Arrêt du 4 octobre 2012



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Transcription:

102 2012-193, 194 et 195 Arrêt du 4 octobre 2012 COMPOSITION Président : Adrian Urwyler Juges : Jérôme Delabays, Catherine Overney Greffière : Catherine Faller PARTIES X SA, recourante et intimée, représentée par Me Christian Delaloye, avocat, rue de Romont 14, case postale 952, 1701 Fribourg, contre Y, recourant et intimé, représenté par Me Bruno de Weck, avocat, bd de Pérolles 12, case postale 720, 1701 Fribourg, OBJET Mainlevée Recours du 9 juillet 2012 contre l'ordonnance de mainlevée du Président du Tribunal civil de du 30 mai 2012

c o n s i d é r a n t e n f a i t A. Le 16 septembre 2011, l'office des poursuites de (ci-après l'op) a fait notifier à Y le commandement de payer pour la poursuite en réalisation de gage immobilier n pour un montant de 785'000 avec intérêt à 10 % l'an dès le 31 mars 2009. Le commandement de payer mentionne que la poursuite a pour objet une créance hypothécaire incorporée dans deux cédules hypothécaires au porteur, soit 595'000 fr. en 1 er rang, PJ du 30.07.2004 et 190'000 fr. en 2 ème rang, PJ du 30.07.2004, grevant les art. de la commune de. Y y a formé opposition totale. B. Le 9 décembre 2011, X S.A. a saisi le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de (ci-après le Président) d'une requête de mainlevée provisoire, concluant au prononcé de la mainlevée, avec suite de dépens. A l'appui de sa requête, elle a produit, outre le commandement de payer susmentionné et la réquisition de poursuite du 13 septembre 2011, le contrat de prêt hypothécaire du 21 juillet 2006, l'avenant du 16 septembre 2010 modifiant partiellement ce contrat, une copie des deux cédules, une convention du 29 octobre 2010 prévoyant un transfert de propriété de celles-ci à fin de garantie, et une lettre du 28 janvier 2011 de dénonciation du prêt hypothécaire n pour le 10 août 2011 s'élevant, selon ce courrier, à 800'331 fr. 15, intérêts compris (152'000 + 300'000 + 300'000 + 2'818.75 + 7'768.75 + 8'341.67 + 12'000 + 17'401.98). Dans sa détermination du 31 janvier 2012, Y a conclu au prononcé de la mainlevée à concurrence de 752'000 fr., représentant selon lui le total des prêts accordés par la banque. Par décision du 30 mai 2012, le Président a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition pour un montant de 845'495 fr. 15, sans intérêt, plus les frais de poursuite, a alloué à X S.A. une équitable indemnité de 300 fr. et a fixé les frais de justice à 460 fr. à percevoir sur l'avance effectuée par la recourante, Y étant astreint à les lui rembourser. C. Le 9 juillet 2012, X S.A. a déposé un recours contre cette décision, concluant à ce que la mainlevée provisoire soit prononcée non seulement pour la somme de 845'495 fr. 15, mais également pour un intérêt moratoire de 5 % l'an dès le 17 septembre 2011. Dans sa détermination du 27 août 2012, Y a conclu au rejet du recours. Le 9 juillet 2012, Y a également interjeté recours contre la décision de mainlevée, concluant qu'elle ne soit prononcée que pour une somme de 752'000 fr. ainsi que pour les frais de poursuite. Il a sollicité que l'effet suspensif soit accordé de sorte que la banque ne puisse demander l'exécution pour un montant supérieur à 752'000 fr. La banque a conclu au rejet de ce recours le 30 août 2012.

