L oncologie digestive : quel futur? De la compassion à la médecine personnalisée

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Éditorial L oncologie digestive : quel futur? De la compassion à la médecine personnalisée Digestive oncology: which future? From compassion to tailored medicine Philippe Rougier H^opital Europeen Georges Pompidou, service d hepato-gastroenterologie et oncologie digestive, 20 rue Leblanc, 75015 Paris, France e-mail : <rougier.philippe2012@gmail. com> E n 40 annees, l oncologie digestive est nee et a evolue avec le concours des nombreuses disciplines impliquees (oncologues digestifs, oncologues medicaux, radiotherapeutes, hepato-gastroenterologues, chirurgiens digestifs, radiologues, pathologistes, et plus recemment oncogeneticiens, biologistes moleculaires, etc.), et ce, dans un esprit de multidisciplinarite et de complementarite qui a permis d assurer une prise en charge de la meilleure qualite a nos patients. L oncologie digestive : multidisciplinarité et complémentarité Les cancers de l appareil digestif representent pres de 25 % de tous les cancers avec une incidence d environ 75 000 nouveaux cas par an et concernent une dizaine de localisations ou types de cancers dont des tumeurs rares comme les tumeurs neuroendocrines (TNE) et les tumeurs stromales (GIST) ; elle a un avenir a inventer qui doit continuer a impliquer les hepato-gastroenterologues pour une prise en charge optimale des patients a tous les stades de leur evolution et de leurs traitements. En 40 ans, nous sommes passes de la compassion et des soins de support aux traitements de plus en plus efficaces et, depuis quelques annees, de mieux en mieux personnalises avec la «revolution moleculaire». Nous sommes ainsi passes du stade clinique TNM au stade clinico-biologique plus adapte a notre pratique actuelle et future... mais il n est pas inutile de rappeler d ou nous venons pour mieux comprendre ou nous allons... En 40 ans, nous sommes passés de la compassion et des soins de support aux traitements de plus en plus efficaces Dans les annees 1975, les hepato-gastroenterologues s interessaient alors surtout au developpement des «nouvelles techniques» d endoscopie (les premiers endoscopes souples apparaissaient) et de radiologie (l echographie etait naissante) ; le traitement des patients ayant des cancers reposait sur la seule chirurgie, a l exception des tumeurs rectales pour lesquelles la radiotherapie preou postoperatoire commençait a ^etre utilisee. La prescription du 5-fluorouracile Pour citer cet article : Rougier P. L oncologie digestive : quel futur?de la compassion a la medecine personnalisee. Hepato Gastro 2015 ; 22 : 526-531. doi : 10.1684/hpg.2015.1174 doi: 10.1684/hpg.2015.1174 526 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

Editorial (5-FU), alors administre en bolus, etait consideree comme de l acharnement therapeutique... Dans les annees 1980, le 5-FU (decouvert en 1957), avec les resultats des etudes prouvant son efficacite, a ete progressivement utilise en bolus intraveineux, puis en perfusion continue et/ou potentialise par l acide folinique, et en France le protocole LV5-FU2 a ete developpe. Parallelement, le cisplatine et l adriamycine ont ete utilises dans les protocoles des traitements des cancers gastriques, œsophagiens et pancreatiques. Ce fut le temps du lancement des essais FFCD 8801 (5-FU-cisplatine en adjuvant dans les cancers gastriques), FFCD 8802 (FUFOL en adjuvant dans les cancers coliques) et des premiers essais de chimiotherapie intra-arterielle hepatique. Le 5-FU en perfusion continue et/ou avec l acide folinique est la base de la majorité des protocoles de chimiothérapie Dans les annees 1990, Charles Moertel (Mayo Clinic ; Rochester, Minesota, USA), pionnier de cette specialite, demontrait l efficacite de l association 5-FU bolus + levamisole comme traitement adjuvant des cancers du c^olon stade III, qui fut bient^ot remplacee par les associations 5-FU + acide folinique. C est a cette epoque qu a ete faite la demonstration de l efficacite de la chimiotherapie sur la qualite de vie et la survie des patients ayant des metastases de cancers coliques, gastriques ou pancreatiques. Parallelement, dans des centres experts, les chimiotherapies locales intra-arterielles et intraperitoneales demontraient leur inter^et... L oncologie digestive etait devenue une specialite a part entiere et de nombreux hepato-gastroenterologues et oncologues s y engagerent [1]... Des 1996, les progres realises en matiere de chimiotherapie ont ete