Sciences de la Vie et de la Terre Classe de Terminale S Thème 1B : LE DOMAINE CONTINENTAL ET SA DYNAMIQUE CHAPITRE 1 : LA CARACTERISATION DU DOMAINE CONTINENTAL Lithosphère continentale, reliefs et épaisseur crustale Les continents recouvrent près de 30% de la surface de la Terre et présentent des reliefs variés. La croûte continentale qui affleure à la surface des continents présente des caractéristiques qui peuvent expliquer les reliefs continentaux. Ces reliefs résultent en partie de mouvements verticaux de la lithosphère. La structure de la croûte dans les chaînes de montagnes montre que leur formation est liée à des mouvements horizontaux qui l affectent à différentes échelles. ð Problématique : Quelles sont les caractéristiques du domaine continental? I/ La densité de la croûte continentale et la notion d isostasie A) Les roches de la croûte continentale et leur densité Les roches continentales visibles en surface présentent une grand variété (roches magmatiques, sédimentaires ou métamorphiques de compositions diverses) mais elles ne représentent qu une faible part de la croûte continentale. Pour l essentiel celle-ci est constituée de roches de type granite : il s agit d une roche magmatique plutonique (entièrement cristallisée), de texture grenue, contenant surtout des feldspaths et du quartz et accessoirement des micas et des amphiboles. Par comparaison, les roches de la croûte océanique sont formées principalement de plagioclases et de pyroxènes. Elles proviennent du refroidissement de magmas injectés à l axe des dorsales. Ce sont essentiellement des basaltes, roches volcaniques constituant la partie supérieure du plancher océanique et surmontant des gabbros, roches plutoniques de même composition. Cet ensemble est tapissé d une couche sédimentaire d autant plus épaisse que l on se trouve éloigné de la dorsale. La croûte océanique, de 6 à 7 km d épaisseur, repose sur le manteau supérieur formé de roches grenues, les péridotites. Cette différence de composition minéralogique entre roches océaniques et roches continentales s accompagne d une différence de densité : une mesure simple de la masse volumique d échantillons de granites et de basaltes permet de le confirmer. On peut estimer que la densité moyenne de la croûte continentale est de l ordre de 2,7 alors que celle de la croûte océanique est plus proche de 3. Cette différence pose le problème des relations d équilibre entre ces croûtes et le manteau sous-jacent. 1
B) La notion d isostasie En réalité, croûte continentale et croûte océanique ne représentent que la partie superficielle d un ensemble rigide beaucoup plus épais : la lithosphère. Nous savons que la lithosphère terrestre est morcelée en plaques d environ une centaine de kilomètres d épaisseur. Ces plaques, mobiles les unes par rapport aux autres, reposent en équilibre sur l asthénosphère. C est une zone du manteau terrestre moins rigide, déformable (on parle d une zone ductile), la limite lithosphère asthénosphère correspondant à l isotherme 1300 C. Isotherme 1300 C Les études gravimétriques s intéressent aux variations fines de l intensité de la pesanteur terrestre (ou gravité). Ces variations étant dues au fait que la Terre n est pas rigoureusement sphérique, qu elle n est pas parfaitement plate (variations d altitude d un lieu à un autre) et que les masses ne sont pas forcément réparties de manière homogène à l intérieur. Il est possible de calculer la valeur théorique de la pesanteur en un lieu donné et de la comparer à la valeur effective mesurée à l aide d un gravimètre. Les spécialistes constatent alors l existence d anomalies : par exemple, dans les régions montagneuses, la pesanteur mesurée est souvent inférieure à la valeur théorique attendue. Tout se passe comme si l excès de masse représentée par la montagne était compensé en profondeur par un déficit de masse. On appelle isostasie cet état d équilibre réalise à une certaine profondeur de la Terre, dite profondeur de compensation. 2
Approche historique Plusieurs hypothèses ont été formulées au XIXème siècle pour expliquer les variations d altitude de la surface terrestre. Ces hypothèses font intervenir la notion de surface de compensions : la pression exercée par le poids des roches situées au-dessus de cette surface est la même en tout point de celle-ci. Ø Airy propose que les différentes altitudes observées sur un continent s expliquent par un enfoncement plus ou moins important des roches dans le manteau lithosphérique. L hypothèse d Airy considère que la croûte a partout la même densité. Sous un relief, la croûte doit être épaissie de manière à créer un «flotteur» plus léger que le manteau qui l entoure et qui va ainsi le porter. Ø Pratt suppose au contraire que la profondeur atteinte par la croûte est toujours identique et qu en conséquence c est la densité des roches qui change de manière à expliquer le relief (une colonne de roches moins dense explique une altitude plus élevée, alors qu une colonne plus dense peut rendre compte d une dépression topographique). Cependant cette hypothèse