Formation plénière Jugement n 2017-0025 Audience publique du 8 mars 2017 Prononcé du 19 avril 2017 Etablissement public local d enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) Montpellier Orb Hérault Poste comptable : Agence comptable de l EPLEFPA Montpellier Orb Hérault N codique : 034650 000 Exercices 2012 et 2013 La République Française Au nom du peuple français La Chambre, VU les comptes, rendus en qualité d agent comptable de l établissement public local d enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) Montpellier Orb Hérault, par Mme X..., du 1 e janvier 2012 au 31 décembre 2013 ; VU le réquisitoire, pris le 28 septembre 2016 et notifié le 7 octobre 2016, par lequel le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges présomptives à l encontre dudit comptable au titre d opérations relatives aux exercices 2012 et 2013 ; VU les justifications produites au soutien du compte ; VU l article 60 modifié de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 ; VU le code des juridictions financières ; VU les lois et règlements applicables à l EPLEFPA Montpellier Orb Hérault ; VU le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; VU le décret n 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; VU le décret n 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi n 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ; VU le rapport de M. Stéphane LUCIEN-BRUN, vice-président, magistrat chargé de l instruction ; VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ; Jugement n 2017-0025 page 1 sur 6
VU les pièces du dossier ; ENTENDU, lors de l audience publique du 8 mars 2016, M. Stéphane LUCIEN-BRUN, vice-président, en son rapport et M. Denys ECHENE, procureur financier, en ses conclusions ; ENTENDU, lors de l audience publique du 8 mars 2017 Mme X..., comptable de l EPLEFPA Montpellier Orb Hérault, représentée par son conseil, Maitre Sophie LUCAS ; Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre, le directeur de l établissement, ordonnateur, n étant ni présent ni représenté à l audience publique ; Sur la présomption de charge unique au titre des exercices 2012 et 2013, soulevée à l encontre de Mme X..., agent comptable : 1 - Sur le réquisitoire ATTENDU que le réquisitoire du 28 septembre 2016, susvisé, porte sur deux titres figurant en solde débiteur du compte 4121 «Autres clients - exercices antérieurs» au 31 décembre 2013 : titre n 3547 du 28 décembre 2008 émis au nom du conseil régional de Languedoc-Roussillon pour un montant de 9 432,85 ; titre n 3557 du 28 décembre 2009 émis au nom de «l Hôtel du Département» pour 1 008 ; ATTENDU, selon ledit réquisitoire, qu aucune mesure de poursuite n ayant été effectuée, ces créances sont atteintes par la prescription de l action en recouvrement prévue par l article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales depuis respectivement le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013, soit durant la gestion de Mme X... ; que, conformément aux articles 17 à 20 du décret n 2012-1246 du 7 novembre 2012, le comptable est seul chargé de la tenue de la comptabilité du poste qu il dirige ; qu en application de l article 60-I de la loi n 63-156 du 23 février 1963 modifiée, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable se trouve engagée dès lors qu une recette n a pas été recouvrée ; que cette responsabilité implique de nombreux contrôles, tant en dépenses qu en recettes ; qu il est de jurisprudence constante que les comptables publics doivent exercer des diligences adéquates, rapides et complètes ; que la prescription des créances susvisées, en l absence de poursuites, incombait à Mme X qui a fait preuve de négligence dans le suivi de ces titres dont le recouvrement est désormais irrémédiablement compromis ; que dès lors, sa responsabilité personnelle et pécuniaire pourrait être engagée pour une charge d un montant unique de 10 440,85 ; 2 - Sur l existence d un manquement du comptable à ses obligations Sur le droit applicable ATTENDU qu en application des dispositions des articles 11 du décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu au 31 décembre 2012, et 18 du décret n 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables publics sont seuls chargés du recouvrement des ordres de recettes ; ATTENDU que selon le premier alinéa de l article 60-I de la loi du 23 février 1963 susvisée, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables, entre autres, du recouvrement des recettes ; ATTENDU qu il est de jurisprudence constante que les comptables publics doivent exercer des diligences adéquates, rapides et complètes pour le recouvrement des créances ; Jugement n 2017-0025 page 2 sur 6
