CONTRAT POUR LA BRETAGNE LA NOUVELLE POLITIQUE TERRITORIALE



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Contrat pour la Bretagne La nouvelle politique territoriale 6 e réunion - décembre 2005

Direction générale adjointe «politiques territoriales aménagement transports» Direction de l aménagement et des politiques territoriales Service de la contractualisation territoriale Session du 15 décembre 2005 CONTRAT POUR LA BRETAGNE LA NOUVELLE POLITIQUE TERRITORIALE Lors des premières Assises des territoires, le 27 novembre 2004, à Morlaix, la Région a proposé aux élus, aux acteurs socioprofessionnels et, plus largement, à tous les habitants, un «nouveau contrat pour la Bretagne». Le document élaboré à cette occasion, intitulé «Pour une vision stratégique, ambitieuse et partagée de la Bretagne», définit la démarche choisie par la Région pour assurer le progrès et le développement de la Bretagne dans les incertitudes actuelles du contexte mondial. La conviction y est énoncée clairement que les régions dans lesquelles la cohésion est forte disposent d atouts décisifs dans la compétition entre grands territoires. Il importe de fédérer les stratégies des institutions, des entreprises, des habitants, pour que la Bretagne puisse peser significativement dans les grands arbitrages européens ou nationaux qui vont orienter son avenir. Le combat collectif pour que Brest et Quimper soient à trois heures de Paris en est l illustration la plus significative. Mais il s agit également que les moyens disponibles sur le territoire breton soient le plus efficacement mobilisés - en matière de développement économique par exemple, pour valoriser les effets d entraînement des pôles de compétitivité et de l approche filières dans tous les territoires. Concrètement, trois types de démarches sont proposés pour promouvoir la cohésion des stratégies et des actions en Bretagne. 1. la réalisation de schémas régionaux pour les politiques sectorielles est l occasion, par la concertation et le dialogue, de rendre plus efficaces les interventions des différentes collectivités locales dans leurs compétences parfois croisées ; 2. la réunion régulière d instances de discussion comme les Assises régionales des territoires, la Conférence territoriale, la Commission des affaires européennes, etc. 3. une politique territoriale renouvelée. 3

La vocation particulière de la politique territoriale, dans ce contexte, correspond à la fonction nouvelle d articulation entre les projets émanant des territoires et les orientations régionales. En organisant la rencontre, autour de projets identifiés, entre les stratégies de développement des territoires et la stratégie régionale, la nouvelle politique territoriale constitue un dispositif de travail collectif et un opérateur concret de la cohésion interne de la Bretagne. Mais la nouvelle politique territoriale est également une politique particulière, dans son ambition de donner toutes leurs chances aux territoires de Bretagne. La diversité très forte et l identité marquée de ses territoires sont des caractéristiques de la région. Cette diversité se double d inégalités : inégalités de développement démographique et économique, inégalités de richesse. Là aussi le succès de la Bretagne dépend de la capacité des Bretons à reconnaître les complémentarités qui lient des territoires dont les dynamiques peuvent être divergentes, et à conserver une cohésion entre eux. La Région prend toute sa part dans cette nécessaire solidarité en aidant plus fortement le développement des territoires en difficulté. La politique territoriale adopte ainsi un regard différencié face à des territoires aux situations et aux évolutions différenciées. Cela signifie que les stratégies de développement mises en œuvre par les pays seront prises en compte par la Région dans leurs spécificités la responsabilité des acteurs locaux dans la conduite du projet de leur territoire étant confortée. La promotion d un développement solidaire des territoires se traduit par une péréquation amplifiée des dotations garanties aux pays. La Bretagne est forte de ses habitants et de ses territoires. C est par eux, et avec eux, qu elle parviendra à un développement harmonieux et équitable. De même, les territoires bretons, de plus en plus interdépendants, ne réussiront qu en poursuivant ensemble une ambition collective. La démarche qui vous est présentée ce jour vise, par conséquent, à : expliciter la vision du territoire régional qui préside à la nouvelle politique territoriale, en prenant en compte les changements récents qu a connus la Bretagne dans sa démographie, ses modes de vie et ses institutions ; tirer les enseignements de la politique territoriale menée par la Région depuis 1995 ; procéder à l écriture des principes et des modalités de la nouvelle politique territoriale régionale. Il vous est ainsi proposé la création d un nouveau dispositif contractuel avec les vingt-et-un pays bretons, pour la période 2006-2012. Ces contrats bénéficieront d une dotation globale de deux cent soixante millions d euros, sur six ans, répartie entre les pays selon un principe de péréquation objectif et transparent. Le nouveau dispositif, conformément aux engagements pris par la Région et en réponse aux attentes exprimées par nos partenaires locaux, tout au long de la réflexion préalable, privilégie quatre principes : l équité, l efficacité, la transparence, la simplicité. 4

Par l augmentation significative de l effort régional affecté aux contrats, chaque pays voyant sa propre enveloppe plafond en hausse, la Région conforte les capacités locales à mettre en œuvre de véritables projets locaux de développement. En confirmant le principe d une péréquation, assise sur des critères reconnus, la Région conforte son action de solidarité territoriale. En affichant clairement son projet régional et en accompagnant les pays dans l élaboration de leur propre stratégie, par un effort important en matière d ingénierie, la Région se donne à elle-même, et offre à ses partenaires, les moyens de faire évoluer les projets vers une plus grande exigence et une meilleure inscription dans des objectifs stratégiques. En confortant la logique contractuelle qui permet, dans le dialogue, une rencontre entre volonté régionale et ambition locale, elle-même alimentée par les réflexions et propositions des Conseils de développement, la Région veut donner une nouvelle impulsion à la démocratie locale et participative En autorisant le cumul de financements sectoriels et territoriaux, sur certains projets particulièrement prioritaires et structurants des territoires, la Région facilitera leur réalisation et fera un nouveau pas vers une territorialisation de ses interventions. Je vous remercie de bien vouloir : valider les orientations de la nouvelle politique territoriale, la méthode de contractualisation, ainsi que les dotations par pays qui vous sont proposées dans ce rapport ; m autoriser à engager des négociations avec les pays dans ce cadre. Jean-Yves Le Drian Président de la Région Bretagne 5

