Mise en fonction immédiate après extraction : stabilité esthétique et fonctionnelle après 13 ans Bruno Fissore* L extraction, implantation immédiate avec couronne provisoire immédiate présente de nombreux bénéfices pour le patient. Elle permet de simplifier et de raccourcir le temps du traitement ainsi que de résoudre le problème du remplacement prothétique provisoire. Le suivi sur une période de 13 ans du remplacement d une incisive centrale maxillaire permet de voir le résultat de cette technique après de nombreuses années. Le succès repose notamment sur une excellente stabilité primaire de l implant et sur la présence de la table osseuse. Ce cas clinique confirme que la récession gingivale est une des complications les plus fréquentes sur le long terme. L apport de substitut osseux de comblement ainsi que le placement de greffon conjonctif peuvent contribuer à réduire le risque de récession gingivale. Mots-clés : extraction, implant dentaire, implant immédiat, mise en fonction immédiate, couronne provisoire immédiate, esthétique, récession gingivale, cas clinique, long terme. Introduction * Docteur en chirurgie dentaire, DDS, MSD, Private practice, Monte-Carlo, Monaco. Coordonnées de l auteur : Bruno Fissore Avenue Saint Michel, Monte-Carlo Principauté de Monaco MC98000 E-mail: fissore@monaco.mc La gestion des sites d extraction est un sujet récurrent dans la littérature scientifique. Wohrle en 1998 fut un des premiers cliniciens à présenter des cas d extraction, implantation et restauration provisoire immédiate 1. Les avantages de la mise en fonction immédiate après extraction sont nombreux. Cette technique permet de simplifier et de raccourcir le temps du traitement. Elle représente également un moyen très intéressant pour résoudre le problème du remplacement prothétique provisoire et pour préserver les tissus post extractionnels. Grutter a publié une revue de la littérature sur le protocole de mise en charge des implants pour les zones esthétiques partiellement édentées 2. Il est rapporté, sur les 21 études représentant 758 implants insérés dans des sites extractionnels récents immédiatement restaurés, un taux de survie générale de 96,6 % pour une période maximale de 60 mois. Les périodes d observation dans ce type d études sont encore assez courtes et il y a peu d information sur le devenir de ces cas sur le long terme. L objectif de cet article est de présenter le traitement et l évolution du remplacement des incisives centrales maxillaires d une patiente par des implants dentaires pendant une période de 13 ans afin d évaluer les bénéfices esthétiques et fonctionnelles sur le court terme mais également sur le long terme de cette technique. Présentation du cas Une patiente de 64 ans avec la ligne du sourire basse présente une incisive centrale supérieure gauche avec une lésion parodontale importante, une récession gingivale de 2 mm (Fig. 1 et 2) associée à une mobilité III avec une sensibilité à la mastication. L examen de la radio péri apicale permet de constater que la racine est courte et la perte osseuse verticale limitée à la zone mésiale de la dent. Il y a plus de 5 millimètres d os dis- 57
ponible à l apex de la dent à extraire. Cette patiente présente une occlusion de classe I d Angle et n est pas une bruxomane. L examen des éléments du diagnostic permet de conclure à la possibilité d obtenir une excellente stabilité primaire avec un implant long. En revanche la situation gingivale vestibulaire est peu favorable à cause de la différence des niveaux gingivaux entre les deux incisives centrales (Fig. 1). La patiente a un sourire qui ne découvre pas la zone des collets, des attentes esthétiques modérées et veux surtout éviter le port d une prothèse amovible transitoire. De façon à satisfaire cette demande et suite à l examen des différents paramètres, il est décidé de procéder à une implantation immédiate après extraction avec mise en place immédiate d une couronne provisoire. La patiente bénéficiera d un nombre d intervention chirurgicale réduit ainsi que d un temps de traitement raccourci. Un implant large cylindrique vissé et autotaraudant de 16 millimètres de long (Zimmer Dental) est placé parallèlement aux dents adjacentes, il est placé au dépend de la paroi osseuse palatine de façon à augmenter la distance entre l implant et la paroi osseuse vestibulaire (Fig. 3). La restauration provisoire est scellée à l aide d un ciment provisoire résistant (IRM, Caulk) sur un faux moignon transvissé usiné (Fig. 4). La restauration finale est une pièce monobloc transvissée céramo métalique (Fig. 5 et 6). la restauration présente une bonne stabilité des tissus mous (Fig. 7) et la radio à 3 ans montre une bonne ostéointegration au niveau de l implant (Fig. 8) Après six ans et demi, la vue clinique vestibulaire met en évidence une récession gingivale de 1 mm au niveau de l implant et également au niveau de l incisive latérale gauche adjacente (Fig. 9). La vue palatine montre une poche parodontale distale de 11 mm au niveau de l incisive centrale droite (Fig. 10). La situation Fig. 2 Radio périapicale mettant en évidence la perte osseuse au niveau de cette dent. Fig. 1 Situation clinique initiale de l incisive centrale gauche 21. Notez la récession gingivale sur l incisive centrale gauche. Fig. 3 Vue occlusale de l implant placé sans lambeau immédiatement après extraction. Fig. 4 Couronne provisoire immédiate. 58
