ANNEXE XIV MODE D ACTION DES ONCOGÈNES ET DES SUPPRESSEURS DE TUMEUR



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ANNEXE XIV MODE D ACTION DES ONCOGÈNES ET DES SUPPRESSEURS DE TUMEUR Chez les mammifères, les cellules en prolifération active cessent de se diviser lorsqu'elles sont exposées à des facteurs défavorables, et notamment aux rayons γ, X et UV, ainsi qu aux dérivés incomplètement réduits de l oxygène. Ces facteurs agissent par l'intermédiaire de divers suppresseurs de tumeur, et notamment de P53**. Mais la protéine P53 ne répond pas directement aux signaux d'alarme déclenchés par les dommages infligés à l'adn ou l'acquisition d'un oncogène. Plusieurs protéines se chargent de percevoir les signaux et de les transmettre à P53. Ces signaux ont une double effet : ils activent la protéine et augmentent sa concentration dans la cellule. XIV.A. ACTIVATION DES SUPPRESSEURS DE TUMEUR Quelques cassures db dans l'adn suffisent pour activer les kinases ATM** et P38**. L activation de la première de ces kinases a fait l objet de nombreux travaux. L enzyme est un dimère ou un oligomère formé de sous-unités identiques. Il est recruté au niveau des cassures dans l ADN par l histone* γ-h2ax et le complexe MRN** (annexe VII.B). Les sous-unités se séparent et deviennent de ce fait actives, par un mécanisme qui fait l objet de discussions entre spécialistes. La kinase ATM a de nombreuses cibles, à commencer par elle-même. Une autre cible est la protéine P53, qui peut être phosphorylée directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'une kinase relais, appelée CHK2 +. La protéine P53 modifiée devient plus active : La kinase ATM agit sur la protéine P53 d une autre façon. Elle active le facteur de transcription Che1, qui stimule en se liant à l ADN polymérase II* l expression du gène p53, dont le produit contrôle l entrée en phase S (point R) et en mitose (point T) : Le facteur Che1 stimule aussi l activité du gène p21**, qui exécute les ordres antimitotiques délivrés par la protéine P53. 1

La kinase ATM protège également les protéines P53 et RB** contre la dégradation. Elle le fait en inhibant l ubiquitine ligase* MDM2**, qui est la principale ennemie de P53 ainsi que de RB. Lorsqu elles sont toutes deux phosphorylées par la kinase ATM, les protéines MDM2 et P53 ne peuvent plus s associer, ce qui interdit à la première d exercer sur la seconde les deux effets qu elle exerce normalement, à savoir réduire son activité et déclencher sa dégradation. Par conséquent, la protéine P53 devient plus active et plus stable, en ce sens qu elle a une durée de vie plus longue. La kinase ATM phosphoryle une autre protéine antagoniste de P53 : l ubiquitine ligase Cop1**, qui s autodétruit en faisant d ellemême une cible pour le protéasome*. De ce fait, la ligase Cop1 ne peut plus faire disparaître la protéine P53 : Le stress oxydatif* n active pas les kinases ATM et P38, mais deux autres enzymes : la kinase ATR** et l'acétylase P300**. Les régions de l ADN endommagées par les radicaux* oxydants recrutent la kinase ATR grâce à la protéine Atrip +. L ATR phosphoryle la protéine P53 par elle-même ou par l entremise d une cinquième kinase (CHK1 + ), tandis que P300 agit directement sur P53 : XIV.B. BLOCAGE DES POINTS DE CONTRÔLE R ET T Quand la protéine P53 est devenue suffisamment active et stable, elle stimule la transcription de nombreux gènes. Pour ce faire, elle collabore avec la protéine P300, qui acétyle les histones de la chromatine* au niveau des gènes cibles, permettant ainsi à l appareil de transcription d accéder plus facilement à l ADN. Les produits des gènes cibles, parmi lesquels figurent les protéines P21 et 14-3-3**, interdisent le franchissement des points de contrôle R et T, ce qui empêche la cellule de se diviser (fig. XIV.A). 2

