Un enjeu de santé publique encore souvent méconnu

Documents pareils
Entre mal-être et bien être : comment vont les étudiants. Premiers résultats. Damien BERTHILIER Président La Mutuelle des Étudiants LMDE-EPSE

DOMAINE 7 RELATIONS ET RÔLES

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

> Présentation du programme > Peps Eurêka - Mémoire : Pour donner du Peps à ses neurones et à sa vie... 4

Le référentiel professionnel du Diplôme d Etat d Aide Médico-Psychologique

Guide à l intention des familles AU COEUR. du trouble de personnalité limite

Calendrier des formations INTER en 2011

Le référentiel RIFVEH La sécurité des personnes ayant des incapacités : un enjeu de concertation. Septembre 2008

La prévention : caractéristique du positionnement de la Mutualité Française sur l ensemble de son offre

Pour réduire sa consommation Ouvrons le dialogue

La prise en charge d un trouble dépressif récurrent ou persistant

déclarations d assurabilité en cas d accident (invalidité ou soins hospitaliers)

DOCUMENTATION CLINIQUE D UNE CHUTE D UN PATIENT

TROUBLES ENVAHISSANTS DU COMPORTEMENT (TEC)

L aide aux aidants. Psychologue clinicienne. Capacité de gériatrie mars 2009

PLAN NATIONAL D ACTION POUR UNE POLITIQUE DU MEDICAMENT ADAPTEE AUX BESOINS DES PERSONNES AGEES

o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

Repérage de la perte d autonomie

Pacte européen pour la santé mentale et le bien-être

PROGRESSEZ EN SPORT ET EN SANTÉ. Mieux vivre avec ma maladie chronique, Me soigner par l activité physique Programmes Santé

L hôpital de jour ( HDJ ) en Hôpital général Intérêt d une structure polyvalente? Dr O.Ille Centre hospitalier Mantes la Jolie, Yvelines

IMAGES ET REALITES DE LA SANTE MENTALE EN POITOU-CHARENTES

Définition, finalités et organisation

Parent avant tout Parent malgré tout. Comment aider votre enfant si vous avez un problème d alcool dans votre famille.

DECLARATION DES PERFORMANCES N 1

Guide d intervention sur. l intimidation. destiné aux intervenants - 1 -

CHUTES DE LA PERSONNE AGEE. «Protection Escaliers motorisée»

La prise en charge d un trouble bipolaire

Les troubles non moteurs de la maladie de Parkinson. Comprendre la maladie de Parkinson

Les violences conjugales

IMMED Monitoring vidéo porté

Nouvelles addictions. Dr Marie VERSCHAVE Praticien hospitalier Service de médecine interne E et addictologie

Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum Q19. Psychiatrie adulte Module D Pr Jean Louis Senon Année universitaire

Conseils sur la conduite à tenir en cas de suicide d un salarié sur le lieu de travail

TROP, C EST COMBIEN? Chaque verre compte


MIEUX COMPRENDRE LE HANDICAP

Stratégie d intervention auprès des élèves présentant des comportements et attitudes scolaires inappropriés

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

La prise en charge de votre épilepsie

Ta mutuelle t aide à trouver ton 1 er emploi. Bonne nouvelle! Pour toi, un coach en recrutement!* mutuelle mclr

«Politique des ARS pour les seniors»

ANNEXE I REFERENTIEL PROFESSIONNEL AUXILIAIRE DE VIE SOCIALE CONTEXTE DE L INTERVENTION

ANNEXE I REFERENTIEL PROFESSIONNEL AUXILIAIRE DE VIE SOCIALE CONTEXTE DE L INTERVENTION

CONTRAT D ACCUEIL. Parents Assistant(e)s Maternel(le)s. Proposé par les Relais Assistantes Maternelles du Haut-Rhin

HABITAT INDIGNE, SOUFFRANCE PSYCHIQUE. ET DEFENSES DELIRANTES DANS LES EXCLUSIONS (internes et externes) Lyon, 2014

Sommaire. Sommaire. L Entreprise Page 3. Qu est-ce que la PNL? Page 4. Thérapie PNL et hypnose ericksonienne Page 7

Pour tester vos connaissances, répondez correctement aux questions suivantes. Bonne chance!

