PERSPECTIVES ECONOMQIUES ET ASPECTS COMMERCIAUX POUR LE SECTEUR DU POISSON D ELEVAGE La place du poisson d élevage dans le marché européen des produits aquatiques La dualité entre l image du poisson d élevage et son importance dans le marché européen Les tendances de la consommation et les attentes en termes de nouveaux produits Quelles démarches pour valoriser les poissons d élevage européens? Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 1
Production de poissons d élevage Importance de l'élevage dans la production totale de poissons destinés à l'alimentation humaine 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% UE 25 MONDE poissons de pêche poissons d'élevage Avec 600 000 tonnes en 2005, la production européenne ne représente que 2% de la production mondiale de poissons d élevage L élevage ne représente en Europe que 11% de la production totale de poissons, contre 41% au niveau mondial Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 2
Importations et exportations de poissons d élevage L Union Européenne a importé en 2006 près de 800 000 tonnes de poissons d élevage (en équivalent poids vif) : 600 000 tonnes de saumon (origine Norvège, Chili, Etats-Unis), essentiellement en frais entier 200 000 tonnes de pangasius, tilapia et autres poissons d eau douce (origine Asie, Afrique ou Amérique latine), surtout en filets surgelés 20 000 tonnes de bar et daurade entiers frais (Turquie, Maghreb), de cabillaud entier frais (Norvège) et d autres poissons marins frais ou surgelés (Asie). Exportations de poisson d élevage de l ordre de 50 000 tonnes seulement, principalement du saumon (frais ou fumé) Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 3
Consommation de poissons d élevage (1) Consommation totale de poisson d élevage dans l UE 25 de l ordre de 1 300 000 tonnes en 2006 (équivalent poids vif) taux de couverture par les importations : 60% (contre 73% pour les poissons de pêche) part de l élevage dans la consommation de poisson : 14% toutes présentations confondues, tous circuits de distribution confondus jusqu à 30% sur le marché du frais au détail et jusqu à 40% dans les achats de poisson frais par les restaurants La part des produits d élevage dans la consommation de poisson en Europe a doublé au cours des années 90 (de 7% à 15%) avec le développement de l aquaculture du saumon. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 4
Consommation de poissons d élevage (2) Au cours des années 2000, la part de marché du poisson d élevage est restée stable car l augmentation très forte de la consommation européenne de poisson a reposé : d une part sur le saumon, le bar et la daurade d élevage mais aussi sur des importations de poissons de pêche comme le thon, le colin d Alaska et la perche du Nil. Depuis trois ans, la part de marché des poissons d élevage est repartie à la hausse sous l effet des importations de plus en plus fortes de poissons tropicaux élevés en eau douce comme le pangas et le tilapia. En France, deux ans après son introduction sur le marché, le pangas (vendu décongélé au rayon frais) représente plus de 5% des achats de filets de poisson frais en grande distribution par les ménages français, avec un taux de pénétration de 6%, soit du même ordre que la lotte ou le merlu. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 5
Consommation de poissons d élevage (3) Répartition de la consommation totale de produits aquatiques en Europe (UE 25) en 2006 - en volume (poids vif) autres pays 32% Allemagne 10% Espagne 16% 470 millions de consommateurs (UE 25) 13 millions de tonnes de produits aquatiques 27 kg/an/hab (poids vif) dont 20 kg de poisson UK 11% Italie 13% France 18% OFIMER d'après FAO et Répartition de la consommation de poisson d'élevage en Europe (UE 25) en 2006 - en volume Allemagne 14% Allemagne, UK, pays nordiques et PECO sont sur-consommateurs de poisson d élevage autres pays 41% Espagne 9% Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles OFIMER nov 2007 d'après FAO et 6 UK 12% Italie 10% France 14%
Consommation de poissons d élevage (4) La consommation de fruits de mer en Europe est particulièrement hétérogène, avec un rapport de 1 à 20 entre les pays les plus faibles et les plus forts consommateurs ( Finlande 1kg versus Espagne 20 kg par an et par habitant). La consommation de poissons est un peu moins hétérogène, avec un rapport de 1 à 5 (par exemple Autriche 10 kg versus Portugal 50 kg par an et par habitant) Convergence pour le poisson d élevage : entre 2 et 3kg/an/hab 10,00 9,00 8,00 7,00 Consommation par an et par habitant de produits d'aquaculture (en poids vif) - 2006 6,00 5,00 4,00 poissons fruits de mer 3,00 2,00 1,00 0,00 Allemagne Espagne France Italie UK autres pays UE 25 Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 7