Sommaire 1. Un nouveau regard sur la Bretagne... 9 1.1. Des tendances démographiques divergentes, mais un avenir commun... 11 1.1.1. La pression littorale...12 1.1.2. La pression urbaine...13 1.1.3. Les modes de vie...14 1.1.4. Des territoires complémentaires et interdépendants... 15 1.2. Un territoire de projet : le pays...16 1.2.1. Une Bretagne intercommunale : 116 EPCI... 17 1.2.2. Les vingt-et-un pays de Bretagne : des lieux reconnus pour animer et coordonner le développement des territoires... 20 1.3. Conclusion... 26 2. La politique territoriale régionale 1995-2005 : éléments de réflexion...27 2.1. Une lisibilité de l action régionale en question... 29 2.2. Une appropriation et une mobilisation des dispositifs de la politique territoriale régionale différenciée selon les pays... 30 2.3. Des questions en suspens... 32 3. La réécriture de la politique territoriale : les Contrats de pays 2006-2012...33 3.1. Les fondements de la nouvelle politique territoriale...35 3.1.1. Une politique fondée sur deux objectifs, développement et solidarité, et une méthode, le dialogue...35 3.1.2. Quatre principes guidant l action de la nouvelle politique territoriale : équité, efficacité, transparence, simplicité...37 3.2. De nouveaux contrats pour la période 2006-2012 : méthode...45 3.2.1. 260 M de dotation globale pour les vingt-et-un pays et les six ans du contrat...45 3.2.2. Organisation et modalités de fonctionnement du contrat... 50 3.2.3. Calendrier...54 7

1. Un nouveau regard sur la Bretagne 9

Le présent rapport est le fruit de dix-huit mois d écoute, de dialogue, et de travail avec les territoires de la Bretagne. Il s est nourri d un Tro Breizh des pays, des Assises régionales des territoires à Morlaix et à Saint-Brieuc en 2004 et en 2005, du rapport du Conseil économique et social régional sur la coopération territoriale, des réponses des pays au questionnaire régional sur leur «vocation», d un grand nombre de rencontres avec les présidents de pays, les présidents de conseil de développement, ainsi qu avec la Conférence territoriale et les autres acteurs et décideurs locaux, notamment socioéconomiques. Parallèlement, un travail technique a été mené sur le plan statistique et géographique. Se forge ainsi une vision partagée de la Bretagne, vision confirmant la diversité des situations des territoires, mais dépassant également certaines oppositions convenues. 1.1. Des tendances démographiques divergentes, mais un avenir commun La Bretagne vit aujourd hui, peut-être avec plus d intensité, les tendances démographiques françaises : sa population globale augmente, mais se répartit de manière inégale sur le territoire, prioritairement dans la périphérie des grandes villes et sur le littoral. La pression résidentielle en 1999 Source : INSEE, recensement général de la population 1999 Cette tendance n a fait que s accentuer depuis l après-guerre comme en témoignent les cartes suivantes. 11

Une concentration de la population sur le littoral et les grandes aires urbaines (évolution de la densité de population entre 1946 et 1999) Source : Région Bretagne, SRADT Bretagne 2015, Diagnostic 1.1.1. La pression littorale Ces évolutions démographiques nous conduisent à analyser avec un regard différent la Bretagne maritime et la Bretagne intérieure. Une récente étude du CESR de Bretagne a pointé cette singularité littorale en termes de développement démographique en soulignant qu «en Bretagne, la moitié de la population vit dans des communes littorales. Mise à part Rennes, toutes les grandes villes sont en bord de mer, d estuaires ou de rias. La densité de population est sensiblement supérieure sur le littoral à ce qu elle est dans les terres. On peut même constater un déplacement de population sur les territoires les plus littoraux». 1 Cette pression conduit à ranger d un côté des zones sous forte pression foncière, bénéficiant notamment d une importante économie résidentielle (tourisme, services à la personne, BTP ) en plein devenir, et facilement accessible physiquement, et de l autre des zones peu attractives, à l économie fondée essentiellement sur l agro-alimentaire et relativement enclavées. Toutefois, s il peut sembler pertinent à l échelle régionale, ce clivage est moins clair quand on examine dans le détail les différentes portions de cette Bretagne littorale. La pression démographique sur la côte du nord-ouest ou au niveau du Cap Sizun, par exemple, est très significativement plus faible que sur la côte sud. L «épaisseur» même de la zone littorale est variable. Les effets de la proximité de la mer s estompent plus ou moins vite selon le territoire. Il faut surtout souligner l interdépendance entre les zones littorales et les zones intérieures, ce qu a également mis en exergue le CESR dans son étude. Le thème de la qualité des eaux semble le plus révélateur de cette interface «terre-mer». On observe également que les effets ségrégatifs liés au coût du foncier repoussent dans les zones «rétro- 1 CESR de Bretagne, Euzenes et Le Foll, Pour une gestion concertée du littoral en Bretagne, juin 2004, p. 46 12

littorales» les actifs employés dans l économie résidentielle qui se développe sur le littoral, multipliant ainsi les déplacements et les dépendances croisées entre les deux types de territoire. 1.1.2. La pression urbaine La forte augmentation de la population autour des grandes agglomérations semble conforter la vision d une opposition traditionnelle, entre urbain et rural. L effet «boule de neige» de la métropolisation de Rennes et, dans une moindre mesure, de Brest, se confirme en effet à l échelle des pays : mis à part l effet littoral, la population augmente là où elle est déjà la plus importante. L examen plus précis de cette croissance démographique relativise pourtant fondamentalement l opposition urbain-rural, comme le rappelle avec force le rapport du CESR précité. 2 Une forte croissance démographique dans l espace urbain et péri-urbain Taux de variation de la population d un recensement à un autre (1975, 1982, 1990, 1999) Source : INSEE, Région Bretagne, L espace breton, Les dossiers d Octant, n 45, septembre 2003 La croissance urbaine s explique principalement par une forte arrivée de population dans les territoires qui se situent à la frange entre urbain et rural. Le développement de ces espaces dits rurbains conduit précisément à estomper l effet de frontière entre ce qui relève de la ville et ce qui relève de la campagne. S il reste bien évidemment, en Bretagne, des territoires très clairement ruraux et des territoires très clairement urbains, on ne peut ignorer qu une part grandissante des Bretons habitent dans des espaces intermédiaires entre ces deux catégories. 2 CESR de Bretagne, Even et Jourden, La coopération territoriale, un outil de développement pour la Bretagne, février 2005, p. 122 13