Fig. XIV.A. Réseau d interactions contrôlé par la protéine P53 chez les mammifères. Les cassures dans l ADN et le stress oxydatif activent les kinases ATM, P38 et ATR, ainsi que l acétylase P300. Ces quatre enzymes accroissent l activité, la synthèse ou la stabilité de la protéine P53. Cette dernière stimule à son tour la transcription de nombreux gènes, dont p21 et 14-3-3. Les protéines P21 et 14-3-3 réduisent l activité des kinases qui contrôlent le franchissement des points R et T. La protéine P21 interagit directement avec les kinases CDK4-cycline D, CDK2 -cycline E- et CDK1- cycline B. La protéine 14-3-3 retient la phosphatase CDC25 dans le cytoplasme et l empêche de remplir sa fonction, qui consiste à activer dans le noyau la kinase du MPF (CDK1), en lui enlevant deux groupements phosphate. Les kinases ATM et ATR peuvent bloquer le cycle cellulaire d une façon beaucoup plus directe. Elles activent les kinases CHK2 et CHK1 (mécan. XIV.1 et XIV.4), qui phosphorylent la phosphatase CDC25**, laquelle devient une cible pour l ubiquitine ligase SCF**, qui est active en permanence (annexe XIII.D). La phosphatase modifiée est détruite par le protéasome et ne peut donc plus activer la kinase **CDK1-cycline B (MPF**) : La kinase P38 offre un autre moyen de bloquer le cycle cellulaire, sans passer par les protéines ATM et P53. Elle inhibe directement ou indirectement les kinases CDK4-cycline D et CDK1-cycline B : En augmentant l activité et la concentration intracellulaire de la protéine P53, la kinase ATM pourrait bloquer complètement le cycle mitotique en empêchant le franchissement des points de 3

contrôle R et T. Mais elle n en fait rien, parce que l ubiquitine ligase MDM2 rend le blocage réversible. En fait, l interaction entre les protéines MDM2 et P53 ne se limite pas à une simple inhibition de la première sur la seconde (mécan. XIV.3). Lorsqu elle est activée par la kinase ATM, la protéine P53 stimule la transcription du gène mdm2. Ce faisant, elle se condamne elle-même à perdre son activité et à disparaître. L homéostasie de la protéine P53 se complique encore parce que la ligase MDM2 peut déclencher sa propre destruction (fig. XIV.B). Fig. XIV.B. Contrôle de l activité et de la stabilité de la protéine P53. En agissant sur les protéines antagonistes P53 et MDM2, la kinase ATM amorce un double circuit de rétroaction, qui entraîne un renouvellement rapide de ces deux protéines, puisque chacune déclenche sa propre destruction : P53 par l intermédiaire de MDM2 ; MDM2 par fixation d ubiquitines sur elle-même. XIV.C. BLOCAGE DES POINTS DE CONTRÔLE S ET A Les kinases ATM et ATR ne se contentent pas de bloquer les points de contrôle R et T. Elles peuvent aussi bloquer celui de la phase S. Lorsque l ADN est trop fortement endommagé, les fourches de réplication cessent de progresser jusqu à ce que la réparation soit terminée. Le blocage fait intervenir, non seulement la kinase ATM, mais aussi les protéines CHK2, NBS1**, BRCA1**, P53, 53BP1**, MDC1 +, et d autres encore, d une manière qui reste à préciser. La kinase ATR est sensible au blocage des fourches de réplication. Les fourches bloquées laissent subsister pendant trop longtemps des régions sb dans l ADN. Ces régions recruteraient et activeraient par l intermédiaire de la protéine RPA (annexe VI.A), le complexe ATR-Atrip, qui activerait à son tour le complexe MRN**, acteur essentiel du processus de déblocage. La blocage du point de contrôle A est assuré par complexe APC-CDC20** (annexe XIII.B). Un système de surveillance vérifie si les étapes initiales de la mitose se sont déroulées correctement. S il détecte une anomalie, il empêche le complexe de fonctionner. C est ce qui se produit notamment lorsque tous les kinétochores ne sont pas captés par les fibres du fuseau mitotique. Les kinétochores libres mettent en marche une chaîne d interaction qui a pour effet d empêcher la sous-unité CDC20 du complexe APC-CDC20 d activer la sous-unité APC**, de sorte que l anaphase ne peut pas démarrer : La chaîne d interaction fait intervenir au moins quatre protéines découvertes initialement chez la levure : aurora B, Bub1 +, BubR1 +, et Mad2 +. Les kinétochores non attachés activent la kinase aurora B. Celle-ci phosphoryle les kinases Bub1 et BubR1, ce qui faciliterait leur recrutement par les kinétochores. Cette interaction faciliterait à son tour la fixation du complexe BubR1-MAD2 sur la sous-unité régulatrice du complexe APC-CDC20, ainsi que sa phophorylation par la kinase Bub1, le tout ayant comme résultat d inactiver le complexe. 4

