Recommandations stratégiques relatives à la gestion des risques dans l innovation sociale

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Transcription:

Note d orientation européenne Recommandations stratégiques relatives à la gestion des risques dans l innovation sociale LIPSE : Learning from Innovation in Public Sector Environments (Lot 4) Sophie Flemig (Université d Edimbourg) Stephen Osborne (Université d Edimbourg) Tony Kinder (Université d Edimbourg) 1 er avril 2015 La présente note d orientation expose le résultat des travaux d étude du quatrième lot (lot 4) du projet «Learning from Innovation in Public Sector Environments» (LIPSE) (Apprendre de l innovation dans les milieux du secteur public). LIPSE est un projet de recherche financé par le 7 ème Programme-Cadre de la Commission européenne en tant que Projet de recherche à petite ou moyenne échelle (2013-2016). LIPSE concentre ses travaux sur l innovation sociale dans le secteur public. Les rapports complets peuvent être téléchargés sur le site www.lipse.org.

1 Etat des lieux sur le risque et l innovation sociale Si l on entend promouvoir et soutenir sérieusement l innovation sociale, il faut développer une nouvelle approche en matière de risques. Ainsi, ce nouveau paradigme des risques devra- t- il reconnaître les risques comme faisant partie intégrante du processus d innovation sociale ; il les comparera aux bénéfices attendus suite à l innovation sociale, et présentera enfin un caractère inclusif, engageant toutes les parties prenantes. Il faudrait que l échec d un service (à savoir le risque réalisé) suite à une innovation sociale soit perçu comme une opportunité d apprentissage au lieu de déclencher la «recherche de boucs émissaires» (blame game). Les professionnels du service public ont généralement une compréhension très limitée de la notion de «risque» - et ils en parlent généralement en termes actuariels (à savoir le risque doit être minimisé) ou en termes de santé et de sécurité. Il continue d exister une culture de la «recherche de boucs émissaires» - on évite si possible un risque en raison du préjudice possible pour les professionnels à titre individuel ou les organismes de services publics (OSP). Néanmoins, le risque est un élément essentiel de l innovation sociale : sans risque, aucune innovation. Donc, si les décideurs sont sérieux quand ils parlent d innovation sociale, ils doivent promouvoir une approche basée sur la comparaison entre les risques éventuels et les avantages potentiels de l innovation sociale. La question à laquelle il faut répondre est la suivante : quel est le niveau de risque approprié pour quel niveau de bénéfices attendus de l innovation sociale? Le risque dans l innovation sociale peut être lié au personnel de service (par ex. risque sanitaire pour le personnel médical), aux organismes de services publics (par ex. portrait négatif dans les médias), aux utilisateurs des services et à leur parcours (par ex. application du mauvais traitement), et à la communauté (par ex. pollution due à l échec d un nouveau projet technologique). Les petites structures sont souvent à la pointe de l innovation sociale mais il est apparu, lors des travaux de recherche pour ce lot, qu elles comprennent peu la notion de risque et son rapport avec l innovation sociale. Elles ont également moins de ressources à affecter à une gestion efficace des risques. Les OSP doivent confronter leur approche du risque (et les ressources impliquées) à la complexité de l innovation sociale prévue. Des innovations simples peuvent exiger une approche purement technique, mais des innovations plus complexes vont exiger des approches plus sophistiquées en matière de gouvernance des risques et d engagement des parties prenantes. Les cadres réglementaires (par ex. santé et sécurité ou basés sur le service) doivent renforcer l approche générale en matière d innovation sociale, y compris une anticipation plus élaborée de la manière de gérer les risques. Les bailleurs de fonds non gouvernementaux peuvent présenter Note d orientation stratégique # 4 2