e n d r o i t 1. a) Seule la voie du recours est ouverte contre une décision de mainlevée (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC). La procédure sommaire étant applicable (art. 251 let. a CPC), le recours doit être déposé dans les dix jours à compter de la notification (art. 321 al. 2 CPC), délai que chaque partie a respecté en l'espèce. b) Pour simplifier le procès, le tribunal peut ordonner la jonction de causes (art. 125 let. c CPC). En l'espèce, les recours portant sur la même décision, il s'impose de joindre les causes. c) Les recours sont motivés et dotés de conclusions (art. 321 CPC). Ils sont recevables. d) Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). e) La Cour statue sans débats (art. 327 al. 2 CPC). 2. a) Le premier juge a constaté tout d'abord que X S.A. avait produit une convention signée par l'opposant le 29 octobre 2010, prévoyant la cession en pleine propriété des deux cédules hypothécaires pour un montant total de 785'000 fr., et qu'il disposait ainsi d'un titre de mainlevée provisoire l'autorisant à faire valoir en garantie toutes les créances qu'incorporent ces titres. Il a ensuite considéré que la mainlevée provisoire devait être prononcée pour le montant des trois prêts hypothécaires constatés dans le décompte de remboursement au 30 juin 2011, soit 845'495 fr. 15, mais refusé pour les intérêts applicables depuis le 31 août 2011 vu l'absence de pièces relatives aux intérêts applicables depuis cette date. X S.A. ne s'en prend qu'au refus de lui octroyer l'intérêt moratoire de 5 % l'an sur la somme précitée depuis le 17 septembre 2011. Quant à Y, il considère que la mainlevée ne pouvait être octroyée que pour le montant total du prêt en capital, soit 752'000 fr. b) Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP l'acte sous seing privé signé de la main du poursuivi - ou de son représentant -, d'où découle sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et échue (ATF 132 III 480 consid. 4.1). Il n'est ni contesté, ni contestable qu'une cédule hypothécaire vaut titre de mainlevée en faveur de son titulaire (FAVRE/LINIGER, Cédules hypothécaires et procédure de mainlevée, in SJ 1995 p. 104). Il n'est pas non plus contesté en l'espèce qu'en vertu de la convention du 29 octobre 2010, X S.A. est propriétaire des deux cédules hypothécaires au porteur aux fins de garantie et est ainsi titulaire des créances et des droits de gage immobilier incorporés dans les papiers-valeurs. Contrairement au transfert de la cédule hypothécaire au porteur en pleine propriété, le transfert de propriété aux fins de garantie n'entraîne toutefois pas automatiquement novation de la créance garantie (causale), la créance incorporée dans la cédule se juxtaposant à la créance garantie en vue d'en faciliter le recouvrement (ATF 119 III 105 consid. 2a). Le nouvel art. 842 al. 2 CC, certes pas

directement applicable en l'espèce (art. 1 al. 1 Titre final CC), prévoit d'ailleurs désormais expressément que sauf convention contraire, la créance résultant de la cédule hypothécaire coexiste, le cas échéant, avec la créance à garantir issue du rapport de base entre le créancier et le débiteur. c) Le créancier qui introduit la poursuite en réalisation de gage immobilier poursuit la créance abstraite incorporée dans le titre et non la créance garantie. La cédule hypothécaire au porteur vaut alors titre de mainlevée pour toute la créance instrumentée dans le titre. Le créancier n'a cependant droit au capital et intérêts sur la créance abstraite qu'à concurrence du capital et des intérêts conventionnels de la créance causale. La créance abstraite sert donc de plafond, de sorte que si la créance causale est d'un montant supérieur, la mainlevée provisoire ne peut être accordée qu'à concurrence de la créance abstraite. Cependant, lorsque la cédule hypothécaire est remise à fin de garantie, une telle convention implique entre le débiteur et le créancier un accord selon lequel celui-ci s'engage à ne pas exercer ses droits sur la créance cédulaire au-delà de ce que requiert son désintéressement par rapport à la créance causale; en d'autres termes, cette situation implique un pactum de non petendo, qui constitue une exception que le débiteur peut faire valoir selon les art. 849 al. 1 CC (anciennement art. 872 CC) et 82 al. 2 LP (DENYS, Cédule hypothécaire et mainlevée in JdT 2008 II 3/16). Dans la procédure d'exécution forcée, le gage immobilier garantit au maximum le capital, les frais de poursuite et les intérêts moratoires, ainsi que les intérêts des trois années échus au moment de l'ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente et ceux qui ont couru depuis la dernière échéance (art. 818 al. 1 ch. 3 CC). Il convient dès lors que la banque créancière établisse le montant de sa créance résultant du rapport contractuel de base, intérêts inclus, à la date de la réquisition de poursuite; se présente alors trois hypothèses : - soit la créance résultant du rapport contractuel de base est inférieure au montant nominal de la créance incorporée dans la cédule, auquel cas la banque créancière ne peut intenter une poursuite que pour une somme équivalente à ce qui lui est effectivement dû en capital et intérêts en vertu du contrat de prêt; - soit la créance résultant du rapport contractuel de base est supérieure au montant nominal de la créance incorporée dans la cédule majoré des intérêts conventionnels (intérêts des trois années échus et intérêts ayant couru depuis la dernière échéance), auquel cas la banque créancière peut faire valoir l'intégralité de la créance incorporée dans la cédule ainsi que les intérêts couverts par le droit de gage au sens de l'art. 818 al. 1 ch. 3 CC; - soit, enfin, la créance résultant du rapport contractuel de base est supérieure au montant nominale de la créance incorporée dans la cédule, mais inférieure au montant maximal couvert par le gage immobilier (à savoir le capital et les intérêts conventionnels échus de trois années et ceux qui ont couru depuis la dernière échéance), auquel cas les intérêts conventionnels dus pour la cédule doivent être réduits de sorte que la banque créancière ne réclame pas plus que sa créance effective (TF, arrêt non publié 5A_34/2011 du 16 février 2012 consid. 2). d) Y avait soulevé déjà devant le premier juge le moyen libératoire tiré du pactum de non petendo (détermination du 31 janvier 2012 p. 5). Effectivement, le montant des prêts qui lui ont été accordés (752'000 fr.) est inférieur, en capital, à la créance garantie par les cédules (785'000 fr.). Toutefois, comme déjà indiqué, le gage immobilier ne garantit pas que la créance principale, mais également l'intérêt conventionnel dans les limites de l'art. 818 al. 1 ch. 3 CC. L'étendue de cette garantie peut ainsi avoir comme conséquence que le montant attribué au créancier gagiste lors de la réalisation excède le

