L électricité au cœur du développement économique, une valeur québécoise

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Transcription:

L électricité au cœur du développement économique, une valeur québécoise Présentation faite au ministre Raymond Bachand, ministre des Finances dans le cadre des consultations menées pour la préparation du budget 2010-2011 Montréal, le 27 janvier 2010

L électricité au cœur du développement économique, une valeur québécoise Présentation faite au ministre Raymond Bachand, ministre des Finances dans le cadre des consultations menées pour la préparation du budget 2010-2011 Table des matières Des avenues partagées 01 L électricité au cœur du développement économique du Québec Trois avenues que le gouvernement du Québec et l AQCIE partagent Contexte 03 L électricité comme intrant 03 Une compétitivité déjà fort mal en point 04 Un déclin tragique de l investissement 06 Une structure industrielle distincte 07 Une sortie de crise difficile 08 Compétitivité stabilité prévisibilité, une combinaison gagnante et essentielle 09 Exporter pour optimiser 09 Deux solutions 11 Scission du bloc patrimonial 11 Redevance de tous les usagers 13

Des avenues partagées L électricité au cœur du développement économique du Québec Il existe une relation symbiotique entre le développement de l hydroélectricité et l épanouissement économique du Québec. Les consommateurs industriels d électricité sont l un des maillons importants de cette symbiose, contribuant à la fois au développement de l hydroélectricité et à la création de richesse ici. L Association québécoise des consommateurs industriels d électricité représente 161 entreprises québécoises, employant directement et indirectement plus de 80 000 personnes, dont la vaste majorité dans les régions du Québec où ces entreprises sont de véritables moteurs économiques. Cette relation entre la disponibilité d électricité selon des conditions concurrentielles et la création de richesse est l une des valeurs du Québec moderne qu il importe de préserver, voire d améliorer Trois avenues que le gouvernement du Québec et l AQCIE partagent Dans son document synthèse, le gouvernement du Québec identifie trois avenues qu il entend privilégier pour baliser le retour à l équilibre budgétaire en 2013-2014 : S appuyer sur les principes d équité préconisés par le gouvernement pour préserver nos valeurs; Dans le respect de l équité, l AQCIE souscrit au principe de l utilisateur-payeur. Au 1 er avril 2010, le tarif de grande puissance (L) couvrira 116 % de ses coûts de production et de fourniture, soit 239 M$ d excédent par année. De plus, les consommateurs industriels mettent à chaque année des blocs interruptibles d électricité à la disposition d Hydro-Québec pour l aider à gérer sa fine pointe. En 2009-2010, ces volumes se seront élevés à 850 MW, pour lesquels les grands industriels auront reçu une prime fixe de 7,3 M$, qui ne couvre pas entièrement les coûts direct de cette activité. Le tarif résidentiel, toujours au 1 er avril 2010, ne couvrira que 83 % des coûts réels, bénéficiant d un interfinancement de 786 M$ par année. 01

Le document synthèse du gouvernement invite aussi chacun à contribuer à la hauteur de ses moyens. L AQCIE souligne que les moyens de ses membres sont essentiellement liés à la création de valeur, particulièrement en région. À cette fin les tarifs d électricité doivent permettre de relever la concurrence internationale. Perdre cette valeur ajoutée en imposant des tarifs insoutenables serait contreproductif. Tenir compte des moyens à utiliser afin d en limiter l impact sur la croissance économique; Pour le consommateur industriel d électricité, cette ressource peut représenter de 25 % à 80 % des coûts de production. Le prix de ses produits étant généralement lié aux marchés mondiaux, l élasticité des prix de l électricité est pratiquement inexistante. Répartition du nombre d usines grandes consommatrices d électricité selon la facture annuelle et part de l énergie dans leurs coûts de production Québec 2009. Facture annuelle d électricité Source : Sondage E&B DATA - 2006 Part des dépenses en électricité dans les coûts directs de production 1-10% 10-20% 20%+ 1-10M$ 14% 14% 3% 10M$+ 2% 24% 43% Comme le souligne une étude d Industrial Economics, Incorporated, une forte augmentation tarifaire incite les entreprises qui le peuvent à modifier leurs choix énergétiques, diminuant leur consommation et leur facture d électricité. Celles qui ne peuvent faire de substitutions verraient alors la compétitivité de leurs unités québécoises lourdement affectées. Leur moindre attrait au sein des activités mondiales enclencherait une spirale allant de la diminution des investissements à la délocation. En cette période de lente sortie de crise, il est essentiel de tenir compte de cette réalité. Il faut aussi distinguer, sur le plan tarifaire, entre l utilisation active d un kwh, au cœur de la chaîne de production de valeur, et son utilisation passive, qui n ajoute pas de valeur. Miser sur une approche équilibrée entre les moyens à prendre pour limiter la croissance des dépenses et l instauration de nouvelles mesures visant à hausser les revenus. Les propositions de l AQCIE respectent le désir du gouvernement du Québec d augmenter ses revenus sans que ces mesures n entraînent pour lui de dépenses additionnelles. 02

