N 1001920 M. Tarik B. M. Dhers Rapporteur TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG M. Michel Rapporteur public Audience du 24 octobre 2013 Lecture du 14 novembre 2013 19-01-03-01-02-04 C ev RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Strasbourg (3 ème chambre) Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2010, présentée pour M. Tarik B., demeurant, par Me Kretz ; M. B. demande au tribunal : - de prononcer la décharge de sa cotisation initiale d impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l année 2003 ; - de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 à 2004 ; - de mettre à la charge de l Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Il soutient : - qu il était gérant de fait de la SARL qui a fait l objet d une vérification de comptabilité ; qu il a fait l objet d un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2002 0 2004 ; qu il entend à cette occasion contester l impôt initial sur le revenu de 2003, mis en recouvrement le 31 juillet 2004 ; - que l examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle est irrégulier, dès lors qu il ne s est pas vu remettre la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que lorsque le pli contenant l avis de vérification et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié est retourné avec la mention «non réclamé, retour à l envoyeur», la charte ne peut être considérée comme ayant été notifiée, conformément aux dispositions de l article L. 10 du livre des procédures fiscales ; - que l avis d examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ne lui a pas été régulièrement notifié ; qu il n est pas établi que le pli avait été mis en instance pendant quinze jours ; - que le vérificateur lui a demandé, compte tenu de l absence de comptabilité de la SARL, de reconstituer son compte courant d associé dans le cadre de l examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ; que, dans le cadre de la vérification de comptabilité, l administration n a pas tiré les mêmes conséquences au sujet de ce compte que dans le cadre de l examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ; qu en réalité, l administration a vérifié et modifié un document comptable, à savoir son compte courant
N 1001920 2 d associé, dans le cadre de l examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, sans assortir dès lors la vérification et la correction de ce document comptable d aucune des garanties que doit revêtir la vérification d un tel document, dans le but de lui opposer les corrections apportées à ce document comptable dans de telles conditions ; - qu en ce qui concerne les fiches de paie sur lesquelles l administration s est fondée pour opérer des redressements dans la catégorie des traitements et salaires, il s avère que ces fiches ne correspondent à aucun salaire versé et ont été établies dans le seul but d obtenir des avantages tels qu une location ou un crédit bancaire ; que le cabinet comptable a déclaré à tort des traitements de 48 423 euros pour 2003 sur la foi de telles fiches de paie ; que les sommes en litige ne figurent pas dans ses comptes bancaires ou ceux de sa fille ou sur un compte courant d associé puisque la SARL n avait pas de comptabilité ; qu un état de gestion des salaires établi par un comptable pour le compte de la SARL au titre de 2002 ne permet pas d établir que les sommes en litige ont été mises à sa disposition ; - que la reconstitution de son compte courant d associé est erronée ; qu en particulier, les salaires qu il aurait perçus auraient dus être portés au crédit de ce compte pour arrêter son solde ; qu il convient d extourner des chèques qu il n a pas encaissés et de déduire un virement de 11 283 euros qu il a fait pour permettre le paiement de salaires ; Vu la décision par laquelle le directeur régional des finances publiques d Alsace et du département du Bas-Rhin a statué sur la réclamation préalable ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2010, présenté par le directeur régional des finances publiques d Alsace et du département du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ; Il fait valoir : - que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié doit être considérée comme ayant été régulièrement notifiée ; - que l avis d examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. B. lui a été régulièrement notifié, dès lors que l administration justifie que le pli a été présenté à la dernière adresse connue du contribuable et qu il a été avisé de ce qu il pouvait le retirer dans son bureau de poste ; - que le vérificateur pouvait contrôler le compte courant d associé de M. B. dans le cadre de l examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ; - que les statuts de la SARL disposent que le gérant percevait une rémunération ; que les fiches de paie font état de traitements dont la seule mise à disposition les rend imposables ; qu un état de gestion des salaires établi par la SARL au titre de 2002 fait ressortir le traitement attribué à M. B. qui a, par ailleurs, déclaré des traitements pour 2003 ; - que les redressements fondés sur le solde du compte courant d associé de M. B. sont justifiés ; Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 octobre 2011, présenté pour M. B., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Il soutient en outre : - qu en l absence de comptabilité de la SARL, il ne lui appartenait pas de reconstituer son compte courant d associé ; qu il incombait à l administration de le faire dans le cadre d une vérification de comptabilité de la société ; - qu il produit 15 chèques démontrant qu il n a pas encaissé des sommes provenant de la SARL ; que, par conséquent, elles ne doivent pas être prises en compte pour arrêter le solde du compte courant d associé ;