ne correspond pas aux observations réalisées dans la croûte terrestre : la densité des matériaux de la croûte ne change pas en fonction des différences d altitudes de sa surface. Dans le phénomène d isostasie qui caractérise les structures superficielles de la Terre, la limite qui sépare la croûte rigide du manteau susceptible de se comporter comme un fluide et de la porter en équilibre hydrostatique ne se trouve pas au niveau de la base de la croûte (Moho), mais plus en profondeur à la limite entre lithosphère et asthénosphère. C est donc la lithosphère qui est en équilibre (isostasie) sur l asthénosphère BILAN : Bien que présentant une grande diversité, les roches continentales appartiennent pour l essentiel à la famille du granite. Ce sont des roches magmatiques plutoniques grenues. La densité moyenne de la croûte continentale est de l ordre de 2,7. La croûte continentale fait partie d un ensemble rigide beaucoup plus épais, la lithosphère, qui repose en équilibre sur l asthénosphère moins rigide. On appelle isostasie cet état d équilibre réalisé à une certaine profondeur de la Terre (profondeur de compensation) : tout se passe comme si l excès de masse représentée par une masse montagneuse par exemple était compensé en profondeur par un déficit de masse. II/ L épaisseur de la croûte continentale A) Une estimation de l épaisseur Cet équilibre de la lithosphère sur l asthénosphère étant admis, il est logique de penser que la croûte continentale, moins dense que la croûte océanique, peut être à la fois plus épaisse, et avoir sa surface à une altitude plus élevée. Les données sismiques permettent d estimer l épaisseur de la croûte. Elles sont fondées sur l analyse de sismogrammes enregistrés par différentes 3
stations assez proches d un foyer sismique. Il est possible de repérer sur ces enregistrements l arrivée d ondes P qui ont suivi plusieurs chemins, mais à la même vitesse ; des ondes P «directes» et des ondes P qui se sont enfoncées dans la croûte, puis ont été réfléchies sur une surface de discontinuité («réflecteur») et sont remontées vers la station. Un calcul assez simple fondé sur la comparaison des temps de parcours (donc des longueurs de trajet) permet d estimer la profondeur du «réflecteur». On nomme MOHO cette surface qui marque la limite inférieure de la croûte et donc le contact avec le manteau supérieur. B) Les variations d épaisseur de la croûte continentale En domaine continental, la profondeur du MOHO se situe en général aux alentours de 30km ; cette valeur représente donc l épaisseur moyenne de la croûte continentale (à comparer avec les 6-7 km de la croûte océanique). La valeur obtenue par les sismologues varie toutefois beaucoup suivant les régions. Dans une région montagneuse (zone alpine par exemple), la profondeur du MOHO s abaisse notablement jusqu à 60km environ. Comme le laissaient penser les modèles concernant l équilibre isostatique, l excès de masse représenté par la chaîne de montagnes est compensé en profondeur par une «racine crustale» moins dense que le manteau supérieur. Il reste à comprendre comment, dans ces régions, la croûte continentale s est épaissie au point d ériger des reliefs de plusieurs kilomètres, qui surmontent des racines profondes. BILAN : Les données sismiques permettent d estimer l épaisseur de la croûte, c est à dire connaître la profondeur à laquelle se trouve le MOHO, surface qui marque la limite entre la croûte et le manteau supérieur. En domaine continental, la profondeur moyenne du Moho est d environ 30km, mais cette profondeur augmente notablement sous les chaines de montagne (environ 70km), on parle de racine crustale pour décrire ce phénomène. 4
III/ Des indices tectoniques et pétrographiques de l épaississement crustal A) Des indices tectoniques Les chaînes de montagne sont toujours le résultat d une histoire tectonique complexe, en général dans un contexte d affrontement de plaques. Sous l effet des contraintes liées aux déplacements de ces plaques, les roches ont subi des déformations ou des déplacements parfois considérables. Un exemple très connu est celui de la collision, actuellement en cours, entre le sous-continent indien et le bloc eurasiatique avec pour résultat l ascension des chaînes Himalayennes. Les Alpes en sont un autre exemple. Les géologues peuvent identifier, sur le terrain des indicateurs révélateurs des contraintes compressives qui se sont exercées : Ø Les plis, qui affectent les séries sédimentaires, témoignent d une déformation souple et permettent de repérer la direction générale des contraintes (perpendiculaire à l axe des plis). Ø Les failles inverses sont un indice de déformation cassante et traduisent un raccourcissement local de la croûte. Ø Les nappes de charriage représentent une espèce de paroxysme : des formations géologiques de taille parfois impressionnante ont glissé sur des distances qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de kilomètres, en chevauchant les formations en place. Dans les chaînes de montagnes, cet épaississement crustal et les déformations