L étude prospective sur les modes de vie du CESR confirme cette lecture démographique : «Le «rural» et l «urbain» sont deux catégories construites au 19ème siècle, à une époque de contrastes, qui ont aujourd hui beaucoup vieilli. Parler de rural renvoie à un imaginaire éloigné des réalités actuelles. Par ailleurs, cela induit une confusion entre populations et territoires : on considère ordinairement que la ruralité des populations (activités et modes de vie) est induite par celle des territoires, les territoires ruraux se caractérisant notamment par les paysages, les activités et la densité. ( ) En définitive, le mode de vie rural au sens traditionnel n existe plus qu à l état de survivance, en n étant plus porté que par des personnes âgées. Les différences de comportement sont désormais plutôt à rechercher du côté de facteurs tels que l âge, la génération, la position sociale ou dans le cycle de vie que dans une opposition ville/campagne». 3 Il ne s agit pas de nier ou de niveler les différences objectives entre les territoires mais de comprendre à quel point le développement des uns est lié à celui des autres. Les Bretons qui font le choix de ces espaces mi-urbains, mi-ruraux, souhaitent bénéficier des avantages respectifs des deux catégories, ce qui engendre, entre autres, des problèmes de charges de centralité et des tensions foncières fortes auxquelles répondra la création d un établissement public foncier régional. 1.1.3. Les modes de vie L augmentation, l accélération et la complexification des mobilités est de toute évidence le phénomène le plus marquant de ces dernières décennies en matière d aménagement du territoire. Il conduit à repenser en profondeur nos organisations territoriales. Ainsi l étude du CESR insiste sur le fait que, «en Bretagne, comme ailleurs, les populations sont, dans le quotidien, de plus en plus mobiles. Si les navettes domicile-travail restent les plus structurantes, il faut compter aussi avec les multiples mouvements comme les déplacements entre l habitation et l école, les équipements sanitaires ou culturels. L implantation des commerces et des services structure, elle aussi, le territoire Du fait de la densité de ses peuplements, de son maillage urbain, de ses formes d urbanisation, de ses nombreux pôles d emploi et de services, l occupation de l espace breton prend des formes particulières. Après avoir appelé à quitter les campagnes, les villes contribuent aujourd hui à les peupler. Les «migrants alternants» qui quittent leur commune de résidence pour aller travailler dans une autre commune sont devenus majoritaires. Ce sont en moyenne deux fois 16 kilomètres qui sont parcourus chaque jour de travail, soit 40 % de plus qu il y a dix ans. 3 CESR de Bretagne, Even, La Bretagne et l évolution des modes de vie, janvier 2004, p. 34 14

Les migrants alternants sont plus nombreux que les sédentaires dans 87% des communes bretonnes en 1999 Source : INSEE Bretagne, Octant, n 94, juin 2003 La migration quotidienne a gagné l espace à dominante rurale et s est particulièrement accentuée autour des grands centres urbains avec un habitat extensif, moins concentré que les activités économiques. La localisation des emplois de plus en plus situés dans les pôles urbains, et les lieux d habitation de plus en plus périurbains coïncident de moins en moins dans l espace : c est sans doute pourquoi l attraction commerciale des aires d emploi déborde sur les espaces périphériques». 4 1.1.4. Des territoires complémentaires et interdépendants Tout concourt ainsi à établir que les territoires sont de plus en plus perméables les uns par rapport aux autres et entrent dans un tissu de relations plus complexes qui cumulent complémentarité et concurrence. Le développement d un territoire ne peut se faire indépendamment de l autre. Un territoire ne peut donc s affranchir des stratégies des territoires voisins pour bâtir la sienne. Un territoire, s il veut parvenir à un développement équilibré et qui tienne compte du mode de vie et des besoins des populations, doit ainsi élaborer une conception à la fois endogène et exogène de son développement. Nous partageons la position du CESR quand il indique qu un «développement territorial réussi doit combiner ces deux notions. L essentiel à prendre en compte est que l on doit s intéresser aux capacités de développement propres à chaque territoire». 5 C est la position que la Région a défendu lorsqu en novembre 2004, dans le document «Pour une 4 CESR de Bretagne, Even et Jourden, La coopération territoriale, un outil de développement pour la Bretagne, février 2005, p. 123 5 CESR de Bretagne, Even et Jourden, ibid. 15

