3 d. R e c h e rc h e, é v a l u a t i o n, s t a t i s t i q u e s. Recherche, évaluation et statistiques sur l alphabétisation



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Transcription:

3 d R e c h e rc h e, é v a l u a t i o n, s t a t i s t i q u e s Recherche, évaluation et statistiques sur l alphabétisation 173

Thème 3 Garantir le droit universel à l alphabétisation et à l éducation de base Fascicules sur ce thème : a L alphabétisation dans le monde et ses grandes régions b Alphabétisation et stratégies éducatives c Alphabétisation, éducation et développement social d Recherche, évaluation et statistiques sur l alphabétisation e Alphabétisation dans les contextes multilingues et interculturels f Alphabétisation et technologie g Une alphabétisation pour demain

Recherche, évaluation et statistiques sur l alphabétisation I n t ro d u c t i o n L alphabétisation est un des domaines de l éducation où la recherche, l évaluation et les statistiques ne bénéficient que d une attention relativement faible. Mais il y a maintenant un besoin urgent de constituer des bases de données plus opérantes en vue d améliorer la conception, la programmation et la réalisation du travail d alphabétisation. Ce fascicule présente quelques thèmes portant sur la recherche, l évaluation et les statistiques de l alphabétisation, qui ont été débattus lors de l atelier organisé par la cinquième Conférence internationale de l UNESCO sur l éducation des adultes (CONFINTEA V), tenue en 1997 à Hambourg. Le débat a couvert un large champ géographique et thématique. Le groupe de conférenciers était présidé par Dan Wa g n e r, directeur de l Institut international d alphabétisation de l université de Philadelphie. Les orateurs étaient Maki Hayashikawa de l UNESCO, D. J. Daswani, professeur de linguistique au NCERT (Inde), Sissel Volan de l association norvégienne de développement NORAD, Scott Murray de Statistique Canada (Ottawa), Claudio de Moura Castro de la division des politiques sociales de la banque interaméricaine de développement (Wa s h i n g t o n ), et Ila Goksal, directrice de la fondation éducation maternelle et infantile (Istanbul, Turquie). CONFINTEA a attiré un très grand nombre d organisations qui se consacrent à la recherche sur l alphabétisation des adultes et à sa concrétisation. Il n est toutefois pas suffisant de proclamer que les gouvernements ne prennent pas suffisamment au sérieux ou ne soutiennent pas assez l alphabétisation des adultes. Le travail de défrichement qui consiste à leur fournir les données scientifiques, statistiques et d évaluation qui formeront la base de leurs politiques est une tâche essentielle, si l éducation des adultes doit atteindre celles et ceux auxquels elle se destine le plus. 175

C e rner le pro b l è m e Chaque pays ou presque réalise des programmes d alphabétisation des adultes, mais il existe malgré tout un sérieux manque d informations détaillées sur les potentiels, les résultats et les répercussions de ces programmes. Cette lacune a des conséquences directes sur l efficacité des politiques nationales. Les services publics et les organismes officiels de l éducation des adultes ont recours à des statistiques sur l analphabétisme qui souvent sont peu fiables, périmées et trop générales. L évaluation est en règle générale une condition formelle pour réaliser un programme. Tout programme devrait être précédé d un rapport d évaluation sur les résultats escomptés. Très souvent, l organisme commanditaire ou gouvernemental examine de près le rendement par rapport aux sommes engagées. A cet égard, les évaluations de l alphabétisation ont tendance à limiter leurs critères. En outre, les travaux d évaluation procèdent selon des méthodologies, hypothèses et théories différentes, ce qui a pour résultat que les rapports d évaluation se prêtent rarement à la comparaison. En ce qui concerne la recherche, de nombreuses universités proposent des cursus en éducation des adultes, qui constituent des programmes de recherche de premier et de second cycle universitaire et de doctorat. Mais les diplômés universitaires participent rarement à la mise en place de programmes d alphabétisation des adultes. Il en résulte que la recherche universitaire demeure amplement académique, est considérée comme une obligation du cursus, et traite rarement les problèmes de terrain que rencontrent les organismes d exécution. S il existe un grand nombre de projets de recherche sur l infrastructure et les profils des apprenants et des formateurs, ceux-ci n en demeurent pas moins sporadiques et sans lien entre eux. En raison du décousu qui domine dans la collecte, dans l analyse et dans la diffusion de l information sur l alphabétisation des adultes, il est très difficile de démontrer les bénéfices des programmes d alphabétisation et la qualité de leurs résultats. Les décideurs politiques et les organismes de financement n ont toujours pas en main les données qui devraient servir de base à leurs politiques, à leurs projets et à la justification des investissements. 176

