Compétence civile et commerciale Article 5 1 du Règlement n 44/2001 TD DIP/L. PANHALEUX



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Transcription:

Compétence civile et commerciale Article 5 1 du Règlement n 44/2001 TD DIP/L. PANHALEUX M. X est agent commercial en France de la société Y, dont le siège est situé au Portugal. Son contrat est résilié. Il aimerait agir contre cette société pour obtenir une indemnité de clientèle et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat. Il agit devant le tribunal de commerce de Paris en février 2015. Mais la société Y soulève une exception d incompétence au profit d une juridiction portugaise fondée sur le fait que l indemnité de clientèle constitue une obligation autonome devant s exécuter au domicile du débiteur. Peut-elle prévaloir? Les faits conduisent à un conflit de juridiction. En effet, plusieurs éléments d extranéité entraînent une interrogation sur la compétence internationale des juridictions françaises et portugaises. Le contrat d agence commerciale a été conclu entre une société portugaise et un agent français. Le contrat est exécuté en France par l agent commercial. Mais la société portugaise exécute ses obligations à partir du Portugal. Les éléments d extranéité sont situés à l intérieur de l Union européenne (France et Portugal), le juge français est saisi ce qui implique de vérifier si une réglementation de l Union doit être mise en œuvre. Il convient en premier lieu de s interroger sur l application du Règlement 1215/2012 du 12 décembre 20120 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. La CJCE a considéré que si l'application même des règles de compétence de la convention requiert certes l'existence d'un élément d'extranéité, le caractère international du rapport juridique en cause ne doit toutefois pas nécessairement découler, pour les besoins de l'application de ladite disposition, de l'implication, en raison du fond du litige ou du domicile respectif des parties au litige, de plusieurs États contractants (CJCE, 1er mars 2005, Owusu,C-281/02, Rec._p._I-1383). La solution rendue sous l empire de la Convention de Bruxelles de 1968 vaut aujourd hui pour le Règlement 1215/2012 qui remplace le Règlement n 44-2001 du 22 décembre 2000 qui l a abrogée et remplacée. En l espèce, les éléments d extranéité et Page 1 de 7-2012

le fait que les personnes concernées soient domiciliées sur le territoire d Etats membres de l Union conduisent à penser que le Règlement pourrait être appliqué. En premier lieu, il convient de vérifier si ce Règlement la compétence, la reconnaissance et l exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale est applicable. L article 81 dispose : «Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l Union européenne. Il est applicable à partir du 10 janvier 2015, à l exception des articles 75 et 76, qui sont applicables à partir du 10 janvier 2014. La question est posée après la date d application du règlement qui est donc de ce point de vue applicable. Mais il convient de tenir compte des dispositions transitoires. Selon l article 66 : «1. Le présent règlement n est applicable qu aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques dressés ou enregistrés formellement et aux transactions judiciaires approuvées ou conclues à compter du 10 janvier 2015. L action a été intentée en février 2015. Le Règlement est donc applicable pour déterminer la compétence. Selon l article 1 1: «Le présent Règlement s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives ni à la responsabilité de l Etat pour des actes ou des omissions commis dans l exercice de la fonction publique». Mais selon le 2 : «Sont exclus de son application: a)l état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage; b) les faillites, concordats et autres procédures analogues; c) la sécurité sociale; d) l arbitrage; e) les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d alliance; f) les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès.» Il s agit bien en l espèce d une matière civile ou commerciale. Le contrat d agence commerciale relève bien de la matière commerciale.en outre, le contrat d agence commerciale n est pas exclu par le 2 de l article 1. Par ailleurs, le Règlement est applicable aux Etats membres de l Union européenne. Or, la France est un Etat membre. Le juge français devra donc appliquer le règlement qui prime le droit national en vertu du principe de primauté du droit de l Union dégagé dans l arrêt Costa c/ Enel par la Cour de justice en 1964. Page 2 de 7-2012

