8. RAPPEL PHARMACOLOGIQUE maj 2010

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8. RAPPEL PHARMACOLOGIQUE maj 2010 8.1. CONCEPTS BIOLOGIQUES EN RELATION AVEC LA CHIMIOTHERAPIE. 2 8.1.1. Le cycle cellulaire et son contrôle 2 8.1.2. Formation d une tumeur. 4 8.1.3. Croissance tumorale 4 8.1.4. Effet exercé par les cytostatiques par rapport au cycle cellulaire.. 6 8.2. MODES D ACTION DES AGENTS CYTOTOXIQUES 7 8.2.1. Les Alkylants.. 8 8.2.2 Les Intercalants.. 9 8.2.3. Les antimétabolites.. 11 8.2.3.1 Antipyrimidines 11 8.2.3.2. Antifoliques. 11 8.2.3.3. Antipurines.. 12 8.2.4. Inhibiteurs de Topoisomérases 12 8.2.5 Poisons du fuseau 13 8.2.6. Agent particulier : L-Asparaginase. 13 8.3. CLASSE DES CHIMIOPROTECTEURS.. 13 8.3.1. Les médicaments générateurs de fonction thiol. 14 8.3.2. Médicaments capteurs de radicaux libres. 16 8.4. BIBLIOGRAPHIE.. 17-1 -

8. RAPPEL PHARMACOLOGIQUE La chimiothérapie est une modalité systémique de traitement qui se distingue des autres formes localisées de traitement que sont la chirurgie et la radiothérapie. On distingue parmi les agents anticancéreux : Les agents CYTOTOXIQUES : susceptibles de provoquer la mort des cellules qui y sont exposées en raison de leur action sur le métabolisme cellulaire. Les agents modificateurs du comportement biologique : Modificateurs du phénotype cellulaire = HORMONOTHERAPIE. C est le traitement cytostatique des tumeurs hormonosensibles (sein, prostate, endomètre). Modificateurs de la réponse de l hôte (cytokines) = IMMUNOTHERAPIE. Ces molécules sont susceptibles de stimuler les moyens par lesquels un organisme peut détruire de façon plus ou moins spécifique les cellules cancéreuses. Les thérapies moléculaires ciblées. Ex : Ac monoclonaux 8.1. CONCEPTS BIOLOGIQUES EN RELATION AVEC LA CHIMIOTHERAPIE Il n'existe pas un caractère unique distinguant une cellule cancéreuse d'une cellule normale mais un ensemble de caractères génétiques, métaboliques, membranaires et cinétiques. L étude de ces différences a pour but notamment de créer des molécules les plus spécifiques possibles à l égard des cellules cancéreuses. 8.1.1. Le cycle cellulaire et son contrôle La cinétique cellulaire vise l étude des mécanismes et des vitesses des modifications cellulaires et aide ainsi à comprendre les actions et effets secondaires de la chimiothérapie. Le cycle cellulaire = Devenir d une cellule entre sa naissance ( issue de la division de la cellule mère) et sa propre division. - 2 -

Phase M : La mitose est la division d une cellule en 2 cellules filles, elle est considérée arbitrairement comme la première phase du cycle. Phase G1 : Tous les métabolismes cellulaires (à part la synthèse d ADN) s effectuent pendant cette phase tels que la synthèse protéique ; elle est la + longue et la + variable (de 3 à 184 h!). Les cellules peuvent : - continuer le cycle et se diviser, - ou s orienter vers la différenciation, - ou sortir du cycle et entrer en phase G0. Ces dernières sont au repos, autrement dit elles ne se divisent plus mais peuvent facilement réintégrer le cycle suite à divers stimuli. Phase S : Phase de synthèse d ADN, au cours de laquelle est dupliqué l ADN, ce qui permettra d offrir à chaque cellule fille, lors de la division mitotique, un exemplaire de matériel génétique de la cellule mère. Phase G2 : Phase de repos prémitotique, elle permet la constitution de l appareil mitotique. Chacune des étapes du cycle cellulaire, son début et sa durée sont sous la dépendance de mécanismes régulateurs dotés de rétrocontrôle. Parmi eux : - des histones - des facteurs de croissance - des hormones - des protooncogènes - divers facteurs inhibiteurs de croissance - 3 -

