Albert Faye. Mots clés : syndrome de Marshall, PFAPA, fièvre récurrente

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Dossier Le syndrome de Marshall ou PFAPA : aspects cliniques, évolutifs et thérapeutiques Albert Faye Service de pédiatrie générale, Hôpital Robert Debré, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris <albert.faye@rdb.aphp.fr> Le syndrome de Marshall ou PFAPA (Periodic Fever Aphtous stomatitis Pharyngitis Adenitis) est une fièvre récurrente non héréditaire de mécanisme inconnu touchant le petit enfant. Les épisodes de fièvre de 3 à 5 jours surviennent toutes les2à12semaines et sont associés à des signes majeurs comme une stomatite avec aphtes, une pharyngite, des adénopathies cervicales. L évolution est favorable en quelques années sans récidive et sans séquelles chez des enfants qui sont en bon état général entre les épisodes. La prise en charge thérapeutique repose sur des traitements symptomatiques qui sont toutefois peu efficaces. Une corticothérapie courte peut parfois être utilisée mais n empêche pas les récidives. La place de l amygdalectomie est discutée. Bien que le retentissement familial de cette affection soit significatif, le PFAPA reste une maladie d évolution bénigne pour laquelle les parents doivent être rassurés. Mots clés : syndrome de Marshall, PFAPA, fièvre récurrente mtp Tirésàpart:A.Faye Le syndrome de Marshall ou syndrome PFAPA (Periodic Fever, Aphtous stomatitis, Pharyngitis, cervical Adenopatis) est une fièvre récurrente non héréditaire débutant en général dans la petite enfance. Son diagnostic est clinique. Sa présentation plus ou moins typique par rapport à des critères diagnostiques bien établis est caractérisée par le bon état général des enfants atteints et par la régularité des épisodes fébriles pour un enfant donné. Il s agit aussi d un diagnostic d élimination passant par l évaluation d autres causes de fièvres récurrentes. Descriptions initiales La première description d une fièvre survenant de façon régulière chez un patient en bon état général a été effectuée en 1948 par Reimann [1]. Rapidement le terme de fièvre périodique a été proposé pour un ensemble d affections plus ou moins prolongées caractérisées par la récidive d épisodes de fièvres avec des intervalles libres asymptomatiques. Toutefois, cet ensemble hétérogène sur le plan clinique et biologique n a été précisé qu en 1987 pour le syndrome de Marshall [2]. Cette description princeps a permis d établir les premiers critères de diagnostic du syndrome de Marshall. L étude comportait une série de 12 enfants d ethnies diverses provenant du Tennesse, d Alabama et de Caroline du Nord. Ces enfants (5 filles et 7 garçons) avaient une fièvre récurrente doi: 10.1684/mtp.2008.0163 180

de cause inconnue survenant en moyenne toutes les 4 semaines et demi avec des intervalles allant de 2 à 12 semaines. La fièvre en général bien tolérée pouvait atteindre 40-41 C et durait en moyenne 5 jours. Le tableau clinique était caractérisé par la présence de 3 signes majeurs : une stomatite avec aphtes dans 9 cas sur 12 ; une pharyngite dans 9 cas sur 12 avec une recherche en culture de streptocoque du groupe A négative ; des adénopathies cervicales dans 8 cas sur 12. D autres signes étaient associés tels que des céphalées, nausées, vomissements ou douleurs abdominales. Les antibiotiques et les anti-inflammatoires étaient inefficaces contrairement à la corticothérapie très efficace mais ne prévenant pas les récidives. Enfin, ces enfants avaient un syndrome inflammatoire pendant l épisode (élévation de la vitesse de sédimentation et des leucocytes) qui régressait complètement entre les poussées avec une