Allocution de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

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Transcription:

Allocution de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes Ouverture de la Conférence de Paris sur l open data et l open gov le jeudi 24 avril 2014 Madame la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'état et de la fonction publique [Marylise LEBRANCHU], Monsieur le ministre pour le Cabinet Office du Royaume-Uni [Francis MAUDE], Monsieur le ministre de la dépense publique et de la réforme de la République d Irlande [Brendan Howlin], Mesdames et messieurs les parlementaires, Monsieur le procureur général près la Cour des comptes, Monsieur le président de la Commission d accès aux documents administratifs [Serge DAËL], Monsieur le président du Conseil national du numérique [Benoît THIEULIN], Mesdames et messieurs les hautes personnalités, Mesdames, messieurs, * * * 1/21

Je suis très heureux de vous accueillir à la Cour des comptes en cette journée inaugurale de la Conférence de Paris sur l Open Data et le gouvernement ouvert. Madame la ministre, votre présence, ainsi que celle de vos collègues qui nous rejoindront cette après-midi et demain, montre l importance que le Gouvernement attache à la démarche d open data dans les administrations françaises et, plus généralement, dans l économie. La présence d autorités parlementaires vient confirmer la mobilisation des pouvoirs publics dans leur ensemble pour faire progresser l ouverture des données publiques. Monsieur le ministre du Cabinet Office britannique, votre pays figure parmi les pays pionniers pour l ouverture des données publiques, avec le Freedom of information act de 2000 et l ouverture d un portail gouvernemental d open data dès 2009. Votre intervention est attendue, car l échange de nos expériences est source d enrichissement mutuel. 2/21

Je me réjouis de la présence de nombreux responsables politiques et administratifs français et étrangers. Je salue la mobilisation de nombreux experts, de la théorie mais aussi de la pratique de l ouverture des données et de la participation à une gouvernance plus ouverte. Je remercie les organisateurs de la conférence : la mission Étalab et le Conseil national du numérique. [Les trois enjeux de l open data] Vous connaissez tous les raisons qui ont conduit de nombreux Etats à s engager vers une ouverture aussi large et gratuite que possible des données publiques. Il y a là un triple enjeu : économique, démocratique et de modernisation de l action publique. Il s agit d une opportunité pour le tissu économique d exploiter des informations d utilité publique, afin de proposer des 3/21

biens et des services à forte valeur ajoutée, créant par la même occasion de l activité et des emplois. En s appuyant sur les capacités d innovation et d émulation des acteurs publics et privés, cette ouverture entraîne une vague d innovations pour la valorisation de ces données dont les bénéfices en termes financier et en termes d emplois, à terme, apparaissent sans commune mesure avec le coût d ouverture des données pour les administrations. La France, qui figure parmi les pays les plus innovateurs dans les technologies digitales, a tout à gagner en exploitant ses avantages et ses talents, contribuant ainsi au renforcement de la compétitivité de l économie. Le raisonnement n est pas que de nature économique : l objectif démocratique que vise l ouverture des données publiques est, à mes yeux, fondamental. La relation qu entretiennent nos concitoyens avec les politiques publiques évolue. Ils souhaitent pouvoir se rapprocher davantage de l administration, comprendre et remettre en question l action publique. Cela oblige les décideurs et les administrations à évoluer, à veiller avec toujours davantage d attention à établir des consensus sur les changements envisagées dans la conduite des 4/21

politiques publiques. Le législateur de 1789 l avait bien compris, avec l article 15 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen, qui est demeuré d une extraordinaire modernité : dans une démocratie, le citoyen a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Cet article 15 est le premier manifeste en faveur de l ouverture des informations publiques et d une gouvernance plus ouverte et plus transparente. C est en donnant à ce principe toute sa traduction que l on pourra répondre à cette demande citoyenne de confiance, et montrer que notre démocratie sait s adapter pour rester en phase avec les attentes du public, ce qui est la meilleure façon de la conforter. Il faut donc mettre sur la place publique autant d informations que possible sur l action administrative. Cette place commune, c est de plus en plus internet, les forums, les blogs et les réseaux sociaux, des lieux désormais incontournables du débat public. Tous les acteurs publics devraient contribuer à ce mouvement. L ouverture des données est particulièrement identifiée par les citoyens comme un progrès démocratique : mieux informés, les citoyens sont plus actifs dans le 5/21