Toutefois, il convient de rechercher, conformément à son article 67, s il existe des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes communautaires ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes. Il existe bien une directive n 86/653/ CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. Mais celle-ci ne contient aucune disposition relative à la compétence. Aucun autre instrument communautaire applicable à la matière n est applicable à notre connaissance. Par ailleurs, conformément à l article 71 1 : Le présent Règlement n'affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions. En outre, selon l article 73 3. «Le présent règlement n affecte pas l application des conventions et accords bilatéraux conclus entre un État tiers et un État membre avant la date d entrée en vigueur du règlement (CE) no 44/2001 qui portent sur des matières régies par le présent règlement». Il n existe pas, à notre connaissance, de convention bilatérale ou multilatérale relative à la compétence en cas de litige entre un représentant et un représenté conclue entre Etats membres ou entre Etats membres ou Etats tiers. Il existe certes une convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation, mais elle ne contient pas de précisions relatives à la compétence. Le Règlement peut donc être appliqué. Conformément à l article 4 1 : Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. L article 63 précise que «1. Pour l application du présent règlement, les sociétés et les personnes morales sont domiciliées là où est situé: a)leur siège statutaire; b) leur administration centrale; ou c) leur principal établissement». En conséquence, le représentant devait en principe agir devant le tribunal du siège de la société portugaise car cette société a son siège au Portugal. Page 3 de 7-2012

Mais selon de l article 5 1 : Les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre État membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. En premier lieu, il convient de s interroger d une part, sur l existence de compétences exclusives et, d autre part, sur une éventuelle attribution de compétence. L article 24 prévoit des compétences exclusives, sans considération de domicile. L examen des différentes compétences exclusives montre qu aucune ne concerne le contrat d agence commerciale. Par ailleurs, l article 25 prévoit la possibilité d une attribution de compétence. Les parties n ont pas usé d une telle possibilité. L on pourrait encore s interroger sur la mise en œuvre des règles de compétence protectrice prévues aux articles 8 à 21, qui concernent les contrats d assurance, de consommation et de travail. Mais le contrat d agence commerciale ne constitue pas un tel contrat. Ce n est pas un contrat de travail dès lors que celui-ci se définit par rapport à une caractéristique essentielle, soit une personne qui accomplit des prestations ayant une valeur économique certaine en faveur d une autre personne et sous la direction de celle-ci, en contrepartie desquelles elle touche une rémunération» (CJCE, 3 juillet 1986, Deborah Lawrie-Blum contre Land Baden-Württemberg, C-66/85). En effet, l agent commercial n agit pas sous la direction de la personne qu il représente. Il convient dès lors d appliquer l article 7 du Règlement du 22 décembre 2000 qui dispose : Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre: 1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d exécution de l'obligation qui sert de base à la demande; b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est: - pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis; c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas;» Page 4 de 7-2012

S agit-il d une matière contractuelle? La Cour de justice y voit une notion autonome qu il faut interpréter en se référant principalement au système et aux objectifs (de la convention) du Règlement (CJCE 8 mars 1988, Rev. crit. 1988.610) La Cour estime qu un lien contractuel librement assumé doit être établi entre les parties au contrat. La solution est appliquée par la Cour de cassation, alors même qu en droit interne une solution différente peut être admise. (Com. 16 mars 1999, IV, n 60,p. 49; Civ. 1 re, 6 juill. 1999, Bull civ. I, n 226) : En l espèce, il existe bien un lien contractuel librement assumé entre le représentant et la société portugaise. Il s agit donc bien d une matière contractuelle au sens du Règlement. Il convient ensuite de s interroger sur le lieu où l obligation qui sert de base la demande doit être exécutée. Conformément à l article 5 1 b) : «aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base la demande est: - pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, - pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;» S agit-il d un contrat de vente ou de fourniture de services? Il faut pour répondre à cette question déterminer l obligation caractéristique du contrat contrats en cause. (v. sur la définition : CJUE, 25 février 2010, Car Trim GmbH (C-381/08)). Un contrat dont l obligation caractéristique est la livraison d un bien sera qualifié de «vente de marchandises» tandis qu un contrat dont l obligation caractéristique est une prestation de services sera qualifié de «fourniture de services». Le contrat d agence commerciale ne consiste pas en un accord sur le prix et sur une chose qui doit être livrée par l agent commercial. S agit-il d un contrat de fournitures de services? Dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré que la compétence en matière de contrat d agent commercial devait être déterminée en fonction des différentes obligations (Civ. 1 re, 8 fév. 2000, Bulletin 2000, I N 40 p. 26). (La mise en œuvre de cette jurisprudence conduisait à distinguer la demande d indemnité de clientèle et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat. La seconde a été considérée comme autonome parce qu elle ne dépendrait pas d une Page 5 de 7-2012