APRES TOUT ACTE DE MALTRAITANCE. 3. Elaboration des recommandations de pratique. 4. Diffusion au personnel des recommandations.

Le Modèle Conceptuel de Virginia Henderson. P. Bordieu (2007)

BURN OUT DES PROFESSIONNELS DE SANTE. Et Hygiène? Dr JC Perréand-Centre Hospitalier Valence

Surfer Prudent - Tchats. Un pseudo peut cacher n importe qui

Bon usage. Mise au point

Maternité et activités sportives

Résidence MBV Les FIGUERES -Capendu-

Je m inscris au forfait, donc je consulte toujours dans ma maison médicale

AUXILIAIRE DE VIE SOCIALE DEAVS CORRIGÉES ANNALES. session e édition. Monique Forn Marie Rolland

La notion de soutien dans le cadre d une équipe belge de soins palliatifs à domicile INTRODUCTION

L utilisation de l approche systémique dans la prévention et le traitement du jeu compulsif

Quel avenir pour les équipes mobiles de soins palliatifs?

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

MONITEUR-EDUCATEUR ANNEXE I : REFERENTIEL PROFESSIONNEL. Le moniteur-éducateur intervient dans des contextes différents :

Quand le corps devient objet de l autre

PROJET VIVRE, HABITER ET TRAVAILLER DANS LYON ET LE GRAND LYON

troubles comportementaux aigus et/ou cognitifs tous les intervenants de l entreprise Prise en charge immédiate sur le lieu de travail.

Droits et aides pour les aidants familiaux «Être aidant être soi» Prendre soin de soi c est prendre soin de l autre.

DISTRIBUTION DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR VOIE ORALE PAR L INFIRMIERE : RISQUE DE NON PRISE DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR LE PATIENT

Maisons de Santé Pluridisciplinaires. Conditions d éligibilité à des soutiens financiers

Formation à l utilisation du défibrillateur semi-automatique (DSA)

Votre partenaire pour construire une offre de santé adaptée aux territoires. Les services de soins et d accompagnement de la Mutualité Française

Pour JANVIER 2010 : EPREUVE ECRITE du DF1 :

9.11 Les jeux de hasard et d argent

L intolérance à l incertitude et le trouble d anxiété généralisée

PASS sports vacances. Sommaire

LES ETAPES DU MANAGEMENT LE CONTEXTE MONDIAL

HISTORIQUE DES SOINS PALLIATIFS ET ENJEUX POUR LE FUTUR

2È JOURNÉE NATIONALE DE FORMATION DES PHARMACIENS CANCER ET ACCOMPAGNEMENT DU PHARMACIEN : UN PREMIER PAS VERS LA RÉSILIENCE.

Sophie Blanchet, Frédéric Bolduc, Véronique Beauséjour, Michel Pépin, Isabelle Gélinas, et Michelle McKerral

Alcool et grossesse :

RAPPORT SYNTHÈSE. En santé après 50 ans. Évaluation des effets du programme Les médicaments :

Autisme Questions/Réponses

Les drogues POUR EN SAVOIR PLUS. 1. L avis du psychologue. 2. Les risques et leur prévention. Quelques chiffres

LIGNE MÉTIER RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET BIOTECHNOLOGIE DES SERVICES POUR RÉPONDRE À VOS ENJEUX MÉTIER

Document de travail «Conduite de l évaluation interne dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes» Mars 2011

Annexe 2 Les expressions du HCAAM sur la coordination des interventions des professionnels autour du patient

La conduite automobile et le vieillissement

Le bilan neuropsychologique du trouble de l attention. Ania MIRET Montluçon le

Insuffisance cardiaque et télémédecine: Exemple du Projet E care : prise en charge à domicile des insuffisants cardiaques en stade III

LUTTER CONTRE LE HARCÈLEMENT

Garantie des Accidents de la Vie. Plus que jamais, il est important d agir pour vous protéger!