une forte aversion aux risques en raison du risque lié à leur réputation, ce qui se retrouve dans les appels de fonds. De nombreux services publics sont entre- temps fournis par de multiples OSP qui coopèrent au sein de systèmes de services. Les décideurs doivent faciliter une approche commune et partagée des risques au sein du système. Les OSP ne doivent pas servir individuellement de boucs émissaires. Il serait judicieux que les instances nationales évaluent les risques dans la prestation de services publics et prennent des décisions quant à leur gouvernance en séparant les risques de la recherche de boucs émissaires au niveau des organismes (par ex. de manière analogue aux Conseils de la recherche médicale qui évaluent les risques dans la recherche médicale plutôt que confier cette tâche à des entreprises pharmaceutiques ou à des organismes de santé publique individuels). 2 La perception des risques et le débat sur les risques Les praticiens ne comprennent guère le risque dans l innovation sociale. Quand le risque est compris, la perception est dominée par l aspect santé et sécurité ou actuariel. Le personnel d encadrement est plus à même d exprimer comment il comprend les risques auxquels leurs organismes sont confrontés. Cela est dû, en partie, au fait que leurs fonctions sont également associées à un rôle plus directeur et stratégique dans le processus d innovation ; toutefois, cela peut aussi être attribué à la distribution des responsabilités d évaluation et de reporting entre différents professionnels. Il est plus probable que le personnel de première ligne se concentrera sur les risques d une manière spécifique, limitée aux utilisateurs des services, sous l impulsion de critères administratifs exigeant la documentation de ces risques. Il existe une culture qui consister à éviter les reproches, ce qui transforme la gestion des risques en une tentative de s assurer qu une autre personne sera tenue pour responsable en cas d échec du service. C est la raison pour laquelle le personnel de première ligne semble avoir essentiellement conscience des risques qui pourraient leur attirer des reproches. Les risques ne font guère l objet de débats, voire ne font l objet d aucun débat au sein des OSP. Les principaux types de risques identifiés dans la documentation sur la gestion publique sont les suivants : Risques pour le personnel de service Risques pour les utilisateurs de services Risques pour la communauté / l environnement au sens large Risques pour l organisme Note d orientation stratégique # 4 3

3 Les pratiques actuelles en matière de gestion des risques Il a été identifié trois catégories d approche de gestion des risques qui sont actuellement utilisées : L approche passive : aucune réaction, ni aucun mécanisme pour gérer les risques. L approche informelle : une approche active pour traiter les risques sur une base ad hoc et informelle. L approche formelle : une approche active pour traiter les risques sur une base stratégique et formelle, intégrée dans les méthodes de travail de l organisme. Exemples d approches informelles : La formation sur le tas : l apprentissage par la pratique, basé sur le travail et l expérience au quotidien. La culture du risque : l attitude générale de l organisme vis- à- vis des risques, notamment le risque réalisé qui est perçu comme une expérience d apprentissage plutôt que comme un «échec» ; la volonté et les compétences pour répondre aux risques et aux incertitudes de manière spontanée et constante. Cela confirme le résultat de la recension de la documentation existante et du cadre théorique élaboré par LIPSE (cf. Rapport de recherche LIPSE n 4). La communication (résolution de problèmes informelle) : des réunions et des discussions informelles via des canaux non officiels et non institutionnalisés, sous l impulsion de personnalités individuelles. Le statut d expert : une réaction aux risques basée sur l expérience, sans méthode formelle ni systématique pour recueillir et transmettre ce savoir. La diversification des risques (sans planification) : fourniture d une multitude de services pour proposer des alternatives si une innovation de services échoue suite à la réalisation d un risque. Exemples de réponses formelles : La surveillance / La hiérarchie : des structures hiérarchiques formelles qui surveillent et évaluent les processus d innovation et tentent d anticiper l identification des risques ; la plupart du temps sous la forme d un conseil d administration, d administrateurs ou d un comité directeur de projet ; également sous la forme de «check up» quand le personnel de première ligne travaille sur le terrain avec les utilisateurs des services (appels, observateur responsable sur place etc.) ; revues annuelles ; évaluation d information par les pairs. L engagement des parties prenantes : les activités et les canaux de communication visent à informer les parties prenantes extérieures et à gérer les risques d atteinte à la réputation par le biais d une transparence institutionnalisée. L évaluation par des experts : l implication d experts internes ou externes sur mandat, par ex. des agences d audit ou des spécialistes d un sujet. Note d orientation stratégique # 4 4