disparition des symptômes et une croissance staturo-pondérale normale. Par la suite, d autres auteurs ont décrit des enfants ayant une symptomatologie similaire qui sera intégrée dans un nouveau syndrome, le syndrome fièvre, stomatite avec aphtes, pharyngites et adénopathies cervicales (FAPA) en 1989 [3]. Celui-ci deviendra rapidement le PFAPA pour souligner la notion importante de périodicité de la fièvre [4]. L ensemble de ces données a permis à Marshall et al. d établir pour la première fois un ensemble de 5 critères permettant de faciliter le diagnostic de la maladie : 1) une fièvre récurrente ayant débutée avant l âge de 5 ans ; 2) en l absence d infection respiratoire haute, au moins un des 3 signes parmi les symptômes majeurs (stomatite avec aphtes, pharyngite, adénopathies cervicales) ; 3) une hyperleucocytose avec élévation de la VS ; 4) l absence de symptôme entre les épisodes ; 5) une croissance et un développement normaux. Aspects cliniques et évolutifs Tableau 1. Caractéristiques des enfants inclus dans le registre et le suivi PFAPA (d après [5]) Registre Suivi N 94 83 Sexe (M/F) 52/42 47/36 Début 2,8 ans [2,4-3,3] Durée de l épisode 4,8 4,2 (jours) Temp. max 40,5 C 40,3 C Épisodes/an 11,5 10 Durée sans symptômes (jours) 28,2 41,2* * p = 0,0003. À partir des descriptions initiales de Marshall et al., Thomas et al. ont établi sur une période de 10 ans environ, un registre des patients ayant un PFAPA [5]. Parmi les 176 patients initialement inclus, 77 ont été exclus du fait de l absence de clarté du critère fièvre périodique et 5 ont été exclus car leur diagnostic a été rétabli dans un second temps (3 neutropénies cycliques, un syndrome de Behçet et une fièvre familiale méditerranéenne). Quatre-vingtquatorze patients provenant essentiellement des États- Unis mais aussi d Europe ont donc été inclus dans cette étude. Le sex-ratio était de 1,2 et les origines ethniques diverses. Aucun cas dans la fratrie n a été décrit. Les données de 83 patients ont pu être collectées au long terme dans le cadre d un suivi prolongé d au moins 1 an (moyenne 3,3 ans). Les caractéristiques cliniques des enfants inclus initialement et des enfants suivis au long terme sont rapportées dans le tableau 1 et dans la figure 1. Dans près de 80 % des cas, des prodromes étaient décrits par les parents tels que des céphalées, des aphtes, une asthénie importante, une irritabilité dans les 24 heures précédant l épisode de fièvre. Durant l épisode, la fièvre oscillait entre 38 9 à 41 1 pendant une durée moyenne de 3,8 jours. Dans 50 % des cas, un arrêt brutal de la fièvre était observé, et dans le reste des cas on observait une défervescence thermique progressive sur une période de 24-48 heures. Cette étude a confirmé la fréquence des signes majeurs comme la stomatite avec aphtes, la pharyngite les adénopathies cervicales dans respectivement 67, 65 et 77 % des cas. Dans la littérature, peu de descriptions sont disponibles sur les caractéristiques précises de ces signes majeurs [6, 7]. Habituellement, les aphtes, qui ne sont pas au premier plan de la symptomatologie, sont peu nombreux, bien circonscrits et d un diamètre inférieur à 5 mm. Ces aphtes disparaissent sans cicatrice en 5 à 10 jours. L atteinte pharyngée n est pas exsudative et l érythème peut toucher les amygdales. Celles-ci peuvent être augmentées de volume de façon symétrique sans exsudat cryptique pendant l épisode avec un retour à la normale dans l inter- 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Registre (n = 66) Suivi (n = 82) 1 Spt majeur Frissons Céphalées Douleurs abdo. Nausées Diarrhée Toux Coryza Rash Figure 1. PFAPA : principaux symptômes et fréquence [5]. Spt majeur : symptômes majeurs (stomatite avec aphtes, pharyngite, adénopathies cervicales). 181