vision stratégique, ambitieuse et partagée de la Bretagne», elle s est fixée pour objectif «d offrir à chaque territoire les moyens d exprimer sa vocation propre, tout en développant des liens de solidarité forts avec le reste de la région» ou quand elle a demandé aux pays de définir leur vocation territoriale. La conviction que l affirmation de vocations, reposant sur les atouts propres à chaque pays, est un préalable utile à l élaboration de projets de développement performants, est largement partagée par tous les acteurs du développement local. Ces dix-huit derniers mois de consultations et de travail conduisent à reconnaître la grande diversité des situations territoriales, et surtout l interdépendance des territoires entre eux. Les villes ne se développeront pas sans les campagnes, ni les campagnes sans les villes, Brest ne se développera pas sans Rennes, le centre sans le littoral. La vision du territoire de la Bretagne qui s est construite au cours de cette période affirme que tous les territoires bretons ont besoin les uns des autres, que leur avenir individuel est lié à un avenir commun. La collectivité régionale a une responsabilité particulière, du fait de la compétence en aménagement du territoire que lui a confiée la loi. Elle a fait le choix, à travers la démarche du «Contrat pour la Bretagne», de penser son intervention en relation avec les territoires, afin que les grandes décisions que la Région Bretagne porte soient au service de la construction de notre ambition collective. Le combat mené par la Région pour placer Brest et Quimper à trois heures de Paris n a de sens que si les territoires bretons se sentent pleinement concernés par cet enjeu, s ils élaborent leurs propres politiques dans l objectif de «rentabiliser», de manière optimale, ces infrastructures ferroviaires. De même, la Région a joué son rôle de «chef de file» dans l appel à projet des pôles de compétitivité. S il est clair qu elle ne pouvait rester en dehors de ce dispositif, il est tout aussi évident qu il ne peut à lui seul entraîner tout le développement de tous les territoires bretons. C est aux territoires qu il revient maintenant de proposer des projets locaux de développement économique, pour que l effort porté sur les pôles de compétitivité soit démultiplié dans toute la Bretagne. Il en est de même lorsque la Région présente son projet culturel. Elle est consciente que celui-ci ne pourra véritablement prendre corps sans une appropriation locale. «Il n est pas de projet culturel durable sans inscription dans une continuité géographique et historique. Seule l approche territoriale le permet». 6 C est dans ce même esprit qu a été conçue la nouvelle politique territoriale qui vous est aujourd hui proposée. 1.2. Un territoire de projet : le pays Comme le CESR l a démontré dans son étude sur la coopération territoriale, les communes ont pu apparaître comme n étant plus toujours les mieux placées, compte tenu de leurs moyens techniques, humains, financiers pour apporter les réponses adaptées aux nouveaux besoins qui leur étaient exprimés. C est ainsi que, depuis quelques décennies, elles ont su se regrouper, d abord en syndicats (SIVU, SIVOM ), puis en Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin de mettre toutes les chances de leur côté en vue de parvenir à un développement durable de leurs 6 Conseil régional de Bretagne, Les grands axes de la politique culturelle du Conseil régional de Bretagne, novembre 2005 16

territoires. Aujourd hui, la Bretagne est reconnue nationalement pour ce mouvement de coopération territoriale (en EPCI, en pays ) qui est placé au cœur de la dynamique de son développement et de sa solidarité territoriale. 1.2.1. Une Bretagne intercommunale : 116 EPCI À ce jour, la coopération intercommunale concerne plus de 97,4 % de la population bretonne (contre 84,1% au niveau national). Avec 116 Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, rassemblant 1 225 communes (sur 1 268), la Bretagne est proche d une couverture intercommunale complète. La région compte 106 communautés de communes, 9 communautés d agglomération et une communauté urbaine. Seules 43 communes n ont pas encore fait le choix de la communauté. 17

INTERCOMMUNALITÉ À FISCALITÉ PROPRE EN BRETAGNE AU 1er JANVIER 2005 CA de Lannion Trégor CC des Trois Rivières CC de la Presqu'île de Lézardrieux CC du Pays Léonard CA de Lannion Trégor CC du Pays Léonard CC de la Baie du Kernic Pays du Trégor-Goëlo CC du Pays Rochois CC Paimpol - Goëlo CC du Centre Trégor CC du Trieux CC Pays de Lesneven et de la côte des Légendes CC du Pays de Lanvollon - Plouha CC du Pays de Bégard CC de Plabennec et des Abers CC du Sud Goëlo Pays de Morlaix CA Morlaix Communauté CC de Beg ar C'hra Pays de Guingamp CC du Pays de Landivisiau Pays de Brest CC de Guingamp CC de la Côte de Penthièvre CC du Pays d'iroise CA du Pays de Saint-Malo CC du Pays de Belle Isle en Terre CC du Pays de Matignon CC de la Côte d'émeraude, Rance et Frémur CC du Pays de Châtelaudren - Plouagat CC du Pays d'iroise CC du Pays de Dol de Bretagne et de la Baie du Mont Saint Michel CU Brest Métropole Océane CA de Saint Brieuc (CABRI) CC Rance Frémur CC de la Baie du Mt St Michel, Porte de Bretagne, Canton de Plein Fougères CC de Plancoët Val d' Arguenon CC du Pays de Landerneau Daoulas CC du Pays de Bourbriac CC des Monts d'arrée Pays de Saint-Brieuc CU Brest Métropole Océane Pays de Saint-Malo CC du Canton de Callac CC Lamballe Communauté CC de Dinan CC du Pays de Louvigné du Désert CC du Pays de Quintin CC Pays Plélan CC du Yeun Ellez CC Arguenon Hunaudaye CC du Canton d'antrain CC Centre Armor Puissance 4 Pays de Dinan CC du Pays d'évran CC du Pays de la Bretagne Romantique CC du Coglais CC de la Presqu'île de Crozon CC de l'aulne Maritime CC du Pays de Moncontour de Bretagne CC du Pays du Poher CC du Pays de Corlay CC du Pays de Du Guesclin CC du Pays d'uzel près l'oust CC de la Région de Pleyben CC du Kreiz - Breizh CC du Méné CC du Pays de Caulnes CC du Pays d'aubigné CC de Châteaulin et du Porzay CC du Pays de Châteauneuf CC Guerdelan Mûr-de-Bretagne CC du Cap Sizun CC du Pays Glazik CC du Pays de Douarnenez CC du Pays du Roi Morvan CA Quimper Communauté CC du Haut Pays Bigouden Pays du Centre-Ouest Bretagne CC Cideral CC du Pays de Pontivy Pays de Cornouaille Pays de Pontivy CC du Pays Fouesnantais CC du Pays de Baud CC de Concarneau Cornouaille CC du Pays de Quimperlé CC de la Région de Plouay, du Scorff au Blavet CC du Pays Bigouden Sud CC du Pays de Locminé CC du Hardouinais Mené CC du Pays de Montauban de Bretagne CC Fougères Communauté CC du Pays de Bécherel CC du Val d'ille CC du Canton de Saint Aubin du Cormier CC du Pays de Montfort CC du Porhoët CA Rennes Métropole CA Vitré communauté CC du Pays de Mauron en Brocéliande CA Rennes Métropole CC du Pays de Châteaugiron CC de Brocéliande CC du Pays de Châteaugiron CC du Pays de Josselin CC du Pays de Ploërmel CC du Pays de St Méen-le-Grand CC du Canton de Guichen CC du Pays de Liffré Pays de Rennes Pays de Fougères CC du Pays Guerchais CC du Pays Guerchais CC du Pays de Guer CC du Pays de Maure de Bretagne CC du Pays de la Roche aux Fées CA du Pays de Lorient CC du Pays Guerchais Pays des Vallons de Vilaine CC du Val d'oust et de Lanvaux CC du Pays de Moyenne Vilaine et du Semnon Pays de Lorient Pays du Centre-Bretagne Pays de Ploërmel - Coeur de Bretagne Pays de Brocéliande Pays de Vitré - Porte de Bretagne Hors EPCI CA CC à fiscalité 4TX CC à TPU CU CA du Pays de Lorient CC du Loch CC de Blavet Bellevue Océan CC du Pays d'auray CA du Pays de Lorient CC du Canton de Pipriac CA du Pays de Lorient CC du Canton du Grand Fougeray CC de la Ria d'etel Pays d'auray CA du Pays de Vannes Agglomération CC du Pays de Questembert Pays de Vannes CC des Trois Rivières CC du Pays de Redon CC de la Côte des Mégalithes CA du Pays de Vannes Agglomération CA du Pays de Vannes Agglomération CC du Pays de Muzillac CC du Pays de la Roche Bernard CA de la Presqu'île de Guérande - Atlantique (CAP Atlantique) CC de Belle île en Mer Pays de Redon et Vilaine 0 15 30 60 Kilomètres Sources : fond de plan ROUT500 IGN 2001 - données intercommunalité DGCL 01/01/2005 Réalisation : Atelier cartographie - Région Bretagne - novembre 2005 18

