOLINDUS pour le pré-traitement des produits de dragage

Directives pour l évaluation des participations d astrophilatélie

l entretien des chaudières

Lumière zodiacale et nuage zodiacal

La prévention des intoxications dans les silos à fourrage

dental dialogue Tirage à part Qu est-ce qui fait l efficience d une sableuse? Dr. Gisela Peters Présenté par: Idées pour la technique dentaire

TABLE DES MATIÈRES. Volume 9

Étude et modélisation des étoiles

FORMATION DES PERSONNES-RESSOURCES EN SCIENCE ET TECHNOLOGIE LE CYCLE DU JOUR ET DE LA NUIT (CYCLE DIURNE)

On peut être «lourd» et agile!

Panorama de l astronomie

La gravitation universelle

Travaux Pratiques. Sondage Radar de Vénus

LA A RESPIRATION CELLULAIRE

RÈGLEMENT SPÉCIFIQUE ET DIRECTIVES POUR L ÉVALUATION EN ASTROPHILATÉLIE AUX EXPOSITIONS PATRONNÉES PAR LA FFAP

Sur les vols en formation.

L inégale répartition de l énergie solaire est à l origine des courants atmosphériques

4 ème PHYSIQUE-CHIMIE TRIMESTRE 1. Sylvie LAMY Agrégée de Mathématiques Diplômée de l École Polytechnique. PROGRAMME 2008 (v2.4)

FICHE DE DONNEES DE SECURITE

Informations produits. Massepain

2015

I- Les différents champs selon les télescopes utilisés. II- Application à l'observation des astéroïdes: leur détection et leur identification

nucléaire 11 > L astrophysique w Science des étoiles et du cosmos

Où sont-elles? Presque partout

Abschlusskonferenz OUI Biomasse / Conférence de clôture OUI Biomasse

Chapitre 02. La lumière des étoiles. Exercices :

RESERVOIR MONITORING A PARTIR D IMAGES SATELLITES APPLICATIONS POUR LES ACTIVITÉS AMONT DE SONATRACH EN ALGÉRIE

Rayonnements dans l univers

Parcours Astronomie. Cher Terrien, bienvenue à la Cité des sciences et de l industrie! Voici tes missions :

Les Énergies Capter et Stocker le Carbone «C.C.S»

[24] Le chronomètre lutetium-hafnium. [1] Le processus de la fusion nucléaire primordiale (le Big Bang)

Choisir et utiliser un détecteur de gaz pour le travail en espace clos.

Contexte : Objectif : Expérimentation :

Etude de la qualité de l air en proximité automobile sur la Communauté Urbaine de Strasbourg

C3. Produire de l électricité

Microstructure des soudures de titane. Paul Danielson, Rick Wilson, et David Alman U. S. Department of Energy, Albany Research Center Albany, Orégon

Potentiel de valorisation d un déchet en filière métallurgique

Notre galaxie, la Voie lactée

Chapitre 1 : Qu est ce que l air qui nous entoure?

POLY-PREPAS Centre de Préparation aux Concours Paramédicaux. - Section Audioprothésiste / stage i-prépa intensif -

Panorama de l astronomie. 7. Spectroscopie et applications astrophysiques

IFO. Soleil. Antoine COUSYN 29/07/ /02/2015. Vidéo. Manipur, Inde. Saturation du capteur CMOS. 19 Juin h11 heure locale.

Quand les métaux arrivent en ville. Enjeux et stratégies pour les matières premières critiques.

La vie des étoiles. La vie des étoiles. Mardi 7 août

Eléments de caractérisation des diamants naturels et synthétiques colorés

Résonance Magnétique Nucléaire : RMN

L échelle du ph est logarithmique, c està-dire

Lycée Galilée Gennevilliers. chap. 6. JALLU Laurent. I. Introduction... 2 La source d énergie nucléaire... 2

INTRODUCTION À LA SPECTROSCOPIE

FILTERS. SYSTEM CARE - Filtres en derivation INFORMATIONS TECHNIQUES CODIFICATION POUR COMMANDE INDICATEUR DE COLMATAGE

Construction en bottes de paille

8/10/10. Les réactions nucléaires

livret-guide des séances année scolaire

TD 9 Problème à deux corps

Rapport annuel de monitoring automatisé de la qualité de l eau

Chapitre 4 : Guide de Mouvement et Masque

Energie nucléaire. Quelques éléments de physique

LE SYSTÈME SOLAIRE EN ACTIVITÉ : UNE MALLETTE PÉDAGOGIQUE POUR LA PRIMAIRE ET LE COLLÈGE

- Le LPC2E et les Bases de Données Spatiales - Valorisation des bases de données ondes

À TOI DE JOUER! VIVRE EN FRANCE L EXPLORATION DE L ESPACE. 1. Observez ces documents et cochez la bonne réponse.