Insuffisance cardiaque

Service de Formation Continue Développement Professionnel Continu FORMATIONS 2O15

Précarité sociale et recours aux soins dans les établissements de soins du Tarn-et-Garonne

JE NE SUIS PAS PSYCHOTIQUE!

SOMMAIRE I. INTRODUCTION 4 II. SOURCES D INFORMATION 5

Pour joindre Jeu : aide et référence par téléphone: Aide en ligne :

CAHIER DES CHARGES INFIRMIER-ÈRE DIPLÔMÉ-E

Services complémentaires en Outaouais

Rapport sur les maladies mentales au Canada

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

Transcription:

Un enjeu de santé publique encore souvent méconnu 12,5 millions de personnes de plus de 65 ans Une population en pleine expansion démographique Problème méconnu: alcoolisation au domicile, pas d arrêt de travail, peu d incidents sur la vois publique Mais: maladies, accidents traumatiques, atteinte de la qualité de la vie

Généralités sur l alcool : de l usage à la dépendance Non usage: 40% des aînés ne consomment jamais d alcool (10% en population générale) Usage simple: pour les aînés, pas plus de 1 à 2 verres par jour, pas plus de 3 verres par occasion (ces seuils sont à réduire en cas de prise de médicaments, de conduite automobile, de réalisation de tâches nécessitant une bonne maîtrise psychomotrice)

Généralités sur l alcool : de l usage à la dépendance Usage à risques: toute consommation supérieure aux seuils définis mais qui n a pas entraîné de dommages physiques, psychiques ou sociaux. Usage nocif ou abus: existence de dommages physiques, psychiques ou sociaux (maladies, chutes, dépression, problèmes relationnels ) 13% des hommes, 8% des femmes de plus de 65 ans

Généralités sur l alcool : de l usage à la dépendance Dépendance: perte de la maîtrise des consommations associée à des souffrances physiques ou psychiques, impossibilité de résister au besoin de consommer, tolérance: nécessité d augmenter les doses pour avoir les mêmes effets, apparition de symptômes psychologiques et/ou physiques lors de l arrêt de la consommation

Qu est-ce que le déni? Difficultés pour aborder sa consommation d alcool et pour envisager l arrêt de celle-ci La réalité de la dépendance est tellement insupportable que la personne est dans l incapacité de l envisager Sentiments de culpabilité, de honte tels, qu il est impossible de «le dire» Peur du jugement

Spécificités chez les personnes âgées Des habitudes de consommation ancrées: issues d une génération où la consommation d alcool était valorisée, banalisée dès l enfance, la bière ou le vin n étaient pas considérés comme de l alcool Consommation quotidienne d alcool chez les 65-75 ans: 65% des hommes, 33% des femmes Dépendance à l alcool: 20 à 25% de la population en institution, 18% des hommes hospitalisés en gériatrie

Spécificités chez les personnes âgées A consommation égale et à poids égal, l alcoolémie d un sujet âgé est plus importante que celle d un sujet plus jeune La consommation d alcool est un facteur supplémentaire de vieillissement

Spécificités chez les personnes âgées Attention à la prise simultanée d un traitement médicamenteux De faibles quantités d alcool peuvent être responsables ou aggraver l ensemble des troubles physiques, psychologiques, cognitifs: cancers, maladies cardiovasculaires, blessures, traumatismes, infections, démences, troubles du sommeil

La dépendance à l alcool chez nos aînés Début précoce: pérennisation de difficultés qui existaient avant l avancée en âge Début tardif: il n y a pas d âge pour commencer à avoir des problèmes avec l alcool! Chez les aînés, 1/3 des personnes dépendantes ont souffert de cette difficulté après l âge de la retraite: passage à la retraite, éloignement de la famille, isolement social, maladie invalidante ou douloureuse, décès du conjoint

Dépression, suicide et consommation d alcool Sur plus de 10 000 suicides par an, 1/3 concernent les plus de 65 ans, surtout les hommes après 85 ans en raison de dépressions non diagnostiquées L alcool est utilisé comme anxiolytique, antidépresseur dans un premier temps, puis il augmente les troubles L alcool facilite un passage à l acte suicidaire

