Conférence introductive "Les carrières des physiciennes à l'université: quelques motifs d'inquiétude" présentée par Frédérique PIGEYRE



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Transcription:

Conférence introductive "Les carrières des physiciennes à l'université: quelques motifs d'inquiétude" présentée par Frédérique PIGEYRE Ce travail a été réalisé par Frédérique PIGEYRE Professeure en Sciences de gestion à l'université Paris Est Créteil, qui l a présenté à Marseille, et Mareva SABATIER, professeure en Sciences économiques à l'université de Savoie Annecy qui n a pas pu venir à la conférence à cause d une panne de car. Quelques Faits pour commencer: tout le monde sait que le monde évolue et évolue dans le bon sens, si on peut dire : puisqu on constate que dans tous les emplois et dans tous les secteurs d'activités, la féminisation augmente. C est une donnée générale, en tous cas dans beaucoup de pays industrialisés et en France bien-sûr. C est vrai aussi parmi les enseignants-chercheurs à l université, c est vrai aussi donc parmi les enseignants-chercheurs en physique avec une évolution qui passe de 17% de femmes à 22 % en un peu plus de 20 ans. Mais, cette évolution est moins nette en physique (en vert) que dans d autres disciplines. On compare ici à la gestion (bleu) et à l histoire (marron) En physique, cette évolution est extrêmement modeste. L évolution la plus forte est celle qui apparait en gestion et qui est aussi liée à l évolution des effectifs, puisqu aujourd hui, dans les universités françaises, environ un étudiant sur 5 est inscrit en Science de gestion. Il a donc été nécessaire de recruter beaucoup ; cette ouverture de la discipline a largement profité aux femmes.

Cette féminisation cache quand même un accès aux postes de professeur qui reste très difficile. C'est partout pareil! On a plus de femmes parmi les MCU que parmi les PU. Mais là encore, ce n est la même chose pour tout le monde : si on regarde le taux toutes disciplines confondues, on a un assez bon taux de féminisation des maitres de conférences puisqu on a un taux de plus de 40%. En revanche on n atteint même pas 20% de femmes professeures. En sciences et technique, d'une manière générale, on passe de 32% MCU à 15% PU et la physique apparait un peu comme le parent pauvre pour la féminisation puisqu on a 27% de femmes MCU et seulement 12% de femmes PU (données 2009-2010). C est une difficulté assez récurrente, observée partout (dans tous les pays et toutes les disciplines) et expliquée par ce qu Emmanuel Lacour appelle : l' «Évaporation des femmes» Pourquoi évaporation? parce qu il y a beaucoup de femmes parmi les étudiants à l'université. Les filles ont accès à toutes les formations mais on ne les retrouve pas au sommet de la hiérarchie à l'université comme dans les entreprises. On sait aussi que les femmes ne sont pas dans les bonnes filières, les filières d excellence, en «sciences dures» : c est vrai par exemple, pour les formations d'ingénieurs où la proportion de femmes reste de 25 % seulement Pour ce qui est des sciences en général, il faudrait avoir des études un peu plus approfondies. On sait que, dans les pays industrialisés, les étudiants de façon générale se dirigent moins vers les sciences que les étudiants d autres pays. Il y a une relative désaffection pour les carrières scienti-fiques. Je n ai pas étudié cela précisément mais c est une réalité. Cette baisse concerne aussi les femmes, qui se trouvent minoritaires dans les emplois les plus prestigieux. Plus le grade augmente, plus les femmes sont rares.

Comment expliquer ce «plafond de verre» (expression popularisée par le BIT «Bureau International du Travail») qui fait référence à l idée qu "il y a des emplois plus haut dans la hiérarchie, on les voit mais on y accède pas" La question est de comprendre pourquoi il y a cette barrière invisible qui fait que les femmes n accèdent pas aux emplois supérieurs dans les organisations. On peut avancer plusieurs pistes d'explication: l accès tardif des femmes à l'université Il existe beaucoup de littérature sur l'histoire des universités et leur ouverture aux femmes : Les universités existent depuis le 13ème siècle mais leur ouverture aux femmes date du 19 ème siècle. Avant cette date, les femmes étaient pas ou peu éduquées ou éduquées ailleurs, dans des institutions séparées. Aujourd'hui, la meilleure réussite scolaire des filles n'est pas synonyme de meilleure progression dans la carrière. les «choix professionnels», ce qu on pourrait appeler la "division" du travail entre les hommes et les femmes à l'université. Les femmes sont davantage investies dans des tâches pédagogiques ou dans des tâches collectives au sens large (tâches administratives, direction des diplômes, suivi des étudiants, suivi des stages etc.), activités qui prennent beaucoup de temps, et du coup elles sont moins investies dans la recherche. Cela dépend bien-sûr beaucoup des structures et des établissements, et de leurs moyens, mais cela fait partie des explications possibles. l'arbitrage entre vie personnelle et professionnelle malgré l'accès des femmes éduquées à des systèmes d'aides notamment pour l éducation des enfants ou les charges domestiques. Néanmoins, la charge de l organisation de la vie familiale pèse beaucoup plus sur les épaules des femmes que des hommes. Cela fait qu elles ont plus de contraintes que les hommes. Par exemple, les déplacements pour aller dans des colloques au loin sont souvent plus compliqués pour les femmes. la discrimination, le plus souvent indirecte, qui se cache sous des mesures apparemment neutres (réunion le soir à 19h...), mais discriminantes pour les femmes ou les hommes qui s occupent de leurs enfants. Aujourd hui, plus de discriminations ouvertes (interdites) mais des phénomènes indirects. le rôle des institutions (les universités, les laboratoires) : plus ou moins aidantes pour les jeunes et notamment les jeunes femmes. Les équipes les soutiennent plus ou moins, notamment pour les décharger des travaux collectifs et les aider à passer leur HdR (habilitation à diriger les recherches) et à étoffer leur dossier de recherche. Il y a aussi l autocensure des femmes : «pourquoi se battre? pourquoi tant de difficultés? qu'est ce que j ai à y gagner? est-ce que le jeu en vaut la chandelle?» Finalement, une femme fera le même boulot qu'un PU (donc des choses intéressantes) en se contentant du salaire de MCU.