C est le gène P53 qui code pour une protéine qui bloque d une part le cycle en phase G1 en présence d une lésion de l ADN et assure un délai suffisant pour la réparation de l ADN et d autre part initie le processus d apoptose des cellules mutantes. L apoptose ou mort cellulaire programmée est une suite d événements biochimiques génétiquement programmés qui conduisent à l autodestruction de la cellule. Ce mécanisme est particulièrement important pour la prévention des mutations et des tumeurs qui en découlent.. Figure 2: Différents facteurs impliqués dans le processus d apoptose. Un tissu sain se trouve en état d équilibre entre la division, la différenciation et la mort cellulaire. 8.1.2. Formation d une tumeur Le processus conduisant à la transformation de cellules normales en cellules cancéreuses est la carcinogenèse (ou cancérogenèse) Le cancer est une maladie de génome : mutations sur des gènes codant pour des protéines contrôlant la division cellulaire, la différenciation, l apoptose, la mobilité cellulaire. Le cancer clinique est le résultat d une évolution cellulaire clonale, car une seule cellule ou presque est concernée à l origine et donne naissance à la tumeur. Cette évolution s effectue en plusieurs étapes par suite de l accumulation successive de mutations. Les cellules cancéreuses sont caractérisées par : - une prolifération incontrôlée, - une perte de leurs fonctions spécifiques entraînant un défaut de maturation, - une possibilité de métastaser, - une modification des propriétés de membrane, - un processus d apoptose abîmé ou manquant pour la plupart. - 4 -

Deux classes de gènes jouent un rôle déterminant dans la carcinogenèse : - Oncogènes = gènes dont la surexpression confère à la cellule un avantage prolifératif par rapport à la cellule normale. o Gènes de facteurs de croissance et de leurs récepteurs : PDGF (platelet derived growth factor) codé par sis ( gliomes). EGF (epidermal growth factor) codé par her2 ( sein). o Gènes de protéines signalisatrices = protéines membranaires dotées d une activité tyrosine kinase ou GTP-ase. Ceci entraîne une dérégulation des voies de signalisation. o Gènes d autres protéines. Ex : bcl2 code pour une protéine empêchant l apoptose ( lymphome folliculaire à cellules B). - Anti-oncogènes = gènes suppresseurs de tumeurs. Le plus connu étant le P53. Il paraît être muté dans 50% des tumeurs. Cette instabilité génétique permet de comprendre la plus grande sensibilité des cellules cancéreuses aux agents susceptibles de léser l'adn (probablement du fait d'une aptitude moindre à réparer les lésions créées). Cette instabilité génétique explique sans doute aussi les différences entre cellules saines et cancéreuses que l'on remarque aux niveaux membranaires et métaboliques. Ainsi, une mutation du gène P53 pourrait notamment augmenter le risque d apparition de cellules cancéreuses, être responsable de l absence de frein du cycle cellulaire lors de lésions de l ADN et de phénomènes de résistances aux cytotoxiques qui ne pourraient plus activer l apoptose, dernière étape de leur action sur les cellules cancéreuses. Dans le futur, des chances de préventions des cancers reposent sur la reconnaissance et la protection de gènes dont la lésion est associée au développement d un cancer. 8.1.3. Croissance tumorale La croissance d une tumeur dépend de plusieurs facteurs : - Le temps de doublement, qui varie chez l homme de 7 jours à plusieurs années avec une moyenne de 2 à 3 mois. Le temps de doublement constitue un bon indicateur de l agressivité biologique de la tumeur. - Sa faculté de néovascularisation. - Les divers systèmes de défense de l organisme à son égard. Cette croissance est incontrôlée et est d autant plus lente que le volume tumoral est important. Ce qui est représenté par une courbe particulière : celle de Gompertz. - 5 -