Le syndrome de Marshall ou PFAPA Tableau 2. Principales caractéristiques biologiques des enfants ayant un syndrome PFAPA (d après [5]) Moyenne Range Hématocrite 35 % [29-45] Leucocytes 13 000 [2 000-37 000] Plaquettes 293 000 [193 000-524 000] VS 41 [5-90] Culture Positive Gorge 29/284 (Strepto A) Urines 1/111 Hémocultures positives 0/105 FAN, FR, ASLO négatifs valle libre. Enfin, les adénopathies cervicales sont sensibles, apparaissent et disparaissent rapidement, elles sont bilatérales, d un diamètre inférieur à 5 cm et ne sont habituellement ni chaudes, ni rouge, ni fluctuantes. D autres symptômes étaient aussi retrouvés dans l étude de Thomas et al. tels que des frissons, des douleurs abdominales, des céphalées (figure 1). Aucun enfant n a eu d arthrite, pleurésie, myosite ou méningite. Une autre étude mettait en évidence la présence d une hépatosplénomégalie modérée chez 6 patients sur 28 présentant un PFAPA [6]. Toutefois la présence d un tel symptôme doit inciter à rechercher une autre cause que le PFAPA à l épisode de fièvre. Enfin, dans l étude de Thomas et al. les parents arrivaient à distinguer pour leur enfant des épisodes fébriles en rapport avec un syndrome de Marshall par rapport à d autres causes de fièvre. Par ailleurs, régulièrement les parents prévoyaient assez précisément la période de la récurrence fébrile. Dans cette même série, l analyse des aspects évolutifs n a pas mis en évidence de différence sur la présentation des épisodes de fièvre. Toutefois, les épisodes fébriles avaient tendance à s espacer avec le temps pour disparaître en 4,5 ans en moyenne. Sur le plan biologique on retrouvait essentiellement une hyperleucocytose avec une VS élevée (tableau 2). Ces données ont permis de réviser l algorithme diagnostique du syndrome de Marshall en remplaçant l élévation des leucocytes et de la VS, peu spécifiques, par l exclusion de la neutropénie cyclique (tableau 3). Le PFAPA quelles descriptions depuis? De nombreuses descriptions du syndrome de Marshall ont été proposées par la suite [6, 8-10]. L expérience française a été rapportée en 2000 à l issue d une enquête réalisée auprès de 354 centres de pédiatrie [8]. Vingt-deux enfants ont été inclus. Les caractéristiques cliniques et biologiques des enfants étaient comparables dans l étude française et dans l étude américaine de Thomas et al. Tableau 3. Critères diagnostiques de PFAPA modifiés (d après [5]) 1) Fièvre récurrente, début avant 5 ans 2) Au moins 1 des 3 symptômes en l absence d infection respiratoire haute : a) Stomatite aphteuse b) Adénopathies cervicales c) Pharyngite 3) Exclusion d une neutropénie cyclique 4) Pas de symptômes entre les épisodes 5) Croissance et développement normal Toutefois, la fréquence des épisodes de fièvre était moins importante dans l étude française (5/an vs. 11,5/an) et l intervalle entre 2 épisodes plus long (66 jours en moyenne vs. 28,2 j). Cette différence pouvait être éventuellement expliquée par un diagnostic tardif dans l étude française (en moyenne à 5,1 ans vs. 2,8 ans dans l étude américaine) avec pour un tiers des cas un diagnostic après l âge de 10 ans. Plus récemment, une étude israélienne a évalué les aspects cliniques et évolutifs du PFAPA chez 54 enfants remplissant tous les critères définis précédemment sauf 3 enfants dont le diagnostic a été porté après l âge de 5 ans [10]. La présence des 3 signes majeurs de façon simultanée n était retrouvée que dans 28 % des cas. Dans cette série, l âge moyen de début était précoce (1,9 an avec des extrêmes allant de 1 mois à 10 ans), seuls 39 % des enfants avaient des aphtes et 2/3 des enfants avaient des douleurs abdominales. Bien que le diagnostic soit posé par les pédiatres traitants dans 56 % des cas, le délai diagnostique moyen était important (15 mois). Plusieurs groupes évolutifs ont été mis en évidence sur une période de suivi de 2,2 ans. 42 % des enfants avaient une évolution habituelle avec une diminution de la durée et un espacement des épisodes fébriles. 