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Transcription:

11. Une progression ralentie des conditions de vie depuis le début des années 1990 mais aussi des laissés-pour-compte L image d une progression constante et générale des conditions de vie matérielles (hausse des revenus, accès à la maison individuelle, à l automobile, logements plus spacieux) doit être tempérée par le constat d un ralentissement dans cette progression qui s accompagne, depuis le début des années 1990, d une inflexion, voire du retournement de certaines tendances orientées vers le progrès économique et social, et d une hausse des inégalités, qui recouvre des effets à la fois sociaux et générationnels. 11.1 Une progression du niveau de vie qui se poursuit à un rythme ralenti, avec une recrudescence des inégalités sur la période récente Les questions de la richesse, de la pauvreté, ou des inégalités peuvent s examiner en termes monétaires, ce qui permet de disposer de données tangibles. Les dix dernières années sont marquées par un contexte de désinflation, de ralentissement de la croissance économique, ainsi que de progression ralentie du pouvoir d achat : après être passé de 760 euros par unité de consommation en 1970 à 1150 euros en 1990, soit une augmentation de 50%, la progression du niveau de vie s est essoufflée entre 1990 et 1997, pour finalement repartir entre 1997 et 2001 142, sous l effet de la nouvelle économie. Bien que la France se soit enrichie, la part des salaires dans la valeur ajoutée a régressé depuis le début des années 80, expliquant une progression modérée du niveau de vie des salariés, tandis que les actifs financiers des ménages se sont accrus (de 250 % entre 1980 et 1996). De plus, l évolution des revenus doit être corrigée des effets de structure. Les qualifications des salariés se sont fortement élevées, pour des revenus qui ont peu progressé. La rémunération moyenne, à qualification équivalente et en francs constants, a donc en réalité très peu augmenté, voire régressé dans certains cas. Ainsi, l augmentation des salaires depuis 1978 s explique intégralement par l évolution des qualifications. Le salaire net en francs constants n a donc pas augmenté en moyenne. La hiérarchie salariale s est de plus resserrée, un cadre ne gagnant plus que 2,7 fois le salaire d un ouvrier en 1995. Cependant, dans le même temps, entre 1990 et 1998, les prix à la consommation hors tabac ont peu augmenté (environ 16%), avec cependant de très forts écarts selon les biens et services. Ainsi, les loyers et l eau ont augmenté deux fois plus vite que la moyenne, les prix du tabac ont doublé 143, tandis que les prix des produits manufacturés ont peu évolué, voire ont diminué. Il est donc probable que l impact en termes de pouvoir d achat sur les différentes catégories sociales soit hétérogène, car les coefficients budgétaires diffèrent : les ouvriers consacrent une part plus importante de leur revenu au loyer, aux dépenses de transports, au tabac que les ménages plus «aisés». L instabilité accrue de l emploi, la préférence pour l endettement à court terme et l investissement financier (assurance-vie) ont aussi entraîné un essoufflement de l accession à la propriété 144. Cette dernière est cependant repartie à la 142 «Le niveau de vie des ménages de 1970 à 1999», Olivier Guillemin et Valérie Roux, INSEE, Données sociales, 2002-2003, Novembre 2002. Entre 1990 et 1996, le revenu fiscal moyen par ménage recule de 0,1% par an. 143 Insee Première, n 673, septembre 1999. 144 «Accession à la propriété : le régime de croisière?», François DUBUJET, David LE BLANC, Insee première, n 718, juin 2000. Le nombre d accédants à la propriété s est stabilisé. Il y a de moins en moins d accédants de moins de 28 ans. 91

hausse depuis 1996. Le nombre d accédants récents s est ainsi accru de 40 % entre 1996 et 2002 145. Les inégalités évoluent selon le contexte économique : mesurées à partir du revenu fiscal, elles se sont rétrécies pendant la croissance économique, jusqu en 1990, quoiqu à un rythme de plus en plus ralenti, et ont recommencé à augmenter entre 1990 et 1997 146, avec le ralentissement économique, d autant que la part rétrécie des salaires dans la valeur ajoutée a privilégié les ménages détenteurs de capital. Les revenus de certains ont fortement progressé du fait d une mobilité sociale ascendante et de la valorisation de leurs actifs immobiliers et financiers 147, tandis que les revenus d une autre partie de la population