8.1.4. Effet exercé par les cytostatiques par rapport au cycle cellulaire La sélectivité des cytotoxiques peut se baser sur le fait que la division cellulaire est plus importante dans les tissus malins que normaux On peut distinguer suivant leur spécificité d action sur le cycle cellulaire : - Les agents aspécifiques : touchent toutes les cellules. Ex : moutarde azotée. - Les agents spécifiques du cycle : agissent uniquement sur les cellules qui prolifèrent, quelle que soit la phase, et pas sur les cellules en G0. Ex : Cyclophosphamide. - Les agents spécifiques d une phase : ne touchent ni les cellules d une autre phase, ni les cellules au repos. Ex : Vincristine, Méthotrexate. - 6 -

8.2. MODES D ACTION DES AGENTS CYTOTOXIQUES Leur activité cytotoxique résulte de leur interaction avec certains substrats cellulaires indispensables à la vie ou à la division cellulaire : ADN, ARN, protéines, enzymes. - 7 -

Classification suivant leurs propriétés pharmacologiques : 8.2.1. Les Alkylants Il s agit de la classe la plus ancienne des anticancéreux. La plupart sont cycledépendants : - Il existe une relation dose-effet. - Effets secondaires principaux dus à leur effet sur les cellules à division rapide (digestif + hématologique). Ils agissent par interaction directe avec l ADN. Un agent alkylant est un agent capable de remplacer un proton d une molécule par un groupement alkyle. Exemple : R-CH2-X + H-R R-CH2-R + H-X - 8 -

En pratique : Les alkylants cytotoxiques sont bifonctionnels c est-à-dire possédant 2 groupements alkyls très réactifs remplacement d un proton d une des bases de la molécule d ADN principalement la guanine, base purique). CSQ Formation d un PONTAGE stable intra- ou intercaténaire empêchant la duplication de l ADN (Liaison IRREVERSIBLE) : Il existe plusieurs familles suivant les structures : - Moutardes azotées : Chlorméthine, Melphalan, Chlorambucil. - Oxazophorines : Cyclophosphamide, Ifosfamide. - Triazènes : Dacarbazine, Procarbazine. - Sulfonoxy-alcanes : Busulfan. - Nitroso-urées : Carmustine, Lomustine, - Aziridines : Mitomycine, Thiothépa. - Sels de platine : Cisplatine, Carboplatine, Oxaliplatine. 8.2.2 Les Intercalants Ce sont des antibiotiques, produits naturels extraits de micro-organismes (Streptomyces). La plupart sont non-spécifiques d une phase (mêmes effets secondaires que les Alkylants + cardiotoxicité + nécrose tissulaire si extravasation). Ils agissent par intercalation directe avec l ADN. - 9 -

Un agent intercalant est une molécule polycyclique plane capable de se glisser entre les plateaux que constituent 2 paires de bases contiguës de l ADN entraînant ainsi un éloignement de ces paires de bases et une déspiralisation de l ADN. Cette liaison est réversible mais peut être stabilisée par une liaison secondaire entre la molécule intercalante et un sucre ou un groupement phosphate de l ADN. CSQ Inhibe la réplication et la transcription de l ADN. D autres modes d action ont été décrits pour ces molécules : Action inhibitrice de la Topoisomérase II, enzyme-clé du métabolisme de l ADN dont elle permet la scission-réparation dans sa forme double brin (Voir 8.2.4). Formation de radicaux libres extrêmement réactifs et toxiques pour la cellule (ils accélèrent notamment la peroxidation des lipides, mécanisme important de la cardiotoxicité). Plusieurs familles existent : - Anthracyclines : Daunorubicine, Doxorubicine, Epirubicine, Idarubicine. - Acridines : Amsacrine. - Amino-anthraquinones : Mitoxanthrone. - Actinomycines : Dactinomycine. - Bléomycine :! molécule particulière : agent scindant, induisant des cassures de l ADN. Elle épargne la moelle osseuse mais a une toxicité pulmonaire. - 10 -