importants avec l apparition de l irinotecan et de l oxaliplatine. La mise au point des protocoles FOLFOX4 et FOLFIRI a permis d augmenter significativement la survie et la qualite de vie des patients atteint de cancers digestifs au stade metastatique (cancers colorectaux, gastriques, pancreatiques...), et surtout, l emploi du protocole FOLFOX en traitement adjuvant des cancers coliques stades III a permis d augmenter encore le taux des guerison [2]. Les protocoles FOLFOX4 et FOLFIRI ont permis d augmenter significativement la survie et la qualité de vie des patients ayant un cancer colorectal métastatique Dans les annees 2000, le developpement de la cancerologie digestive s est poursuivi avec l apparition des nouveaux produits de chimiotherapie actifs en cancerologie digestive tels que les 5-FU oraux (capecitabine), la gemcitabine, le docetaxel, etc. En 2004, les therapies ciblees a action antiangiogenique, comme le bevacizumab, ou ciblant l EGFR (epidermal growth factor receptor), comme le cetuximab puis le panitumumab, ont augmente l efficacite des chimiotherapies des cancers colorectaux metastatiques ; les anti-her2 comme le trastuzumab ont ameliore le traitement des adenocarcinomes gastriques metastatiques surexprimant HER2, les anti-tyrosine kinase, comme l imatinib et le sunitinib, celui des GIST, le sorafenib celui des carcinomes hepatocellulaires, le sunitinib et les inhibiteurs de m-tor celui des tumeurs neuroendocrines digestives, etc. [3]. Tous ces produits ont permis le developpement de nombreuses combinaisons actives qui ont augmente l esperance de vie des patients, en particulier ayant des cancers metastatiques du c^olon, au prix d une toxicite majoree et d un co^ut de HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive 527

plus en plus important atteignant pour les combinaisons de chimiotherapie et de therapies ciblees, dans les cancers colorectaux et gastriques metastatiques, plusieurs milliers d euros par mois. Depuis 2004, les thérapies ciblées à action antiangiogénique ou anti-egfr ont augmenté l efficacité des chimiothérapies des cancers colorectaux métastatiques C est aussi a partir des annees 2000 que les chimiotherapies neoadjuvantes se sont developpees et ont ameliore la resecabilite des tumeurs primitives localement etendues de l estomac ou des metastases hepatiques isolees des cancers colorectaux. Parallelement, la radiochimiotherapie concomitante a demontre son efficacite dans le traitement des cancers du rectum, du canal anal, de l œsophage et a un moindre degre du pancreas. Les chimiothérapies néoadjuvantes ont amélioré larésécabilité et la survie des tumeurs de l estomac et des métastases hépatiques de cancer colorectal Depuis 2010, le developpement de la cancerologie digestive se fait dans deux directions : la decouverte de nouveaux produits efficaces : le VEGF-trap (aflibercept) dans les cancers coliques metastatiques, les anti-vegfr2 (ramucirumab) dans les tumeurs gastriques et coliques metastatiques, les anti-tyrosine kinase multicibles tels que le regorafenib dans les cancers coliques metastatiques. Le benefice de ces therapies ciblees reste limite et implique de poursuivre les efforts pour mieux les utiliser dans des populations selectionnees sur des criteres qui restent en grande partie a decouvrir... le developpement de la medecine predictive et personnalisee [3, 4] depuis la demonstration de l efficacite des anti-egfr observee uniquement dans la population des patients atteints de cancers colorectaux metastatiques dont le statut RAS (KRAS et NRAS) est non mute... et celle du trastuzumab actif uniquement chez les patients ayant des adenocarcinomes gastriques exprimant HER2 (soit +++ en immunohistochimie ou HER2++ et FISH+). C est un domaine en plein developpement et la definition de sous-groupes moleculaires par analyse genetique ayant un pronostic ou une sensibilite differente a tel ou tel traitement est en cours. Cependant, nous nous heurtons au probleme de l heterogeneite des tumeurs et de l acquisition de resistance au cours des traitements... ainsi qu a celui de l accessibilite au tissu tumoral, malgre les possibilites actuelles d etude de l ADN tumoral a partir du ADN circulant et des sirna (small interfering RNA) dont l utilisation pratique reste a etablir. La découverte de nouveaux produits efficaces et le développement de la médecine prédictive et personnalisée est la marque des années 2010 Ces avancees tres importantes ne doivent cependant pas transformer l oncologie en une specialite qui ne considererait plus que la cellule tumorale et ses voies de dysfonctionnement en oubliant le patient avec ses besoins et ses demandes, 528 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