La formation formelle : Prince 2 ou Project Management Professional (PMP) etc. formation et qualifications en gestion de projets, formation en gestion des risques spécifique à la fonction exercée (exigences en matière de législation / réglementation / santé et sécurité). Le travail de lobbying : des efforts au niveau national pour traiter des risques d atteinte à la réputation et partager des informations entre différents organismes (Pays- Bas et Italie) ; gestion d une culture politique en matière de risques. Les protocoles / Les procédures : fournis à l organisme soit par l autorité de réglementation ou en interne, y compris des listes de contrôle (checklist) (par ex. pour l examen d utilisateurs de services par des professionnels de la santé mentale ou pour le personnel de service lors de la venue de clients). La communication (résolution de problèmes formelle) : des réunions et des discussions formelles via des canaux officiels, institutionnalisés et réguliers, sous l impulsion d une structure individuelle plutôt que de personnalités individuelles (par ex. réunions d équipe, réunions du conseil d administration, réunions du comité directeur de projet). 4 Conclusions Si l on entend encourager l innovation sociale, il faut absolument créer un cadre pour la gouvernance des risques plutôt que pour la gestion des risques. 1 Il s agit d un cadre dans lequel le risque fait l objet d un débat dans l ensemble de l organisme en étant considéré comme une variable positive utile pour prendre la meilleure décision possible pour les utilisateurs des services. S appuyant sur des données probantes, les auteurs du présent rapport sont convaincus que les sept principes suivants permettront de soutenir les OSP dans leur transition vers la gouvernance des risques. 1) Prendre en compte les petites structures lors de l élaboration des politiques. Le manque de personnels et de ressources formés constitue, pour les petites structures, un obstacle majeur au développement d un système global de gouvernance des risques. Un réseau d experts indépendants pouvant conseiller individuellement des équipes d administration ou de projet pourrait être une ressource précieuse pour surmonter cet obstacle et initier le développement d une gouvernance des risques même au sein des petites structures. 2) Encourager la culture du risque en tant que culture d apprentissage et éviter la «recherche de boucs émissaires». Le risque est actuellement stigmatisé comme un facteur à éviter ou au mieux à minimiser, ce qui empêche les OSP d instaurer un climat d apprentissage. L innovation est étouffée par la peur de 1 Renn, O. Risk Governance: Coping with Uncertainty in a Complex World. (Londres: Earthscan 2008). Note d orientation stratégique # 4 5

l échec. Avec la «recherche de boucs émissaires» (blame game) selon C. Hood 2, l échec l emporte sur le bénéfice potentiel de l innovation, et dissuade les organismes de procéder à des essais et des erreurs qui permettraient d arriver à une innovation sociale dans les services publics. Bien sûr, il faut soigneusement évaluer et gérer les risques. Cependant, cela devrait être perçu comme un facteur de contingence positif dans le processus d innovation afin d arriver au meilleur résultat possible pour les utilisateurs des services. Ce résultat idéal pourrait compenser les risques et les bénéfices attendus de l innovation au lieu de minimiser complètement les risques. 3) Inviter à un vaste débat sur les risques, y compris avec les utilisateurs des services publics et les communautés. En lien avec le principe précédent, le risque lié à la réputation et la responsabilité publique sont des facteurs de contingence déterminants dans les approches et les stratégies en matière de risques dans le service public. C est pour cela qu il faut faire participer au débat sur les risques toutes les parties prenantes, à savoir les politiques, les utilisateurs des services et la communauté 3 et pas uniquement les parties prenantes qui interviennent au sein d un organisme de services publics. Faire participer le public à un débat partagé sur les risques est le seul moyen d atténuer l influence de la tendance à rechercher des «boucs émissaires», et de transformer la culture du risque en une culture d apprentissage. Cela suppose également de savoir gérer les médias : à l heure actuelle, les médias semblent cibler «l échec» comme équivalant à la fin de l innovation, ce qui n aide pas les organismes de services publics à justifier le renouvellement d efforts pour réaliser ledit travail d innovation. 4) Offrir une flexibilité suffisante dans les politiques pour s adapter à un groupe de prestataires divers. Les organismes de services publics se caractérisent par une multitude de formes d organisation, de tailles et de profils. C est pourquoi une réglementation inflexible, comme dans le domaine de la santé mentale, permet de fournir un niveau minimum de service, mais limite en même temps le potentiel d innovation. Si l innovation est un objectif stratégique déclaré, une approche basée sur les sources de risques plutôt que les groupes d utilisateurs des services concernés peut constituer une alternative intéressante avec une réglementation autorisant la flexibilité nécessaire pour tenir compte des différents groupes. 2 Hood, C. The Risk Game and the Blame Game. Government and Opposition, 37(1), (2002) : 15-37. 3 Bryson, J.M. What to do when stakeholders matter: stakeholder identification and analysis techniques. Public Management Review 6 (1), (2006) : 21-53. Note d orientation stratégique # 4 6

