Le réveil en anesthésie pédiatrique et ses complications Olivier Paut, Hôpital d enfants de la Timone et Faculté de Médecine, Marseille, France
Le réveil Précoce = réveil immédiat: retour de la conscience, récupération des principales fonctions, réapparition des mouvements Intermédiaire: récupération sensori-motrice : aptitude au retour à domicile Tardif: retour complet des fonctions sensorimotrices
Les problèmes posés Une morbidité élevée La conjonction des effets résiduels de l anesthésie et des effets de la chirurgie De fréquents «gros petits problèmes» (N,V) De nombreuses complications respiratoires Laryngospasme, Désaturation, Obstruction des VAS, Hypoventilation L émergence de nouvelles pathologies: l agitation Une organisation nécessaire
Morbidité en fonction de l'âge Murat I et al Pediatr Anesth 2004 nb /1000 anesthésies 70 60 50 40 30 20 10 0 * * 0-1 an (n=3681) 1-7 ans (n=12495) 8-16 ans (n=6867) * * * * Anesthésie SSPI
/1000 anesthesies /1000 anesthésies Facteurs de risque de complications respiratoires Murat I Ped Anesth 2004 40 35 30 25 20 15 10 5 0 25 20 15 10 5 0 Incidents critiques respiratoires Effets de l'âge * AGE Bloc SSPI Incidents critiques respiratoires: intubé (n=13126) versus non-intubé (n=11039) * Bloc SIT SSPI 0-1 an 1-7 ans 8-16 ans intubé non intubé /1000 anesthésies /1000 anesthésies 35 30 25 20 15 10 5 0 70 60 50 40 30 20 10 0 Incidents critiques respiratoires : ORL (n=6138) versus autres actes (n=16905) * ORL ORL Bloc SSPI Incidents critiques respiratoires : ASA 1-2 (n=20424) versus ASA 3-5 (n=1522) Bloc * ASA autres actes * SSPI ASA 1-2 ASA 3-5
Types de complications Respiratoires +++ Digestives: nausées, vomissements Neurologiques: agitation Divers: douleur, hypothermie, cardiovasculaires, retard de réveil
L incidence des complications respiratoires est élevée Mamie C et al Paediatr Anaesth 2004 Étude prospective de 755 patients 45 enfants récusés pendant l étude 21.3% de complications peropératoires et 12.8% postopératoires Facteurs de risques Âge diminution de 8% par année d âge Curares pour intubation OR 0,6 [0,45-0,95] Anesthésiste junior OR 1.7 [CI 1,13-2,57] ORL OR 1,57 [CI 1,01-2,44]
Incidence des complications respiratoires Bordet et al Paediatr Anaesth 2002 Étude prospective de 1996 patients 150 enfants récusés pendant l étude 157 complications respiratoires (7,9%) 10,2% avec ML (72/704), 4,7% avec MF (19/401) et 7,4% (66/891) avec SIT Facteurs de risques Âge < 6 ans OR 1,84 [CI 1,21-2,80] ML OR 2,32 [CI 1,29-4,17] Infection VAS OR 3,72 [CI 2,3-5,99]
Le rôle de l infection des voies aériennes supérieures
IVAS et complications au réveil Levy L et al Anaesthesia 1993 RA (22) RC (28) C (80) P RA (22) RC (28) C (80) P Induction 55 % 36 % 45 % 0,41 Induction >94 % <93 % 95 % 5 % 93 % 7 % 95 % 5 % 0,89 Réveil 59 % 57 % 77 % 0,06 Transfert >94 % <93 % 71 % 29 % 89 % 11 % 99 % 1 % 0,001 Réveil tardif 14 % 20 % 65 % 0,76 Réveil >94 % <93 % 68 % 32 % 75 % 25 % 90 % 10 % 0,02 % Score = 7 SpO 2
IVAS: Masque laryngé versus intubation Tait AR Anesth Analg 1998 Etude P, R N = 82, 3 mois -16 ans Plus de complications respiratoires si SIT (n=35) vs ML (n=19) Intubation Réveil Total ML SIT ML SIT ML SIT Toux 4,9% 17,1% 51,2% 56,1% 63,4% 80,5% Apnée 2,4% 4,9% 9,8% 7,3% 24,4% 26,8% Laryngospasme 2,4% 2,4% 0 2,4% 2,8% 4,9% Bronchospasme 0 4,9% 0 2,4% 0 12,2%* SpO2 90-94% 2,5% 0 17,5% 22,5% 32,5% 32,5% SpO2 < 90% 0 12,5%* 2,5% 5% 10% 25%
L extubation profondément endormi réduit-elle la fréquence des complications?
