Table ronde «accompagner et soutenir l innovation» JOURNÉES DE L AXE 4

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Transcription:

Table ronde «accompagner et soutenir l innovation» JOURNÉES DE L AXE 4 LES INNOVATIONS EN CANCÉROLOGIE

Compte rendu Nota: Ce compte rendu, réalisé par le Cancéropôle GSO avec l aide de Chloé Renaud, n engage pas les participants à la table ronde.

Animateurs et participants Philippe Brunet est sociologue des sciences et du travail, spécialiste des relations science - industrie Chloé Renaud achève une thèse en sociologie de l innovation sur les rapports entre science, industrie et collectivités publiques pour laquelle elle a étudié des pôles de compétitivité. Norbert Bakalara est chercheur en biologie moléculaire à l institut de neurosciences de Montpellier. il a développé une nouvelle classe de molécule en voie d être utilisé dans le traitement du cancer. Il a créé une start-up, phost in, pour permettre le développement de cette classe de molécule (les phostines). Nicolas Guilbaud est responsable de la recherche externe chez Pierre Fabre. Frédéric Elustondo travaille au sein du SIRIC BRIO, où il assure le suivi des programmes du SIRIC et de leurs équipes. Chimiste médical, il a travaillé précédemment en Angleterre au développement de nouveaux médicaments. Elodie Duru travaille au sein de la SATT de Bordeaux. Elle est chargée du transfert des projets de «sciences humaines et sociales» et, à ce titre, suit des projets médicaux non médicamenteux.

Norbert Bakalara: Si l industrie pharmaceutique est bien une industrie, et les molécules des marchandises, NB souligne que la santé qui organise l industrie pharmaceutique est un objectif particulier, qui en fait un marché particulier. NB et son équipe ont développé une innovation dite «de rupture». Ils ont été très vite compris et ont été financé (2007) par l ANR «physique et Chimie du vivant» ; puis un financement ANR «Emergence biologie» et un financement INCA- INSERM. La démarche translationnelle était présente avant même la valorisation. Il s agissait de montrer que le transfert vers la clinique était possible en allant jusqu à la preuve de concept dans un cadre académique. Les étapes qui précèdent la clinique sont une «Vallée du désert». Matwin leur a permis de prendre conscience de la nécessité d un cadre réglementaire très lourd et cher à supporter. Le résultat du processus Matwin a été de réaliser les phases 1 et 2 de la clinique tout en gardant le contact avec les industriels pour voir s ils répondent présent. Lors de la phase de maturation, la décision a été prise de créer une entreprise. Il a alors fallu convaincre de la création de cette entreprise une SATT pour qu elle finance cette maturation et notamment accompagner le dépôt de brevet qui reste toutefois la propriété du CNRS (aucune retombées pour la SATT). Pour cela, il a fallu donner une connotation industrielle au projet, pour se faire comprendre et étoffer le point de vue scientifique.

Il a fallu 15 mois de négociation pour obtenir une licence d exploitation du brevet. Mais il ne faut pas oublier que ce projet a permis la création d emploi et permet de donner une première expérience à des jeunes. La seconde phase a consisté à monter la société Phost in, ce qui conduit les chercheurs à devenir entrepreneurs. Or, selon NB, il n est pas possible de faire les deux (un chercheur n a ni les compétences ni le temps pour mener ce travail d entrepreneur en plus de ses activités scientifiques). Il a donc fallu recruter quelqu un. Nicolas Guilbaud: l industrie et les chercheurs publics publient beaucoup mais toutes ces publications ne se transforment pas en innovation. Pourquoi? Il faut plus de volonté de rapprochement et de partenariats entre recherche privée et publique. Pour lui, il est important de retenir deux termes : la valorisation, au travers des publications et découvertes qui sont des formes de création de valeur d une part, et la création d emploi. Dans d autres partie du monde, les jeunes ne se posent pas de question et parviennent à créer des emplois, une bulle d activité. De son côté, lorsqu il collabore avec des équipes de recherche, il essaye d établir un «système win/win». C est ce qu il essaye de faire au sein de son entreprise Pierre Fabre qui est une entreprise bien implantée et crée des emplois.

Remarque de Philippe Gory: L industrie pharmaceutique est très financiarisée sauf les grands groupes français qui restent souvent des sociétés familiales. Dans le même temps, ces entreprises sont celles qui font le plus de recherche. Avant de travailler à Pierre Fabre, il a travaillé pour une start-up et les entreprises qui faisaient travailler les start-up bénéficiaient du Crédit Impôt Recherche. C était important pour elles car cela leur permettait d avoir des contrats. Remarque de Norbert Bakalara: le regret des chercheurs c est que rien ne revient directement à la structure qui les a employé, au public. Philippe Brunet interroge Nicolas Guilbaud: est-ce que les politiques de recherche des laboratoires ont changé ces dernières années du fait des évolutions du monde académique? Selon Nicolas Guilbaud, les stratégies de recherche ont changé avec l émergence de nouveaux dispositifs. La montée en puissance des pôles de compétitivité a accentué et accéléré les projets collaboratifs (même si c est particulièrement compliqué de faire collaborer les partenaires). Les jeunes qui ont intégré les dispositifs de soutien et de valorisation sont de plus en plus professionnels et qualifiés. Ce qui est nouveau aussi, ce sont les rencontres avec les SATT et les chercheurs. Ils peuvent leur demander des conseils sous accord de confidentialité. L idée c est d établir des relations privilégiées et de confiance pour identifier les pépites et faire monter les projets qui, en amont, ont une capacité à être valorisée. Toutefois, tout n est pas valorisable.

