Salon du livre de Montréal 2014 Table ronde «Les processus d achat des bibliothèques : nouveaux modèles d affaires, nouvelles façons de travailler» Journée des professionnels du livre 21 novembre 2014 (Compte-rendu pour le Salon du livre de Montréal) Cette table ronde visait à faire connaître les résultats d une enquête menée par deux chercheurs, Frédéric Brisson et Stéphane Labbé, dans le cadre d un partenariat entre l ANEL et le GRÉLQ. Ils ont adopté, à la base, une perspective industrielle : la bibliothèque au cœur de la chaîne du livre, avec pour objectif de mieux comprendre le processus d achat de livres par les bibliothèques publiques au Québec, dans une démarche qualitative. Stéphane Labbé a d abord défini les différents principes qui dictent les achats de livres dans les bibliothèques, en commençant par la nouvelle tendance actuelle, soit le livre numérique «On se fie souvent au succès des livres papier pour déterminer les acquisitions de livres numériques. Et puis, la politique d achat, actuellement, se trouve souvent en construction. Les budgets sont anémiques, l offre limitée et les statistiques non disponibles Un phénomène très courant : le prêt entre bibliothèques. Et un des grands principes qui influence l acquisition de livres, c est le potentiel estimé de prêt aux usagers de la bibliothèque.» Il révèle rapidement les principales sources d informations utilisées par les bibliothèques : 1- Les libraires et la grille de titres parus, source la plus actuelle. Leur salle de montre est systématiquement visitée; 2- Les suggestions d achats des usagers (verbales ou par des fiches écrites); 3- Les publications spécialisées (Ex. : la revue Le Libraire). Les catalogues des éditeurs n entrent pas dans cette catégorie; 4- Les palmarès des éditeurs, très consultés (souvent construits à partir des chiffres de vente); 5- Les médias en général;
6- Les événements : salons, congrès (où les bibliothécaires font des découvertes), etc.; 7- Les sites Web; 8- Les services documentaires spécialisés (ex. : Memento); 9- Leslibraires.ca (pour les livres numériques). Les critères de sélection des livres ont également intéressé les deux chercheurs : A- La provenance québécoise du livre; B- Le potentiel d emprunt par les clients; C- L incitatif de la subvention : raison financière; D- L intuition et l expérience du bibliothécaire : prévoir l attrait grand public; E- La notoriété et la popularité : présence dans les médias (l effet «Tout le monde en parle»); F- La qualité des titres d un éditeur, comme les récipiendaires des prix littéraires majeurs; G- L apparence du livre, la qualité de l objet, les couvertures attrayantes; H- La régularité du format (éviter les mini livres, livres de poche, grands formats non standards); I- Pour le livre numérique, les critères sont différents. Il y a peu de livres en français, peu de titres québécois. On acquiert avant tout des «best-sellers». Comment passe-t-on la commande? Il s agit d une procédure bien établie. Tout d abord, une visite en salle de montre du libraire s impose. Ou bien tout découle de la réception d un envoi d office du libraire, ou encore d une initiative du bibliothécaire lui-même, par l outil Memento ou par courriel, tout simplement. Le téléphone ou le télécopieur ont plutôt tendance à disparaître dans le processus. La Loi 51 oblige le bibliothécaire à retenir trois librairies agréées de sa région pour effectuer ses achats. Le bibliothécaire choisit ces librairies à partir de certains critères : niveau de qualité du service, la spécialité du libraire (BD, jeunesse, voyages, etc.), la proximité de son commerce avec la bibliothèque, la taille de sa bibliothèque, etc.
Il existe des cas particuliers où le jugement du bibliothécaire entre en ligne de compte : titres controversés, œuvres pornographiques, contenus de violence, de propos haineux, etc. Des lacunes ont été observées pour certains types de livres, qui pèchent par leur rareté : livres audio et livres en gros caractères. Du développement pourrait encore être bénéfique dans les liens entre libraires et bibliothécaires, tout comme dans le domaine du livre numérique où beaucoup reste à faire, où ont été notées des insatisfactions assez répandues. Des différences fondamentales ont été observées dans les processus d une bibliothèque à l autre, où il n existe pas de manières de faire uniques. Il s agit d un monde beaucoup plus varié que ce que les chercheurs imaginaient. DEUXIÈME PARTIE DE LA TABLE RONDE : LE MODÈLE EXPORTABLE DE LONGUEUIL Présentation par trois acteurs ayant procédé à l implantation de ce nouveau modèle, soit Manon Trépanier, de la Librairie Alire, Martin Dubois, bibliothécaire, et Micheline Perreault, bibliothécaire à la retraite. Les nombreux spectateurs présents dans la salle ont d abord eu droit à un historique et une vision d ensemble du projet. La fusion des villes de Saint-Hubert, Greenfield Park et du Vieux Longueuil, pour former la Ville de Longueuil, est survenue en 2006. La centralisation de la gestion des trois bibliothèques de chacun de ces nouveaux arrondissements s est effectuée en 2007. Un catalogue unique a alors été adopté. De 2007 à 2010, la centralisation s est accentuée par étapes. En 2011, on ouvrait la nouvelle Bibliothèque Raymond-Lévesque. Voici les grands principes de ce modèle qui fera école, sans doute, au Québec : - La libre circulation des livres d une bibliothèque à l autre. Les citoyens peuvent également retourner les livres dans n importe laquelle bibliothèque des trois arrondissements. De plus, tout citoyen a rapidement accès au document disponible le plus proche, quelle que soit sa provenance.
- Les bibliothécaires de Longueuil sont passés de 7 à 14, car la philosophie adoptée impliquait de mettre l accent sur les services au public et de créer des liens avec la communauté. - Un développement de collection en réseau : Les trois arrondissements (trois villes différentes à la base) ont développé une vision commune, avec pour objectifs d harmoniser le fonctionnement des bibliothèques. Les acteurs ont ensuite rédigé une politique de développement. - Création d une équipe spécialisée, par la spécialisation du travail de chaque bibliothécaire, chacun devenant alors un spécialiste dans un domaine qu il a choisi par goût, par passion. S est donc effectuée une répartition du travail professionnel par catégorie (par exemple : littérature pour adulte, littérature pour les jeunes, adolescents, audiovisuel, livre numérique, etc.). LES ENJEUX ET LES DÉFIS - La collaboration avec les libraires, au sujet des nouvelles façons de faire, fut incontournable. - Le maintien de la rapidité de la mise en circulation des livres, au fil de la création du nouveau modèle. - L aveu, par les bibliothécaires, que le nouveau modèle les a sortis de leur zone de confort. Car ils ont dû apprendre les rudiments de la classification Dewey, ce qui a impliqué de digérer plusieurs règles et détails techniques. - L adaptation du modèle à une structure budgétaire complexe entre les trois arrondissements et la structure centralisée des trois bibliothèques. La mise en place du modèle a grandement profité de la grande collaboration entre les différents intervenants et du développement de nouvelles façons de travailler ensemble. Ce qui a aussi contribué à faire ressortir les avantages du partenariat qui s est créé : meilleure connaissance du fonctionnement de chacun; les responsables sont devenus de réels expertsconseils, assurant une continuité lors de mouvements du personnel; règlement plus rapide des irritants; goût de développer la technologie pour mieux s outiller; traitement plus rapide aux services techniques; harmonisation de chaque fonction et développement d une vision de réseau salutaire.
--- 30 --- Rédacteur : Ronald Martel, Martel Communication 25 novembre 2014