ANALYSES DE LA QUALITE DES SOLS A PARTIR DE BIOINDICATEURS MICROBIENS EXPLOITATIONS AGRICOLES DE MANA

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Transcription:

ANALYSES DE LA QUALITE DES SOLS A PARTIR DE BIOINDICATEURS MICROBIENS EXPLOITATIONS AGRICOLES DE MANA Anne-Marie DOMENACH Février 2012

SOMMAIRE I. Objectif : évaluer l impact d apports d intrants différents (chimique ou organique) sur le fonctionnement biologique du sol.... 3 II. Procédés... 3 1. La respiration... 3 2. La dénitrification... 3 III. Expérimentation... 4 IV. Résultats... 5 2

I. Objectif : évaluer l impact d apports d intrants différents (chimique ou organique) sur le fonctionnement biologique du sol. Le fonctionnement biologique du sol permet de procurer aux végétaux les éléments nutritifs nécessaires à leur croissance. Il est le résultat de l action de nombreux microorganismes présents dans ce sol (entre 10⁸ et 10⁹ bactéries par gramme de sol recouvrant des centaines voire des milliers d espèces). La complexité du système sol rend difficile l étude de son fonctionnement global d où la nécessité d utiliser des bio-indicateurs capables d intégrer cette complexité. les bio-indicateurs utilisés sont des activités clés du sol intégrant l ensemble de son fonctionnement et sensibles aux perturbations. II. Procédés Les fonctions choisies sont la respiration et la dénitrification. Ce sont des processus majeurs dans le fonctionnement des écosystèmes et portés par des communautés abondantes et diversifiées, donc représentatives du système sol. Ces fonctions recouvrent le même type de processus métabolique, un processus respiratoire, mais qui va s exprimer dans des conditions environnementales très différentes (aérobie pour la respiration et anaérobie pour la dénitrification) (Tiedje, 1984). Enfin, elles présentent l avantage de se trouver dans des proportions très différentes dans le sol: la communauté dénitrifiante principalement bactérienne représente 5 à 10 % de la communauté totale des hétérotrophes du sol comprenant bactéries et fonges (Cavigelli et Robertson, 2000). Notre stratégie se porte sur des activités potentielles qui sont moins fluctuantes que les activités réelles parce que peu sensibles à des facteurs à variations spatio-temporelles courtes (Mathieu et al, 2006) ce qui permet donc des comparaisons inter sites. Les analyses ont consisté à évaluer l expression des activités microbiennes en conditions physico-chimiques optimales pour le fonctionnement des enzymes impliquées (activités potentielles). 1. La respiration La respiration microbienne du sol concerne l ensemble des micro-organismes dans leur diversité et abondances. Elle peut donc être considérée comme un proxy de la biomasse microbienne totale active du sol (Anderson and Domsch, 1978) et donc de sa capacité biotique, mais également comme proxy de l activité globale caractérisant la capacité de la communauté hétérotrophe du sol à remplir l ensemble de ses fonctions (Anderson, 1982). La respiration est mesurée sur des incubations de très courtes durées (5h) et après apport d une quantité non limitante de carbone sous forme glucose selon une technique modifiée à partir du protocole proposé par Anderson et Domsch (1978), «Substrate Induced Respiration». 2. La dénitrification La dénitrification est la biotransformation qui permet la conversion du nitrate (NO3-) et du nitrite (NO2-) en oxyde nitrique (NO), oxyde nitreux (N2O) et azote atmosphérique (N2). C'est un processus de régulation du cycle du N qui présente l'avantage d'être porté par une très grande diversité de microorganismes avec des caractéristiques physiologiques très variées et d'être facilement mesurable. D'un point de vue écologique, la dénitrification a un impact direct sur la disponibilité en azote du sol et finalement sur la productivité primaire nette de nombreux écosystèmes terrestres. 3

Enfin, cette fonction concerne l ensemble de la communauté microbienne impliquée dans le cycle de l azote et peut être utilisée comme un indicateur indirect de la «diversité» bactérienne du sol. La dénitrification est mesurée sur des incubations de très courtes durées (5h) en présence d acétylène permettant de bloquer l activité N2O-réductase. La dénitrification est mesurée en condition potentielle vis-à-vis de l accepteur d électrons (nitrate) et du donneur d électrons (carbone organique) (Parry et al. 1999). III. Expérimentation Les deux sites choisis sont ceux de : -M. Baltus Awinka qui a planté sur une petite surface du piment amendé avec du fumier de ses poules - M. Waldi qui a des serres de concombre sur lesquels il met de l engrais et un peu de compost (compost en granulés, 12.12.17 en fertirrigation et 17.17.17). Les deux sites se trouvent à quelques kilomêtres l un de l autre à proximité de Mana dans l ouest guyanais. Les parcelles choisies présentent un sol essentiellement sablo-limoneux comportant un peu d argile (10%) pour celui de M Wongsodjiwo. Parcelles sélectionnées pour les analyses Serres de concombres parcelle de piments Les prélèvements ont eu lieu le 6 février 2012, 15 carottes de 10 cm de profondeur et de 8cm de diamètre ont été effectuées sur chaque parcelle (90 % des activités microbiennes étant localisées dans les 10 premiers cm). Au total, en chaque point de prélèvement, environ 500g de sol ont été récoltés. Tous les échantillons ont ensuite été tamisés à 2mm, séchés à l air puis conservés à 2 C, à l abri de l humidité et de l air pour les mesures d activités microbiennes. 4