26 % des enfants avaient une fréquence stable des épisodes et 4 % une fréquence augmentée. Enfin, de manière étonnante 26 % des enfants avait une rémission prolongée puis une rechute avec un délai médian de 9 mois (4-36 mois). L ensemble de ces descriptions rend compte de l existence de formes atypiques de PFAPA à la fois sur le plan clinique et sur le plan évolutif. Diagnostic différentiel En l absence de marqueurs biologiques spécifiques ou de gène identifié, le syndrome de Marshall est un diagnostic d élimination. Un certain nombre de diagnostics différentiels peuvent être évoqués. Fièvres récurrentes héréditaires Elles doivent être évoquées en particulier pour la fièvre méditerranéenne familiale notamment si l ethnie du pa- 182

tient est compatible. Ceci doit alors motiver une recherche génétique spécifique. Toutefois, les épisodes fébriles dans le cadre de la FMF semblent moins longs, plus irréguliers, les douleurs abdominales sont prédominantes et une atteinte cutanée spécifique peut être retrouvée. Dans la FMF la fréquence des 3 signes majeurs est faible et l absence de réponse à la corticothérapie peut être un élément discriminant entre ces 2 pathologies. Toutefois, d authentiques syndromes de Marshall ont pu être diagnostiqués à tort comme des FMF [11]. La recherche du diagnostic de FMF est justifiée si l ethnie de l enfant est à risque. Bien que plus rare, le déficit partiel en mévalonate kinase (syndrome hyperigd) doit aussi être recherché car il partage avec le PFAPA un certain nombre de similitudes comme la durée moyenne de l épisode fébrile, l existence d adénopathies. Ceci motive la pratique systématique dans le cadre de la suspicion de PFAPA d un dosage spécifique d acidurie mévalonique dans les urines en période de poussée (recherche d une augmentation de l excrétion). Les autres fièvres récurrentes héréditaires doivent être évoquées mais non systématiquement recherchées. Neutropénie cyclique En dehors des fièvres récurrentes héréditaires il s agit du 2 e diagnostic différentiel à éliminer. La symptomatologie en rapport avec la neutropénie cyclique démarre toutefois en général de façon plus précoce. Elle est caractérisée par des atteintes buccales à type de mucite avec aphtes mais aussi des otites et atteintes cutanées en rapport avec des infections. La neutropénie cyclique est aussi caractérisée par la régularité des épisodes fébriles contemporains de la baisse des polynucléaires neutrophiles qui sont à la fois plus fréquents (toutes les 3 semaines) et encore plus réguliers que dans le syndrome de Marshall. Cette pathologie peut être éliminée au mieux par la réalisation d une numération formule sanguine hebdomadaire pendant 6 à 8 semaines. Maladie de Behçet La maladie de Behçet peut être relativement facilement différenciée du syndrome de Marshall. En dehors des autres signes classiques de la maladie, les aphtes sont en général de plus grande taille (Aphtae major contrairement aux Aphtae minor dupfapa)de1à3cmetilsrégressent lentement (en 2 à 4 semaines) en laissant des cicatrices. Ils peuvent être par ailleurs bipolaires. Autres diagnostics différentiels Des infections à répétitions doivent être éliminées éventuellement dans le cadre d un déficit immunitaire. La