8.2.3. Les antimétabolites Ce sont des agents phase S dépendants qui sont aussi appelés ANALOGUES STRUCTURAUX car ils ont des similarités structurales et chimiques avec des composés naturels impliqués dans la synthèse des acides nucléiques. Ils agissent par interaction indirecte avec l ADN. - Incorporation frauduleuse au sein de l ADN. - Inhibition d enzymes clés par compétition ou liaison irréversible. CSQ Arrêt de la synthèse d ADN. Ils sont subdivisés suivant l analogie structurale : 8.2.3.1 Antipyrimidines - Inhibent la voie de synthèse endogène des pyrimidines(c-t). o Fluorouracile, analogue de l uracile. Transformé par une cascade enzymatique en un dérivé actif, le FdUMP, qui se lie à la Thymidilate synthétase, bloquant la transformation de l uracile en thymine.! Cette action est renforcée en présence d acide folinique par formation d un complexe ternaire (enzyme-5-fdump- Ac.folinique) protocole d association. o Cytarabine, Gemcitabine, analogues de la cytosine. o Capecitabine, Tegafur-Uracile : formes orales. 8.2.3.2. Antifoliques - Methotrexate, analogue de l acide folique. Il inhibe de manière compétitive la DHFR, enzyme qui transforme l acide folique en folates réduits(thf) et bloque ainsi la synthèse de bases puriques et pyrimidiques. L utilisation de fortes doses de Méthotrexate est possible grâce au sauvetage sélectif du tissu normal par l acide folinique. - 11 -

- Raltitrexed 8.2.3.3. Antipurines - Inhibent la biosynthèse des bases puriques (A-G) : o 1ère famille : 6-mercaptopurine, 6-tioguanine. o 2ème famille : Fludarabine, Cladribine, Pentostatine. 8.2.4. Inhibiteurs de Topoisomérases Ce sont des agents phase S dépendants. Ils ont une interaction directe et indirecte avec l ADN et sont divisés en 2 groupes : - Inhibiteurs Topoisomérase II = Podophyllotoxines : o Etoposide, Teniposide. Comme décrit pour les agents intercalants : Cette enzyme est essentielle dans l étape de réplication de l ADN. Elle se fixe aux deux brins de l ADN qu elle ouvre, entraînant une déspiralisation permettant la lecture. Ensuite, elle répare les cassures qu elle a provoquées. Les inhibiteurs de topoisomérase II empêchent cette religation en stabilisant le complexe ADN-enzyme normalement transitoire bloque la progression de la fourche de réplication : l ADN reste cassé. - Inhibiteurs Topoisomérase I = dérivés de la campthotécine : o Irinotécan, topotécan. Même mode d action mais sur un seul brin de l ADN. - 12 -

8.2.5 Poisons du fuseau Ces agents d origine végétale sont phase M dépendant. Ils agissent par blocage de la mitose en agissant sur la tubuline, protéine constitutive des microtubules de l appareil mitotique. Il existe 2 groupes aux modes d action opposés : - Alcaloïdes de la pervenche : o Vinblastine, Vincristine, Vindésine, Vinorelbine. Empêchent la polymérisation du fuseau mitotique. - Taxanes (dérivés de l If) : o Docétaxel, Paclitaxel. Facilitent la polymérisation de la tubuline et en inhibent la dépolymérisation. 8.2.6. Agent particulier : L-Asparaginase C est la seule enzyme faisant partie de l arsenal thérapeutique anticancéreux, utilisée dans le traitement de certaines leucémies. Elle catalyse la réaction d hydrolyse de l Asparagine, acide aminé que certaines cellules malignes déficientes en Asparagine synthétase sont incapables de synthétiser elles-mêmes. C est le cas des cellules leucémiques T. 8.3. CLASSE DES CHIMIOPROTECTEURS Les médicaments anticancéreux présentent généralement des toxicités importantes liées à une mauvaise discrimination entre cellules normales et cellules cancéreuses. Ces toxicités sont souvent source de retards dans l application du schéma thérapeutique ou de réductions de doses qui peuvent compromettre le succès du traitement. Lorsqu il s agit d un traitement palliatif, les toxicités peuvent altérer la qualité de vie. - 13 -