débat public. Les «data stories» qui vous seront présentées montrent l exemple de la vigilance exercée par Regards citoyens sur l activité parlementaire. Même si les indicateurs retenus ne rendent pas suffisamment compte de la dimension qualitative du travail des parlementaires, j ai pu constater, lorsque j étais l un d eux, l effet incitatif que ces travaux peuvent produire et le rapprochement entre citoyens et leurs représentants qui en résulte. C est ici qu interviennent aussi la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, dont l ensemble forme les juridictions financières. Responsables du contrôle du bon usage de l argent public, dotées de larges pouvoirs d enquête, libres et indépendantes dans la conduite de leurs contrôles, elles ont pour principale mission de contribuer à donner toute sa portée à l article 15 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen que j ai cité. C est devant ces dispositions, reproduites au-dessus de nos têtes, que chaque magistrat de la Cour des comptes prête serment en ce lieu. La Cour n est pas dans un dialogue discret avec les administrations pour contribuer à améliorer leur gestion, elle a pour rôle d informer le 6/21

citoyen par ses publications. Vous le voyez, l ouverture des données publiques et l action des juridictions financières sont deux manières de répondre à l exigence formulée par l article 15 : elles participent d une volonté commune de créer au sein des administrations une véritable culture de rendre des comptes. C est pourquoi l organisation de cette journée au cœur de la Cour des comptes, en sa Grand Chambre, me paraît tout sauf un hasard! Enjeu économique, enjeu démocratique, l ouverture des données publiques poursuit un troisième objectif : accélérer la modernisation des administrations publiques. L ouverture des données ne peut qu inciter les acteurs publics à apporter un soin accru pour assurer la qualité des données et leur correcte actualisation. Elles n en seront que davantage exploitables et exploitées. L ouverture apparaît donc comme un aiguillon nécessaire pour améliorer la qualité de des politiques publiques, veiller à leur efficacité et à leur efficience. Cette ouverture, en rapprochant l administration des citoyens, apporte également une garantie d adaptation de l action publique aux besoins de la société, à l aide du progrès technologique. 7/21

Ceci est d autant plus nécessaire que la Cour appelle à ne plus retarder les réformes de fond qui permettront à notre pays de réaliser l effort programmé pour redresser son double déficit, celui de ses comptes publics et celui de sa compétitivité. Les économies sur les dépenses publiques sont incontournables, et peuvent de moins en moins passer par la technique dite «du rabot» consistant à réduire indifféremment tous les postes de dépenses. Il s agit désormais de mieux identifier les dispositifs les moins performants pour faire porter l essentiel de l effort sur eux. Pour cela, il faut consentir à un effort d évaluation sans précédent. Il faut aussi rompre avec l indifférence que suscitent les faibles performances de certaines politiques publiques : que ce soit le logement, la formation professionnelle, ou même l éducation nationale. L ouverture des données, parce qu elle contribue à une plus grande diffusion, à des exploitations plus approfondies, diverses et accessibles de ces données, parce qu elle implique davantage les citoyens, devrait contribuer à ce que ces réformes soient engagées et acceptées. 8/21

Pour ces raisons, je suis convaincu, comme vous, que l ouverture des données publiques constitue un des enjeux les plus forts pour l avenir de nos administrations. C est une perspective enthousiasmante que d envisager la transformation de l action publique permise par le progrès technologique. La présence aujourd hui de nombreux entrepreneurs et le programme de cette après-midi montrent combien cette démarche est porteuse d espoir, dans un contexte parfois qualifié de morose. Après avoir parcouru le programme riche de cette Conférence de Paris, je ne doute pas que vos échanges seront nourris, et permettront l expression de toutes les opinions. Je sais que vous pourrez partager un certain nombre de constats. Je forme le vœu qu émergent de ces débats autant de propositions, voire d annonces, dans un sens positif pour la démocratie, la société et l économie. Avant le début de vos travaux, je tiens à valoriser l importance des efforts consentis récemment par les administrations. J aborderai 9/21

les administrations dans leur ensemble, puis les juridictions financières, qui sont très loin d être inactives sur ces sujets. [Efforts consentis par les administrations] Les appréciations que je porte dans mon propos sur les politiques d ouverture des données publiques dans notre pays et à l étranger sont celles que je porte à titre personnel, en tant que responsable public, mais je tiens à préciser que ni la Cour des comptes, ni les juridictions financières n ont enquêté sur cette politique en France. Je m exprime donc sans préjuger des évaluations que la Cour pourra être amenée à conduire dans les années qui viennent. Je commencerai par l expérience britannique qui est, en la matière, éloquente. Monsieur le Ministre pour le Cabinet Office, un rapport indépendant vous a été remis l an dernier, qui mettait en avant les bénéfices socio-économiques directs et indirects tirés de l ouverture des données publiques par le Royaume-Uni en 2010-2011. Ces bénéfices se chiffrent en milliards d euros et vous en avez déduit 10/21