La Bretagne se situe, depuis de nombreuses années déjà, à la première place des régions où les communautés ont fait le choix du régime fiscal de la taxe professionnelle unique (TPU), régime le plus intégré. EPCI à fiscalité propre au 1 er janvier 2005 Source : Ministère de l Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales Direction générale des collectivités locales, Intercommunalité : une dynamique renforcée dans un cadre juridique rénové, Bilan au 1er janvier 2005 L existence de politiques départementales ou régionale incitant au regroupement intercommunal a pu contribué à accélérer ce mouvement. Les Départements ont en effet mis en place des dispositifs visant à décliner une partie de leurs politiques à cette échelle intercommunale. Les EPCI représentent, en effet, un relais local pertinent à 19

l échelle d un département. Leur nombre élevé (116), en revanche, ne peut se prêter à la mise en place de relations contractuelles avec la Région. 1.2.2. Les vingt-et-un pays de Bretagne : des lieux reconnus pour animer et coordonner le développement des territoires Le pays, un territoire chargé d histoire «Sans remonter aux grandes organisations de la Bretagne (avec les tribus des Redones autour de Rennes, des Osismes autour de Carhaix, des Venètes autour de Vannes, des Coriosolites autour de Corseul, des Namnèttes autour de Nantes), ni aux «pagii» que César décrit dans la «Guerre des Gaules», ni encore aux «bro» celtiques des VIe et VIIe siècles (Porhoët, Poher, Cornouaille, Léon, Domnonée, Bro Waroch), découpages autour desquels la Région armoricaine s est organisée, sans remonter non plus aux comtés et petites seigneuries locales de l époque médiévale, sans même remonter aux neuf évêchés, aux 77 archidiaconnées et doyennés encadrant les 1200 paroisses et qui ont constitué des repères constants dans l organisation de la Bretagne du IXème au XVIIIe siècles, il faut bien reconnaître qu il existe de grandes constances dans les découpages territoriaux de la province armoricaine : les périmètres des pays contemporains s appuient sur des lourds et profonds héritages En Bretagne, on est toujours «de quelque part» : on est du Léon ou du Trégor! Le «pays» colle à la «mémoire partagée» et aux projets de chacun. Selon les cas, «le pays», c est un espace centré sur une agglomération, ou un espace de voisinages entre communes voisines. C est du moins ce que nous rappelle l histoire récente de l émergence de la notion contemporaine des pays et les principales leçons qu on peut en tirer». 7 Réalité ancienne en Bretagne, portée par des initiatives locales, la politique de rénovation rurale de la DATAR et les grandes visées «réformistes» du CELIB, la référence au pays réapparaît au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le pays, un territoire reconnu par la Loi Il faut attendre les années 1990 pour que l idée de pays trouve une légitimation à travers deux lois : La loi du 4 février 1995 d orientation pour l aménagement et le développement du territoire, dite Loi Pasqua, qui est venue consacrer juridiquement la notion de pays. Cette loi s était fixée pour objectif d accentuer, à des échelles d action plus large que l intercommunalité, la fédération souple de communes, de groupements de communes et d acteurs socioprofessionnels ou associatifs autour d une «communauté d intérêts économiques et sociaux» et d un «projet commun de développement». La loi du 25 juin 1999 d orientation pour l aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), dite Loi Voynet, qui redéfinit la notion de pays comme étant une entité cohérente sur le plan géographique, culturel, économique ou social et impose la création, une fois le périmètre et le nom du pays choisis, d un Conseil 7 Yves Morvan, En Bretagne, au pays des «pays», 2001 20