ont diminué en termes de pouvoir d achat. Les ménages les plus pauvres ont toutefois bénéficié d un effort redistributif amortissant la croissance des inégalités, contrairement aux catégories moyennes qui ont connu une faible croissance de leur pouvoir d achat sans pouvoir prétendre bénéficier de prestations de transfert. Le patrimoine populaire, en particulier la propriété de la résidence principale, a ralenti sa diffusion alors que le patrimoine de rapport, plus sélectif par nature, s est développé. Le patrimoine est très concentré, de sorte que les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus importantes que les inégalités de revenus: 10% des ménages salariés détenaient 44 % du patrimoine total en 2000, et 70 % des revenus du patrimoine sont alloués aux 10% disposant des revenus les plus élevés 148. La répartition de la richesse au sein de la population s est transformée. Les ménages structurellement détenteurs (catégories aisées et gens âgés) ont distancé les ménages structurellement endettés (familles jeunes et modestes), alors même que le niveau de qualification des jeunes s est élevé. L accession à la propriété a régressé parmi les jeunes générations : à partir de 1982, le taux de propriétaires a fortement baissé chez les moins de 35 ans, et s est accru chez les plus de 55 ans 149. 11.2 La pauvreté s est transformée : elle touche moins désormais les retraités et le monde rural que les jeunes urbains. 150 Les constats sur l évolution de la pauvreté dépendent des indicateurs mobilisés pour la mesurer et des périodes considérées. Si on mesure la pauvreté monétaire relative sur le fondement du revenu disponible 151, la pauvreté au sens monétaire a diminué depuis 1970 145 Source : ENL 146 «L évolution des inégalités de revenus entre 1970 et 1996», Synthèses n 28, Revenus et Patrimoine des ménages, édition 1999, INSEE. La progression des revenus fiscaux par UC est d autant plus importante que le décile est élevé. Le revenu fiscal diminue fortement dans le décile le plus bas (-2,7% par an). Les inégalités sont cependant sous-estimées par cet indicateur car le revenu fiscal ne comprend pas les revenus du patrimoine, plus inégalitaires que ceux du travail. 147 C est notamment le cas des retraités dont le revenu a progressé deux fois plus vite que celui des actifs. 148 «Evolution des inégalités de patrimoine chez les salariés entre 1986 et 2000», Catherine ROUGERIE, INSEE première, Novembre 2002. 149 Plus globalement, les retraités ont été les principaux bénéficiaires de la progression du niveau de vie (op cit, note 9, p14). 150 «La pauvreté monétaire des ménages de 1970 à 1997 plus de ménages pauvres parmi les salariés, moins chez les retraités», Jean-Michel HOURRIEZ, Nadine LEGENDRE, Robert LE VERRE, INSEE première, n 761, mars 2001 151 151 Le revenu disponible est défini comme le revenu déclaré au fisc augmenté des prestations sociales (prestations familiales, aides au logement et minima sociaux) et diminué des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d habitation, CSG/RDS). C est donc un revenu corrigé des effets redistributifs. En outre, la 92

jusqu au milieu des années 80, pour se stabiliser ensuite. Cependant, en raison du chômage de longue durée, de l extension des «formes particulières d emploi», de l émergence des «travailleurs pauvres», la pauvreté s est étendue à de nouvelles catégories de populations, tandis qu elle s est retirée parmi d autres qui ont vu leurs conditions de vie s améliorer nettement. Ainsi, les retraités 152 et les familles nombreuses sont moins menacés désormais que les deux extrémités de la population active: jeunes et personnes de plus de 50 ans. Globalement, parmi les salariés et les chômeurs, la pauvreté s est étendue entre 1990 et 1997. La pauvreté s est nettement développée chez les immigrés âgés et sans diplôme, les hommes en situation de grande précarité, les familles monoparentales 153. Il faut aussi prendre en compte, sur la période récente, l immigration en provenance des pays de l Est ou du Sud où les contextes économiques et politiques se sont dégradés pour une frange des populations. Le taux de pauvreté des jeunes est très sensible à la conjoncture économique. Après avoir progressé de 9 à 18% entre 1975 et 1995, il a de nouveau régressé entre 1997 et 2001, pour retomber à 9% 154. Par contre, le taux de pauvreté s est accru de manière constante chez les employés et les ouvriers non qualifiés, qui regroupaient 43% des ménages