Fig. 6 Radio péri-apicale avec la restauration définitive à la fin du traitement. Fig. 5 Restauration céramo-métallique monobloc à la fin du traitement. Fig. 7 Restauration définitive après trois ans de fonction. Fig. 9 Radio périapicale à trois ans. Fig. 8 Vue vestibulaire de la restauration définitive après six ans et demi. Fig. 10 Vue occlusale de la restauration définitive avec la mise en évidence de la lésion parodontale au niveau de l incisive centrale droite 11. Fig. 11 Vue vestibulaire après élévation du lambeau et extraction de la 11. Notez l absence d os au niveau vestibulaire de la 21. 59
osseuse reste favorable et permet un traitement similaire à celui fait pour l incisive centrale gauche. L intervention se fera à l aide d un lambeau donnant accès à l aspect vestibulaire de l implant adjacent. Une déhiscence osseuse de 3 mm de largeur s étend sur la hauteur des trois premières spires de l implant (Fig. 11). Un implant large conique autotaraudant de 13 mm de long (Zimmer Dental) est placé (Fig. 12). La préparation du site implantaire se fait au dépend de la paroi palatine de l alvéole et ne suit pas son angulation car cela aboutirait à une perforation de la table osseuse externe. Le forage est sous dimensionné par rapport au diamètre de l implant. L espace entre l implant et la paroi interne de l alvéole est comblé avec une xéno- Fig. 12 Placement de l implant au niveau de la 11. Fig. 13 Couronne immédiate provisoire sur l implant et comblement avec une xénogreffe de l espace résiduel entre l implant et la table osseuse vestibulaire. Fig. 14 Lambeaux suturés avec un greffon conjonctif en vestibulaire de la 21. Fig. 15 Vue vestibulaire après pose de la couronne céramo métallique de la 11. Fig. 16 Radio des deux centrales après pose de la couronne céramo métallique de la 11. Fig. 17 Vue vestibulaire de la 21 après 13 ans et de la 11 après six ans et demi. 60
Fig. 18 Radio péri apicale de la 21 après 13 ans et de la 11 après six ans et demi. greffe (Bio-Oss, Geistlich). La restauration provisoire est scellée (Fig. 13) et une greffe de tissus conjonctif est placée sous le lambeau au niveau de l implant 21 avant de suturer (Fig. 14). La restauration finale sur l implant 11 est également une couronne céramo métallique monobloc transvissée (Fig. 15 et 16). Le control à 13 ans pour l implant 21 et à six ans et demi pour l implant 11 montre une excellente stabilité des tissus mous (Fig. 17). L examen radiologique permet également de constater un très bon niveau osseux pour les deux implants (Fig. 18). Discussion Les radios péri apicales successives au niveau des deux implants montrent une stabilité osseuse presque parfaite. Bien que la patiente soit complètement satisfaite de ces deux restaurations, on note une récession gingivale de 1 mm à six ans au niveau de l implant 21. Kan observe dans une étude prospective sur un suivi de deux à huit ans que cette récession gingivale est très fréquente 3. L évaluation du succès de nos implants ne doit pas se faire uniquement sur les radios péri apical. En effet, des niveaux osseux radiologiques stables ne sont pas toujours associés à une stabilité des tissus mous. Les radios péri apicales ne donnent aucune information sur le niveau osseux vestibulaire ou palatin. Aujourd hui, l utilisation des techniques radiologiques tridimensionnelles devraient pouvoir donner une information plus précise sur la situation osseuse des implants 4. La stabilité à long terme des tissus mous doit aussi être reconnue comme un paramètre du succès de nos implants. L instabilité des tissus mous est un phénomène multifactoriel. Une manipulation inappropriée des tissus durs ou des tissus mous ou une position trop vestibulaire de l implant constituent certains de ces facteurs. L implant a bien été placé avec une angulation palatine ce qui a permis l utilisation d une couronne céramo métallique monobloc avec un accès palatin à la vis. Néanmoins, aucun matériau de comblement n a été utilisé pour remplir l espace entre l implant et la paroi osseuse vestibulaire de l alvéole. Le placement de l implant n empêche pas la résorption osseuse post-extractionnelle et une réduction vestibulo-palatine de la crête est observée comme l a montrée Covani 5. Il est possible qu une lyse osseuse sur une petite partie de la face vestibulaire de l implant ait contribuée à cette récession gingivale. L implant 11 placé six ans et demi plus tard est associé à un comblement du hiatus résiduel vestibulaire, au cours de cette intervention une greffe de tissu conjonctif a été placée au niveau de l implant 21. Pendant les six années et demi qui ont suivi cette intervention, on peut noter une excellente stabilité des tissus durs mais également des tissus mous au niveau des deux implants. Ceci plaide en faveur du comblement de l espace entre l implant et la paroi vestibulaire de l alvéole 6 et en faveur de l épaississement des tissus mous pour la stabilité de ces derniers 3,7. Dans ce cas clinique la greffe gingivale a été faite à posteriori dans une situation moins favorable de déhiscence osseuse vestibulaire et de spires exposées ce qui n a pas empêché le succès clinique. Conclusion Le cas clinique présenté montre une très bonne stabilité osseuse et gingivale à 13 ans pour un implant et à 6 ans et demi pour l autre. Le succès de la technique est assuré par le respect des critères fondamentaux parmi lesquelles une stabilité primaire importante et la présence de la table osseuse vestibulaire. Le niveau gingival vestibulaire peut varier dans le temps. En cas de récession, les visites de contrôle régulières permettent de surveiller et d intervenir tôt dans le début de ces récessions. L utilisation de matériel de comblement pour remplir l espace entre l implant et la paroi alvéolaire externe et le recours à des greffes de tissu conjonctif permettent de limiter ces risques de récessions. 61
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