COUR ADMINISTRATIVE D APPEL DE NANTES N 15NT03418 La Poste c/ Commune de Savonnières Mme Allio-Rousseau Rapporteur M. Bréchot Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS La cour administrative d appel de Nantes 4ème Chambre Audience du 20 décembre 2016 Lecture du 10 janvier 2017 51-01-06 C + Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Savonnières a demandé au tribunal administratif d Orléans d annuler la décision de La Poste du 11 décembre 2013 par laquelle celle-ci a modifié les horaires d ouverture et procédé à la fermeture le mercredi du bureau postal implanté sur son territoire et la décision du 21 février 2014 portant rejet de son recours gracieux. Par un jugement n 1401653 du 8 septembre 2015, le tribunal administratif d Orléans a annulé la décision du 11 décembre 2013. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 novembre 2015 et le 30 novembre 2016, La Poste, représentée par Me Mokhtar, demande à la cour : 1 ) d annuler ce jugement du tribunal administratif d Orléans du 8 septembre 2015 ; 2 ) de rejeter la demande présentée par la commune de Savonnières devant le tribunal administratif d Orléans ; 3 ) de mettre à la charge de la commune de Savonnières une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative.
N 15NT03418 2 Elle soutient que : - la modification des horaires d un bureau de poste n est pas conditionnée à la consultation préalable de la commission départementale de la présence postale territoriale dès lors que la modification des horaires d ouverture d un point de contact ou des services qui y sont rendus ne constitue pas une modification du maillage du réseau de point de contact au sens des dispositions de la loi du 2 juillet 1990 et du décret du 11 octobre 2006 ; - la Poste ne doit prévoir dans son rapport annuel et soumettre à l avis de la cette commission que les perspectives d évolutions du maillage, c est à dire les éventuelles suppressions de points de contact ; - la décision du 11 décembre 2013 n est entachée d aucune erreur manifeste d appréciation ; - la décision du 11 décembre 2013 ne porte pas atteinte au principe de continuité du service public. Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mars 2016 et le 24 juin 2016, la commune de Savonnières, représentée par Me Cebron de Lisle, conclut au rejet de la requête et demande en outre qu une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de La Poste en application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des postes et des communications électroniques ; - la loi n 90-568 du 2 juillet 1990 ; - le décret n 2006-1239 du 11 octobre 2006 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience. Ont été entendus au cours de l audience publique : - le rapport de Mme Allio-Rousseau, - les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public, - et les observations de Me Mokhtar, représentant La Poste. 1. Considérant que, compte tenu de la baisse de fréquentation du bureau de poste de la commune de Savonnières (Indre-et-Loire), La Poste a, par une décision du 11 décembre 2013, informé le maire de cette commune de la réduction des horaires du bureau de poste implanté sur son territoire à compter du 6 janvier 2014, et notamment de sa fermeture le mercredi ; que, saisie d une demande tendant au retrait ou à l abrogation de cette décision, La Poste a rejeté le 21 février 2014 le recours gracieux formé par la commune de Savonnières ; que La Poste relève appel du jugement du 8 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif d Orléans a annulé sa décision du 11 décembre 2013 ; Sur les conclusions à fin d annulation :
N 15NT03418 3 2. Considérant, d une part, qu aux termes de l article 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications : «I. ( ) La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel au titre des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques( ). / Pour remplir cette mission, La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux publics ou privés, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Ce réseau compte au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte des spécificités de celui-ci, ( ). / Un décret en Conseil d'etat précise les modalités selon lesquelles sont déterminées, au niveau départemental et après consultation de la commission départementale de présence postale territoriale visée à l'article 38 de la présente loi, les règles complémentaires d'accessibilité au réseau de La Poste au titre de cette mission. Ces règles prennent en compte : / - la distance et la durée d'accès au service de proximité offert dans le réseau de points de contact ; / - les caractéristiques démographiques, sociales et économiques des zones concernées ( ) ; / -les spécificités géographiques du territoire départemental et des départements environnants ( ).» ; que le dernier alinéa du I de l article 6 prévoit que «Sauf circonstances exceptionnelles, ces règles ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste.» ; que le quatrième alinéa du II du même article dispose que : «Le contrat pluriannuel de la présence postale territoriale fixe les lignes directrices de gestion du fonds postal national de péréquation territoriale. Il précise également les conditions, en termes notamment d'horaires d'ouverture et d'offre de base de services postaux et financiers, de qualité, d'information, d'amélioration et d'engagements de service auprès des usagers, que doivent remplir les points de contact en fonction de leurs caractéristiques et dans le respect des principes du développement durable. Les conditions relatives aux horaires d'ouverture des points de contact prévoient l'adaptation de ces horaires aux modes de vie de la population desservie.» ; 3. Considérant, d autre part, qu aux termes de l article 38 de la loi du 2 juillet 1990 : «Afin de mettre en œuvre une concertation locale sur les projets d'évolution du réseau de La Poste, il est créé, dans chaque département, une commission départementale de présence postale territoriale ( ). / Les règles d'accessibilité au réseau de La Poste mentionnées à l'article 6 sont fixées en prenant en compte l'avis de la commission départementale de présence postale territoriale.