pauvres en 1995. Toujours en conservant cette définition de la pauvreté monétaire, le taux de ménages «qui seraient pauvres» s ils ne bénéficiaient de prestations de transfert est passé de 10 à 14% parmi les salariés de 1970 à 1997. D après une étude conduite par la DREES 155, l effet redistributif des transferts sociaux fait diminuer en France le taux de pauvreté de 20 à 9% 156, pour un effort financier de 9,5 points de PIB. D autres analyses, actuellement peu usitées, s appuyant sur la notion de pauvreté absolue, sont possibles. Elles consistent à comparer les revenus aux coûts d un certain nombre de produits de référence supposés correspondre, soit à des besoins de l être humain (logement, alimentation) ou à une norme d intégration minimale à la dynamique du progrès matériel à un certain niveau de développement économique et social, soit à des articles de consommation courante (le fameux «panier de la ménagère») dont la nature évolue elle-même selon les usages et le rythme de diffusion des nouveaux produits et services. Les populations pauvres sont extrêmement dépendantes à l égard des revenus de transfert : ainsi, pour plus d un foyer à bas revenus sur deux, les prestations constituent plus de 80% des ressources. Quelques chiffres permettent d illustrer l étendue de la pauvreté. Les bénéficiaires du RMI, essentiellement constitués de personnes seules 157 et de familles monoparentales, dans la grande majorité des cas des femmes seules avec enfants 158, se sont accrus de 15% par pauvreté est définie de manière relative, les ménages pauvres sont ceux dont le revenu disponible par unité de consommation est inférieur à la demi-médiane des revenus disponibles par unité de consommation. 152 La proportion de retraités pauvres est passée de un sur quatre en 1970 à un sur vingt-cinq en 1997, celle des salariés pauvres de 4 à 7%. 153 40 % des familles monoparentales vivent en-dessous du seuil de pauvreté. 154 La pauvreté des jeunes est toutefois amortie par les aides familiales qui ne sont pas appréhendées par les enquêtes Revenus fiscaux mais qui s élèvent en moyenne à 18000 francs/an, d après l enquête Budget des familles 1994 155 «Pauvreté et transferts sociaux en Europe», Marc Cohen-Solal et Christian LOISY, Direction de la Recherche, des Etudes, de l Evaluation et des Statistiques (DREES), Ministère de l Emploi et de la Solidarité, Juillet 2001. L étude montre que l effet des transferts sociaux (hors assurance et maladie) sur la réduction du taux de pauvreté est lié à leur ampleur. La France se situe de ce point de vue dans une situation intermédiaire entre les pays du Nord de l Europe et ceux du Sud. 156 Sans compter la prestation vieillesse qui a permis de faire baisser la pauvreté parmi les retraités. 157 528 000 personnes seules dont 335 000 hommes seuls. 158 223 000 familles monoparentales dont 209 000 femmes seules avec enfants. 93

an entre 1975 et 1995, puis ont reculé de 1997 à 2001 sous l effet du redémarrage économique temporaire 159. Plus d un million de jeunes étaient concernés par des contrats d insertion en 1995, et touchaient moins de la moitié du SMIC. Il y avait 643 000 titulaires du minimum vieillesse en 2001, soit environ 6 % des retraités. En Ile-de-France, près d un ménage sur huit est estimé être en situation de pauvreté monétaire. Il y avait en 2000 172 000 allocataires du RMI, 440 000 allocataires de la CAF à bas revenus. 160 Le fait d être inactif ou au chômage augmente considérablement le risque de pauvreté 161. Mais la pauvreté s est aussi étendue dans le monde du travail en raison des «formes particulières d emploi», car les durées de travail hebdomadaires ou la précarité des contrats entraînent faiblesse et instabilité des revenus 162. 11.3 Inégalité des conditions de vie En Ile-de-France, se loger est devenu de plus en plus coûteux, en particulier pour les ménages modestes. En 2002, les franciliens consacraient 18,3 % de leur revenu pour se loger 163, contre 12,8 % en 1973, en dépit de la progression et de la généralisation progressive des aides au logement pour les ménages modestes. C est pour les locataires du parc privé que le taux d effort logement est le plus élevé, soit 20,8 % de leur revenu, et pour les locataires du parc HLM qu il est le plus faible (13,4 %). Le taux d effort net des locataires n a cessé de progresser tandis que celui des accédants est resté stable au fil du temps, autour de 20 % de leur revenu. Pour les ménages modestes 164 franciliens, le