XIV.D. DÉBLOCAGE DU CYCLE CELLULAIRE Le blocage du cycle cellulaire imposé par la protéine P53 et d autres suppresseurs de tumeur doit être levé pour que les cellules puissent recommencer à se diviser. Il faut aussi qu un facteur de croissance leur donne l ordre de reprendre le fil interrompu des divisions. La phosphatase Wip1 + (aussi appelée PPM1D) se charge de réduire la protéine P53 au silence. Sa synthèse est stimulée par la protéine P53. Elle peut alors inactiver en les déphosphorylant les kinases CHK1 et P38, ainsi que la protéine P53 elle-même, ce qui lève l interdiction imposée par celle-ci sur la poursuite des divisions cellulaires : Il reste à établir comment Wip1 n agit que lorsque les causes de l activation de P53 ont disparu. Les ordres transmis par les facteurs de croissance passent par deux voies de transduction*, aboutissant aux kinases PKB** et Erk ** (annexe XXII.B). Celles-ci favorisent le franchissement du point R, en passant par toute une série d agents intermédiaires, appartenant à quatre catégories différentes : l ubiquitine ligase* MDM2, les facteurs de transcription AP1** et E2F1**, les kinases **CDK4-cycline et CDK2-cycline E, les suppresseurs de tumeur P53 et RB et les CDKI** P21 et P27** (fig. XIV.C). Fig. XIV.C. Interactions déclenchées par les facteurs de croissance. Les facteurs de croissance incitent les cellules à franchir le point de restriction (R) du cycle mitotique en ouvrant deux voies de transduction principales (PKB/Akt et Erk), qui concourent à stimuler l activité et la synthèse de la kinase CDK2-cycline E. La kinase PKB active l ubiquitine ligase MDM2, qui fait disparaître un premier frein à la prolifération cellulaire : la protéine P53. La kinase Erk active le facteur de transcription AP1, qui inhibe la synthèse de P53, mais stimule celle de la cycline D, ce qui accroît l activité de la kinase CDK4. Le complexe CDK4-cycline D favorise de deux façons le franchissement du point R. En premier lieu, il séquestre les protéines P21 et P27, ce qui empêche ces deux CDKI d inhiber la kinase CDK2. En second lieu, il phosphoryle la protéine RB. Cette modification a pour effet de disloquer le complexe inactif que RB forme avec le facteur de transcription E2F1 et de libérer celui-ci, de manière qu il puisse remplir sa fonction, qui consiste à stimuler la transcription de plusieurs gènes, dont les produits autorisent l entrée en phase S. 5