de développement afin de faire émerger collectivement un projet de développement inscrit dans une charte. La Région Bretagne a, dès la loi Pasqua, choisi le pays pour mettre en œuvre sa politique d aménagement du territoire (Programme Régional d Aménagement du Territoire (PRAT)), et ainsi, contractualiser à cette échelle. Par ailleurs, la reconnaissance par l État et la Région du bien-fondé des périmètres des vingt-et-un pays bretons a permis de mettre en œuvre le volet territorial du Contrat de plan État-Région 2000-2006 sur la totalité du territoire breton. Ni échelon administratif, ni collectivité territoriale, le pays est : - un territoire caractérisé par une «cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale ; - un projet de développement qui fédère l ensemble des partenaires locaux, élus comme acteurs socioprofessionnels ; - un niveau privilégié de partenariat et de contractualisation qui facilite la coordination des initiatives des collectivités, de l État et de l Europe en faveur du développement local. Le pays, un territoire reconnu par tous en Bretagne Début 2004, la Région a réaffirmé tout l intérêt qu elle accorde aux pays dans le cadre de sa réflexion «Bretagne 2015» : «Les pays sont des outils d équité territoriale non seulement à l échelle de leurs frontières mais, plus largement, ils le sont à l échelle régionale puisque c est par les contrats de pays et les PRAT que se fait la péréquation régionale [ ] Les pays seront finalement les lieux d expression locale du développement durable. Ils sont par excellence les espaces pertinents d un développement respectueux des dimensions sociales et environnementales puisqu'ils sont des espaces de vie avant d être des échelons administratifs. Ils sont par ailleurs, les cadres d expression privilégiés de la démocratie participative». 8 En Bretagne, cette reconnaissance des pays n est pas seulement le fait de l État et de la Région. La Conférence des villes de Bretagne avait souhaité, lors de la concertation sur le SRADT, en 2003, que la Région puisse «insister plus fortement [ ], sur la chance que représentent ces structures, très souples que sont les pays. C'est là, en effet, que peut se tisser une solidarité et une complémentarité ville-campagne. C'est en tout cas un thème très souvent évoqué, mais dont la mise en œuvre n'a jamais réellement été concrétisée. La Région doit, sur ce point, impulser un travail progressif de valorisation en diffusant les propositions de qualité qui sont faites et les résultats exemplaires obtenus. La Bretagne se construit aussi dans cette recherche d'harmonie et de complémentarité villes-campagnes». 9 Enfin, et il s agit du point majeur, les acteurs locaux se sont réellement appropriés cette dynamique de pays. Ils l ont fait aboutir en se structurant pour faire de la Bretagne la première région totalement couverte de pays. Ils les font vivre depuis leur création autant comme des lieux d élaboration de projets que comme des espaces de démocratie participative. 8 Région Bretagne, Bretagne 2015, la Charte, janvier 2004, p. 111 9 Conférence des Villes de Bretagne, Contribution sur le SRADT, juillet 2003 21

Une couverture en pays plus rapide en Bretagne qu ailleurs Source : DATAR (www.datar.gouv.fr) 22

Aujourd hui, l intégralité du territoire régional est ainsi maillée par vingt et un pays. Les 21 pays de Bretagne Source : Région Bretagne Le pays, un territoire pertinent au regard de la vie quotidienne La dimension des pays en fait des espaces pertinents pour élaborer des projets et répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les Bretons. En effet, un certain nombre de projets ne pourraient voir le jour s ils n atteignaient pas une certaine «masse critique». C est pourquoi, il est parfois nécessaire de réfléchir sur un bassin de vie élargi qui correspond davantage à la notion de bassin de services définie par l INSEE. L inventaire communal, réalisé par l INSEE en 1998, a permis de dénombrer les équipements, commerces et services présents dans les communes bretonnes. Lorsque ces équipements sont absents, il permet de savoir dans quelle commune se rendent les habitants pour obtenir le service concerné. L inventaire communal a ainsi permis de définir 25 «pôles principaux de services», villes bien équipées et exerçant une forte polarisation sur le territoire qui les environne. Il permet également de dessiner leurs aires d influence. Ces 25 pôles desservent 99% des communes bretonnes. En Bretagne, ces bassins de service correspondent assez bien au découpage des pays. Comme l indique l INSEE et l illustre la carte suivante, «Les aires d influence des pôles de services et les pays se superposent assez bien, à l exception rennaise près». 10 10 INSEE, L espace breton, Les dossiers d Octant, n 45, septembre 2003, p. 18 et 19 23

Bassins de service et pays Source : INSEE, L espace breton, Les dossiers d Octant, n 45, septembre 2003 L INSEE considère également que «La cohérence des pays bretons, comme bassins de vie et d emplois, est confirmée par les statistiques des migrations alternantes : dans 19 pays sur 21, plus des trois quart des actifs résidants du pays y travaillent. Les deux seules exceptions notables sont les pays de Brocéliande et des Vallons de Vilaine, pays périurbains de l espace rennais : plus de la moitié des actifs résidant à Brocéliande, et 62% des actifs résidant dans les Vallons de Vilaine, travaillent en dehors de leur pays, et, pour la plupart, à Rennes.» 11 Le pays, un territoire de projets s appuyant sur des vocations identifiées Le pays constitue un territoire pertinent pour réfléchir à l élaboration de projets de développement. Plutôt que de demander aux pays de réécrire de nouvelles chartes de développement, nous les avons invités à approfondir les réflexions en leur faisant préciser leur vision du développement pour les prochaines années et ce qui constitue leur vocation. Les réponses des vingt-et-un pays aux questionnaires sont riches d enseignements. Leur analyse permet de confirmer et d affiner les grandes lignes du projet régional. Elle fait émerger les premiers éléments d expression des «vocations territoriales» sur lesquelles la Région veut asseoir sa nouvelle politique d aménagement et de développement. Cette expression n est évidemment pas achevée. La réflexion sur l identification de vocations ou de fonctions territoriales devra donc être poursuivie. Les six mois qui viennent, de préparation et de négociation des futurs contrats, en seront le cadre privilégié. Les réponses apportées à ce stade ne permettent pas aujourd hui de dessiner une Bretagne dans 11 INSEE, ibid. 24

