Michelle Monnet Mort pour la France Armand Paupier 2
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Pour toi papa qui a tant manqué à nos vies durant toute notre existence, et pour toi maman pour la mère exceptionnelle que tu as été pour nous cinq. Marcelle 2 3
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1 Introduction Je vais vous raconter l histoire d une famille qui m a profondément touchée tout au long de ma vie, tout simplement parce que cette histoire, c est celle de ma propre famille. Marcelle, ma mère m a dit récemment : «Tu vois, bientôt je ne serais plus là, et personne ne se souviendra plus de rien de la vie de ma famille pendant la guerre» Ce fut un déclic pour moi, il fallait que j écrive son histoire pour que jamais personne n oublie ces hommes courageux qui se sont battus pour leur pays pendant la 2 ème guerre mondiale, au péril de leur vie, et ces veuves qui se se dévouées corps et âmes pour leurs familles. 2 5
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2 Ma visite chez ma mère Je me suis rendue à Loyettes, une petite commune située à l extrémité méridionale de la plaine de l Ain, entre l Ain et le Rhône, à la limite nord du département de l Isère, dans la maison familiale où vit ma mère, seule, depuis le décès de mon père le 18 novembre 2010. Je savais que nous allions vivre des moments très émouvants car de vieux souvenirs très douloureux allaient refaire surface. Je me suis adressée à ma mère et je lui ai dit que je m étais décidée d écrire son histoire. Je lui ai dit qu ensemble, nous allions dire combien son père était un homme courageux, combien il était un père aimant, combien il leur avait manqué toute leur vie à elle et à toute sa famille et combien sa mort fut une tragédie. Cette histoire, je l avais tant entendue. Depuis mon enfance, nous avions l habitude avec ma mère, ses sœurs et nous les enfants, de nous réunir tous les mardis chez ma grand-mère. Leurs discussions favorites évoquaient leur vie pendant la guerre, et surtout elles nous racontaient ce mari et ce père que cette guerre leur avait pris. A cette époque ma 2 7
grand-mère a dû faire face à toutes les difficultés de la vie. Elle a dû s occuper seule de ses cinq enfants, malgré son immense chagrin. J étais enfant, mais je me souviens de l émotion que nous avions tous, lors de ces conversations. Ma mère, ma sœur Christine et moi, nous nous sommes installées autour de la table dans la salle à manger. Ma mère a posé une grosse boite en carton qui contenait des tas de photos anciennes. Ma sœur Christine très sensible à cette démarche, nous a apporté tous les documents en sa possession. Auparavant, elle avait effectué des démarches et avait récupéré de vieilles photos, des coupures de journaux, de nombreuses lettres échangées entre mon grand-père (lorsqu il était interné à la prison de Monluc), ma grand-mère et Antoine, mon oncle qui n avait à cette période que 13 ans. Ma mère est une personne plutôt introvertie, très émotive et j ai sentie qu elle était touchée, au fond de son cœur, de l intérêt que je portais à son histoire. J ai alors pris un cahier et un stylo et nous avons commencé à lire les lettres écrites par mon grand-père. L émotion nous a envahi, les larmes coulaient sur nos joues. A cet instant, j ai pris conscience de l existence de cet homme et de la vie de ma grand-mère à cette époque. J avais toujours entendu parler de lui, mais là, il devenait réel pétri de ses peurs et ses craintes, pas pour lui, non, mais pour sa chère femme comme il disait, et pour ses enfants. Ces lettres débordaient d amour pour ses êtres chers. Là, j ai regardé ma mère et je lui ai dit : «Maman, raconte-moi ton histoire» 82