Comment les sujets potentiellement innovants sont choisis? Comment sont-ils flairés? Nicolas Guilbaud est vu comme un «project killer», parce qu il tue les projets parfois au bout de trois ans car ils ne pourront pas aboutir à un médicament. Il trouve toutefois que depuis 4/5 ans qu il y a une accélération des découvertes. Il reste nécessaire qu il y ait beaucoup de projets financés. Selon lui, il est nécessaire de faire du networking. Il est nécessaire de bien connaitre les chercheurs, de discuter avec eux pour ne pas rater la pépite qui donnera lieu à un succès. Remarque de Cyrille Delpierre: la question de l innovation doit être remise en perspective: d une part Il y a beaucoup de publications qui ne concernent pas des innovations, d autre part, les innovations biomédicales ont un impact moins important qu il n est souvent dit, car elles concernent souvent des sous-populations. Remarque de Frédéric Elustondo: le problème de l innovation c est l incapacité à reproduire les données de la littérature. Beaucoup d innovations sont inapplicables. Un autre problème, serait le retour sur innovation. Le brevet tue énormément l innovation. Quand on est dans le public, cela coûte trop cher de breveter. Il est trop difficile d innover.

Frédéric Elustondo s est occupé du transfert de technologie en Angleterre. Il était en charge de licencier les recherches fondamentales. Aujourd hui, son rôle au SIRIC vise à accélérer le transfert de technologie vers les patients. Selon lui, il y a d autres manières de valoriser que par l argent. Selon lui, le système français est très compliqué par rapport au système anglais qui est au contraire très simple : il y a moins de guichets mais les gros investissements et les petits financements sont gérés par les régions, au niveau local. Il note par ailleurs que les start-up ont une durée de vie beaucoup plus longue en France qu en Angleterre. Ce qui selon lui pose problème car les start-up n ont pas vocation à durer mais à prendre de l essor et à devenir des PME ou disparaître. Selon lui, il manque des «business developper» alors qu en angleterre il est très facile d avoir des personnes qui vont chercher l argent et les financements. C est une erreur de la part des chercheurs que de vouloir gérer une startup car les compétences sont très différentes. La notion d entrepreneuriat n est pas du tout la même : selon lui, c est un problème d éducation mais aussi de relation entre structures privé et publique. Il y a beaucoup de biotechs en Angleterre. Il n y a pas une seule recette pour valoriser l innovation. En France, il y a une tendance à se référer au passé. Il manque une analyse du présent, de personnes et de compétences. Ce n est pas un problème d argent selon lui.

Nicolas Guilbaud revient quant à lui sur le fait que le niveau scientifique est aujourd hui extrèmement élevé. Mais la Bulle de business et la bulle économique sont parfois choquantes. Avant même de parler science, les chercheurs ont tendance à lui parler d argent. Il souligne également qu il existe une question éthique dans le monde de la science et de la clinique qu ils essayent d intégrer dans le choix des projets à suivre et à poursuivre. Il souligne également qu il ne faut pas oublier que les travaux menés en cancérologie ont aussi servi dans d autres domaines, ils ont permis des progrès pour d autres pathologies. Elodie Duru Elodie souligne que l investissement est long et conséquent pour être en mesure de montrer des choses à l industrie. Ce qui est problématique c est qu il est souvent difficile de se comprendre entre les attentes de publications et de brevet, de sorte que les équipes peuvent faire face à des demandes contradictoires. Ce n est toutefois pas incompatible. La SATT a mis en place un processus de sélection des dossiers et des projets. Ils essayent de faire de plus en plus de codéveloppement avec les industriels (pour qu il n y ait pas de développement derrière ou qu il y en ait moins).

Une expertise de rentabilité (étude de marché) est mené conjointement à une expertise scientifique (au moment du dépôt de brevet parles ingénieurs projets qui ont tous un background scientifique). La SATT a vocation a s autonomiser, donc l objectif est d avoir des brevets qui soient rentables, sur lesquels elle pourra toucher des royalties pour s autofinancer. Remarque de Nicolas Molinari: la question des expertises par les SATT l interroge: est-ce que ce sont de vrais évaluations scientifiques ou des évaluations économiques? Parfois un chercheur qui est un bon «vendeur» arrive à défendre un projet qui, scientifiquement, n est pas intéressant Elodie Duru explique que l expertise est à la fois scientifique et économique.