ATTENDU qu en application du troisième alinéa de l article 60-I précité, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables se trouve engagée dès lors que, notamment, une recette n a pas été recouvrée ; Sur les faits ATTENDU que les deux titres en cause, n 3547 du 28 décembre 2008 et n 3557 du 28 décembre 2009, figurant sur l état des restes à recouvrer du compte 4121 avec pour date respective d écriture le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2009, n ont fait l objet d aucun acte interruptif de prescription et sont donc prescrits, en application de l article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, depuis respectivement le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013, sous la gestion de Mme X, agent comptable de l EPLEFPA ; Sur les éléments apportés à la charge ou à la décharge du comptable ATTENDU, selon la réponse apportée par Me Sophie LUCAS, le 30 novembre 2016, que Mme X a exercé ses fonctions d agent comptable «sans qu aucun reproche ne lui soit fait» ; que Mme X aurait adressé, à titre de mesures amiables, un avis de rappel pour chacun des titres en cause mais n en aurait pas conservé de trace écrite ; qu en l absence de réponse à l avis de relance envoyé pour le titre émis à l encontre du conseil régional, Mme X s en serait inquiétée auprès du directeur de l EPLEFPA qui lui aurait demandé de ne pas engager de poursuites ; que, pour engager des mesures contentieuses, l accord de l ordonnateur était requis, conformément à l instruction technique DGER/SDEC/2015-280 du 24 mars 2015 ; qu il n y a pas eu d autorisation de poursuites contentieuses et que, par suite, aucune faute ne peut être retenue à l encontre de Mme X ; ATTENDU, selon les informations orales apportées lors l audience par Me Sophie LUCAS, que Mme X ne disposait pas d un nombre d heures suffisant pour assurer ses fonctions d agent comptable de l EPLEFPA ; ATTENDU, selon la réponse apportée par l actuel ordonnateur de l EPLEFPA, le 9 novembre 2016, que «l établissement a demandé la prudence» pour le traitement de ces deux dossiers compte tenu du fait qu ils concernent deux collectivités territoriales assurant le financement d une majorité des activités de l établissement ; que l ordonnateur en fonctions à l époque avait demandé à suspendre les poursuites à l encontre du conseil régional afin d obtenir un accord amiable ; que celui-ci n ayant pas été obtenu, l admission en non-valeur de la créance est aujourd hui envisagée ; que s agissant du titre émis à l encontre du département, la solution d apurement envisagée est la même «car là encore, nous manquons d éléments écrits compte tenu de l ancienneté du dossier» ; que «légalement, Mme X aurait dû engager des poursuites» et «qu elle ne l a pas fait à la demande de l établissement qui a manqué de réactivité dans le dialogue avec les deux collectivités qui contestaient ces demandes de remboursement de subvention» ; ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir, en premier lieu, que la qualité générale des services rendus par Mme X dans l exercice de ses fonctions d agent comptable n est pas en cause, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables constituant un régime de responsabilité sans faute ; en second lieu, qu il est constant et non contesté par les parties que les deux titres en cause ont été frappés par la prescription de l action en recouvrement prévue à l article L. 1617-5 3 du code général des collectivités territoriales respectivement en 2012 et 2013, durant la gestion de Mme X ; en troisième lieu, que le moyen selon lequel des actes de recouvrement amiables ont été entrepris doit être écarté dans la mesure où la preuve de leur effectivité n a pas été rapportée ; en quatrième lieu, que les titres en cause n ont pas fait l objet de poursuites contentieuses alors que l instruction n 94-100-M99 du 22 septembre 1994, alors applicable, n imposait pas un accord préalable de l ordonnateur ; en cinquième lieu, que la preuve écrite de la demande expresse formulée par l ordonnateur alors en fonctions de ne pas poursuivre les débiteurs n a pu être apportée ; que par conséquent, l insuffisance des diligences menées pour recouvrer les titres en cause a conduit à leur prescription respectivement les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 compromettant ainsi définitivement leur recouvrement ; qu ainsi la comptable a commis un Jugement n 2017-0025 page 3 sur 6