Consommation de poissons d élevage (5) Il y a également une grande différence dans les modes de consommation du poisson, avec des proportions variables d un pays à l autre dans la présentation (entier, en filets, en plats préparés) et dans le mode de conservation (frais, réfrigéré, surgelé, en conserve). Tandis que les styles de vie tendent à s uniformiser à l intérieur de l Union Européenne en particulier en ce qui concerne les achats d automobiles, de vêtements et de mobilier, il existe encore de réelles spécificités en ce qui concerne l alimentation, même pour des produits nouveaux. C est le cas du surimi, qui est apparu il y a moins d une vingtaine d années, et qui est consommé de manière très différente en France (bâtonnets réfrigérés ou rapé réfrigéré), en Espagne (surgelé en bâtonnets ou en forme de civelles) et en Italie (surgelé en forme de langoustine). De même, le saumon fumé a gardé un positionnement haut de gamme en Italie alors qu il s agit d un produit de consommation quotidienne comme le jambon en Allemagne, la situation étant intermédiaire en France et au Royaume-Uni. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 8
Suivi et connaissance des marchés Outils indispensables à la conduite d une politique publique en matière de développement de l aquaculture : suivi des importations et des exportations à partir des données Eurostat qui doivent évoluer afin de différencier les nouvelles espèces d élevage (pangas, tilapia, barramundi, ombrine ) travail d harmonisation des coefficients de conversion entre poids net et poids vif entrepris par Eurostat en 2004 à poursuivre achats des ménages mesurés par des panels consommateurs coût très élevé (plus de 450 000 euros par an pour un pays comme la France) informations indispensables sur les produits consommés et sur le profil et le style de vie des consommateurs. besoin d aide à la mise en place d une méthodologie commune aux différents panels nationaux achats par les restaurants qui représentent entre 20 et 30% de la consommation totale de produits de la pêche et de l aquaculture suivi des échanges internationaux soutien au réseau Globefish de la FAO Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 9
Dualité entre «image» et «actes d achat» pour le poisson d élevage Bien qu il y ait augmentation de part de marché partout en Europe et un niveau de consommation par habitant presque homogène dans tous les pays,l image du poisson d élevage est : le plus souvent négative par rapport à celle du poisson de pêche, très variable d un pays à l autre. Image du poisson en général différente (étude Via Aqua pour DSM) valeur symbolique attachée aux produits d élevage est beaucoup plus faible mais (études PEPPA et COGECA) au Royaume-Uni ou en Allemagne, grande confiance envers des techniques d élevage maîtrisées et rassurantes réel déficit d image pour l aquaculture en France ou en Italie, où la méfiance vis-à-vis de la notion d élevage reste forte. sensibilité accrue aux alertes médiatiques qui peut avoir des conséquences financières désastreuses pour le secteur productif. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 10
Nouvelle donne : la prise de conscience de la sur-pêche Evolution récente de l image du poisson d élevage avec la prise de conscience progressive par le consommateur de la fragilité de certains stocks de pêche et des mauvaises pratiques de certaines pêcheries Effet «repoussoir» utilisé par certains distributeurs qui ont mis en avant leur offre de poissons d élevage pour justifier leur démarche en faveur de la préservation des océans approche peu légitime scientifiquement qui rejoint celle des listes positives ou négatives publiées par les aquariums contre-productive car elle oppose la pêche et l élevage au lieu de mettre en avant leur complémentarité. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 11
Les études d image comme outil d aide à l action des pouvoirs publics Afin de promouvoir leurs produits sans pour autant s attaquer aux produits de la pêche, les aquaculteurs européens doivent pouvoir s appuyer sur des études d image et de perception très rigoureuses qui vont au delà des déclarations parfois contradictoires des consommateurs (cf décalage entre image et acte d achat) tester des concepts de communication identifier précisément les cibles visées prendre en compte les différents modes de consommation («occasions» et «situations») Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans ce domaine, étant donné le coût élevé de ces études d image, la diversité des perceptions d un pays à l autre et par conséquent le besoin d harmonisation des méthodes au niveau européen. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 12