Analyser les faits L une des raisons de cette pénurie de données réside dans le caractère populaire des programmes d alphabétisation des adultes. Rarement une analyse approfondie des faits a été réalisée qui pourrait étayer ces programmes. Par exemple, il existe très peu de tests détaillés sur les performances des participants ou d autres méthodes scientifiques qui contribueraient à programmer et à réaliser les programmes dans d autres régions, ou à approfondir les théories sur l efficacité de l éducation de base des adultes. La situation est encore complexifiée par le fait que dans certains pays, l alphabétisation des adultes est gérée entretemps par le secteur privé, qui s appuie fortement sur les médias. Il est encore trop tôt pour sélectionner un indicateur fiable sur les résultats de cette évolution. Les trois mouvements d alphabétisation à grande échelle déployés au Brésil démontrent amplement cette situation. Le premier était animé par un mouvement social rural, le second par un régime militaire, et le troisième est porté par les employeurs et leurs organisations. Lors du premier mouvement, la campagne d alphabétisation a été étayée par une large mobilisation des agriculteurs. Elle appliquait une méthode développée par Paulo Freire qui vise l éducation des paysans pauvres en la reliant à un processus de conscientisation politique. L alphabétisation était censée aider les paysans à prendre conscience de leur situation, et l idée derrière cette mobilisation était que, pour alphabétiser les individus, il faut d abord les rendre conscients de leur situation. Le second mouvement est apparu au cours des années 70, alors que le Brésil connaissait un taux de croissance de 11 pour cent, mais 30 pour cent d analphabètes. Le gouvernement a donc engagé des économistes ainsi que d importantes sommes d argent pour constituer une équipe d enseignants et d instructeurs extrêmement qualifiée. Mais cette approche technocratique a échoué, car elle a concentré son attention sur la démonstration de résultats au lieu de s attacher à produire les résultats qui étaient nécessaires. Elle a omis de regarder en face les difficultés réelles qui se posaient. Et comme c est le cas pour de nombreux programmes d alphabétisation à grande échelle, les résultats concrets de cette entreprise sont restés dans l ombre. Depuis la fin des années 80, les entreprises brésiliennes sont plus soucieuses des coûts et du rendement. Cette situation a généré un 177