On distingue les toxicités : - Aigues : qui sont communes à tous les cytotoxiques avec une intensité variable et dont les plus courantes sont la toxicité hématologique (voir chap.13), la toxicité digestive (voir chap.18), l alopécie. - Chroniques : qui sont spécifiques à une famille thérapeutique, souvent cumulatives et dont les principales sont : o Toxicité cardiaque des Anthracyclines, o Toxicité rénale du Cisplatine, o Toxicité vésicale des Oxazophorines, o Toxicité neurologique de l Oxaliplatine. C est pour contrer ces toxicités chroniques qu a été développée la classe des CHIMIOPROTECTEURS = médicaments susceptibles d améliorer la tolérance d une chimiothérapie en minorant la toxicité qu elle engendre sur les cellules normales. Ce qui les différencie des médicaments utilisés contre les toxicités aiguës tels que les facteurs de croissance hématologiques qui sont eux «chimiocorrecteurs» puisque favorisant le renouvellement des tissus lésés par la chimiothérapie. Ces molécules doivent idéalement répondre aux critères suivants : - exercer une action sélective et ne pas concerner les cellules tumorales, - posséder des caractéristiques pharmacocinétiques qui n interfèrent pas ou peu avec celles des médicaments cytotoxiques, - ne générer que peu d effets indésirables propres. Chimiquement : Cette famille regroupe des médicaments de structures très variées mais on peut distinguer principalement : o Les médicaments générateurs de thiol. o Les médicaments capteurs de radicaux libres. 8.3.1. Les médicaments générateurs de fonction thiol MESNA ( = 2-mercaptoetnaesulfonate) UROMITEXAN Le Mesna a été développé dans les années 80 après que l on ait pour la première fois démontré chez l animal l effet protecteur du groupement SH de la N- Acétylcystéine vis-à-vis de la toxicité vésicale induite par l Acroléine, métabolite urinaire toxique de l Ifosfamide et de la Cyclofosfamide. La N-Acétylcystéine avait été abandonnée en raison de sa faible élimination urinaire après injection IV et de la baisse d activité cytotoxique qu elle engendre vis-à vis du Cyclophosphamide. Après injection IV, le Mesna est transformé au niveau plasmatique en quelques minutes en un composé stable, le Dimesna (2 molécules de Mesna reliées par un pont disulfure) inactif et incapable de sortir du compartiment vasculaire. - 14 -

Après réduction dans les tubules rénaux, le Mesna peut à nouveau réagir avec l Acroléine en formant un Thioéther inactif mais surtout non toxique pour la muqueuse vésicale. Indiqué dans : Prévention des cystites hémorragiques induites par les Oxazophorines AMIFOSTINE ( = WR-2721 ) ETHYOL Cette molécule est issue de la recherche de l armée américaine sur des substances protégeant de fortes doses de radiations ionisantes. Dans les années 80, on découvre que l ajout de phosphatase alcaline (PAL) dans le milieu augmente de manière drastique la protection des cellules en culture contre les radiations et les cytotoxiques. radiations et les cytotoxiques. Le WR-2721 est une prodrogue qui doit être biotransformée en WR-1065, forme active par sa terminaison Thiol. Ce SH agit comme agent nucléophile et neutralise les ions carbonium présents sur les agents alkylants activés et sur les dérivés du platine. Elle protège de manière sélective les tissus sains. En effet, elle n est pas métabolisée en son dérivé thiol dans le microenvironnement tumoral caractérisé par une pauvreté en PAL et par un ph plus acide (d où diminution de l entrée dans ces cellules tumorales). De plus, elle ne modifie pas l effet antitumoral de cytotoxiqes variés (agents alkylants, sels de platine, Taxanes, 5-Fluorouracil ). Indiqué dans : - Prévention des neutropénies induites par Cyclophosphamide/Cisplatine utilisé dans le traitement de cancers ovariens avancés. Elle est administrée en perfusion de 15 minutes dans les 30 minutes qui précèdent la chimiothérapie à la dose de 910mg/m². - Prévention de la néphrotoxicité cumulative du Cisplatine. - En radiothérapie : Préventions de xérostomies dans les cancers tête et cou. Elle est administrée en dose quotidienne de 200mg/m² en perfusion de 3 minutes dans les 15 à 30 minutes avant la séance. L effet indésirable le plus important est l hypotension. La tension artérielle doit être contrôlée tout au long de la perfusion. - 15 -