montant inscrit au registre foncier (STEINAUER, Les droits réels, t. III, 4 ème édition, p. 147 n 2647). En l'espèce, les cédules hypothécaires prévoient un taux d'intérêt maximal de 10 %. Ce taux ne représentant que le maximum que le débiteur pourrait payer, mais non celui qu'il doit effectivement payer, la cédule ne constitue pas un titre de mainlevée pour l'intérêt maximal mentionné (FAVRE, Exécution forcée spéciale des cédules hypothécaires, in BlSchK 2001 p. 201/214). Son inscription n'implique pas nécessairement que la créance cédulaire porte effectivement intérêt (STEINAUER, Les nouvelles dispositions générales sur les cédules hypothécaires, in Les servitudes et les cédules hypothécaires à la lumière des nouvelles dispositions du Code civil, 2012 p. 267/290). Il convient donc de se référer aux documents contractuels. Si le contrat prévoit un taux inférieur à celui figurant sur la cédule, la mainlevée provisoire ne peut être accordée qu'à concurrence de ce taux (DENYS, op. cit. p. 16). Pour X S.A., le taux maximum de 10 % prévu dans les cédules hypothécaires est toutefois applicable en l'espèce, du fait qu'il relève de l'accord des parties (requête de mainlevée p. 4), soit du chiffre 2 du contrat de transfert de propriété à fin de garantie (P n 6 requête de mainlevée). Elle ne peut être suivie car le pactum de non petendo qu'implique le transfert des deux cédules hypothécaires au porteur aux fins de garantie ne lui permet précisément pas de réclamer un montant supérieur au capital et aux intérêts contractuellement convenus. Or, ces derniers ne s'élevaient pas à 10 %. Cela ressort expressément de son courrier du 28 janvier 2011 (P n 7 requête de mainlevée), où elle mentionne divers taux d'intérêt variant de 3.39 % à 6.14 %. Il incombait à X S.A. d'établir sa créance résultant du rapport contractuel de base, intérêts inclus, à la date de la réquisition de poursuite. Le premier juge a considéré à tort que tel était le cas. La situation est confuse s'agissant du total des intérêts dus et Y s'en plaint avec raison (appel p. 3 ch. 2 : "le décompte de remboursement a constamment varié dans leur contenu"). En effet, la somme mise en poursuite correspond au montant total des cédules hypothécaires, soit 785'000 fr. avec intérêt à 10 % l'an dès le 31 mars 2009. Aucune mention n'est faite du montant des intérêts dus conventionnellement. La requête de mainlevée n'est pas plus détaillée sur ce point. X S.A. se limite à indiquer être propriétaire des cédules et d'être dès lors titulaire d'une créance de 785'000 fr. avec intérêt à 10 % l'an. Elle n'a pas allégué quel est le montant des intérêts conventionnellement dus au jour de la réquisition de poursuite, soit le 13 septembre 2011, ni même le montant du capital. Le premier juge n'avait à y pallier d'office, la maxime des débats prévalant en procédure de mainlevée (art. 255 CPC a contrario). Le décompte du 16 août 2011 de la banque (P n 3 détermination du 31 janvier 2012), sur lequel s'est fondé le premier juge pour calculer les intérêts dus, n'est qu'une estimation fournie "à titre purement indicatif", les taux d'intérêts appliqués n'étant pas précisés. Il est de plus bien antérieur au jour de la réquisition de poursuite. Quant aux montants des intérêts figurant dans la lettre de X S.A. du 28 janvier 2011 (P n 7 requête de mainlevée), ils ne peuvent pas faire l'objet d'une vérification faute pour la banque d'avoir produit les documents fixant les taux applicables. De plus, il est précisé dans ce courrier que "le montant des intérêts sera calculé selon les taux variables en vigueur entre le 01.01.2011 et la date de remboursement", si bien que le montant alors réclamé n'est pas définitif, que les intérêts dus ne sont en réalité même pas déterminables et qu'il n'aurait de toute façon pas incombé à la Cour, ni au premier juge, de se livrer à des calculs compliqués pour les arrêter.