troisième mouvement d alphabétisation, qui prend la forme d une initiative au sein de l industrie et des organisations patronales. Ce mouvement n est étayé ni par un plan général ni par un large consensus, mais il semble exister un accord tacite sur le besoin de formation et sur la nécessité que celle-ci soit prise en charge par les employeurs. Cet accord tacite est à l origine d un certain nombre de solutions, dont les suivantes : Les employés reprennent le chemin de l école avec le soutien financier de leur employeur. Des programmes sont conçus par des associations patronales, telles que la FIEMG (fédération industrielle de l Etat de Minas Gerais) qui a élaboré des propositions concrètes pour supprimer l analphabétisme parmi la main-d oeuvre de son Etat d ici l an 2000. La fédération industrielle de l Etat de Sao Paulo a versé 35 millions de dollars à une chaîne de télévision pour réaliser une émission qui prépare à l équivalent des certificats de fin d études primaires et secondaires, et propose également un cours de technologie mécanique. Toutes les démonstrations ont lieu en usine ou en bureau et font participer ouvriers et cadres. Ce concept remplace la classe traditionnelle avec enseignants et élèves. Nécessité d une base de données enrichie Nous avons besoin d une base de données beaucoup plus vaste et de données scientifiques enrichies, à partir desquelles seront élaborés les programmes d alphabétisation des adultes. Les questions à étudier sont les suivantes : Qui participe aux programmes d alphabétisation? Comment les adultes apprennent-ils? Quelles connaissances apportent-ils en s inscrivant à un programme? Quelle est leur motivation? Quel est le répertoire communicatif de l apprenant? Quelle est sa langue maternelle? Quelle est sa seconde langue? Quelles sont les pratiques lettrées de la société donnée? 178

Comment s effectue la rétention de l alphabétisation? Quelle est le volume de la rétention de l alphabétisation? Comment est diffusée l alphabétisation? Comment le besoin d alphabétisation évolue-t-il? Quel est l impact de l alphabétisation sur la productivité, la qualité de la vie et sur la société? L objectif est de comprendre le contexte, de saisir les besoins ressentis par l apprenant, et d étudier l efficacité et la pertinence des programmes en captant le continuum des compétences lettrées qui dépasse la dichotomie simpliste alphabétisation/analphabétisme. Garantir la qualité de l alphabétisation des adultes par des mesures efficaces de suivi et d évaluation Les détenteurs de l information sur l alphabétisation peuvent être aussi bien des particuliers que des centres ou institutions de formation. Les recensements de la population, les enquêtes ménagères et les sondages sur l alphabétisation procurent des données individuelles. Les enquêtes sur la population et les ménages pourraient inclure des items sur la population dite analphabète et la population lettrée, le niveau de formation, la fréquentation scolaire, les caractéristiques personnelles et familiales. Les enquêtes ménagères et les évaluations de suivi de l alphabétisation pourraient inclure des questions plus détaillées sur l appréciation de l apprenant quant à la pertinence et la qualité des programmes fréquentés, la rétention et la pratique des acquis, la dissémination, le perfectionnement des compétences acquises, les résultats définitifs et les répercussions de l alphabétisation. Les enquêtes régulières ainsi que les recensements et rapports administratifs constituent les principaux canaux de données pour effectuer le suivi des institutions et des programmes d alphabétisation. Ces données portent sur la disponibilité, le lieu et les horaires des programmes d alphabétisation des adultes pour chaque institution, leurs capacités, la participation, le volume des ressources, la qualité du personnel et des facilitateurs, la pertinence et l impact du programme, enfin le niveau de réussite des participants évalué au moyen d une mesure participative. 179

Les systèmes de gestion de l information sur l alphabétisation, dont fait partie la méthodologie pratique de l évaluation, fourniront l information sur les trois types de programmes mentionnés ci-dessous et garantiront un continuum des compétences lettrées : formation de base non formelle pour enfants et adolescents non scolarisés ; programmes d éducation de base pour adultes ; éducation et formation continue. En vue de l analyse ultérieure de l information, il sera particulièrement important de clarifier les points suivants : résultat éducatif pour l apprenant ; c o n s é q u e n c e s e tr é p e r c u s s i o n ss u r l av i eq u o t i d i e n n ed e l a p p r e n a nt ; efficacité et responsabilisation au niveau du programme ; comparaisons nationales et internationales. Les années à venir verront se développer les stratégies de suivi de l alphabétisation grâce aux initiatives suivantes : utilisation coordonnée de différentes méthodes ; création d une méthode participative ; création de banques de données et de répertoires nationaux ; instauration d une culture de l information sur l alphabétisation ; élaboration de méthodologies et d instruments pratiques pour évaluer l alphabétisation. A cette fin, les pays devront éventuellement adopter les mesures et politiques suivantes : élaborer des capacités nationales de suivi ; exploiter au maximum les outils de suivi existants ; fixer des normes et des critères universels d alphabétisation ; adapter la méthodologie d évaluation aux contextes sociaux et culturels spécifiques ; adapter la méthodologie à des pays spécifiques ; mobiliser les partenaires appropriés, tels que ONG et organisations communautaires. 180