Une nécessaire adaptation aux attentes des consommateurs Dans tous les pays européens, les tendances de consommation sont les mêmes les produits recherchés sont ceux offrant le plus de praticité, un bon apport nutritionnel, avec une image valorisante et un prix qui reste attractif. Les consommateurs européens se détournent peu à peu des espèces peu valorisantes et à l odeur forte (maquereau, sardine) pour reporter leurs achats vers des espèces fines, les filets de poisson blanc préemballés et surtout vers les produits traiteurs réfrigérés 75% des nouveaux produits lancés sur le marché français au cours des trois dernières années l ont été sur ce segment de marché. 2/3 de ces nouveaux produits utilisent cinq espèces seulement comme matière première, le saumon (élevage), le thon (pêche), le colin d Alaska (pêche), la crevette tropicale (élevage dominant) et la coquille Saint- Jacques (pêche et élevage). Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 13
Une barrière à l entrée : le prix Ce marché de grande consommation offre des débouchés aux produits aquacoles, à condition : d être disponible en grands volumes, de manière régulière tout au long de l année à prix très bas afin de rester à un prix abordable après transformation et conditionnement. Il n est pas possible pour l aquaculture européenne de viser directement ce marché à court terme (filière saumon a plus de 30 ans) La question du prix de la matière première est une contrainte forte saumon et du bar se sont développés avec un prix très élevé au départ, ce qui a permis de rentabiliser toutes les dépenses d apprentissage. aujourd hui, les producteurs de cabillaud d élevage sont confrontés au fait que leur poisson coûte plus cher à produire que du cabillaud de pêche. toutes les études ont montré que le consommateur considère que le produit d élevage doit être moins cher que le produit de pêche. Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 14
Signes de qualité, labels et arguments nutritionnels Segmentation du marché : l exemple du bar niveaux de prix très différents pour bar de ligne, bar de chalut et bar d élevage différents consommateurs et différentes situations de consommation. Attention à l usage des signes de qualité signes de qualité supérieure (label rouge : bar versus turbot) agriculture biologique : marché de niche ou futur standard? Mise en avant des qualités nutritionnelles afin de pouvoir démentir certaines idées reçues sur la moins bonne qualité nutritionnelle des poissons d élevage, les aquaculteurs ont besoin de l aide des pouvoirs publics pour l établissement de tables de composition nutritionnelle des produits aquatiques harmonisées au niveau UE Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 15
Innovation, image du produit et durabilité de l activité L innovation est nécessaire : pour compenser les désavantages comparatifs de l Union Européenne en termes de coûts de production pour résoudre les conflits d usage sur le littoral pour assurer la durabilité de l activité Problèmes d image dans une société qui tend à privilégier la nature par rapport à la culture Circuits fermés (forte densité), génétique (soupçons d OGM), substitution protéines animales par végétales («ce n est pas naturel») Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la revalorisation de l image des productions primaires, dans la définition et la pondération à donner aux critères environnementaux et sociaux Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 16
Conclusion Dans un contexte de croissance de la demande en produits aquatiques et de réduction de l offre de pêche, les perspectives de marché sont très favorables pour le poisson d élevage Les produits aquatiques sont les produits agro-alimentaires le plus impliqués dans le commerce international : 35% contre moins de 15% pour les céréales et moins de 10% pour les viandes la concurrence des pays tiers ne peut pas être occultée Il ne semble pas réaliste de convaincre tous les consommateurs de privilégier les produits européens sur une simple attestation d origine Aide des pouvoirs publics nécessaire : pour mieux connaître toutes les composantes des marchés européens et identifier les produits répondant aux attentes des consommateurs combattre les à-priori négatifs sur l aquaculture que ce soit sous ses formes traditionnelles comme les plus innovantes et éclairer les consommateurs sur les enjeux économiques et écologiques de cette activité en Europe Philippe PAQUOTTE (OFIMER) - Conférence Aquaculture Bruxelles nov 2007 17