La kinase PKB n agit pas seulement sur l ubiquitine ligase MDM2. Elle renforce aussi l action de la kinase Erk en inhibant de manière indirecte les CDKI P21 et P27, ainsi qu en activant le complexe CDK4-cycline D (annexe XXII.H) : XIV.E. IMPORTANCE DES CDKI Les inhibiteurs P21 et P27 ont partie liée, non seulement avec la protéine P53, mais aussi avec RB. P21 connecte les voies contrôlées par ces deux suppresseurs de tumeur. En inhibant la kinase **CDK4-cycline D (fig. XIV.A), il lui interdit de phosphoryler la protéine RB, ce qui rend moins facile le franchissement du point R (fig. XIV.C) : Mais les deux CDKI** ne peuvent agir que de manière transitoire. Ce sont des protéines instables. En particulier, P27, qui est une cible de la kinase CDK4-cycline D, peut être phosphorylée par la kinase CDK2, qu elle contribue à inhiber (fig. XIV.C). Elle est alors détruite par le système ubiquitine-protésome commandé par le complexe SCF : Toutefois, la protéine RB s oppose à l action destructrice du complexe SCF sur P27, d une manière qui n est pas encore complètement élucidée : XIV.F. RÔLE DU PRODUIT DU PROTO-ONCOGÈNE ras Les facteurs de croissance ne peuvent pas pénétrer dans les cellules, donc agir directement sur les kinases PKB et Erk (fig. XIV.C). Ils doivent d abord se lier à des récepteurs localisés dans la membrane plasmique. Cette interaction active les récepteurs, qui ouvrent deux voies de transduction principales : la voie PKB/Akt et la voie des Map kinases (annexe XXII.B). La protéine Ras** fait partie de la seconde de ces voies. Elle capte le message transmis par le récepteur membranaire et le transmet à une série de trois kinases qui s activent en cascade : une Map kinase kinase kinase (Map KKK), une Map kinase kinase (Map KK) et une Map kinase (Map K), qui est la protéine Erk (fig. XIV.D). L activation a lieu au sein d'un complexe structuré par une protéine d'assemblage (scaffold), qui les maintient les kinases au contact les unes avec les autres. 6

Fig. XIV.D. Stimulation de la synthèse de la cycline D par un facteur de croissance. Le signal mitogène est capté par un récepteur intégré à la membrane plasmique, puis transmis à l intérieur de la cellule. Le récepteur active une chaîne d interaction passant par la protéine Ras et par une série de trois kinases, dont la dernière (Erk) stimule la transcription du gène de la cycline D, donc la synthèse de la protéine correspondante. En fait, la voie Ras-Erk n est pas la seule de cette nature que possèdent les cellules animales. Il en existe au moins deux autres, appelées JNK** et P38 (tabl. XIV). Chacune comporte plusieurs Map KKK et Map KK, certaines étant communes aux deux voies et d autres propres à l une d entre elles. Les diverses séries de Map kinases sont intégrées dans des complexes d assemblage distincts, qui contribuent à garantir leur spécificité. Les voies JNK et P38 participent à la protection des cellules contre les facteurs défavorables, et notamment contre le stress causé par l'irradiation UV ou par une production excessive de dérivés agressifs de l'oxygène. Contrairement à la voie Erk, les voies JNK et P38 ont un effet cytostatique et pro-apoptotique, plutôt que mitogène. Mais ce n est pas toujours le cas, puisque, dans certaines circonstances, la kinase JNK peut stimuler la prolifération cellulaire. Les différentes Map kinases ont de nombreuses cibles, qui sont des protéines nucléaires, telles que diverses formes du facteur AP1 pour Erk, JNK et P38, ou P53 pour P38 (fig. XIV.A). 7

XIV.G. RÔLE DE L ONCOPROTÉINE RAS L ouverture intempestive de la voie Erk**, par suite de mutations affectant le gène ras, favorise l apparition de tumeurs cancéreuses. La transformation du proto-oncogène ras en oncogène est d autant plus dangereuse que la protéine Ras est également capable d ouvrir la voie PKB/Akt (annexe XXII.B). Toutefois, cet événement ne condamne pas nécessairement les cellules à proliférer sans frein, parce que les suppresseurs de tumeur P53 et RB s'y opposent. L oncoprotéine* Ras peut bloquer le cycle cellulaire, tout au moins dans certains types de cellules. Elle stimule par l intermédiaire de la Map kinase Erk la synthèse des protéines INK4a** et Arf **, ce qui interdit le franchissement des points de contrôles R et T (fig. XIV.E). Ce mécanisme limite le développement des tumeurs. Il devient inefficace si les protéines RB et P53 sont inactives ou absentes. Fig. XIV.E. Blocage du cycle cellulaire par l oncoprotéine Ras. Si un proto-oncogène tel que ras est transformé en oncogène et s'exprime en permanence, son produit stimule l activité du gène ink4a, qui est un gène gigogne, spécifiant deux protéines : INK4a et Arf. La première de ces protéines empêche la kinase CDK4 d inhiber l action de RB. La seconde se lie à la ligase MDM2 et la neutralise, ce qui a pour effet de laisser la protéine P53 en état de fonctionner. L effet cytostatique de l oncoprotéine Ras est d autant plus robuste que la protéine MDM2 peut déclencher la dégradation de RB (annexe X.B) et que celle-ci peut être activée par P53 (mécan. XIV.10). Il peut sembler paradoxal que la protéine Ras puisse accélérer la rotation du cycle cellulaire (fig. XIV.D) quand la cellule est exposée à un facteur de croissance, ou au contraire la bloquer lorsqu elle est transformée en oncoprotéine (fig. XIV.E). Ce paradoxe n est pas encore entièrement résolu. 8