Se protéger contre la contamination par les micro-organismes. Gazole, gazole non routier et fioul domestique Cuves de stockage et réservoirs

Ray-grass anglais auto-regarnissant

2 Trucs et Astuces 2

Programme Formations Vivelys

AA-SO5 KIDA/GSOV/VAMDC

Campagne de mesures d exposition aux fibres d amiante par microscopie électronique à transmission analytique (META)

TP 03 B : Mesure d une vitesse par effet Doppler

LES MOSAIQUES DU CREDIT AGRICOLE

3 Charges électriques

Application à l astrophysique ACTIVITE

Maquette papier à monter éch. 1/100 e

LES RÉPLIQUES MÉTALLOGRAPHIQUES

Les grandes dates de la conquête spatiale

Gaz moléculaire et formation stellaire dans les galaxies proches : maintenant et à l'époque ALMA Jonathan Braine

L évidence écologique Une station d assainissement où il fait bon se

Les sols, terreau fertile pour l EDD Fiche activité 3 Que contient un sol?

Nom : Prénom :. Date :..Classe : 2 TECHNIQUES DE MODIFICATION DE LA COULEUR DES CHEVEUX

Notions physiques Niveau 2

Vitesse d une réaction chimique

1 Dossier de presse Cité de l espace DOSSIER DE PRESSE 2014

Transcription:

Stardust : la première mission d échantillons cométaires Jeudi 9 août Matthieu Gounelle Maître de conférences au Muséum National d Histoire naturelle Stardust: une comète au laboratoire

Introduction générale La mission Stardust est la première mission de retour d échantillons depuis les missions d exploration lunaire, Apollo. Cette mission Discovery de la NASA a permis de rapporter sur terre des poussières issues d une comète et de les caractériser au laboratoire à l aide des techniques analytiques les plus sophistiquées. L exploitation scientifique des échantillons Stardust a révolutionné notre compréhension des comètes. Ci-dessous sont donnés quelques éléments de compréhension et quelques informations. Vue du noyau de la comète Wild 2 depuis la sonde Stardust {Crédit NASA}

La mission Stardust A l issue d une mission de sept ans à travers notre système solaire, la sonde spatiale Stardust de la NASA, a rapporté sur Terre des échantillons de poussières de la comète Wild 2. Lors du survol de Wild 2, le 2 janvier 2004, à une vitesse de 6,1 km/s, Stardust a capturé et piégé des poussières de la coma de la comète grâce à l utilisation d un "aérogel". La capsule a atterri le 15 janvier 2006 dans le désert de l Utah. Des scientifiques regroupés dans des équipes thématiques (Preliminary Examination Teams, PET en anglais) ont effectué les premières analyses. Un consortium de cinq laboratoires français, participe à ces travaux. Armature d aluminium Aérogel Trace de grain cométaire Collecteur d aérogel {Crédit NASA} Inventaire L inventaire de la récolte de grains cométaires a été le premier travail mené au laboratoire de conservation d échantillons planétaires situé au Johnson Space Center (JSC) à Houston. En première analyse, plus de mille grains d une taille supérieure à 5 µm ont été récoltés dans l aérogel. Le recensement des grains continue. Sur le collecteur, l aérogel se présente sous forme de petits parallélogrammes de quelques centimètres de coté et épais de 1 ou de 3 centimètres (voir Figure). Ces petits blocs sont assemblés dans les mailles d une «grille» d aluminium qui donne à l ensemble l air d une raquette de tennis. Les grains heurtent bien sûr indifféremment l aérogel ou l armature. L aérogel a été examiné au microscope et les parties comportant la trace d un grain ont été