N 1001920 3 Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2013, présenté pour M. B., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Il soutient en outre qu il produit 3 nouveaux chèques démontrant qu il ne les a pas encaissés ; que la banque n est pas en mesure de produire les autres chèques ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2013, présenté par le directeur régional des finances publiques d Alsace et du département du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ; Il fait en outre valoir que le requérant n a pas reconstitué son compte courant d associé pour les besoins du contrôle ; qu au vu des éléments produits par M. B., il y a lieu de prononcer des dégrèvements au titre de l année 2003 ; Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2013, présenté pour M. B., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2013 : - le rapport de M. Dhers, rapporteur ; - les conclusions de M. Michel, rapporteur public ; 1. Considérant que M. B., qui était gérant de fait de la SARL, a fait l objet d un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle à l issue duquel l administration a procédé à des rappels de cotisations supplémentaires d impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles au titre des années 2002 à 2004 ; que le requérant sollicite la décharge de ces rappels et celle de la cotisation initiale d impôt sur le revenu à laquelle il avait été assujetti au titre de l année 2003 ; Sur l étendue du litige : 2. Considérant que, par décision du 9 octobre 2013, postérieure à l introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d Alsace et du département du Bas-Rhin a prononcé le dégrèvement à hauteur de 24 973 euros de la cotisation supplémentaire d impôt sur le revenu dont M. B. a fait l objet au titre de l année 2003 et le dégrèvement à hauteur de 6 447 euros du rappel de contributions sociales dont il a fait l objet au titre de la même année ; que les conclusions du requérant sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; Sur les cotisations supplémentaires d impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige : Sans qu il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
N 1001920 4 3. Considérant qu aux termes de l article L. 47 du livre des procédures fiscales : «Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ( )» ; qu'il incombe à l'administration d'établir que l avis de vérification est parvenu en temps utile au contribuable ; qu'en cas de retour à l expéditeur du pli recommandé contenant cet avis, le contribuable ne peut être regardé comme l ayant reçu que s il est établi qu il a été avisé, par la délivrance d un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n a été retourné à l expéditeur qu après l expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur ; que cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve ; que, lorsque des dispositions prévues par l instruction de la direction générale de la Poste en date du 6 septembre 1990 relatives à la distribution des plis recommandés n ont pas été respectées, il incombe au juge de rechercher si ces omissions revêtaient ou non un caractère substantiel, compte tenu des garanties pratiques que les dispositions confèrent au destinataire du pli ; 4. Considérant qu il résulte de l instruction que l enveloppe contenant l avis de vérification a été présentée au domicile de M. B. le 14 juin 2005 ; qu il est constant que le requérant a été avisé de la mise en instance de ce pli ; que, cependant, les mentions portées sur ce pli ne permettent pas d établir qu il a été conservé pendant le délai d instance de quinze jours prévu par la réglementation postale ; que l administration ne produit aucune attestation de la Poste en ce sens ; que le respect de ce délai revêt un caractère substantiel ; qu ainsi, M. B. est fondé à soutenir que les cotisations supplémentaires litigieuses ont été établies à l issue d une procédure irrégulière ; 5. Considérant qu il résulte de ce qui précède que M. B. est fondé à solliciter la décharge des cotisations supplémentaires d impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 à 2004 ; Sur le bien-fondé de la cotisation initiale d impôt sur le revenu de 2003 : 6. Considérant qu aux termes de l article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : «Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ( )» ; 7. Considérant que M. B. a souscrit sa déclaration de revenus pour l année 2003 indiquant qu il avait perçu 48 423 euros de traitements et salaires de la SARL ; qu en application des dispositions susrappelées, il lui appartient de démontrer que ce montant a été inclus à tort dans la base d imposition ; 8. Considérant qu aux termes de l article 12 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : «L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année.» ; que M. B. fait valoir que le cabinet comptable a déclaré à tort des traitements de 48 423 euros pour 2003 sur la foi de fausses fiches de paie, ne correspondant à aucun salaire et qu il avait établies dans le seul but d obtenir des avantages tels qu une location ou un crédit bancaire ; que, toutefois, la
N 1001920 5 seule production de ses relevés bancaires et de ceux de sa fille de l année 2003 ne saurait établir que M. B. n a pas eu la disposition des revenus qu il avait déclarés au titre de l année litigieuse ; 9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B. n'est pas fondé à solliciter la décharge de sa cotisation initiale d impôt sur le revenu de 2003 ; Sur les conclusions de M. B. tendant à l application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge de l Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B. et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1 er : il n y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de 24 973 euros (vingt-quatre mille neuf cent soixante treize euros) en ce qui concerne la cotisation supplémentaire d impôt sur le revenu émise au titre de l année 2003 et à hauteur de 6 447 euros (six mille quatre cent quarante-sept euros) s agissant du rappel de contributions sociales émis au titre de la même année. Article 2 : M. B. est déchargé des cotisations supplémentaires d impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 à 2004. Article 3 : L Etat versera à M. B. une somme de 1 000 euros (mille euros) en application de l article L.761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B. et au directeur régional des finances publiques d Alsace et du département du Bas-Rhin. Délibéré après l audience du 24 octobre 2013, à laquelle siégeaient : M. Martinez, président, M. Dhers, premier conseiller, M. Iggert, premier conseiller, Lu en audience publique, le 14 novembre 2013. Le rapporteur, S. DHERS Le président J. MARTINEZ Le greffier, S. PILLET La République mande et ordonne au ministre de l économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.