obligation du contrat mais serait due en raison de la rupture de ce contrat. Logiquement, si la première correspondait à la mise en œuvre du contrat et implique la compétence du juge français, la seconde impliquait la compétence du juge portugais. Un tel raisonnement pouvait s appuyer sur plusieurs arrêts de la Cour de cassation qui a jugé que la dette d'indemnité de fin de contrat, dite de clientèle est une dette indépendante du caractère licite ou non de la rupture du contrat qui ne se substitue pas à une obligation contractuelle) En revanche, l obligation qui sert de base à la demande de dommages-intérêts et la demande d indemnités de préavis dépendent du contrat originaire. Cela vaut en cas de rupture de contrat d agent commercial et en matière de contrat de représentation exclusive (Civ. 1 er, 8 fév. 2000; Bulletin 2000 I N 39 p. 25 Dalloz, cahier Droit des Affaires, 2000-10-12, n 35 p. 741, note G. BLANC).). La Cour de cassation a encore jugé que, dans un contrat d'agent commercial, l'indemnité de fin de contrat est une dette indépendante du caractère licite ou non de la rupture du contrat ; dès lors fait une exacte application de l'article 42 du nouveau code de procédure civile étendu à l'ordre international, la cour d'appel qui décide que le tribunal du domicile du défendeur est seul compétent pour connaître d'une demande en paiement de " l'indemnité légale de cessation de mandat ", cette demande ne portant pas sur l'exécution d'une prestation de service (civ. 1 re, 14 mars 2006, Bull. Civ. I, n 149). Cette jurisprudence pouvait être fondée sur l idée que si deux obligations équivalentes doivent être exécutées dans deux Etats différents, un seul juge ne peut en connaître (CJCE 5 oct. 1999, Rec. CJCE I, p. 6747). Mais la Cour de cassation a remis en cause cette solution. Dans un arrêt du 3 octobre 2006, (Bulletin 2006 I N 423 p. 365) la première chambre civile de la Cour de cassation a estimé que les parties à un contrat d agence commerciale étaient liées par un contrat de fourniture de service. Elle en a déduit que l indemnité de clientèle, de même que les dommages-intérêts pour rupture abusive, devait obéir aux critères de compétence posés à l article 5 1 b). Autrement dit, conformément à cet arrêt de la Cour de cassation, il convient de considérer que l article 7 1 b) peut s appliquer. Celui-ci conduit à rechercher le lieu d exécution de la prestation de services. Cette solution est conforme à la position de la CJUE qui a considéré que pour déterminer si l on est en présence d une prestation de service ou de vente, il convient de rechercher l obligation caractéristique du contrat (23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch, C 533/07) Selon ce même arrêt : La notion de services implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d une rémunération. Par ailleurs, elle a jugé que «dans un contrat d agence commerciale, c est l agent commercial qui exécute la prestation qui caractérise ce contrat et qui, aux fins de l application de l article 5 point 1 sous b), second tiret, du règlement, exécute la fourniture de services» (CJUE, 11 mars 2010, C-19/09, Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH c/ Silva Trade SA, point 34). Page 6 de 7-2012

En l espèce, l agent commercial a recherché des clients pour la société portugaise contre une rémunération sous forme de commissions. Il s agit bien d une prestation effectuée en contrepartie d une rémunération. Il s agit donc bien d une fourniture de services. Quant au lieu de la prestation de services, il est situé en France (agent commercial en France). En effet, l agent commercial négocie la vente ou l achat de marchandises pour le commettant, la société portugaise, en France. En conséquence, il convient de retenir la compétence de la juridiction française pour toutes les demandes présentées par le représentant. Il convient donc d admettre en l espèce la compétence de la juridiction française pour juger des demandes de l agent commercial. (On observera enfin que la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 25 juin 2002 (Bull. Civ. IV, n 109) sur le fondement de l article L. 134-12 du Code de commerce, pris en application de l'article 17 de la directive n 86/653 du Conseil des Communautés européennes du 18 décembre 1986 que En condamnant la société SDR à payer à la société Muso une indemnité de perte de clientèle, alors que l'article L. 134-12 du Code de commerce a transposé la directive en optant pour la réparation du préjudice causé par la cessation des relations contractuelles, et non la réparation de la perte de clientèle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.) Page 7 de 7-2012