Editorial l organe avec ses specificites et les tissus environnants ou microenvironnement tumoral dont le r^ole dans la carcinogenese apparaît de plus en plus important. Il faudra dans le futur de mieux en mieux savoir concilier la double approche : approche «moleculaire/cellulaire», avec la caracterisation des tumeurs, de leur biologie et de leur environnement immunitaire et stromal, et approche «tumeur dans un organe», qui conditionne les possibilites des traitements locaux et leurs complications evolutives. Il y a, en effet, un risque potentiel important a ce que les futurs traitements ne soient choisis que sur des arguments «moleculaires» et que les medecins ne doivent s effacer derriere les biologistes, les biomathematiciens ou les biostatisticiens. La base de la prise en charge doit rester la multidisciplinarite, m^eme si celle-ci doit s enrichir de nouvelles specialites. Il faudra dans le futur savoir concilier la double approche moléculaire/cellulaire et siège dans un organe C est dans ce contexte de progres therapeutiques que la necessite de rationaliser les traitements s imposera de plus en plus avec le triple imperatif : d utiliser a chaque fois que possible des traitements efficaces a coup s^ur... d eviter au maximum les toxicites generatrices d inconfort et d hospitalisation...voire de deces iatrogene... de maîtriser les depenses de sante dans un contexte economique difficile ouil faudra justifier toutes les depenses engagees et interrompre rapidement les traitements inutiles et couteux. La reponse a ce triple imperatif passe par le perfectionnement permanent des connaissances, la personnalisation des traitements medicaux a l ere de la «biologie moleculaire embarquee» et du developpement des traitements locaux complementaires, en particulier des chimiotherapies locales, de la radiologie interventionnelle, et de la chirurgie «a la demande»... La personnalisation des soins permettra de les rationaliser et d en réduire les co^uts L action des groupes cooperateurs devra ^etre soutenue d autant qu elle a ete determinante dans le developpement de la cancerologie digestive et devrait jouer un r^ole important dans le futur. Des 1984, la FFCD (Federation Francophone de Cancerologie Digestive) avait reuni tous les acteurs concernes (hepato-gastroenterologues, oncologues medicaux et radiotherapeutes, chirurgiens et pathologistes) pour favoriser le developpement de l oncologie digestive en France (sous l impulsion d une petite equipe reunie autour de Jean Faivre et moi-m^eme) et mettre en place un enseignement de cancerologie digestive par des cours intensifs. La FFCD et ses membres tres actifs a parallelement conduit de nombreux essais therapeutiques gr^ace au developpement d une structure tres efficiente de recherche clinique et a contribue a l amelioration de la qualite des soins avec la publication de rapports sur les congres internationaux, sa participation a des conferences de consensus et, depuis 2001, sa contribution importante a l edition des recommandations dans le cadre du thesaurus national de cancerologie digestive (TNCD) regulierement actualise 1. 1 http://www.tncd.org/ HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive 529

Plusieurs autres groupes ont egalement largement contribue aux progres de l oncologie digestive en France, en Europe et dans le monde a travers des essais therapeutiques de plus en plus grands... en particulier le GERCOR (Groupe Cooperateur Multidisciplinaire en Oncologie) qui a mene de grands essais comme l essai MOSAIC, la SFRO (Societe Française de Radiotherapie Oncologique) et la FNLCC (Federation Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer, actuellement UNICANCER), tres active en matiere de recherche clinique et de transfert. D autres groupes ont developpe des approches originales comme l ANGH (Association Nationale des Hepato-gastroenterologues des H^opitaux Generaux) et le groupe FRENCH (Federation de Recherche en Chirurgie). Enfin, la France a ete tres active au niveau de l Europe a travers le groupe gastro-intestinal de l EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer). Ces groupes cooperateurs et la FFCD, parfois en collaboration avec l industrie pharmaceutique, ont largement contribue depuis 30 ans aux enormes progres de l oncologie digestive. Ils gardent un r^ole tres important mais ont un inter^et a se