Carottage puis ensachage des carottes pour analyse Carotte de sol provenant de la serre Carotte de sol provenant de la parcelle de piment IV. Résultats De visu, les carottes présentent une différence de couleur : la carotte prélevée sur la parcelle ayant eu un amendement organique est plus noire que celle prélevée dans la serre et ayant eu essentiellement un amendement minéral. Cette couleur marque effectivement, la présence d une quantité de matière organique plus importante dans la parcelle de piment. Récapitulatif des résultats de l expérimentation Engrais Sans Engrais Respiration Moyenne 1499,00 2136,8 Ecart-type 546,52 964,67 Dénitrification Moyenne 83,90 116,10 Ecart-type 41,09 48,62 5

Cette différence en matière organique se traduit par une augmentation des activités microbiennes dans le sol aussi bien pour la respiration que pour la dénitrification. La matière organique a donc favorisé ces activités et amélioré la qualité du sol qui en a bénéficié. Aussi, on peut conclure que l apport de fumier de poule a amélioré la fertilité du sol qui sera plus apte à fournir des éléments nutritifs aux plantes. On peut remarquer que la variation des mesures est plus grande dans le sol ayant eu de la matière organique que dans celui ayant reçu des engrais minéraux. On peut expliquer cette plus grande variation par la technique d apport : les excrétions de poulets sont étendues au pied de chaque plant installé sur des billons. Suivant que le prélèvement se fasse plus ou moins prêt de la plante, la terre récupérée sera plus ou moins riche en matière organique, entrainant une hétérogénéité dans l échantillonnage qui se traduit par une hétérogénéité dans les mesures de la respiration et de la dénitrification. Toutefois lorsque l on compare les valeurs obtenues dans les deux sols à celles que l on obtient habituellement en forêt, on se rend compte qu elles sont cinq à sept fois plus faibles que celles de la forêt. Même si la fertilité du sol est meilleure dans le sol ayant eu un apport organique comparé à celui qui n a reçu que de l engrais minéral, ces sols restent pauvres par rapport à un sol de forêt. Pour être plus rigoureux, des mesures faites dans la forêt la plus proche auraient pu permettre d évaluer la perte réelle de la fertilité du sol. Il aurait été également intéressant de réaliser ce même type de mesures sur l abbati proche des cultures de piment et présentant le même type de sol mais beaucoup plus riche en matière organique car récemment crée. Ces bio-indicateurs pourraient permettre de mesurer la perte de la fertilité d un abbati au cours du temps. Les faibles activités du sol sous serre laissent penser que le sol ici sert surtout de support aux plantes qui sont alimentées essentiellement par des intrants chimiques. Cette culture s apparente à de la culture hydroponique est a pour conséquence d être onéreuse. La culture de piment tire son alimentation exclusivement du sol et de l apport organique. Le sol fonctionne assez pour permettre la minéralisation de cette matière organique et fournir ainsi les éléments nutritifs nécessaires à la croissance des plantes. Toutefois, ce sol reste fragile et son niveau de qualité, faible. Sa fertilité doit être maintenue par un apport régulier de la matière organique pour ne pas risquer une perte de rendement rapide.. Détail des mesures : voir l annexe 1 SOLICAZ C/o Guyan Technopole 16 bis rue du 14 juillet 97300 Cayenne Contact : Gérante : Elodie BRUNSTEIN 06.94.42.21.13 Elodie.brunstein@solicaz.fr Directrice scientifique : Anne-Marie DOMENACH 06.94.40.13.06 Aanne-marie.domenach@solicaz.fr 6

Annexe 1 Tableau de comparaison des mesures de respiration et de nitrification réalisées sur une parcelle ayant reçu de l engrais organique(concombre) avec celle ayant reçu de l engrais minéra (piment)l. Expérimentation Mana 2012 CO2 (ng/gsol/h) N2O(ng/gsol/H) Station 1 sous serre: culture de concombre Engrais 1454,1 56,8 Engrais 839 64,1 Engrais 1206,6 84,4 Engrais 2648,5 106,1 Engrais 1812,3 56,4 Engrais 1606,7 87,8 Engrais 1809,8 130,1 Engrais 1155,2 83,4 Engrais 1573,7 166,3 Engrais 2440,7 115,6 Engrais 1128,7 128,1 Engrais 1281,9 12,9 Engrais 1797,7 41,5 Engrais 719,5 90,9 Engrais 1010,0 34,1 Station 2: culture d'aubergine avec apport organique sans engrais 1390,8 71,1 sans engrais 1325,9 83,7 sans engrais 1297,6 79,7 sans engrais 3177,0 188,3 sans engrais 1437,3 115,7 sans engrais 1498,6 63,6 sans engrais 1249,9 84,8 sans engrais 1737,5 68,5 sans engrais 2115,7 87,2 sans engrais 2080,2 180,6 sans engrais 2902,3 223,1 sans engrais 4297,0 129,1 sans engrais 3804,9 144,8 sans engrais 1907,7 110,2 sans engrais 1830,2 111,9 7