Enquêtes sur l instruction de base des adultes La première Enquête internationale sur l alphabétisation des adultes (EIAA), élaborée par l OCDE et Statistique Canada en coopération avec l Institut de l UNESCO pour l Education à partir d une enquête préliminaire au Canada et une étude ultérieure aux Etats-Unis, maintenant étendue à plusieurs pays, démontre très bien comment tirer pleinement profit de la technologie d évaluation en éducation, pour collecter des données sur une large gamme de compétences individuelles de base, et envisager l alphabétisation dans une perspective horizontale et verticale, au lieu de réduire la recherche à des catégories simplistes telles que a l p h a b é t i s a t i on / a n a l p h a b é t i s m e. Cette enquête a établi les faits suivants : Les facteurs qui rendent l apprentissage de la lecture plus ou moins difficile aux adultes se retrouvent dans un grand nombre de langues et de cultures. L enquête a rendu plus transparentes les conditions et les causes de l alphabétisation. Ce type d étude fournit une base normative qui permet la comparaison et l analyse transnationales. Elle fournit un cadre cohérent à la réflexion sur le développement de l alphabétisation. Elle livre l information nécessaire à la décision tant au niveau individuel qu à celui des politiques publiques. Les individus doivent opérer des choix quant à l orientation de leur vie, et les gouvernements doivent faire des choix quant à l affectation des ressources. Cette étude sur la formation de base des adultes a tenté de détruire divers mythes qui persistent autour de l aptitude à lire et écrire. Par exemple, on pense généralement que le degré de compétences de base est très élevé dans les pays industrialisés. Or, l analyse a démontré que chaque pays étudié par l EIAA renferme un pourcentage élevé d adultes qui ne possèdent pas les compétences requises pour participer véritablement à la société et à la vie économique. Un faible niveau de formation de base limite la participation et le potentiel social et économique des adultes. 181

Selon un autre mythe, l alphabétisation est une résultante de l enseignement formel, et cette éducation initiale transmet à chaque individu un niveau standard de compétences de base. Des données qui prouvent qu il n en est rien sont maintenant disponibles. De nombreuses personnes sont en situation d illetrisme en dépit de leur qualification officielle. A l inverse, de nombreux adultes sans aucune qualification formelle possèdent un très haut niveau de compétences littéraires. Ce phénomène nous enseigne que d autres forces extérieures à l enseignement formel sont responsables dans la société du niveau de compétences de base des citoyens. Il soulève également la question de l équité et de la qualité de l éducation, et du rôle des environnements lettrés, professionnels et familiaux. L information prélevée dans les systèmes économiques fortement développés établit que le degré de compétences de base est dans une certaine mesure indépendant de la qualification officielle : seuls 30 pour cent des connaissances de base peuvent être imputés à l éducation initiale et aux qualifications formelles, et 30 pour cent supplémentaires sont acquis dans des situations extrascolaires. Le niveau de formation de base influence fortement les possibilités d accès à la formation continue des adultes, en particulier dans le milieu professionnel. Une formation initiale insuffisante peut ainsi devenir un important facteur de marginalisation. L alphabétisation n est pas seulement une question de transmission de compétences, mais aussi celle d une demande économique de compétences. Il est important de tenir compte de cette variable car on pense souvent que la main-d oeuvre est surqualifiée et n utilise pas les compétences qu elle possède déjà. De nombreux systèmes économiques se targuent de posséder un système éducatif et économique équitable, qui garantit une égalité des chances tout à fait acceptable. Mais à l encontre de cette opinion, l analyse des enquêtes révèle que les enfants et les adultes issus de milieux défavorisés vivant dans des régions à graves problèmes sociaux et économiques ont des niveaux en compétences de base plus faibles que les adultes et les enfants d autres milieux. Le problème majeur qui se pose au monde contemporain n est pas celui de l analphabétisme en lui-même, mais celui d une instruction de base faible et insuffisante pour répondre aux besoins d une société en mutation. 182