Les critères d extubation Stabilité hémodynamique Température > 35 5 C Récupération des réflexes de protection des voies aériennes supérieures Réveil des agents hypnotiques ou halogénés Dépression respiratoire morphinique modérée Disparition du bloc moteur Aptitude à maintenir une ventilation et une oxygénation correcte
Extubation: endormi ou réveillé? Agent CAM extubation Auteur Halothane Isoflurane 1.4% Neelakanta, 1994 Sevoflurane 1.7-2.3% Inomata, 1998 Higuchi, 1997 Desflurane 7.7% Cranfield, 1997
Extubation: endormi ou réveillé? Pounder et al Anesthesiology 1991 N = 100, 1-4 ans, tirage au sort Isoflurane vs halothane Induction: thiopental, celocurine, N20/02, ALR Endormi: 2 CAM entretien, aspiration, position latérale Réveillé: 1,3 CAM entretien HALOTHANE Endormi Réveillé ISOFLURANE Endormi Réveillé Toux 12% 28% # 4* 72%* # Blocage respiratoire 20% 12% 28% 32% Obstruction VAS 20% 8%* 28% 36%* Laryngospasme 0 4% 4% 12% Toute complication 40% 40% # 48%* 80%* # SpO2 < 90% 0 # 24% # 0* 44* SPO2 la plus basse 97±2% # 89±11% # 97±2%*87±1
Extubation profondément endormi: Sevoflurane vs Desflurane Valley RD et al Anesth Analg 2003 Etude prospective, randomisée, n = 48, chirurgie sous ombilicale; induction propofol ou sevoflurane, entretien desflurane ou sevoflurane Extubation: 1,5 MAC gaz Desflurane Sevoflurane Ouverture des yeux (min) 19 ± 18 23 ± 18 Critères de sortie (min) 51 ± 24 46 ± 23 Toux 36 18* Breath holding 4 0 Hypersécrétion 4 0 Laryngospame 2 1 Désaturations < 95% 9 5 Agitation 45% 20%
Extubation sous sevoflurane: quelle MAC? 1,87% 1,70% MAX ex = 0,8 MAC
Rapidité de réveil et complications respiratoires : Sévoflurane vs Desflurane Valley et al Anesth Analg 2003 N = 48, induction propofol ou sevoflurane, ALR Desflurane ou Sevoflurane Extubation: stop N20, 1,5 CAM, position latérale
Extubation endormi ou réveillé: quelle technique choisir? Aucune technique n a fait réellement la preuve de sa supériorité Choix déterminé par: Habitude des équipes Caractéristiques des patients, âge Type d intervention Extubation endormi: asthme sévère, ophtalmologie, tympanoplastie Extubation réveillé: estomac plein, intubation difficile, obstruction des VAS, prématuré
Les manœuvres d ouverture des voies aériennes supérieures
Ouverture des VAS par traction sur menton B Von Ungern-Stenberg et al Pediatr Anesth 2005
The effects of chin lift and jaw thrust while in the lateral position on stridor score in anesthetized children with adenotonsillar hypertrophy Arai YC et al Anesth Analg 2004; 99 Etude prospective, n = 30, apnées du sommeil, amygdales + végétations Induction Sévoflurane Score de stridor Décubitus dorsal +ascension du menton +luxation de la mandibule Décubitus latéral +ascension du menton + luxation de la mandibule
Effets des manœuvres d ouverture sur les dimensions des voies aériennes supérieures 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 dorsal Arai YC et al Anesth Analg 2005; 100 * 3 * # # latéral Tête position neutre Longueur antéropost (u) Longueur transverse (u) # 2,5 2 1,5 1 0,5 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 * * dorsal # # latéral # Ascension du menton * * # # # Score de Stridor 0 dorsal latéral Luxation de la mandibule
La curarisation résiduelle
Arbous et al Organisation anesthésique et réduction des risques liés à l anesthésie Protocole de vérification de l équipement (OR 0.61) Disponibilité immédiate d un anesthésiste (OR 0.46) Pas de changement d anesthésiste pendant l acte (OR 0.44) Présence permanente d une IADE (OR 0.41) Présence de 2 personnes lors du réveil (OR 0.69) Antagonisation des agents (curares OR 0.10) Analgésie postopératoire
