Responsabilité médicale Dr Alain MIRAS Service de Médecine Légale CHU de Bordeaux
Les 3 systèmes de responsabilité Les trois systèmes de responsabilité qui peuvent, parfois, se montrer complémentaires : La responsabilité civile ou administrative dont l objet premier est l indemnisation de la victime par le responsable, La responsabilité pénale qui tend au prononcé d une sanction à l encontre de l auteur des faits litigieux, Enfin, la responsabilité disciplinaire qui se penche sur l aspect professionnel de la faute.
La responsabilité pénale
La Responsabilité Pénale -1- Faute constitutive d'une infraction prévue Code Pénal Violences volontaires, Euthanasie, Manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence Non assistance à personne en péril Infraction à la législation sur les stupéfiants.
La Responsabilité Pénale -2- Stérilisation humaine volontaire sans finalité thérapeutique, Interruption illégale de grossesse, Expérimentation sans le consentement de l'individu, Assistance médicale à la procréation hors dispositions légales, Violation du secret professionnel, Faux certificats,
Les atteintes involontaires -1- Actes accomplis sans intention de porter atteinte à l intégrité physique ou à la vie du patient. La responsabilité pénale médicale mise en cause que s il existe une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. Des sanctions pénales sont alors prévues.
Les atteintes involontaires -2- Existence d une faute Maladresse ou imprudence du médecin qui méconnaît les règles de son art. Il s agit de fautes de commission accomplies à l occasion de l exercice de sa profession. Exemples : mauvais usage des forceps ; erreur dans le choix du traitement ;
Les atteintes involontaires -3- Existence d une faute Inattention ou négligence, fautes d omission ou d abstention réalisées la plupart du temps lors du suivi médical. Exemples : oubli d une pince hémostatique ou d une compresse dans le corps du patient, Manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements.
Les atteintes involontaires -4- Constatation d un préjudice subi Existence d un préjudice corporel nécessaire qu il s agisse d une atteinte à son intégrité physique (ou même psychique) ou que cela se concrétise par son décès. La victime doit être une personne, née et viable.
Les atteintes involontaires -5- Lien de causalité entre les deux Élément le plus difficile à établir L'existence de ce lien de causalité doit être certaine. non exclusif (plusieurs causes à l'origine du dommage peuvent coexister ou s enchaîner auquel cas, une multiplicité de fautes peuvent avoir concouru à la réalisation du dommage) non immédiat et direct.
Les atteintes involontaires -6- Sanctions encourues Mise en danger d'autrui (C pénal, art. 223-1) fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. 1 an d'emprisonnement et 15 000,00 d'amende. Particularité : Infraction est constituée même si elle n'a pas causé de résultat dommageable. Il suffit d'avoir exposé une personne à un risque dangereux pour elle.
Les atteintes involontaires -7- Sanctions encourues Atteinte involontaire à l'intégrité physique ou à la vie d'autrui (Code pénal, art. 221-6 et suivants) homicide involontaire = fait de causer [...], par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort d'autrui (Code pénal, art. 221-6, al.1er). puni de trois ans d'emprisonnement et 45 000,00 d'amende. Avec circonstance aggravante 5 ans d emprisonnement et 75 000,00 d amende.
Les atteintes involontaires -8- Sanctions encourues L infraction de violences involontaires ITT > 3 mois (Code pénal, art. 222-19, al.1er). punie de deux ans d'emprisonnement et 30 000,00 d'amende. circonstance aggravante 3 ans d emprisonnement et 45 000,00 d amende. ITT<3 mois, l atteinte involontaire à l intégrité physique d autrui est passible de l amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, soit 1 500,00 (Code pénal, art. R.625-2). circonstance aggravante 1 an d emprisonnement et 15 000,00 d amende.
Les atteintes involontaires -9- Sanctions encourues Lorsque la blessure subie n entraîne aucune incapacité, il s agit d une contravention de 2e classe (art. R.622-1) passible de 150 d amende Si vient s y ajouter la circonstance aggravante de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, c est une contravention de 5ème classe (art. R.625-3) passible de 1 500,00 d amende.