I m p o rtance de la re c h e rche sur l alphabétisation et l éducation des a d u l t e s Un projet de recherche mené en Turquie a été transformé en programme global et complet d éducation parentale et infantile, appelé programme éducatif mère et enfant. Il s agit d un programme à objectifs multiples qui exploite le potentiel de la recherche scientifique et tente en même temps de promouvoir un environnement familial lettré pour les parents autant que pour les enfants. Le projet consiste à évaluer le développement socio-économique, socio-émotionnel et cognitif d enfants préscolaires, ainsi que l impact de la formation dispensée pendant plus de deux ans à un échantillon de mères choisi au hasard. Le programme de formation maternelle comporte deux composantes : une composante cognitive destinée à stimuler le développement cognitif de l enfant, et une composante d assistance maternelle visant à aider la mère à stimuler le développement socio-émotionnel et personnel de l enfant. La composante cognitive entend améliorer pour la mère et pour l enfant l environnement lettré familial. La réalisation du programme cognitif infantile a contribué à une nette évolution du développement cognitif des enfants et de l instruction de base des mères. Ce projet, déployé dans 50 provinces de la Turquie, a été élargi à la santé génésique et familiale, dans le but de renforcer les compétences préscolaires et de calcul chez l enfant, et aussi approfondir les acquis de la mère, afin de promouvoir une société lettrée plus fonctionnelle. Le travail d alphabétisation doit être soutenu par les institutions de la société, la famille étant considérée comme l une des plus importantes. Les individus doivent être abordés dans le contexte de leur environnement et de leur position dans la société. Les mères sont attirées dans le programme par les mots : Vous pouvez aider votre enfant à se préparer à l école, et vous pouvez l aider à mieux réussir à l école. Cette approche a été jugée plus appropriée que la déclaration : Vos compétences ne sont pas suffisantes pour la société, essayons de les améliorer. 183

L analyse de ce programme éducatif à double volet a dégagé trois caractéristiques principales : 1 l importance de l étude scientifique qui a guidé le projet et lui a permis de cibler un large échantillon de participantes ; 2 l importance dans le domaine de l alphabétisation de programmes à multiples objectifs, qui favorisent l éducation des adultes au sens large ; 3 l importance d effectuer une évaluation à différents niveaux et à l intention des différentes parties prenantes. Les organismes de financement et les programmes d alphabétisation Pour apprécier les demandes d assistance, les organismes de financement sont attachés à se procurer les données scientifiques, statistiques et d évaluation sur la programmation et l exécution de programmes d alphabétisation des adultes. Au cours de la phase préparatoire de ces programmes, il est important de considérer les points suivants : La phase de programmation doit être accompagnée d une étude scientifique systématique ou d une solide évaluation. Il faut établir un contact plus étroit entre la recherche scientifique qui a lieu dans les universités et les programmes d alphabétisation. Les organismes compétents doivent fournir des statistiques fiables sur l alphabétisation, en accordant autant d importance aux données quantitatives que qualitatives. Il faut tenir compte du rôle croissant que joue l industrie dans la promotion de l alphabétisation. Des instruments perfectionnés sont nécessaires pour améliorer la base de données sur l alphabétisation et sur l égalité des chances dans la formation continue. Les apprenants ont besoin d un environnement lettré stimulant qui viabilise leurs acquis et leur permet de s épanouir en personnalités holistiques. 184