Il s'ensuit que la mainlevée provisoire de l'opposition ne peut être octroyée que pour le seul montant rendu vraisemblable, soit le prêt en capital, c'est-à-dire 752'000 fr., ainsi que pour les frais de poursuite. Le recours d'y du 9 juillet 2012 doit être admis, sa requête d'effet suspensif devenant sans objet. 3. X S.A. reproche de son côté au premier juge de ne pas lui avoir alloué d'intérêt moratoire "vu l'absence de pièces relatives aux intérêts applicables depuis le 31 août 2011". Ce grief est manifestement fondé. En effet, la banque a dénoncé les cédules au remboursement pour le 10 août 2011 dans sa lettre du 28 janvier 2011, de sorte qu'y était en demeure depuis le 29 août 2011 [recte : 11 août 2011] (art. 102 CO). Or, conformément à la jurisprudence (TF, arrêt non publié 5C.249/2004 du 2 mars 2005 consid. 4), le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire au taux de 5% l'an, même si un taux inférieur avait été fixé pour l'intérêt conventionnel (art. 104 al. 1 CO). Un intérêt moratoire de 5 % l'an sera par conséquent accordé depuis le 17 septembre 2011, conformément au chef de conclusions de X S.A. (art. 58 al. 1 CPC). 4. b) En définitive, les deux recours doivent être partiellement admis. S'agissant des frais de première instance, il se justifie de les laisser à la charge d'y qui avait acquiescé dans une très large mesure aux chefs de conclusions de la requête de mainlevée (art. 106 al. 1 CPC). L'indemnité très raisonnable de 300 fr. octroyée par le premier juge à X S.A. à charge d'y sera maintenue, pour le même motif. En ce qui concerne les recours, X S.A. succombe sur l'essentiel. Elle n'obtient en effet gain de cause que s'agissant de l'intérêt moratoire. Elle sera par conséquent astreinte à prendre en charge les 4/5 ème des frais de justice. L'indemnité d'y, qui aurait été de 700 fr., sera réduite à 500 fr. pour tenir compte du fait qu'il s'est opposé en partie à tort au recours du 9 juillet 2012 de la banque. l a C o u r a r r ê t e : I. Les causes sont jointes. II. Les recours déposés par Y et X S.A. sont partiellement admis. III. Partant, le dispositif de la décision de mainlevée du 30 mai 2012 du Président du Tribunal civil de l'arrondissement de a désormais la teneur suivante : 1. La mainlevée provisoire de l'opposition formée par Y au commandement de payer n de l'office des poursuites de notifié à l'instance de X S.A. est prononcée, tant pour la créance que pour le droit de gage, à concurrence de 752'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 17 septembre 2011, ainsi que pour les frais de poursuite. 2. Une équitable indemnité réduite de 300 fr. est allouée à X S.A., à la charge d'y. 3. Un émolument de 460 fr. est perçu auprès de X S.A., qui a droit à son remboursement par Y en sus de l'indemnité.

IV. La requête d'effet suspensif déposée par Y est devenue sans objet. V. Pour les procédures de recours, une équitable indemnité de 500 fr. est allouée à Y à charge de X S.A. VI. Les frais judiciaires pour les procédures de recours sont fixés à 625 fr. (émolument global). Ils seront acquittés par X S.A. à concurrence de 500 fr. et par Y à concurrence de 125 fr. Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les trente jours qui suivent sa notification. Si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Fribourg, le 4 octobre 2012/jde