Les atteintes involontaires -10- Sanctions encourues Toutes ces sanctions pénales peuvent également être aggravées suivant la personnalité de la victime mineur de moins de quinze ans personne dont la particulière vulnérabilité (due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse) est apparente ou connue par l auteur de l infraction
Violences volontaires -1- Article 221-1 du Code pénal : Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. Article 221-3, al.1er du Code pénal : le meurtre commis avec préméditation constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. Réunion d un élément matériel (fait de donner la mort) et d un élément moral (intention de tuer). Exemple :L euthanasie illustre cette catégorie d infraction.
Violences volontaires -2- ( ) les violences volontaires ayant entraîné une ITT 8j sont punies de l amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (soit 1 500,00 d amende). Article 222-11 du Code pénal : Les violences ayant entraîné une ITT> 8j sont punies de trois ans d emprisonnement et de 45 000,00 d amende.
Violences volontaires -3- Article 222-9 du Code pénal : "Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d emprisonnement et de 150 000,00 d amende. Article 222-7 du Code pénal : Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle.
Responsabilité pénale / Omission de porter secours 3 éléments : Un péril grave, imminent et constant Un acte de secours possible Une abstention volontaire du médecin. L'article 223 6 du Code pénal prévoit : quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000,00 d'amende.
La responsabilité civile
La responsabilité civile La responsabilité civile (ou indemnitaire de droit privé) répond à un idéal de réparation. Lorsque la responsabilité civile d un médecin est engagée, ce dernier peut être condamné à réparer financièrement le dommage subi par son patient. Les juridictions compétentes pour connaître de l action en responsabilité sont les juridictions de l ordre judiciaire, et plus exactement les juridictions civiles : tribunal d instance et tribunal de grande instance
Aspect législatif L'article 1142-28 du Code de la santé publique énonce que "les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé (publics ou privés) à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins, se prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage." C est au patient qui se plaint d un préjudice, d apporter la preuve d une faute commise par le médecin (sauf en ce qui concerne l obligation d information depuis l arrêt rendu par la Cour de cassation, le 25 février 1997).
Les deux types de RC La responsabilité civile contractuelle La responsabilité civile délictuelle
La RC Contractuelle L arrêt Mercier (Civ. 20 mai 1936, D.P. 1936, p 88) a donné un fondement contractuel à la relation existant entre le médecin et son patient : Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat et la violation même involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle. En vertu de cet arrêt le médecin est tenu d apporter des soins, non pas quelconques, ( ), mais consciencieux, attentifs et ( ) conformes aux données acquises de la science.
Code de Déontologie Le Code de déontologie se fait écho de cette interprétation jurisprudentielle (art. 32) : Dès lors qu il a accepté de répondre à une demande, le médecin s engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s il y a lieu, à l aide de tiers compétents.
La RCC Pour que la responsabilité civile contractuelle du médecin soit engagée, il faut que soient réunies trois conditions classiques : une faute : le médecin a méconnu l une des obligations mises à sa charge par le contrat médical. Il peut s agir d une violation de son devoir d humanisme médical ou d une faute technique un préjudice un lien de causalité entre les deux.
La responsabilité délictuelle L article 1382 du Code civil indique que : tout fait quelconque de l homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. C est un cas de figure plus rare puisque le médecin se retrouve dans l hypothèse où il va prodiguer des soins en dehors de tout cadre contractuel. Il peut s agir, par exemple, de soins donnés sans avoir recherché l accord de son patient ou sans avoir pu l obtenir (malade inconscient ou incapable). La personne insatisfaite de l intervention du praticien doit alors prouver l existence d une faute à l origine (lien de causalité) de son préjudice
La responsabilité administrative
La RA -1- Lorsqu'il fréquente un établissement public, le malade n est pas lié contractuellement avec le médecin qui le soigne. Il est dans la situation d un usager du service public. En principe, une faute médicale commise par un médecin dans un hôpital relève de la responsabilité de cet hôpital. Le médecin n'est donc pas considéré comme personnellement responsable et il ne peut être poursuivi personnellement en réparation du dommage causé. Néanmoins, il peut toujours être poursuivi sur le plan pénal.