associées permettent la formation de reliefs et, en profondeur, la formation d une racine crustale. B) Des indices pétrographiques Au niveau d une chaine de montagnes, l épaississement de la croûte continentale est liée au raccourcissement et aux empilements imposés par les contraintes tectoniques. Les roches crustales subissent les conséquences de ces conditions nouvelles. Du simple fait de l enfouissement à des profondeurs de plusieurs kilomètres, elles sont soumises à des températures et des pressions constantes et se transforment. Des transformations à l état solide : caractéristique des roches métamorphiques Sur le terrain, il est, par exemple, possible d observer le passage progressif de roches sédimentaires de surface comme des roches argileuses à des roches qui représentent des argiles de plus en plus transformées, car ayant été enfouies de plus en plus profondément. C est ainsi que l on observe successivement des schistes, puis des micaschistes et des gneiss. 5
A part les modifications de texture, le fait marquant est la cristallisation de nouveaux minéraux. La composition chimique globale de la roche reste stable mais les minéraux se transforment progressivement : les minéraux stables sous certaines conditions ne le sont plus lorsque pression et température augmentent et interagissent chimiquement pour donner de nouveaux minéraux. Cette «transformation minéralogique», qui intervient alors que la roche reste à l état solide, caractérise les roches métamorphiques. Des traces de fusion partielle Si la température et la pression s élèvent encore plus, une partie de la roche métamorphique peut fondre et donner naissance à un magma. Ce phénomène de fusion partielle constitue ce que l on appelle l anatexie. C est ainsi que l on observe des migmatites, c est à des gneiss contenant des lentilles granitiques : ce granite provient de la cristallisation d un magma, luimême produit par la fusion des minéraux les moins réfractaires du gneiss (ceux qui ont la température de fusion la plus faible). BILAN : Les géologues peuvent identifier dans les chaînes de montagnes des indices révélateurs des contraintes compressives qui se sont exercées : plis, failles inverses et nappes de charriages signent un raccourcissement local de la croûte continentale. Les roches continentales, soumises à ces contraintes, peuvent être enfouies à plusieurs kilomètres de profondeur. La température et la pression augmentant avec la profondeur, ces roches vont subir un ensemble de transformations à l état solide engendrant des roches qualifiées de métamorphiques. En profondeur on observe des phénomènes de fusion partielle des roches continentales, appelés anatexie. Cette fusion partielle est à l origine de roches appelées migmatites. 6
IV/ L âge de la croûte continentale A) L âge des roches de la croûte continentale On sait que la croûte océanique est recyclée en permanence : la croûte ancienne devenue trop dense, sombre inexorablement dans le manteau. Ainsi, on ne connaît pas de croûte océanique d âge supérieur à quelque 200 Ma. En revanche la croûte continentale peut être très âgée. Ces âges sont déterminés par radiochronologie. Cette méthode repose sur la décroissance radioactive naturelle de certains éléments chimiques présents dans les minéraux qui constituent les roches. Ces isotopes radioactifs ont la particularité de se transformer au cours du temps : l isotope radioactif père se transformant en un élément fils, non radioactif. Quelle que soit la quantité d élément père, il faut toujours le même temps pour que cette quantité soit divisée par deux : c est la demi-vie ou période de cet élément. La désintégration en fonction du temps constitue ainsi un géochronomètre naturel. B) La méthode de datation rubidium / strontium Les éléments rubidium et strontium, présents dans les roches de la croûte continentale, permettent de date des roches âgées de plusieurs milliards d années. Pour cela la méthode de datation isotopique utilisant le rubidium, la mesure du temps s effectue entre 87 Rb/ 86 Sr et 87 Sr/ 86 Sr de plusieurs minéraux d une même roche qui permettent de construire une droite isochrone. 7
La pente de l isochrone augmente avec l âge de la roche car les minéraux qui contiennent le plus de 87 Rb produisent au cours du temps d autant plus de 87 Sr. On utilisera davantage l expression «datation isotopique» d un échantillon à celle d «âge absolu» du fait de l incertitude plus ou moins grande des résultats obtenus par cette méthode. BILAN : Contrairement à la croûte océanique qui n est jamais âgée de plus de 200 Ma, la croûte continentale peut être très vieille, jusqu à 4 Go. Ces âges sont connus par des méthodes de radiochronologie. Ces méthodes sont basées sur la connaissance des lois qui régissent la désintégration d éléments radioactifs contenus dans les roches. Tableau récapitulatif PROPRIETES CROUTE CONTINENTALE CROUTE OCEANIQUE Epaisseur moyenne 30km (70km sous les chaines de 6-7 km montagne) Densité 2,7 3 Composition Granito-gneissique Basaltique Age des roches les plus âgées 3,8 Ga 175Ma 8