8.3.2. Médicaments capteurs de radicaux libres DEXRAZOXANE La toxicité chronique cumulative limite l utilisation des anthracyclines. A des doses cumulées de 500mg/m², le risque est majeur de développer, même tardivement, une cardiomyopathie, une insuffisance cardiaque congestive, des altérations de l ECG. Les anthracyclines génèrent des radicaux libres oxygénés et des ions hydroxyles. Ces dérivés hautement réactifs font intervenir une peroxidation lipidique et la génération d oxydants serait majorée en présence d ions Fer. La liaison anthracycline-fer peut catalyser la formation d une plus grande quantité de radicaux oxygénés. La Dexrazoxane agit comme chélateur de fer et diminuerait ainsi la formation des radicaux libres. - 16 -

8.4. BIBLIOGRAPHIE Goodman & Gilman. Les bases pharmacologiques de l utilisation des médicaments / L.E. Limbird, A. Goodman Gilman, P. B. Molinoff, et al. ; editor-in-chief J.G. Hardman. 9ème éd. New York : McGraw-Hill, 1998. ISBN 2-7042-1326-7 Pharmacologie : des concepts fondamentaux aux applications thérapeutiques / M. Schorderet. 3ème éd. rev., corr. et augm. Paris : éd. Frison-Roche : Genève : éd. Slatkine, 1998. 1010 p. ISBN 2-87671-276-8 Pharmacology / H.P. Rang, M.M. Dale et J.M. Ritter ; ill. by P. Lamb. 4ème éd. Edinburgh ; New York ; London : Churchill Livinstone, 1999. 830 p. : graph., tabl. ISBN 0-443-05974-8 Abrégés Chimiothérapie anticancéreuse / J.Chauvergne-B.Hoerni Ed. Masson. 3ème édition Abrégés Traitements médicaux des cancers / A.Thyss-X.Pivot Ed. Masson Guide pratique de cancérologie Médiguides / JB.Méric-L.Zelek-D.Khayat Ed.Masson. 3ème édition. Les Cancers, Guide clinique, pronostique et thérapeutique / C.Jacquillat-D.Khayat- U.Weil-P.R.Band. Ed.Maloine Décarie Traitement médical du cancer : la chimiothérapie./ Dr.Y.Lalami (Bordet) Formation post-universitaire AFPHB La chimiothérapie des cancers. Avril 2003 Toxicologie de la chimiothérapie anti-cancéreuse / A.Evrard. Faculté de Pharmacie de Montpellier, Enseignement coordonné de Cancérologie 3ème année. Mars 2007. Les Chimioprotecteurs / Patrick Thomaré Pharmacie, Nantes. 2ème journée de l ASSIPHAR, Bulletin de novembre 1997. Chimiothérapie anticancéreuse : Prévention de la toxicité / Chvetzoff, Bonotte, Chauffert. La Presse Médicale ISSN 0755-4982. 1998, vol.27, n 39, pp 2106-2112 Pharmactuels Volume XVII : Science et officine. Cahiers n 2003/1,Oncologie 1 et n 2003/3, Oncologie 2 / S. von Greyerz - 17 -