La RA -2- La victime doit donc demander réparation à l établissement hospitalier pour le compte duquel le médecin exerce et doit porter la procédure devant les tribunaux administratifs. Tout comme précédemment, pour mettre en jeu la responsabilité de l hôpital, il faut que la victime établisse que sont réunis trois éléments : une faute, un dommage un lien de causalité entre les deux.
La RA -3- Jusqu en 1992, une distinction avait été opérée par les juridictions administratives entre, d une part les dommages causés par une mauvaise organisation (ou un mauvais fonctionnement) du service ou encore une exécution défectueuse des soins et, d autre part, les dommages ayant leur origine dans l exécution d un acte médical. Pour les premiers, une faute simple suffisait à engager la responsabilité de l établissement hospitalier ; pour les seconds, une faute lourde devait être mise en évidence.
Arrêt du 10 avril 1992 Conseil d Etat Abandon de la faute lourde
CE - 10 avril 1992 Par l arrêt Epoux V., le Conseil d État a abandonné l exigence d une faute lourde pour engager la responsabilité du service public hospitalier en cas d acte médical. Mme V., à l occasion d une césarienne pratiquée sous anesthésie péridurale, avait été victime d une succession d erreurs et d imprudences de la part des divers intervenants médicaux, comprenant notamment l administration de produits contre-indiqués. Après un arrêt cardiaque d une demi-heure, elle était restée plusieurs jours dans le coma puis avait souffert d une hémiplégie gauche. Il en était resté d importants troubles neurologiques et physiques.
La RA -4- Dans un arrêt rendu par le Conseil d État (CE 10 avril 1992, JCP 1992, II, 21881), cette notion de faute lourde a été abandonnée. Désormais, une faute simple suffit à engager la responsabilité du service, quelle que soit la nature de l acte à l origine du dommage. La faute médicale peut concerner toutes les phases de l acte médical : au moment du diagnostic ; lors du choix thérapeutique ; lors d une intervention ; ou encore à l occasion d une surveillance post-opératoire.
La RA -5- Exceptions à la responsabilité de l'hôpital si le médecin exerce en secteur privé de l'hôpital : si le dommage est dû à un défaut d'organisation ou de fonctionnement ou à une faute du personnel, la responsabilité de l'hôpital peut être engagée ; mais si le préjudice est du à l'acte médical, le médecin est personnellement responsable.
La RA -6- Si le médecin exerce en secteur public de l'hôpital : Le médecin peut cependant être considéré comme personnellement responsable, s'il a commis une faute personnelle, détachable du service c est-à-dire une faute d une gravité exceptionnelle, se situant au-delà de la faute lourde.
Arrêt GOMEZ Aléa thérapeutique 21 Décembre 1990 Cour administrative de Lyon
Arrêt GOMEZ -1- Le 21 décembre 1990, l'arrêt Gomez (Cour Administrative de Lyon) reconnaît que «même en l'absence de faute, la responsabilité du service public est engagée» et condamne un hôpital sept ans après qu'un adolescent de quinze ans, opéré d'une déviation de la colonne vertébrale, soit resté paralysé des jambes.
Arrêt GOMEZ - 2 - Le tribunal a fait valoir que le chirurgien avait mis en œuvre une technique opératoire nouvelle, dont les risques n'étaient pas entièrement connus, ce qui entraînait un «risque spécial» pour le malade. Or les parents de l'adolescent n'avaient pas été avertis qu'une autre technique, plus éprouvée, pouvait être choisie. Serge Gomez a été indemnisé pour avoir fait les frais d'une innovation médicale. Il a «essuyé les plâtres» d'une innovation qui n'était pas mauvaise en soi et qui serait utile à d'autres, mais dont la mise au point comportait un «risque spécial».