La curarisation résiduelle est fréquente Debaene, Anesthesiology 2003 N = 526, dose unique de curare intermédiaire Pas de décurarisation Acceleromyographie en salle de réveil
Evaluation de la curarisation résiduelle: clinique T4/T1 = 0.2: Ventilation de repos peu modifiée mais troubles très importants de la déglutition Pavlin, 1989 T4/T1 > 0.4: head lift test Kopman, 1997 Head lift test: moins fiable que l évaluation manuelle du TOF ou DBS pour dépister les patients avec T4/T1 < 0.7 T4/T1 > 0.7: Retenir une canule entre les dents Kopman, 1997 Chez l enfant: quand les critères cliniques de décurarisation sont établis, T4/T1 = 0.5 Meretoja 1990
Evaluation de la curarisation résiduelle: monitorage Effectué sur l adducteur du pouce: sensibilité élevée, cinétique de décurarisation lente TOF: la fatigue musculaire ne peut être déterminée visuellement ou tactilement que pour T4/T1 de 0.3 Accélérométrie Double Burst Stimulation: 2 trains 50 Hz 60 ms intervalle 750 ms. Evaluation manuelle du rapport d intensité; détection d une fatigue : T4/T1 = 0.6 Samet A Anesthesiology 2005
Curarisation résiduelle: morbidité T4/T1 > 0.6: altération de la déglutition Curarisation résiduelle: risque de fausse route x 5 Persistance de la faiblesse de la musculature pharyngée alors que le diaphragme fonctionne normalement Curarisation résiduelle: diminue la réponse ventilatoire à l hypoxie Eriksson, 1992 Curarisation résiduelle (T4/T1 < 0.7): augmente le risque ce complication pulmonaire Berg, 1997
Antagonisation de la curarisation Préférer les curares d action intermédiaire (attention au vecuronium chez le nourrisson) Neostigmine : 40 µg/kg Cind: asthme sévère, tb du rythme et de la conduction TOF: 2 réponses (4 pour pancuronium) + atropine: 15-20 µg/kg Sugammadex? Impact des modifications des pratiques sur la curarisation résiduelle Baillard et al Br J Anaesth 2005
La technique d extubation
La technique d extubation influence l oxygénation Guglielminotti J et al Br J Anesth 1998 Etude prospective, randomisée N = 120 Extubation réveillé Inflation pulmonaire unique FiO2 = 1 Aspiration pendant l extubation
Laryngite post-extubation
90 80 70 60 50 Facteurs de risque de la laryngite PI Koka B et al Anaesth-Analg 1977; 56: 501 * * ** ** Laryngite 40 Contrôle 30 20 10 0 *** ** 1-4 ans Intubation traumatique Fuite > 25 cm H2O Positionnement Durée > 1 h Chirurgie cervicale
Sonde avec vs sans ballonnet Khine H, Anesthesiology 1997 ; 86 : 627 B + B - P N 251 237 Infection VAS récente 16 (6,4%) 15 (6,3%) > 0,5 Laryngite 6 (2,4%) 7 (2,9%) > 0,5 Traitement laryngite 3 (1,2%) 3 (1,3%) > 0,5 Hospitalisation 1 (0,4%) 1 (0,4%) > 0,5
Evaluation en salle de réveil Liberté des VAS et SpO 2 Administration d O 2 Signes vitaux de base: PA, Fc, FR, θ C Position du patient Pansements Cathéters, drains (perméabilité, volume drainé) Voies veineuses, qualité et volume du liquide perfusé Niveau de conscience Force musculaire et réponse Niveau de douleur et médicaments analgésiques Nausées et vomissements Adapté d après Spahr-Schopfer, 2002
Les troubles du comportement de la période postopératoire immédiate Délire du réveil «emergence delirium» Syndrome psychiatrique associant des anomalies de perception, des hallucinations, une agitation psychomotrice Ne reconnaissent pas leur environnement familier Agressivité Irritabilité, pas de coopération, pleurs, gigotements, gémissements, se débat Agitation Excitation