laquelle chaque territoire aurait clairement choisi sa vocation. Il est bien évident que chaque pays poursuit de multiples objectifs et que le développement ne peut résulter d une quelconque spécialisation territoriale. La période qui s ouvre doit être l occasion d approfondir la réflexion en ce sens. Il convient évidemment de convaincre qu il est possible de faire cet effort de caractérisation du pays sans pour autant renoncer à tout projet qui n entrerait pas dans le cadre de la vocation ainsi ciblée. L analyse des questionnaires permet d ores et déjà de mettre en relief des éléments forts de ces vocations émergentes. Le Conseil régional retient avec intérêt les propositions faites par les pays comme autant de sujets à analyser avec attention pour en déterminer le degré d avancement pour certains, de faisabilité pour d autres, permettant de définir sa capacité à les accompagner ou à les soutenir. Les propositions formulées par les Pays peuvent être classées en trois catégories : - Plusieurs pays affirment leur caractère propre ou leur vocation autour d une fonction dominante, le plus souvent liée à leur positionnement géographique, et notamment à la présence d une grande agglomération ; - Plusieurs autres pays n affirment pas une vocation globale mais manifestent la volonté de développer une excellence territoriale autour d atouts identifiés, le plus souvent de nature économique ; - D autres pays affirment enfin leur volonté de développer une forme d exemplarité dans un domaine particulier qui peut être celui de l organisation sociale, du développement culturel, de l environnement, ou plus globalement du développement durable. Cette typologie des propositions faites par les pays n est pas exhaustive, mais elle fait ressortir les grandes lignes du travail qui se profile pour la Région et ses partenaires afin d aller plus loin et d affiner l articulation entre projets territoriaux et projet régional. Les mois à venir y seront consacrés. Le pays, un lieu de mobilisation des élus et de la société civile Le pays est, de par sa dimension et la diversité des acteurs et des territoires qui le composent, non pas un échelon administratif supplémentaire, mais un lieu privilégié de débat. Il constitue notamment une structure où peuvent être abordées politiquement les relations parfois difficiles entre «urbain» et «rural». Le Conseil de développement, dont chaque pays est doté de par la loi, est un outil permettant cette expression partagée. Il associe les acteurs socio-économiques d un pays ou d une agglomération à l élaboration et à la mise en œuvre du projet de territoire. Leur apport est essentiel dans la démarche de pays. Une étude réalisée par le Réseau des Présidents de Conseils de développement, en 2004, conclut que «Les conseils de développement mettent en avant la richesse des échanges élus / société civile. Cette nouvelle forme de dialogue permet progressivement d instaurer une confiance respective entre organe de gestion du pays et conseil de développement. Dès lors, les échanges sont riches de projets 25

et constituent indiscutablement la plus value des pays». 12 Début 2004, la Région défendait déjà cette idée que «l échelle des pays, espaces de vie, traduction géographique d identités locales, semble adaptée à la recherche de nouveaux modes de participation. Les Conseils de développement sont un canal essentiel de ce dialogue entre élus et responsables socioprofessionnels. Ils devront, dans les dix années à venir, conforter leur positionnement et leur rôle essentiel». 13 Le pays, un espace de solidarité territoriale Le pays constitue enfin un espace de solidarité territoriale : - à l échelle de la région. La Région soutient, de façon différenciée, selon des modalités de péréquation précisées dans ce rapport, les pays, mettant ainsi en œuvre une véritable solidarité régionale, entre pays ruraux et pays urbains, pays littoraux (ou maritimes) et pays de l intérieur, pays à dominante résidentielle et pays à dominante «productive» - à l intérieur des pays. Un même pays peut être composé de territoires très divers par leurs caractéristiques économiques, leurs atouts, leurs moyens Il est un lieu de solidarité entre communes et EPCI. 1.3. Conclusion Depuis plus de dix ans, la Région a choisi le pays comme l échelle pertinente pour sa politique territoriale. Instance non administrative, centrée sur le projet de développement, sur son animation collective, en phase avec les territoires vécus par les citoyens, espace de solidarité, le pays n a cessé de confirmer ses vertus dans l application des dispositifs mis en œuvre par la Région et par l État. Les mutations significatives qui traversent aujourd hui la vie des Bretonnes et des Bretons dans leur rapport au territoire, en termes de choix de lieu de résidence ou de mobilité, accentuent les interdépendances géographiques à l intérieur de la Bretagne et confirment, elles aussi, l intérêt de l échelon du pays. C est pourquoi, dans le cadre de la nouvelle politique territoriale, il vous est proposé de confirmer le pays comme échelle territoriale de partenariat, de réflexion et de contractualisation avec la Région. 12 Réseau des Présidents des Conseils de développement de Bretagne, Contribution des Conseils de développement à l avancée des pays en Bretagne, novembre 2004 13 Région Bretagne, Bretagne 2015, la Charte, janvier 2004 26

2. La politique territoriale régionale 1995-2005 : éléments de réflexion 27

Depuis dix ans, la Région s est engagée dans une interprétation active de sa compétence d aménagement du territoire. Loin de se satisfaire d une vision descendante et globalisante, elle s est dotée d un budget d investissement important avec principalement le PRAT (1995-2000), le «nouveau PRAT» (2001-2005), et sa participation au volet territorial du Contrat de Plan État-Région, à parité avec l État. Une des premières mesures de la nouvelle mandature a en outre été de compenser le dégagement d office de crédits FEDER (16M ) décidé par l État, permettant ainsi de sauver de très nombreux projets qui risquaient de s effondrer faute de financement. Ce soutien budgétaire aux projets émanant du territoire trouvait sa justification dans plusieurs approches de la notion même d aménagement du territoire, au nombre desquelles : - améliorer le niveau général d équipement de la Bretagne, y compris dans les lieux à moindre potentiel (produit fiscal ou investissement privé) ; - faire jouer, pour cela, la subsidiarité des maîtrises d ouvrage en favorisant l émergence de l intercommunalité, et la coopération territoriale en promouvant les pays. Au cours des dix années passées, plus de 250 M ont été ainsi garantis par la Région, ouvrant la possibilité à un investissement global dans les territoires d environ un milliard d euros. L effort consenti par la Région pour les territoires, en sus de ses investissements sectoriels, est donc tout à fait considérable sur le plan financier. Par ailleurs, il a permis un engagement en termes d animation dans les territoires. Au cours de la même période, la Bretagne s est quasiment intégralement couverte de structures de coopération intercommunale cent seize EPCI et vingt-et-un pays. Ces deux constats sont à garder à l esprit lorsque l on pointera les limites des dispositifs. Si un aggiornamento de la politique territoriale est aujourd hui nécessaire, il est avant tout possible de par ces dix années d antériorité qui ont permis de construire et consolider les bases mêmes de la coopération territoriale. Les éléments d enseignement qui sont proposés ci-après proviennent principalement de l auto-saisine du CESR de février 2005, 14 et de premiers éléments de l évaluation ex-post du Programme régional d aménagement du territoire (PRAT) 2000-2005 réalisée par les cabinets Acadie et Cerur. 2.1. Une lisibilité de l action régionale en question Beaucoup de dispositifs de subventions superposés sont mobilisés par les pays pour le compte des maîtres d ouvrage (FRAT, PRAT, compensation FEDER, FEDER, FNADT, LEADER+ ). Il est difficile pour la Région de faire connaître clairement ses orientations alors que l origine régionale des subventions versées in fine au maître d ouvrage n est pas toujours identifiée parfois mélangée avec l État ou l Europe, parfois également considérée comme une aide versée par l instance du pays. En outre, les cadres d instruction de ces subventions sont à chaque fois différents, en fonction des règles en vigueur pour les fonds européens, les fonds de l État, ou en fonction des règles d éligibilité spécifiées dans les différents contrats contrat de pays, convention PRAT Cette complexité 14 CESR de Bretagne, Even et Jourden, La coopération territoriale, un outil de développement pour la Bretagne, février 2005 29