3 Présentation de ma famille Ma mère plongea sa main dans la boite à photos anciennes. Elle les regardait une à une avec nostalgie. Petit à petit, elle s est mise à les commenter en se replongeant dans ses souvenirs. Ma mère commença son histoire Dans les années 1930, nous habitions à Saint Germain Laval. C était une petite commune du centre de la France, située dans le département de la Loire et de la région Rhône Alpes, non loin de Roanne. La ville était agrippée au rocher et se resserrait autour de l ancienne chapelle d un château féodal. C est l église de la Madeleine. Elle dominait la riche plaine du Forez. D un seul regard on découvrait le prieuré clunisien de Pommiers, la Bâtie d Urfé et la commanderie de Verrières. C était un petit village pittoresque ou il faisait bon vivre. Mon père, Armand Paupier est né le 17 mars 1910 à Pouily sous Charlieu dans la Loire. C était un homme au physique robuste, avec des yeux bleus clairs magnifiques. C était une personne serviable toujours prête à aider son 2 9
prochain. Il avait perdu son père le 31 Juillet 1916 à l âge de six ans, pendant la 1 ère guerre mondiale. Cet épisode de sa vie l avait profondément marqué. Il était charcutier de métier et travaillait à la Boucherie du coin. Dans notre village tout le monde nous connaissait. Nous n étions pas très riches, mais nous étions très heureux, tous ensembles. Ma mère Lisa est née le 30 avril 1912 à Saint Germain Laval dans la Loire, c était tout le contraire, c était une petite brunette aux yeux noisette. C était une femme frêle, très douce, un brin naïve. Elle aimait tout le monde et ne voyait le mal nulle part. Ma mère faisait confiance à tout le monde. Mes parents se sont mariés le 11 janvier 1930 à Saint Germain Laval. Mon père avait 20 ans et ma mère 18 ans. Lisa et Armand Ensemble, ils ont eu six enfants, dont Danielle née en 1944 que mon père n aura jamais la chance de connaître. Antoine, surnommé Lili est l ainé, il est né le 17 janvier 1931 à Saint Germain Laval, tout comme mon père, il a de magnifiques yeux bleus. Puis il y a Jean Roger né le 8 septembre 1932 à Saint Germain Laval, malheureusement décédé le 3 Octobre 1933 10 2
à l âge de 21 mois d une crise de vers. C est une maladie banale aujourd hui. Ma mère nous avait raconté que lorsque Petit Jean était tombé malade, il ne mangeait plus et que mon père et elle étaient très inquiets. Mes parents ont alors emmené Jean Roger chez le curé pour conjurer le sort. Lorsque le curé a posé sa main sur la poitrine de mon frère, celle-ci a enflé et est devenue blanche. C était très impressionnant pour ma mère. A la fin de la séance, le curé a dit à mes parents de rentrer chez eux et que mon frère demanderait un biberon le soir même. Ce qui fut le cas à leur retour. Quelques jours plus tard, petit Jean mourra et laissa un vide immense dans la vie de mes parents. Ma mère ne s en ai jamais remise, elle a gardé toute sa vie les photographie de mon frère sur sa télévision. Elle nous parlait si souvent de Jean Roger qu il faisait partie intégrante de notre vie. Marie Jeanine mon ainée de deux ans est née le 8 mai 1934 à Saint Germain Laval. Elle aussi a hérité des yeux bleus de mon père. Moi, Marcelle Gabrielle, je suis née le 7 mai 1936 à Saint Germain Laval. J ai également les yeux bleus, on m a d ailleurs très souvent dit que je ressemblais à mon père, ce qui me remplissait le cœur de joie. Ensuite il y a ma sœur Louise Ginette, née le 20 février 1938 à Saint Vincent de Paul. Elle a de magnifiques yeux noirs, avec le temps nous sommes devenues inséparables. On nous prenait souvent pour des jumelles car nous nous habillions de la même façon. Et il y a Danielle Armande qui naîtra plus tard, le 19 avril 1944 à Saint Priest. Une petite blondinette aux yeux bleus. Je pense que mon père aurait été très fier de sa petite dernière. 2 11
12 2 Ginette Marcelle Jeanine Antoine