( )» ; que l article 1 er du décret du 11 octobre 2006 qui précise les modalités de la contribution de La Poste à l aménagement du territoire prévoit que La Poste établit dans chaque département un rapport annuel relatif à l'accessibilité du réseau postal, soumis en application de l article 2 du même décret à la commission départementale de présence postale territoriale (CDPPT), qui comprend une évaluation globale des besoins de la population en matière de services postaux, les caractéristiques de son maillage territorial ainsi que la liste et la localisation des points de contact le composant, la nature des prestations servies dans ces différentes catégories de points de contact et leur adéquation aux besoins de la population et les perspectives d'évolution du maillage pour les douze mois à venir, permettant de vérifier le respect des conditions prévues au dernier alinéa du I de l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 ; 4. Considérant qu il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si la durée d'accès au service de proximité offert dans le réseau de points de contact de La Poste est fixée au niveau départemental en prenant en compte l avis de la CDDPT, l adaptation des horaires d ouverture d un point du réseau départemental en fonction des besoins de la population en matière de services postaux, qui ne peut être regardée comme une perspective d évolution du maillage territorial au sens des dispositions du décret du 11 octobre 2006, n a ni à être
N 15NT03418 4 obligatoirement mentionnée dans le rapport annuel de La Poste relatif à l'accessibilité du réseau postal, ni à être soumise pour avis à la CDPPT ; 5. Considérant que, constatant une baisse de fréquentation du bureau de poste de la commune de Savonnières, La Poste a décidé d adapter les horaires d ouverture de ce bureau en fonction de la fréquentation constatée et a arrêté l amplitude hebdomadaire d ouverture à 24 heures 30 ; que, par sa décision du 11 décembre 2013, La Poste a ainsi réduit les horaires d ouverture des lundi, mardi, jeudi et vendredi, et fermé le bureau de poste le mercredi ; que, ce faisant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu elle a modifié le maillage territorial résultant du nombre et de la répartition des points de contact de son réseau ; qu au surplus, il ne ressort pas davantage du dossier, et il n est pas soutenu, que cette baisse de l amplitude horaire du bureau de poste de la commune de Savonnières aurait eu pour effet que plus de 10 % de la population d Indre-et-Loire se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste ; que, dans ces conditions, La Poste n avait pas pour obligation de mentionner dans son rapport annuel relatif à l'accessibilité du réseau postal la décision de modification des horaires du bureau de poste de Savonnières et de soumettre pour avis cette décision à la CDPPT ; que, par suite, c est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 11 décembre 2013 avait été prise aux termes d une procédure irrégulière et ont, pour ce motif, annulé cette décision ; 6. Considérant, toutefois, qu il appartient à la cour administrative d appel, saisie de l ensemble du litige par l effet dévolutif de l appel, d examiner les autres moyens soulevés par la commune de Savonnières devant le tribunal administratif d Orléans et devant la cour ; 7. Considérant, en premier lieu, qu il ressort des pièces du dossier que la baisse de fréquentation du bureau de poste de Savonnières constatée la journée du mercredi au titre de l année 2013 est avérée ; qu en se bornant à soutenir que la fermeture d'une journée par semaine de ce bureau postal pénalise tant la collectivité que les entreprises implantées sur son territoire par l'absence de levée du courrier, la commune de Savonnières n établit pas, eu égard au caractère limité de la mesure contestée et de ses effets, que la décision du 11 décembre 2013 serait entachée d une erreur manifeste d appréciation ; 8. Considérant, en second lieu, qu il ne ressort pas des pièces du dossier que les nouveaux horaires du bureau de poste de la commune de Savonnières et sa fermeture le mercredi aient eu pour effet de limiter dans des conditions anormales le droit d accès des usagers au service postal et ainsi porté atteinte au principe de continuité de ce service ; 9. Considérant qu il résulte de tout ce qui précède que La Poste est fondée à soutenir que c est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d Orléans a annulé sa décision du 11 décembre 2013 ; Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Considérant que les dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Savonnières demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu il n y a pas lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge de la commune de Savonnières une somme au titre des frais exposés par La Poste et non compris dans les dépens ;
N 15NT03418 5 DÉCIDE : Article 1 er : Le jugement du tribunal administratif d Orléans du 8 septembre 2015 est annulé. Article 2 : La demande présentée par la commune de Savonnières devant le tribunal administratif d Orléans et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Les conclusions de La Poste tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à la commune de Savonnières. Délibéré après l'audience du 20 décembre 2016, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - Mme Loirat, président assesseur, - Mme Allio-Rousseau, premier conseiller. Lu en audience publique, le 10 janvier 2017. Le rapporteur, Le président, M-P. Allio-Rousseau Le greffier, L. Lainé V. Desbouillons La République mande et ordonne au préfet d Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.