manquement à ses obligations dans le recouvrement des ordres de recettes telles que fixées par les articles 11 et 12 combinés du décret du 29 décembre 1962 susvisé et 18 et 19 du décret du 7 novembre 2012 ; Sur l application au cas d espèce ATTENDU que les arguments apportés par Me Sophie LUCAS seront discutés ensemble ; ATTENDU que le fait qu aucun reproche n ait été adressé par l ordonnateur alors en fonctions à Mme X n est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité personnelle et pécuniaire pour les faits en cause ; qu il ne revient à la chambre de porter une appréciation sur le volume horaire dont disposait Mme X pour accomplir ses fonctions de comptable de l EPLEFPA ; ATTENDU que Mme X n a pas été en mesure de produire les avis de rappel correspondant aux titres en cause ; ATTENDU que Mme X n a pas été en mesure d apporter la preuve écrite des diligences qu elle aurait accomplies pour informer le directeur de l EPLEFPA de l absence de réponse à l avis de relance envoyé pour le titre émis à l encontre du conseil régional de Languedoc-Roussillon ; ATTENDU que Mme X n a pas produit le document selon lequel l ordonnateur lui aurait demandé de ne pas poursuivre le recouvrement de ces deux créances ; que si l actuel directeur de l établissement, dans sa réponse à la chambre, indique que son prédécesseur avait demandé la suspension des poursuites, il n en apporte toutefois aucune preuve écrite ; ATTENDU que l instruction technique DGER/SDEC/2015-280 du 24 mars 2015 invoquée par Me Sophie LUCAS n était pas applicable au moments de faits ; ATTENDU que l instruction n 94-100-M99 du 22 septembre 1994 relative à l organisation financière et comptable des établissements publics locaux d enseignements et de formation professionnelle agricoles, seule applicable au cours de la période concernée, prévoyait, notamment, en matière de recouvrement amiable et contentieux, que «l agent comptable est tenu, sous sa responsabilité, de faire diligence pour assurer le recouvrement des ordres de recettes qu il a pris en charge» et que «le recouvrement des états exécutoires est poursuivi selon les règles du droit commun jusqu à opposition devant la juridiction ( ) Hors le cas d une opposition à état exécutoire, les poursuites peuvent être suspendus sur ordre écrit de l ordonnateur si la créance est l objet d un litige» ; que la mise en œuvre de mesures de recouvrement contentieux n était pas soumise, à l époque, à une autorisation de l ordonnateur et que la suspension de telles poursuites ne pouvait intervenir que sur ordre écrit de l ordonnateur ; ATTENDU que l instruction susvisée du 22 septembre 1994 prévoit que «lorsqu un EPLEA ne peut obtenir amiablement le règlement de sa créance sur une collectivité ou un établissement public, il appartient à l agent comptable d inviter l ordonnateur à recourir à la procédure administrative s appliquant à l organisme public concerné, à savoir l inscription d office des crédits permettant de régler la dette envers l EPLEA ou le mandatement d office si les crédits existent» ; que Mme X n a pu prouver avoir effectué une quelconque démarche en ce sens auprès de l ordonnateur ; ATTENDU, en conséquence, que Mme X n a pu prouver avoir effectué, de 2008 à 2014, une quelconque diligence en vue d obtenir, à titre amiable ou contentieux, le recouvrement desdites créances ; ATTENDU qu ainsi Mme X a commis un manquement à ses obligations prévues aux articles 11 du décret précité du 29 décembre 1962 portant règlement sur la comptabilité publique, en vigueur jusqu au 31 décembre 2012, et 18 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique qui prévoient que le comptable public est seul chargé du recouvrement des ordres de recettes ; Jugement n 2017-0025 page 4 sur 6