la nécessité d accélérer cette politique, le besoin de préciser votre stratégie d open data en faveur des acteurs économiques et l intérêt de nouer davantage de liens avec la société civile et le monde de la recherche pour tirer profit des données. En France, après plusieurs initiatives dans des collectivités territoriales de toutes tailles, les agglomérations comme Paris ou Rennes mais aussi de plus petites communes, comme Digne-les-Bains ou Brocas dans les Landes, plusieurs étapes importantes ont été franchies. En 2011 a été créé un service du Premier ministre chargé d accélérer l ouverture des données publiques, la mission Étalab, placée auprès du secrétariat général du gouvernement, puis du secrétariat général pour la modernisation de l action publique. Cette mission a multiplié les initiatives et les a menées à bien dans des délais très rapides. Les expériences, d abord éparses, de mise à disposition de données publiques, ont été rationalisées avec le lancement du portail data.gouv.fr. Ce portail a évolué fin 2013 pour devenir une plateforme 11/21

plus ouverte et collaborative, dont le succès commence à se mesurer avec le nombre croissant des producteurs et de réutilisateurs de données. Cette démarche, qui rassemble aussi bien des acteurs publics que des acteurs privés, s appuie sur ce que certains appellent la «multitude». Ce n est pas une masse anarchique mais bien une source d innovations à l origine de projets collaboratifs majeurs comme Wikipédia ou Open Street Map. C est un levier d action aujourd hui incontournable pour qui est parvenu à prendre le virage du numérique et à s appuyer sur ces ressources. Je me réjouis que la France ait soutenu la directive européenne sur les informations du secteur public, et ait signé la charte du G8 sur l open data. Le comité interministériel pour la modernisation de l action publique de décembre 2013 a été l occasion pour le Gouvernement de réaffirmer les orientations fixées à l administration. Il a souligné la détermination à mettre fin à terme aux redevances de réutilisation des données publiques, qui sont souvent justement un frein à ces réutilisations, voire des barrières à l entrée pour les nouveaux acteurs. 12/21

À ce stade de mon propos, je voudrais m attarder un instant sur ce qui est fait dans les juridictions financières. Je le disais il y a quelques instants, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes sont loin d être inactives sur ces sujets. Elles doivent, dans le respect de leurs principes de fonctionnement, être exemplaires pour que ses travaux gagnent encore en qualité. Elles en ont la volonté. Les juridictions financières œuvrent directement et indirectement à la transparence de l action publique et contribuent l information des citoyens par leurs publications. Je pense naturellement à l emblématique rapport public annuel de la Cour, à ses rapports publics thématiques et aux observations définitives des chambres régionales et territoriales. Tous ces travaux sont publiés sur le site des juridictions financières. Depuis mon installation comme Premier président, j ai souhaité qu une plus grande partie de la production des juridictions financières 13/21

puisse être rendue publique, en veillant toutefois au respect des secrets protégés par la loi. Le législateur l ayant désormais autorisé, la quasitotalité des référés, qui sont des courtes communications que j adresse aux membres du Gouvernement à l issue d un contrôle, sont aujourd hui mis en ligne. J ai récemment décidé qu il en serait de même pour les rapports particuliers, c est-à-dire les observations sur les comptes, la gestion et les résultats des entreprises publiques. Certes, la publication de ces travaux, ce n est pas encore de l Open Data. Mais c est déjà un terreau fertile! À l heure de ce que l on appelle la révolution numérique, qui est à la fois une révolution industrielle, dans les modes de production, et une révolution culturelle, dans les esprits, j ai la conviction que les juridictions financières doivent en tirer toutes les conséquences et en exploiter sans tarder toutes les potentialités. De plus en plus, les équipes de contrôle explorent et retraitent de grands volumes de données quantitatives. À l âge numérique, en 14/21

partageant ce type d informations retraitées sur des plateformes de mise à disposition, les juridictions financières pourront nouer des contacts avec des experts de l analyse de données : collègues de l administration, chercheurs ou data-journalistes par exemple. Ces experts proposeront des grilles de lecture complémentaires, contradictoires ou inédites. Le retour d expérience ainsi produit sera source d enrichissement pour les travaux ultérieurs de la Cour et des chambres régionales et, plus généralement, pour le débat public. Le développement du «data mining» à la Cour prendra du temps, c est indéniable, mais sera un levier puissant d amélioration de la qualité des contrôles. Les juridictions financières peuvent aller plus loin en disposant d une stratégie d ouverture de leurs données. Je dis «peuvent» parce qu il faut rappeler que, juridiquement, les travaux des juridictions financières figurent parmi les exceptions que la loi a posées au principe d accès aux documents administratifs et à la libre réutilisation des informations publiques, selon le cadre posé par la loi du 17 juillet 1978. 15/21