Arrêt GOMEZ - 3 - Considérant que l utilisation d une thérapeutique nouvelle, crée lorsque ses conséquences ne sont pas entièrement connues, un risque spécial pour les malades qui en sont l objet ; que lorsque le recours à une telle thérapeutique ne s impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves, qui en sont la conséquence directe, engagent même en l absence de faute la responsabilité du service public hospitalier
Arrêt BIANCHI Risque thérapeutique 9 avril 1993 Conseil d Etat
L arrêt BIANCHI -1- Le 9 avril 1993, le Conseil d'état a rendu un arrêt qui a fait grand bruit dans le monde de la médecine. Pour la première fois, un hôpital était condamné à dédommager un malade victime d'un accident sans faute.
L arrêt BIANCHI -2- Dix-neuf ans plus tôt, M. Bianchi, alors âgé de trente-huit ans, avait subi une artériographie à l'hôpital de la Timone à Marseille. Au sortir de l'anesthésie, il était paralysé des quatre membres. Les experts n'ont décelé aucune faute dans le déroulement de l'examen. Ils ont supposé qu'un petit caillot avait peut-être été libéré au cours de l'exploration et avait pu boucher l'artère qui irrigue le cerveau. Cet accident est très rare (3 ou 4 pour 10 000 examens), mais il semble actuellement imprévisible et ne peut être prévenu.
L arrêt BIANCHI -3- Tétraplégique à sa sortie de l'hôpital, M. Bianchi intente une action en justice. En 1984, il est débouté par le tribunal administratif de Marseille qui estime qu'il n'a pas droit à une indemnisation puisqu'il n'y a pas eu de faute. Mais, sept ans plus tard, le Conseil d'état en juge autrement, rompant avec une très ancienne conception de la responsabilité médicale.
Arrêt BIANCHI -4- «lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ".
Arrêts GOMEZ + BIANCHI -1- Par l'arrêt Gomez, (aléa thérapeutique) la justice admet que la nécessaire innovation médicale comporte des risques inconnus. Dans l'arrêt Bianchi (risque thérapeutique), elle constate qu'une technique éprouvée, utile chaque année à des milliers de patients, comporte un risque incompressible (3 pour 1 000 dans le cas de l'artériographie).
La Responsabilité disciplinaire
La RD - généralités Les médecins sont responsables du point de vue disciplinaire devant l'ordre National des Médecins par l'effet de l'ordonnance du 24 septembre 1945, qui a créé cette institution. Codifiée au Code de la santé publique sous l article L.4121-2, la mission confiée à l'ordre justifie l'instauration d'une juridiction en son sein. Le Code de Déontologie Médicale rappelle ces mêmes principes en son article premier.
La compétence personnelle L action disciplinaire est confiée en première instance à la chambre disciplinaire de première instance (Conseil régional). Elle peut être exercée à l encontre : des médecins inscrits au tableau de l ordre des médecins, des étudiants en médecine en raison des actes qu ils accomplissent pendant un remplacement, des médecins exécutant en France un acte professionnel dans les conditions prévues à l article L.4112-7 du Code de santé publique (c est-àdire des médecins ressortissants de l'union Européenne
La RD La responsabilité est engagée dès qu il y a faute, même légère. Il n est pas nécessaire que cette dernière ait causé un préjudice. Les fautes disciplinaires ne sont pas uniquement constituées des faits ayant un rapport avec l activité professionnelle du médecin. En effet, le Code de déontologie (articles 3 et 5) estime que le comportement général du praticien, même dans le cadre de sa vie privée, ne doit pas être de nature à porter atteinte à la moralité de la profession
Les plaintes ordinales Il n existe pas de délai pour saisir les juridictions ordinales puisque, contrairement à la faute civile, pénale ou administrative, les fautes disciplinaires sont imprescriptibles. Il existe, cependant, des lois d amnistie.