ATTENDU qu en application du 3 ième alinéa de l article 60-I de la loi n 63-156 du 23 février 1963, la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est engagée dès lors qu une recette n a pas été recouvrée ; qu il y a lieu, par conséquent, d engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X ; 3 - Sur l existence d un préjudice financier du fait du manquement du comptable ATTENDU, selon la réponse susvisée de Maitre LUCAS, que l EPLEFPA n a pas demandé à Mme X «de déposer de déclaration de sinistre» ; que l établissement «espère certainement, malgré la prescription, que les débiteurs reviennent dans le cadre de négociation sur leur position initiale et acceptent de régler leur dette ; que l EPLEFPA «n estime donc pas que le préjudice est, à ce jour, définitivement constitué» ; ATTENDU que l ordonnateur ne se prononce pas de manière explicite sur le préjudice financier ; ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre fait valoir que l établissement n a pas à demander à son agent comptable de déclarer un sinistre ; que le fait que l ordonnateur n ait pas engagé de procédure administrative d inscription d office des crédits au budget des collectivités territoriales concernées ne constitue pas, de sa part, une reconnaissance de l absence de préjudice lié au non recouvrement des créances ; que le manquement commis par Mme X est à l origine d un préjudice financier d un montant de 10 440,85 causé à l EPLEFPA ; ATTENDU que le recouvrement desdites créances est désormais définitivement compromis ; que l EPLEFPA a subi une perte de recettes, constitutive d un préjudice financier au sens du troisième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ; que ce préjudice résulte de l absence de diligences rapides, adéquates et complètes qu il revenait à Mme X d effectuer ; qu il est la conséquence directe du manquement commis par Mme X qui n a pas satisfait à ses obligations en matière de recouvrement des recettes ; ATTENDU que le préjudice financier ainsi causé à l EPLEFPA Montpellier Orb Hérault s élève à la somme de10 440,85 ; 4 - Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable ATTENDU qu aux termes du troisième alinéa du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février susvisée : «Lorsque le manquement du comptable ( ) a causé un préjudice financier à l organisme public concerné ( ), le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; qu ainsi, il y a lieu de constituer Mme X... débitrice de l EPLEFPA Montpellier Orb Hérault pour la somme de dix mille quatre cent quarante euros et quatre-vingt-cinq centimes (10 440,85 ) ; ATTENDU qu aux termes du paragraphe VIII de l article 60 de la loi du 23 février 1963 précitée : «les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics» ; qu en l espèce, cette date est le 7 octobre 2016 ; Jugement n 2017-0025 page 5 sur 6
Par ces motifs, DÉCIDE : Article 1er : Sur la présomption de charge unique, au titre des exercices 2012 et 2013 : Mme X... est constituée débitrice de l établissement public local d enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) Montpellier Orb Hérault pour la somme de dix mille quatre cent quarante euros et quatre-vingt-cinq centimes (10 440,85 ), augmentée des intérêts de droit à compter du 7 octobre 2016. Article final : La décharge de Mme X... ne pourra être donnée qu après apurement du débet ci-dessus. Délibéré le 8 mars 2017 par M. André PEZZIARDI, président de la chambre, président de séance, M. Jean- Claude MAXIMILIEN, Mme Gaëlle FONLUPT, M. Mickael DUWOYE, premiers conseillers, Mme Clarisse MOYNIER, conseillère. En présence de Mme Clarisse GOUILLOUX, greffière de séance. Clarisse GOUILLOUX greffière de séance André PEZZIARDI, président de séance En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Jugement n 2017-0025 page 6 sur 6
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes d Occitanie, et délivré par moi, secrétaire générale, Brigitte VIOLETTE secrétaire générale En application des articles R. 242-14 à R. 242-16 du code des juridictions financières, les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d appel devant la Cour des comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 à R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l étranger. La révision d un jugement peut être demandée après expiration des délais d appel, et ce dans les conditions prévues à l article R. 242-26 du même code. Jugement n 2017-0025