Cette exception concerne toutes les productions des juridictions financières, même si, comme je l ai dit, celles-ci s efforcent de publier tous leurs rapports définitifs qui présentent un intérêt pour le citoyen. Cette exception peut s expliquer à plusieurs égards : tout d abord, comme toute juridiction nous nous appuyons sur les principes fondamentaux que sont, notamment, le secret de l instruction, le principe du contradictoire, les droits de la défense et la protection des organismes contrôlés. Cela nous impose une protection de l ensemble des documents internes préalables à nos travaux définitifs ; ensuite, les juridictions financières sont garantes de la protection des autres secrets protégés par la loi, quand bien même ils seraient levés dans le cadre de l instruction ; je fais notamment référence au secret statistique, au secret fiscal ou au secret des affaires ; le même raisonnement s applique à la protection de la vie privée. Certains de nos travaux n ont pas vocation à être rendus publics, par exemple lorsque nous 16/21

contrôlons des organismes dont tout ou partie de l activité relève du secret de la défense nationale ; par ailleurs, s agissant des données exploitées, les juridictions financières n ont pas vocation à se substituer aux administrations et à «court-circuiter», en quelque sorte, leurs stratégies propres d ouverture des données publiques ; Ces principes délimitent un cadre. Ils ne sont en rien des obstacles à une démarche des juridictions financières que je veux volontariste. Nous aurons des efforts à réaliser d un point de vue technique, sur le chemin de l open data. Nous en avons certainement les moyens : vous le savez, nous avons en ces murs des magistrats dont les qualités sont reconnues, y compris certains experts de l ouverture des données publiques. Je pense particulièrement à Jérôme Filippini, actuellement secrétaire général de la Cour, qui a mis en place la DISIC, première «direction des systèmes d information (DSI) de l État» et ancien SGMAP, et à Mohammed Adnène Trojette, jeune 17/21

magistrat et auteur d un rapport pour le Premier ministre sur le sujet de la gratuité de l accès aux données publiques. Nous avons des services administratifs et techniques qui disposent de toutes les compétences nécessaires. Cela nous sera précieux pour avancer. Pour lancer cette démarche, je profite de ces mots d accueil pour vous annoncer l ouverture, effective ou imminente, de plusieurs jeux de données produits par les juridictions financières ou les organismes associés à la Cour des comptes. Il s agit, en premier lieu, de la jurisprudence des juridictions financières, désormais disponibles sur le portail Légifrance, qui devrait être disponible dans un format favorisant les réutilisations gratuites et massives. À terme, je souhaite que ce corpus soit accessible à l aide d une interface de programmation applicative. La mise en ligne sur data.gouv.fr de la base de données des avis de la Commission d accès aux documents administratifs est, à mon sens, l exemple à suivre. 18/21

Il s agit, en deuxième lieu, de données d activité des juridictions financières. Elles concernent les publications de la Cour mais aussi ses ressources humaines, ses moyens budgétaires et sa performance. Il s agit, en troisième lieu, de bases de données constituées dans le cadre des récents travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée. Cette ouverture, réalisée de manière encore expérimentale, va nous aider à nous conformer progressivement aux meilleurs standards en vigueur. Il faudra que la question de l ouverture éventuelle de données quantitatives traitées dans le cadre des enquêtes des juridictions financières et leurs organismes associés soit systématiquement posée en amont de ces contrôles. En effet, ce n est que si elle est posée en amont que l ouverture se fera dans les meilleures conditions, à chaque fois qu elle sera possible et nécessaire, sans préjudice des principes d indépendance, de collégialité et de contradiction qui fondent les juridictions financières. 19/21

Je n oublie pas dans mon propos le sujet de l Open Government. Nous sommes comme monsieur Jourdain, la France n a pas attendu la traduction française de ce concept pour progresser dans cette voie. La gouvernance ouverte, la Cour y apporte sa pierre en livrant depuis 1832 son rapport public annuel. Les efforts consentis par nos gouvernants et notre administration s accélèrent : on peut citer la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Mesdames et messieurs, Cette Conférence de Paris sur l Open Data et le gouvernement ouvert est une étape supplémentaire importante pour l administration française. Je vous le disais, je serai très curieux de prendre connaissance des conclusions de vos débats. Et après ces quelques mots d accueil et ce propos introductif, je réitère le vœu que ces lieux soient propices aux échanges entre toutes 20/21

les parties prenantes et je cède la parole à Madame la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'état et de la fonction publique. 21/21