polyarthrite systémique est aussi un diagnostic différentiel habituellement rapidement éliminé sur les aspects évolutifs. Tableau 4. Comparaison entre la fièvre isolée récurrente bénigne (FIRB) et le syndrome de Marshall (Pr Bourrillon, Hôpital Robert Debré, données personnelles) FIRB (n = 112) PFAPA Age 2 ans 2,8-5 ans Fièvre>3j(moyenne) 100 % (3 j 1/2) 100 % (~ 5 j) Fréquence 3 semaines 4-9 semaines Frissons 0 % 40-80 % Aphtes 0 % 39-87 % Pharyngite 60 % ~ 70 % Adénopathies 10 % 60-90 % Douleurs abdominales 5 % 50-65 % CRP élevée 30 % 100 % La fièvre isolée récurrente bénigne, un Marshall qui s ignore? Certains pédiatres ont identifié un tableau de fièvre récurrente bénigne avec pharyngite mieux tolérée que dans le syndrome de Marshall. Celui-ci pourrait s apparenter à un syndrome de Marshall incomplet. Les caractéristiques de ce syndrome en comparaison avec le PFAPA sont présentées dans le tableau 4. Prise en charge thérapeutique Aucune étude contrôlée n est disponible sur le traitement du syndrome de Marshall. Les antipyrétiques classiques tels que le paracétamol, l ibuprofène et l acide acétylsalicylique sont habituellement peu efficaces, voire inefficaces [7]. La colchicine apparaît aussi comme peu efficace. Certains auteurs ont décrit une efficacité du traitement par cimétidine dont le mode d action immunomodulateur pourrait être entre autres basé sur l inhibition des cellules T suppresseurs par le blocage des récepteurs H2 à l histamine, mais aussi sur une induction de la synthèse d interférons et une augmentation du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles [12, 13]. Cette efficacité discutée serait de l ordre de 18 à 30 % [7, 14]. Seules deux approches thérapeutiques semblent avoir une efficacité significative. L utilisation des corticoïdes entraîne une résolution rapide de l épisode fébrile dès la première dose. Ceci a pu être observé par différents auteurs à des doses allant d une prise de 0,15 mg/kgà1à 2 prises de 2 mg/kg [5, 7, 10]. L efficacité extrêmement rapide des corticoïdes constitue même pour certains un test thérapeutique. Toutefois, certains auteurs rapportent une possibilité de récurrence plus rapide des épisodes après corticothérapie [15]. Une grande efficacité de l amygdalectomie plus ou moins associée à l adénoïdectomie a été rapportée par certains auteurs pouvant aller de 82 à 100 % [5, 7, 9, 10]. Toutefois ces études rétrospectives ont porté sur de petits effectifs et cette efficacité est mise en cause par une étude française dont le nombre de 183

Le syndrome de Marshall ou PFAPA patients est limité mais qui retrouve une efficacité inférieure à 20 % [8]. En pratique, après avoir proposé un traitement symptomatique par paracétamol et/ou ibuprofène, en cas d épisode fébrile mal toléré il peut être licite d avoir recours à une ou deux doses de corticoïdes. Du fait du risque opératoire non négligeable de l amygdalectomie, ce geste est à discuter pour les enfants présentant une indication d intervention autre que le PFAPA seul. En effet, le rapport bénéfice/risque de cette approche dans le cadre d une maladie bénigne d évolution spontanément favorable est discutable. Physiopathologie La physiopathologie du syndrome de Marshall est à ce jour inconnue. Il n existe pas de prédominance géographique ou ethnique. La possibilité de cas familiaux est controversée et aucun facteur prédisposant en particulier génétique n a été mis en évidence. Certains auteurs ont suspecté les interactions des cellules oropharyngées avec des germes persistants dans l organisme (bactéries comme certaines mycobactéries ou virus du groupe herpes ayant la capacité de rester latent et de se