technique engendre des incompréhensions et des frustrations significatives, qui n aident pas à l intelligibilité de l action régionale en faveur des territoires, ni à la transparence. Le paradoxe est fort du décalage entre l effort important consenti par la Région et la faible connaissance de ses dispositifs par les maîtres d ouvrage locaux, créant, de fait, une «prime aux carnets d adresse». Rappelons ici que, dans son étude sur la coopération territoriale, le CESR mettait en exergue : «une certaine méconnaissance des acteurs locaux de la politique territoriale de la Région. Dans l enquête réalisée auprès des maires de Bretagne dans le cadre de cette étude, 15 le CESR leur a demandé s ils connaissaient les modalités d intervention de la Région en matière de développement territorial (PRAT ). Près de 66% d entre eux («seulement») ont déclaré les connaître plus ou moins bien.» 16 Enfin, l action régionale reste, sur le terrain, peu perçue des citoyens qui en bénéficient, et donc des contribuables qui la financent. 2.2. Une appropriation et une mobilisation des dispositifs de la politique territoriale régionale différenciée selon les pays L analyse de la mobilisation des dispositifs actuels de politique territoriale est au premier abord marquée par la grande diversité des situations et des pratiques des pays. Sur le plan de la consommation des enveloppes (PRAT et contrat de pays 2000-2006), la moyenne est, à ce jour, d une affectation de plus de 51 %. Les situations sont pour autant très disparates, avec trois pays à un taux supérieur à 70 % (Pays de Brest, Ploërmel-Cœur de Bretagne, Guingamp) et quatre pays à un taux inférieur à 40 % (Pays de Pontivy, Vallons de Vilaine, Saint-Malo, Rennes). Les types de projets aidés sont également significativement différents selon les pays. Ainsi, si la majorité de projets subventionnés par la Région au titre du PRAT concernent les «services à la personne» (56,5 %), on peut noter un net contraste entre les pays à l examen des thèmes qu ils ont privilégiés. Certains pays (notamment dans l Est) ont ainsi consacré l essentiel de leur enveloppe PRAT à des projets relevant des services à la personne, tandis que d autres pays ont porté un nombre significatif de projets relevant du développement économique. 15 Enquête réalisée en été 2004 par le CESR auprès des 1268 maires de Bretagne. 246 questionnaires ont été retournés au CESR soit une participation des communes bretonnes de 19,4% 16 CESR de Bretagne, Even et Jourden, Ibid. 30

Part du nombre de projets subventionnés selon la thématique Pays de Brest Pays de Trégor-Goëlo Pays de Morlaix Pays de Guingamp Enveloppe régionale Pays de Dinan Pays de St-Malo Pays de Fougères Pays de St-Brieuc Pays de Centre-Ouest Bretagne Pays de Centre Bretagne Pays de Brocéliande Pays de Rennes Pays de Vitré Pays de Pontivy Pays de Centre-Est Bretagne Pays de Cornouaille Part du nombre de projets subventionnés Pays de Lorient Pays d'auray Pays de Vannes Pays des Vallons de Vilaine Pays de Redon Développement économique Dynamisme pôles urbains Services à la population Autre ingénierie Part Autre Source : Evaluation du PRAT Acadie-Cerur L examen du type du bénéficiaire des subventions du PRAT montre, en moyenne, que la majorité des projets (54 %) est portée par des communes, contre 21 % portés par les EPCI. La notion «d envergure intercommunale» des projets exigée par la Région n est donc pas antinomique avec la maîtrise d ouvrage communale un fonds de concours communautaire peut ainsi tout aussi bien garantir l intérêt intercommunal du projet. Ces moyennes régionales couvrent, là encore, des disparités entre pays. En montant de subventions, on constate en effet que : - les pays au Centre et à l Ouest de la région ont eu plutôt tendance à privilégier les projets portés par les EPCI ; - dans les pays à l Est et au Sud de la région, les projets communaux ont reçu une part des montants de subventions plus élevée. En conclusion, tous les pays se sont engagés dans des projets de développement et d aménagement, mais selon des rythmes et des degrés de mobilisation très divers. Certains pays sont ainsi encore en phase de maturation, tandis que d autres ne semblent plus voir leur légitimité locale mise en doute. La diversité marquée des pratiques conforte la notion même de pays. Les modèles de développement promus par les pays se laissent deviner dans leur manière de mobiliser les subventions. Toutefois, comme le CESR l a pointé dans son rapport sur la coopération territoriale de février 2005, 17 «chacun gagnerait à une meilleure clarté et une plus grande explication des choix opérés dans la sélection des projets de pays qui sont soutenus. Un suivi accru des projets est également demandé par les pays». De toute évidence, les priorités qui rendent opératoire la stratégie de développement élaboré par le pays ne sont pas toujours explicites. 17 CESR de Bretagne, Even et Jourden, Op.Cit. 31