découpées, identifiées et certaines distribuées aux équipes des PET. Des parties de l armature d aluminium ont aussi été mises à la disposition des équipes. Cratère observé sur une feuille d aluminium en microscopie électronique à balayage (à gauche) et en coupe en microscopie électronique à transmission (à doite). Le résidu d enstatite (MgSiO 3) est teinté en vert sur l image de gauche. Cratère d impact { Crédit photo LSPES/IAS} Typologie des grains Quand un grain de poussière animé d une vitesse supérieure à 6 km/s heurte l armature, il creuse un petit cratère dont le diamètre est proportionnel à la taille du grain (voir Figure). L analyse de ces cratères montre une prédominance importante de grains d une taille inférieure à 3 microns. Parfois les cratères sont regroupés en amas. Les scientifiques ont aussi noté la persistance au fond de ces cratères de quelques résidus minéralogiques intéressants. Ces données sont pour l instant les seules disponibles sur la fraction des grains les plus petits en taille mais les plus abondants en nombre. Minéralogie des grains Les études minéralogiques des grains par microscopie électronique en transmission démontrent qu une partie de ceux-ci a été endommagée par l échauffement durant la capture dans l aérogel. Les grains intacts sont constitués de minéraux bien cristallisés composés de silicates (olivine, pyroxène), de spinelles d aluminium et de sulfures. Leurs microstructures montrent qu ils ont été portés à haute température. Cette analyse minéralogique suggère un important mélange de la matière primitive dans le disque d accrétion protoplanétaire, entraînant des échanges entre les

zones internes et les zones les plus externes du système solaire en formation. Vue de la nanosims du Muséum qui a permis l analyse isotopique de certains des grains cométaires Composition isotopique Afin de déterminer la composition isotopique en carbone et en azote des grains, des fragments sub-micrométriques ont été prélevés dans la zone de leur entrée dans l aérogel. L analyse montre essentiellement des compositions isotopiques «solaires», identiques à celles des météorites carbonées, avec quelques rares constituants volatils rappelant le milieu interstellaire. La composition isotopique en oxygène des grains de la comète Wild 2 est similaire à celle observée dans les chondrites carbonées. Cependant, la part de la contamination des grains par l oxygène de l air ambiant et de l aérogel devra être examinée. Apport scientifique de la mission Stardust Deux conclusions se dégagent d ores et déjà de l analyse des poussières cométaires rapportées par la sonde Stardust. 1) La matière solide de la comète Wild 2 a été formée dans notre système solaire et n est pas de la matière interstellaire primitive. 2) Les poussières de la comète Wild 2 contiennent des minéraux formés près du soleil indiquant un important mélange entre les zones internes et externes du disque protoplanétaire. Glossaire

Wild 2 81P/Wild 2 est le nom d'une comète, découverte par l'astronome suisse Paul Wild en 1978. Son diamètre est d'environ 5 kilomètres. Son passage en 1974, à proximité de la planète Jupiter a modifié son orbite et sa période orbitale est alors passée de 40 ans à environ 6,4 ans. Comètes Petits corps du système solaire (1-100 km de diamètre) riches en glaces et poussières, et dont l orbite possède généralement une forte excentricité. Les comètes sont considérées comme les vestiges les mieux conservés de la matière protosolaire. Coma Enveloppe visible autour du noyau des comètes développée à l approche du Soleil. Constituée de poussières et de gaz neutres, cette sphère a un diamètre de plusieurs centaines de milliers de kilomètres. Aérogel L aérogel de Stardust est composé de silicates organisés en réseau très peu dense (98% de vide). C est un excellent isolant thermique. Sa structure limite les dommages aux grains qu il capture en plein vol à très grande vitesse. L'aérogel a été qualifié pour les expériences spatiales par le laboratoire du Jet Propulsion Laboratory (JPL). Chondrite Météorite primitive pierreuse non différenciée, jamais fondue. Les chondrites sont classées en plusieurs groupes sur la base de l état d oxydation du Fe présent et de leurs conditions de métamorphisme.

Sites internet Mission Stardust http://stardust.jpl.nasa.gov/home/index.html Catalogue des échantillons Stardust http://curator.jsc.nasa.gov/stardust/index.cfm Mission Deep Impact {Mission d exploration cométaire de la NASA} http://www.nasa.gov/mission_pages/deepimpact/main/ Missio Rosetta {Mission d exploration cométaire de l ESA} http://www.esa.int/specials/rosetta/index.html Mission Apollo http://www.nasa.gov/mission_pages/apollo/index.html Site du JPL http://www.jpl.nasa.gov/ Site du Laboratoire d Étude de la Matière Extraterrestre http://www.mnhn.fr/leme/ Le site de J. Crovisier, spécialiste des comètes http://www.lesia.obspm.fr/~crovisier/