les causes possibles à l origine des troubles du comportement du réveil: Réveil rapide Caractéristiques de l anesthésie Douleur postopératoire Type de chirurgie Âge Anxiété pré-opératoire Tempérament de l enfant Médicament associé Vlajkovic G, Sindjelic R Anesth Analg 2007
Agitation Autres facteurs favorisants: Douleur Hypoxémie, hypercapnie, obstruction des VAS Induction agitée Désorientation (lieu inconnu) Réveil brutal dans un environnement bruyant Nausées Hyperthermie Rétention urinaire Médicaments: kétamine, BZD (agitation paradoxale)
Agitation Prévention: Eviction du sévoflurane, utilisation du propofol (entretien) Uezono et al., Anesth Analg, 2000 Propofol (1 mg/kg) IV à la fin de l anesthésie au Propofol (1 mg/kg) IV à la fin de l anesthésie au sévoflurane: réduit l agitation (19,5% vs 47,2%) Aouad et al., Anesthesiology, 2007
Agitation Echelle PAED (Pediatric Anesthesia Emergence Delirium Scale)
Facteurs favorisants: Agitation Halogénés: sévoflurane, desflurane Agitation moins fréquente sous propofol (0-9%) /sevoflurane(23-46%) Picard et al, Acta Anesthesiol Scand, 2000 Age pré-scolaire, entre 2 et 4 ans +++ Cole et al., Paediatr Anaesth, 2002 Type de chirurgie: ORL, ophtalmologique
La rapidité du réveil n explique pas en soi l agitation au réveil Etude prospective, randomisée, n = 53, 2-36 mois Induction sévoflurane, entretien propofol ou sévoflurane, analgésie par caudale ou fentanyl 2 µg/kg IV Score d agitation Produit N extubation ouverture mouvement des yeux à l ordre Sevoflurane 26 8.9 ± 5 16 ± 10 15.6 ± 10 Propofol 27 8.2 ± 3 15.7 ± 7 15.5 ± 8 Cohen I et al Pediatr Anesth 2003
La rapidité du réveil n explique pas en soi l agitation au réveil P = 0.05 Cohen I et al Pediatr Anesth 2003
Quels sont les facteurs associés avec Etude prospective, 3-7 ans l agitation au réveil:? Analyse univariée des facteurs associés avec l agitation au réveil Analyse multivariée Questionnaire de personnalité (100 items) rempli par parents Variable p Délai de réveil <0.001 Isoflurane 0.012 Chirurgie ORL 0.023 Chirurgie ophtalmo. 0.056 Adaptabilité 0.084 Voepel-Lewis T et al Anesth Analg 2003
La prévention de l agitation: MidazolamPO ClonidineIV ou caudale DexmedetomidineIV Fentanyl IV ou intranasal Ketorolac Vlajkovic G, Sindjelic R Anesth Analg 2007
Sortie de la salle de réveil Récupération d une ventilation efficace et des réflexes de protection Hémodynamique stable et contrôle du saignement Contrôle des nausées-vomissements et de la douleur Période d observation suffisante après l administration d un antagoniste Absence d agitation
Les scores: Steward Steward D, Can J Anesth 1975 Conscience Eveillé 2 Répond aux stimuli 1 Absence de réponse 0 Respiration Mouvements Toux à la demande Bonne ventilation Assistance ventilatoire Volontaires Involontaires Absence 2 1 0 2 1 0
Les scores: Aldrete modifié Aldrete J, J Clin Anesth 1995 Critère score Activité musculaire Bouge 4 membres spontanément où à la demande Bouge 2 membres spontanément où à la demande Incapacité à bouger spontanément où à la demande Respiration Capable de respirer amplement, de tousser et/ou de crier Ampliation faible, dyspnée Apnée Hémodynamique TA pré anesthésique +/- 20% TA pré anesthésique +/- 21-49% TA pré anesthésique +/- 50% Conscience Alerte, réveil complet Réveillable à la demande Pas de réponse SpO2 SpO2 > 92% à l air O2 pour SpO2 > 90% SpO2 < 90% avec ou sans O2 2 1 0 2 1 0 2 1 0 2 1 0 2 1 0
Critères de sortie En France, passage obligatoire en SSPI Durée moyenne : 1heure à 1h30 Pays anglo-saxons: «fast-tracking»: Critères de réveil (score d Aldrete modifié et score de White and Song) Critères d inclusion du patient