D autres éléments sont liés à la carrière universitaire : le critère mis en avant de la productivité scientifique, le prestige. Ce qui correspond à une représentation très masculine de ce qui fait un bon scientifique. Un bon scientifique doit être déchargé des contingences matérielles et se consacrer uniquement à sa recherche. C est la vision un peu dépassée du chercheur dans sa tour d ivoire qui consacre tout son temps à sa recherche et n a aucune contingence Ces considérations mènent à une évaluation "genrées" de la production scientifique. - la notoriété de l'établissement où l'on exerce ou de celui où l'on a fait sa thèse auparavant, ce qui peut favoriser ou pas la carrière. - Le projet ANR TRAJUNI (trajectoire des universitaires - présenté ici) avait pour objectif de comparer les carrières des universitaires avec une étude des différences par disciplines en essayant de tenir compte de la temporalité (est-ce plus difficile aujourd'hui qu'hier?). Ce projet a été mené conjointement par 3 équipes (le centre de Sociologie des organisations à Science Po, l institut de recherches en gestion à Paris-Créteil, l institut de recherches en Economie et gestion à Annecy) associées au Ministère qui nous a donné accès à toutes ses bases de données depuis 1976. Ce travail a permis une analyse quantitative (mesure des écarts hommes/femmes) et une analyse qualitative pour comprendre d où venaient ces écarts (contraintes familiales, contraintes organisationnelles, vision du métier etc.). La comparaison des carrières a été faite sur 3 disciplines: histoire (assez féminisée en début des études universitaires, mais de moins en moins féminisée quand on monte dans le cursus et la carrière, il y a beaucoup d hommes parmi le corps professoral), physique (de forte tradition et importance à l'université avec peu de femmes) et gestion (avec accès au niveau du professorat via une agrégation). Plusieurs cohortes ont été étudiées pour avoir la temporalité. Ce travail a été complété en menant des entretiens avec les enseignants chercheurs et les membres des commissions de spécialistes ou comités de sélection (à l époque des commissions de spécialistes, puisque depuis la loi LRU, ce sont des comités ad-hoc qui sont mis en place pour chaque concours).

Les résultats pour le recrutement en Physique: la part des femmes recrutées augmente très peu et a même tendance à diminuer sur la dernière cohorte. La situation est fragile. On n a pas travaillé sur les cohortes plus récentes. Il n'y a pas de différence d'âge de recrutement entre hommes et femmes: 32 ans. Les femmes sont globalement plus jeunes en gestion et histoire. En moyenne, les critères de publications ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes (plus faible chez les femmes) mais il y a un rattrapage sur la dernière cohorte (égalité de niveau de publication au recrutement). Le recrutement est donc plus difficile pour les femmes recrutées aujourd'hui! Analyse du fonctionnement des commissions de spécialistes ; les règles sont les mêmes partout mais ne sont pas appliquées de la même façon. Prenons comme exemple, lors du décompte des publications, dans certaines disciplines, on compte une publication pour une maternité (en biologie notamment) et ailleurs il n'y a pas de différence entre homme et femme pour le décompte. Le nombre de publications n'est pas le seul critère. On a aussi la notion de «bon candidat», de «bon collègue», celui avec lequel on va bien s'entendre pour travailler (c est souvent un homme pour les hommes). Certains critères sont sexués comme savoir «tenir les amphis» ou «avoir du mordant». Globalement, dans les comités, les gens interrogés, notamment les femmes, sont sensibles aux questions du genre ce qui confirme l'importance de maintenir la mixité des commissions, ne serait-ce que pour veiller à éviter les propos sexistes. D'ailleurs, de moins en moins de commissions sont complètement masculines. L'obligation de membres extérieurs permet d'élargir le vivier. Ce serait un avantage des commissions ad-hoc actuelles.