réactiver) [15]. Certains arguments pourraient plaider pour l origine infectieuse de ce syndrome : le pourcentage important de guérison après amygdalectomie ; l effet des corticoïdes certes spectaculaire mais entraînant pour certains enfants un rapprochement des crises. Un certain nombre de cytokines pro-inflammatoires pourraient être impliquée comme le TNF-a (mais aussi les interférons et l IL-2 par analogie aux modèles des stomatites aphteuses récurrentes mieux connues chez l adulte) [16]. Conclusion Le syndrome de Marshall est une fièvre récurrente non héréditaire d évolution spontanément résolutive en quelques mois ou années. Toutefois, la fréquence et l intensité des épisodes fébriles peuvent retentir de façon significative sur la vie familiale. Le délai diagnostique prolongé peut aussi conduire à de multiples hospitalisations inutiles. Il est important dans ce contexte de rassurer les parents en insistant sur le caractère bénin de cette affection. Une meilleure connaissance de la physiopathologie du PFAPA pourrait être utile non seulement pour l optimisation de la prise en charge thérapeutique mais aussi pour la compréhension des mécanismes inflammatoires des fièvres récurrentes héréditaires. Références 1. Reimann HA. Periodic fever and periodic abdominalgia. Postgrad Med 1950 ; 8(2) : 88-92. 2. Marshall GS, Edwards KM, Butler J, Lawton AR. Syndrome of periodic fever, pharyngitis, and aphthous stomatitis. J Pediatr 1987 ; 110(1) : 43-6. 3. Rubin LG, Kamani N. Syndrome of periodic fever and pharyngitis. J Pediatr 1987 ; 111(2) : 307. 4. Marshall GS, Edwards KM, Lawton AR. PFAPA syndrome. Pediatr Infect Dis J 1989 ; 8(9) : 658-9. 5. Thomas KT, Feder Jr. HM, Lawton AR, Edwards KM. Periodic fever syndrome in children. J Pediatr 1999 ; 135(1) : 15-21. 6. Padeh S, Brezniak N, Zemer D, et al. Periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngitis, and adenopathy syndrome : clinical characteristics and outcome. J Pediatr 1999 ; 135(1) : 98-101. 7. Feder Jr. HM. Periodic fever, aphthous stomatitis, pharyngitis, adenitis : a clinical review of a new syndrome. Curr Opin Pediatr 2000 ; 12(3) : 253-6. 8. Ovetchkine P, Bry ML, Reinert P. Marshall syndrome : results of a retrospective national survey. Arch Pediatr 2000 ; 7(Suppl 3) : 578s- 582s. 9. Galanakis E, Papadakis CE, Giannoussi E, Karatzanis AD, Bitsori M, Helidonis ES. PFAPA syndrome in children evaluated for tonsillectomy. Arch Dis Child 2002 ; 86(6) : 434-5. 10. Tasher D, Somekh E, Dalal I. PFAPA syndrome : new clinical aspects disclosed. Arch Dis Child 2006 ; 91(12) : 981-4. 11. Atas B, Caksen H, Arslan S, Tuncer O, Kirimi E, Odabas D. PFAPA syndrome mimicking familial Mediterranean fever : report of a Turkish child. J Emerg Med 2003 ; 25(4) : 383-5. 12. Jorizzo JL, Sams Jr. WM, Jegasothy BV, Olansky AJ. Cimetidine as an immunomodulator : chronic mucocutaneous candidiasis as a model. Ann Intern Med 1980 ; 92(2 Pt 1) : 192-5. 13. White WB, Ballow M. Modulation of suppressor-cell activity by cimetidine in patients with common variable hypogammaglobulinemia. N Engl J Med 1985 ; 312(4) : 198-202. 14. Feder Jr. HM, Bialecki CA. Periodic fever associated with aphthous stomatitis, pharyngitis and cervical adenitis. Pediatr Infect Dis J 1989 ; 8(3) : 186-7. 15. Long SS. Syndrome of Periodic Fever, Aphthous stomatitis, Pharyngitis, and Adenitis (PFAPA) what it isn t. What is it? J Pediatr 1999 ; 135(1) : 1-5. 16. Buno IJ, Huff JC, Weston WL, Cook DT, Brice SL. Elevated levels of interferon gamma, tumor necrosis factor alpha, interleukins 2, 4, and 5, but not interleukin 10, are present in recurrent aphthous stomatitis. Arch Dermatol 1998 ; 134(7) : 827-31. 184