Les signes d alerte «d un problème avec l alcool» Problèmes physiques: chute, traumatismes, fractures, déficits nutritionnels, hypertension, perturbation des triglycérides et du cholestérol, maladies gastro intestinales, énurésie, cardiomyopathies, ostéoporose, cirrhose du foie, troubles cognitifs, démence, encéphalopathie de Wernicke, syndrome de Korsakoff

Les signes d alerte «d un problème avec l alcool» Problèmes psychologiques: troubles du sommeil, asthénie, anxiété, dépression, laisser-aller, troubles de l humeur, du comportement, passages à l acte suicidaires, états confusionnels, plaintes mnésiques

Les signes d alerte «d un problème avec l alcool» Problèmes sociaux: isolement socio-familial, repli sur soi, réduction des activités sociales, défaut de soin, négligence, irritabilité, aggressivité, violence de la personne âgée et/ou de l entourage, problèmes financiers

Ouvrir le dialogue, un véritable acte de soin Il est rare qu une personne âgée aborde spontanément la question même si elle s interroge sur sa consommation En parler, c est lui permettre de saisir la chance d augmenter son espérance de vie et sa qualité de vie Chacun, de sa place, peut aborder le sujet

Des idées reçues: «A son âge, cela ne vaut plus la peine» «Laissez-lui finir ses jours tranquille» «Il a déjà tout perdu, on ne va pas lui retirer l alcool en plus. C est sa seule consolation» «Il a toujours bu, ce n est pas maintenant que ça va changer! C est le dernier plaisir qu il lui reste «Si je lui en parle, il va se mettre en colère»

Des idées reçues: «A son âge, il ne devrait plus boire d alcool du tout.» «Il n y a qu à vider les bouteilles dans l évier et le problème sera réglé!»

Quand aborder la question? Lors d une consultation de suivi en médecine Lors d une entrée en EHPAD, d une demande de service d aide à domicile, d allocation personnalisée d autonomie Lors de la prescription d un nouveau médicament Lors de tout entretien, de tout soin

Comment l aborder? «Qu avez-vous l habitude de boire au cours de la journée ou au cours de la semaine?» (vin, bière, mousseux ) «Pensez-vous que vous consommez du vin par plaisir, par habitude, parce que ça vous aide dans les moments difficiles?»

Comment l aborder? «D après vous, quels seraient les effets positifs et les côtés négatifs qui pourraient être associés à votre consommation?» «Est-ce que votre entourage vous a déjà fait des réflexions sur votre consommation?»

Accompagner la personne âgée dans son projet Envisager de réduire ou arrêter sa consommation n est pas chose évidente Responsabiliser la personne âgée Respecter son rythme Inscrire l accompagnement dans la durée

Faire le lien avec les lieux de soins Les unités de soins hospitalières Les centres de soins, d accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) Les mouvements d entraide (Vie libre, Alcooliques anonymes )

Faire le lien avec les lieux de soins Se rendre avec la personne dans les lieux de soins peut être utile pour: Faire face au sentiment de gêne, voire de honte Faire face à ses difficultés de santé: mobilité, déficit des capacités sensorielles, troubles cognitifs

Faire le lien avec les lieux de soins A ce jour la fréquentation des lieux de soins en addictologie est encore très faible Un réel partenariat reste à tisser entre les services d addictologie, ceux de gériatrie et ceux de psychiatrie afin de mieux faire connaître les particularité de cette patientèle encore peu prise en compte

Vers une démarche de prévention globale Proposer des solutions alternatives à la consommation d alcool Mettre en place des activités donnant du plaisir Favoriser la création ou la poursuite des liens sociaux

Vers une démarche de prévention globale Faciliter l intégration et la qualité de vie des personnes dans les établissements (groupe de paroles ) Mener une réflexion transversale et pluridisciplinaire de l ensemble des personnels soignants et non soignants

En conclusion: Y penser En parler!