regrouper dans le cadre d un groupe cooperateur unique (Groupe Cooperateur en Oncologie ou GCO des cancers digestifs) pour beneficier de financements importants et mener les essais de grande dimension, alors m^eme que leur activite est rendue de plus en plus difficile par les contraintes administratives et des problemes de financement malgre la creation des PHRC (Projets Hospitaliers de Recherche Clinique) qui ne couvrent qu incompletement les domaines a explorer. L action des groupes coopérateurs devra ^etre soutenue d autant qu elle a été déterminante dans le développement de la cancérologie digestive et devrait jouer un rôle important dans le futur En 2015, l oncologie digestive est donc devenue une vraie sous-specialite pour les hepato-gastroenterologues qui ont su acquerir les bases cliniques et biologiques de l oncologie tout en ayant une connaissance approfondie des maladies de l appareil digestif. Nous sommes nombreux a nous ^etre formes pour prendre en charge les chimiotherapies de nos patients aux c^otes des oncologues medicaux et des radiotherapeutes et a permettre une prise en charge pluridisciplinaire de qualite pour tous les patients atteints de cancers digestifs, partout en France, tant sur les plans diagnostique, therapeutique que celui du developpement de la recherche clinique [1]. Nous sommes complementaires des autres specialistes traitant les patients atteints de cancers digestifs et non remplaçables gr^ace a notre double formation, tout comme nos collegues allemands et belges qui ont la m^eme specificite. Nous sommes envies pour cette raison par les hepato-gastroenterologues de nombreux pays europeens qui sont ecartes de la prise en charge therapeutique de ces patients par une vision restrictive et monopolistique de la cancerologie... Nous sommes une vraie sous-spécialité au sein de l hépato-gastroentérologie, et sommes complémentaires des autres spécialistes traitant les patients atteints de cancers digestifs et non remplaçables Dans le futur, les specialistes d organe devront defendre leur double specificite aupres des pouvoirs publics qui considerent trop souvent que la cancerologie se 530 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive

Editorial Références 1. Rougier P, Legoux JL, Ricard F, et al. Implication des hepato-gastroenterologues en cancerologie digestive? Enqu^ete de la Federation des specialites des maladies de l appareil digestif (FSMAD) et la Federation francophone de cancerologie digestive (FFCD) Hepato Gastro 2012 ; 19 : 399-412. limite a l oncologie medicale et la radiotherapie, et oublient que plus de la moitie des cancers sont pris totalement en charge par des specialistes medicaux ou medico-chirurgicaux d organe. Pour cette defense, nous avons cree la FNS2O (Federation des Specialistes d Organes en Oncologie) ou siegent des representants de notre CNP (Conseil National des Professionnels en hepatogastroenterologie), et, aujourd hui, il y a la necessite de nous mobiliser pour ^etre des acteurs incontournables de la future FST de cancerologie (Formation Specialisee Transversale qui permettra d obtenir la competence en oncologie digestive si les reformes en cours aboutissent). Nous devrons aussi faire reconnaître l inter^et de notre double competence au niveau europeen et c est une des missions que s est fixee l ESDO (European Society of Digestive Oncology), creee il y a 8 ans. Ce double combat permettra a l oncologie digestive de perdurer et a l hepatogastroenterologie d avoir un nombre de specialistes en formation suffisant pour assurer l avenir de toutes ses sous-specialites... Liens d inter^ets : l auteur declare les liens d inter^ets suivants : bourses de recherche (association AGEO) ; participation a des essais cliniques en qualite de co-investigateur : ramucirumab cancer gastrique et cancer du c^olon, laboratoire Lilly (2013). Interventions ponctuelles : Merck-Serono (expert et symposium) ; Sanofi-Aventis (expert) ; Keocyte (expert et symposium) ; Ipsen (symposium) ; Bayer (expert et symposium) ; Lilly (symposium et expert). & 2. Rougier P, Ducreux M, Seitz JF. Cancers Digestifs, place de la chimiotherapie anti-tumorale. Paris : Ed. Arnette Blackwell, 1996 3. Rougier P, Laurent-Puig P, Bouche O. Nouveaux concepts en cancerologie digestive. Collection Progres en Hepato-gastro-enterologie. Paris : Ed. Doin, 2005 4. Bouche O, Laurent-Puig P. Medecine personnalisee en cancerologie digestive. Vers un traitement a la carte. Paris : Ed. Springer, 2013 HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive 531