5) Etre précis et cohérent dans les différentes réglementations administratives. La réglementation administration s est avérée être une importante force motrice dans la gestion des risques dans l innovation sociale, notamment dans le domaine de la santé mentale (et ainsi potentiellement dans l ensemble des «services immatériels» (soft services)). Il importe donc que les autorités impliquées, chargées de la réglementation, s assurent que leurs approches en matière de risques n empiètent pas les unes sur les autres, voire ne sont pas en contradiction les unes par rapport aux autres. Cela est par exemple le cas dans le domaine de la santé et le domaine social au Royaume- Uni, où les intervenants doivent utiliser des listes de contrôle différentes qui peuvent éventuellement aboutir à des résultats différents (par ex. sur le fait de savoir si un patient âgé doit quitter l hôpital ou non). 6) Baser les appels de fonds et la réglementation sur l issue de l évaluation plutôt que sur des résultats (numériques). En lien avec le principe précédent, il est constaté que les techniques d évaluation actuelles dans les contrats avec l administration et les accords de financement, même au niveau de l UE continuent de mettre l accent sur la gestion actuarielle des risques en se concentrant sur les résultats plutôt que sur l issue. Une évaluation et une surveillance plus sophistiquées et flexibles peuvent changer la perception du risque dans l innovation sociale, et instaurer un climat plus favorable à la recherche de l innovation. Il semble également exister un certain degré d isomorphisme au niveau organisationnel entre les organismes dont le financement dépend de bailleurs de fonds extérieurs : si les bailleurs de fonds mettent l accent sur l innovation, l évidence empirique découlant des présents travaux suggère que les organismes pourront s adapter et devenir des vecteurs de l innovation. Toutefois, si les bailleurs de fonds continuent de mettre l accent sur les résultats numériques et la gestion actuarielle des risques, comme cela est actuellement le cas, il est peu probable que les organismes seront capables de pleinement développer leur potentiel d innovation avec une gouvernance des risques plutôt qu une stratégie de minimisation des risques. 7) Explorer la possibilité de la création d un Conseil de gouvernance des risques. Les auteurs du présent rapport recommandent aux décideurs d envisager la création d une instance nationale chargée de l évaluation des risques dans la prestation de services publics. De telles instances pourraient être apparentées aux Conseils sur la recherche médicale qui évaluent les risques dans ce domaine plutôt que de dépendre d entreprises pharmaceutiques ou d organismes de santé individuels pour établir leurs propres standards. Un tel «conseil de gouvernance des risques» pourrait prendre les décisions sur les directives de gouvernance des risques pour les différents secteurs et systèmes de services publics, en ayant pour objectif de séparer la gouvernance des risques de la «recherche de boucs émissaires» au niveau des organismes. Cela permettrait dans le même temps d aborder le problème de la coordination des critères de gouvernance des risques entre les différents organismes (par exemple dans le domaine de la santé et le domaine social). Note d orientation stratégique # 4 7