taux d effort net s est élevé de 17,1 % en 1988 à 23,3 % en 2002. Pour les ménages franciliens les plus pauvres 165, il s est élevé de 17,5 % à 26,1 %. La progression du taux d effort pour les ménages modestes a été nettement plus forte qu en province, et plus forte également que pour l ensemble des ménages. Cette différence tient essentiellement à l effet solvabilisateur moins élevé des aides au logement en Ile-de-France, qui ne prennent pas suffisamment en compte le différentiel des loyers et des prix avec la province. Ainsi, les aides au logement, en 2002, ne diminuaient le taux d effort que de 13 points pour les ménages franciliens les plus pauvres, contre 25 points en province. Par ailleurs, en raison de la disparition du «parc social de fait» (logements en loi de 1948, hôtels, meublés ou sous-locations ) et des difficultés d accès au parc social, notamment pour les personnes seules, les ménages les plus pauvres sont de plus en plus souvent logés dans le secteur libre où les loyers sont plus élevés. Le loyer représentait ainsi 51 % du revenu des ménages à bas revenus en 2002 dans le secteur privé, contre 33 % dans le parc social 166. Les 159 Pour atteindre finalement 917 000 bénéficiaires en France métropolitaine en 2001. 160 «Recueil statistique relatif à la pauvreté et la précarité en Ile-de-France au 31 Décembre 2001», Mission d information sur la pauvreté et l exclusion sociale en Ile-de-France. 161 «La pauvreté monétaire des ménages de 1970 à 1997», INSEE première n 761, mars 2001. 162 C est le phénomène des «travailleurs pauvres», qui étaient estimés à 1300000 en 1996, soit 6% de la population active occupée. Les prestations sociales représentent plus du tiers de leur revenu («Les travailleurs pauvres», Christine LAGARENNE et Nadine LEGENDRE, Insee première, n 745, Octobre 2000). 163 «Le logement : une dépense importante pour les ménages franciliens modestes», INSEE première, n 230, Décembre 2003. 164 Ménages appartenant au quart des ménages franciliens dont le revenu est le plus faible. 165 Ménages dont le revenu est inférieur à la demi-médiane des revenus. 166 «Les conditions de logement des ménages à bas revenus», INSEE première, n 950, Février 2004 94

conditions de logement des ménages à bas revenus se sont dégradées entre 1988 et 2002. Ainsi, 35 % seulement des ménages à bas revenus étaient propriétaires ou accédants à la propriété en 2002, contre 48 % en 1988. Plus de 20 % des ménages à bas revenus sont en situation de surpeuplement. Les inégalités concernent aussi le cadre de vie, souvent moins attractif pour les ménages les plus modestes. Ainsi, ils signalent plus souvent des problèmes de confort. Pour 28 % des ménages du premier décile de niveau de vie, leur logement est humide, contre 15 % pour l ensemble des ménages 167. 26 % d entre eux estiment qu il est mal chauffé, contre 12 % pour l ensemble des ménages. Ils sont plus souvent confrontés aux nuisances, notamment le bruit, la pollution et l insécurité. 32 % d entre eux se déclarent gênés par le bruit, contre 25 % pour l ensemble des ménages. Dans les cités et les grands ensembles, la proportion des ménages se déclarant gênés par le bruit est de 36 %. La pollution de l air est invoquée par 14 % des ménages du premier décile, contre 11 % pour l ensemble des ménages. 26 % d entre eux signalent par ailleurs des actes de vandalisme, contre 17 % pour l ensemble des ménages. Ces nuisances sont encore plus fortement ressenties en région parisienne. Dans l unité urbaine de Paris, 41 % des ménages les plus pauvres sont gênés par le bruit, 34 % constatent des actes de vandalisme. La «fracture sociale» dans l ensemble de ses aspects (niveau de vie, logement, accès à la mobilité, environnement et cadre de vie, exclusion économique ) a des répercussions importantes en termes de politiques d aménagement. En particulier, la polarisation sociale de l espace ne cesse de s accroître, en mobilisant toute l attention des pouvoirs publics, en dépit des efforts de solidarité consentis au titre de la Politique de la Ville, du logement des défavorisés ou des mesures destinées à promouvoir la mixité sociale 168, dont les visées peuvent d ailleurs s avérer contradictoires. 167 Enquête permanente sur les conditions de vie, partie variable «Vie de quartier», avril-juin 2001, in «Le cadre de vie des ménages les plus pauvres», INSEE première, n 926, Octobre 2003. 168 Ces questions seront traitées plus en détail par le groupe «Solidarités urbaines». 95