SIGNIFICATION DES SIGLES ET ACRONYMES + Atrip. ATR-interacting protein. + Bub1. Budding unhibited by benzimidazole protein 1. + BubR1. Budding unhibited by benzimidazole protein R1. + CHK1 et CHK2. Check point Kinases 1 and 2. + Mad2. Mitotic arrest deficient protein 2. + MDC1. Mediator of DNA damage Checkpoint protein 1. + Wip1. Wild-type p53-induced phosphatase 1. BIBLIOGRAPHIE Fonctions de la protéine P53 Daujat S, Neel H, Piette J. MDM2: life without p53. Trends Genet 2001; 17: 459-64. Halazonetis TD, Bartek J. DNA damage signaling recruits the RNA polymerase II binding protein Che-1 to the p53 promoter. Mol Cell 2006; 24: 809-10. Hohenstein P, Giles RH. BRCA1: a scaffold for p53 response? Trends Genet 2003; 19: 489-94. Jerr CJ, Weber JD. The ARF/p53 pathway. Curr Opin Genet Dev 2000; 10: 94-9. Lowe SW, Cepero E, Evan G. Intrinsic tumour suppression. Nature 2004; 432: 307-15. Lu X, Nannenga B, Donehower LA. PPM1D dephosphorylates Chk1 and p53 and abrogates cell cycle checkpoints. Genes Dev 2005; 19: 1162-74. Vogelstein B, Lane D, Levine AJ. Surfing the p53 network. Nature 2000; 408: 307-10. Fonctions de la protéine MDM2 Jones SN, Roe AE, Donehower LA, Bradley A. Rescue of embryonic lethality in Mdm2-deficient mice by absence of p53. Nature 1995; 378: 206-8. Montes de Oca Luna R, Wagner DS, Lozano G. Rescue of early embryonic lethality in mdm2-deficient mice by deletion of p53. Nature 1995; 378: 203-6. Sdek P, Ying H, Chang DLF, Qiu W et al. MDM2 promotes proteasome-dependent ubiquitin-independent degradation of retinoblastoma protein. Mol Cell 2005; 20: 699-708. Tang Y, Luo J, Zhang W, Gu W. Tip-60-dependent acetylation of p53 modulates the decision between cell-cycle arrest and apoptosis. Mol Cell 2006; 24: 827-39. Mode d action des kinases ATM et ATR Bakkenist CJ, Kastan MB. DNA damage activates ATM through intermolecular autophosphorylation and dimer dissociation. Nature 2003; 421: 499-506. Dornan D, Shimizu H, Mah A, Dudhela T et al. ATM engages autodegradation of the E3 ubiquitin ligase COP1 after DNA damage. Science 2006; 313: 1122-6. Pellegrini M, Celeste A, Difilipantonio S, Guo R et al. Autophosphorylation at serine 1987 is dispensable for murine Atm activation in vivo. Nature 2006; 443: 222-5. Zou L. Single- and double-stranded DNA: building a trigger of 1TR-mediated DNA damage response. Genes Dev 2007; 21: 879-85. 9

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