5 Informations relatives au lot 4 du programme LIPSE Les travaux se rapportant au lot 4 consistent en une étude comparative multi- méthodes, incluant l Italie, les Pays- Bas, la Slovaquie et le Royaume- Uni, dans le but d obtenir des données empiriques sur les liens existant entre le risque et l innovation sociale. A cette fin, l équipe de recherche s est fixé quatre objectifs stipulés et convenus dans le document de lancement du projet LIPSE : Identifier l ensemble des approches actuelles en matière de risques dans l innovation dans les services publics dans les pays européens, et identifier les principaux facteurs de contingence dans deux secteurs d intervention. Identifier et évaluer de manière empirique les approches actuelles pour permettre à des parties prenantes pertinentes de s engager dans un débat sur les niveaux de risques dans le cadre de l innovation dans les services publics, et la manière dont ces débats se traduisent en modèles spécifiques de gestion et de gouvernance des risques. Etablir des recommandations pour la formulation de principes pertinents pour une gouvernance efficace des risques liés à l innovation dans les services publics. Diffuser les résultats et les recommandations stratégiques auprès des décideurs concernés et de la communauté de la gestion publique. Descriptif des travaux de recherche : 1) Une enquête pour répertorier le périmètre et la nature des risques identifiés dans le processus d innovation, les approches actuelles en matière de gestion et de gouvernance des risques, et la manière dont elles sont évaluées. 200 instances pouvant potentiellement répondre à l enquête ont été ciblées dans chacun des pays (100 par secteur d intervention), soit au total 800 invitations envoyées. Les auteurs ont reçu 657 réponses sur 800, soit un taux de réponse de près de 83 %. 2) Les auteurs ont alors procédé à une analyse des études de cas, axée sur la gouvernance des risques (ou son absence) et son impact sur l innovation dans les services publics. Quatre études de cas ont été identifiées dans chacun des pays partenaires, soit un total de 16 études de cas. Cela a donné lieu à 106 interviews au total. 3) Une analyse de la documentation a été réalisée parallèlement à l enquête et à l analyse des études de cas. Elle incluait les documents des politiques nationales liés aux deux secteurs d intervention ainsi que les documents internes liés aux instances interrogées, comme les sites Internet, des brochures ou des guides sectoriels. Note d orientation stratégique # 4 8

6 Identité du projet Nom du projet Learning from Innovation in Public Sector Environments (LIPSE) (Apprendre de l innovation dans les milieux du secteur public) Coordinateur Prof. Dr. Victor Bekkers, Université Erasmus de Rotterdam, Département de l Administration Publique : Rotterdam, Pays- Bas, bekkers@fsw.eur.nl Consortium Ecole Nationale d Administration (France) Ecole Nationale d Etudes Politiques et Administratives (Roumanie) Ecole Supérieure d Administration et de Direction d Entreprises ESADE (Espagne) Hertie School of Governance (Allemagne) Université Bocconi (Italie) Université Catholique de Louvain (Belgique) Université d Edimbourg (Royaume- Uni) Université de Technologie de Tallinn (Estonie) Université Erasmus de Rotterdam (Pays- Bas) Université Matej Bel (Slovaquie) Université Radboud de Nimègue (Pays- Bas) Université de Roskilde (Danemark) Programme de financement LIPSE est financé par le 7 ème Programme- Cadre de l Union européenne en tant que Projet de recherche à petite ou moyenne échelle, sous l accord de subvention n 320090, Sciences socio- économiques et humaines. Durée Février 2013 Juin 2016 (42 mois) Budget Contribution de l UE : 2,5 millions Site Internet www.lipse.org Pour de plus amples informations sur le lot 4 Dr. Sophie Flemig (sophie.flemig@ed.ac.uk) Note d orientation stratégique # 4 9