Concernant le passage professeur, les résultats sont aussi liés aux motivations: - pour quelles raisons on se porte candidat(e)? attractivité du statut, volonté de faire carrière, de gravir les échelons, opportunités de promotions locales, encourage-ments par son équipe ou son laboratoire. - Les hommes et les femmes ont des perceptions différentes de ces notions (PU est souvent considéré comme trop contraignant par les femmes et par certains hommes!) Il y a quand même une réalité qui pose question, c est la pénurie de candidatures féminines pour les passages professeur. Comme il y a pénurie de candidatures en général, on va aller chercher les candidats et cela augmente le rôle des réseaux. Or, il n'y a pas de vivier de femmes pressenties. La question qui se pose alors est : Est-ce que les femmes sont dans les bons réseaux? Estce qu'une femme est bien identifiée comme candidate professeure potentielle? Ces réseaux représentent une difficulté pour les femmes. Les statistiques descriptives en physique sur les 30 ans où on est MCU montre que, dans sa carrière, un homme a le plus de chance d être promu professeur au bout de 12 ans de recherche, une femme un peu plus tard. Si on n est pas promu jeune, on a de moins en moins de chance de l être La probabilité de passer professeure est plus faible pour les femmes et il y a peu de différence selon l'ancienneté.

Par contre, une grosse différence entre les hommes et les femmes est mise en Evidence en début de carrière. Après neutralisation des effets d'âge et d'ancienneté, on remarque que pour les femmes c'est plus difficile globalement et que, si elles ne sont pas promues pendant les premières années, cela devient ensuite très difficile de l'être: Ce constat n'est pas très encourageant pour les femmes qui ont, au final, moins de chances d'être promues! Pour conclure, on a donc observé un point positif au niveau du recrutement des femmes en physique mais une évolution de carrière beaucoup plus lente que dans d'autres disciplines: le plafond de verre est tenace, surtout en physique! Questions de la salle à FP: NVDW (Femmes & Sciences): Dans ce projet ANR que vous avez exposé, vous vous êtes intéressées en amont aux freins pour la présentation des femmes à l université, et lorsque vous avez parlé de l autocensure des femmes, vous avez projeté celles-ci dans l avenir en disant : «Est-ce que le jeu en vaut la chandelle?» par exemple, mais vous n avez pas abordé la question du passé, à savoir tous les stéréotypes qui ont été véhiculés depuis la petite enfance par la littérature, par les professeurs, par la famille. Est-ce que cet aspect-là a compté dans cette étude? Frédérique PIGEYRE : Oui. Cela fait partie des aspects «arbitrage vie professionnelle et vie familiale» et «autocensure» de la diapo 6. Tout cela est lié à la socialisation qui n est pas la même, que ce soit au sein de la famille, dans la société ou à l école, pour les hommes et les femmes. Les filles sont plus préparées à s occuper des autres, de façon implicite, par l exemple et non en le leur disant. Ensuite les femmes s orientent vers ce qu on appelle les métiers du "care", c'est-à-dire la santé, l éducation, etc. et pas vers les métiers qui apparaissent comme «masculins» (comme les sciences) qui demandent de la "force", du "mordant", de l "énergie", comme si les femmes n avaient pas tout cela! Un homme: Vous avez dit qu il y a une pénurie de candidatures des femmes Comment l expliquez-vous? Frédérique PIGEYRE : Oui, mais pas que des candidatures de femmes. La pénurie de candidatures est générale, ce qui nous a beaucoup étonnées. C est entre autre lié au fait que les

gens sont installés. On voit que pour faire venir les gens à Paris, on n a plus les moyens. Les gens sont bien dans leur université en région, ils ont des conditions de vie qui sont beaucoup plus agréables, confortables. Ce phénomène est flagrant en gestion où il y a de nombreux postes non pourvus. Par ailleurs, l'hdr demande un investissement très important, une deuxième thèse dans certaines disciplines (en histoire, on ne peut pas faire son HDR sur le même sujet que sa thèse). C est un investissement lourd quand on a environ 40 ans et des enfants encore jeunes. Cela en décourage certaines. Mais c est très multifactoriel, c est très difficile de pointer des raisons précises Un homme: Quel est le différentiel entre homme et femme sur le nombre de candidatures et le taux de réussite? Frédérique PIGEYRE :: Je ne sais pas. Je ne peux pas vous répondre là-dessus. Nous n avons pas de chiffres exacts sur les candidatures effectives et encore moins sur les candidatures potentielles (il est très difficile d'avoir les nombres de candidatures du fait de l'autonomie des universités et du fonctionnement des comités de sélection). Les universités ne sont pas tenues de conserver les archives des candidatures. Les seuls chiffres disponibles sont ceux des embauchés, mais une chose est sure : on observe une forte décroissance avec le temps qui passe. La carrière se joue très tôt!