Contexte À plusieurs égards, la situation des consommateurs industriels d électricité est fort différente de celle des autres utilisateurs de cette ressource. L électricité comme intrant Les consommateurs industriels d électricité utilisent cette ressource comme matière première dans leurs procédés de fabrication. Cet intrant peut représenter de 25 % à 80 % des coûts de production. Pour ces entreprises, l efficacité énergétique n est pas qu un geste à portée environnementale, c est une nécessité vitale. Projets d efficacité énergétique de la grande industrie au Québec (PGEÉ) Impact des mesures implantées 2003-2010 : 1,271 TWh Coût des mesures 2003-2010 : 188 M $ (46 % assumés par les entreprises) Nombre de projets au 31 décembre 2008 : 628 (PADIGE, PIIGE et PAMUGE) Taux de participation au 31 décembre 2008 : 70 % (PIIGE) Source : Régie de l énergie du Québec; Preuve du distributeur, dossier R-3708-2009 Une augmentation d un cent du kwh au tarif L représente plus de 20 % d augmentation, une hausse insoutenable dans les secteurs où le prix des produits est fixé à l échelle internationale. La performance des unités québécoises au sein des groupes internationaux serait rapidement déclassée par les entités bénéficiant de meilleures conditions d approvisionnement en électricité. Se profileraient alors les risques de report ou d annulation d investissements ou, pire encore, une incitation à la délocalisation. 03

Une compétitivité déjà fort mal en point Avant même la récession, la position concurrentielle des coûts d approvisionnement en électricité s était déjà détériorée pour plusieurs entreprises installées au Québec. On peut notamment penser au secteur du zinc, comme l illustre CEZinc Impact pour CEZinc d une augmentation du bloc patrimonial 04

La situation est tout aussi préoccupante dans le domaine du chlorate de sodium, un secteur où l électricité représente 60 % des coûts de production et dans lequel évolue Erco Mondial. Les fermetures se sont multipliées là où les tarifs ne sont pas concurrentiels, à la faveur de l Alberta. Notons qu il n y a pas eu d investissements au Québec depuis 2000. Usines de chlorate en Amérique du Nord Année Usine Ajout (+) Fermeture (-) (tonnes/an) (tonnes/an) 2000 Atochem (US) - 50 000 2000 Georgia Gulf (US) - 20 000 2002 Nexen (Manitoba) + 70 000 2003 Nexen (Taft, US) - 50 000 2004 Albchem (Manitoba) + 40 000 2005 Nexen (Manitoba) + 65 000 2005 Nexen (Ontario) - 50 000 2006 ERCO (Ontario et Alberta) - 130 000 2008 Canexus (Manitoba) $60MM + 40 000 2009 Canexus (Alberta) - 70 000 2009 Olin (PCI) (Nouveau Brunswick) - 22 000 2009 Canexus (Manitoba) $60MM + 33 000 Là comme ailleurs, on verra les nouveaux investissements dans le secteur de la fabrication des gaz industriels aller vers les installations à plus faible coût, minant la situation compétitive des unités québécoises des entreprises actives dans ce domaine d activité, telles qu Air Products. Année Fiscale 2009 - Coût actuel de l électricité par unité ($ CA/tonne métrique) PROJECTION AVEC AJOUT DE 1 CENT AU BLOC PATRIMONIAL Maintenant 05

Un déclin tragique de l investissement Depuis plusieurs années, un déclin important de l investissement s est amorcé au Québec chez les industries grandes consommatrices d électricité. Le fait que leurs investissements représentent néanmoins plus de 50 % de l investissement du secteur manufacturier au Québec est d autant plus inquiétant, car lorsque la principale source d investissement se tarit, cela n augure rien de bon pour tous les autres secteurs. Immobilisations des industries grandes consommatrices d électricité et Tarif L (2000 à 2008, en dollars courants) Sources: Statistique Canada Hydro-Québec 06

Plus de 75 % de la valeur des grands projets d investissements industriels annoncés depuis 2006 sont remis en question ou abandonnés, mettant en cause la viabilité des capacités de production existantes. Statut des grands projets industriels annoncés depuis 2006 (Répartition de la valeur totale) Source : E&B DATA Observatoire de l investissement 2010 Notes : Industries grandes consommatrices d électricité, projets d une valeur annoncée de 100 M$ et plus Et il n est pas rassurant de constater que, non seulement l investissement a-t-il diminué, mais sa nature a changé au cours des dernières années, allant d avantage au maintien des actifs qu à l accroissement de la production. Ce changement de priorité est un signe précurseur à une délocalisation de la production des unités québécoises des grandes entreprises. Une structure industrielle distincte La structure industrielle du Québec s est édifiée en symbiose avec la disponibilité d une hydroélectricité abondante, offerte à prix avantageux et stable. Rien de plus normal, partout sur la planète les sociétés misent sur ce qui leur garantit un avantage concurrentiel sur l échiquier mondial. La structure industrielle distincte du Québec a notamment atténué l impact de la crise dont nous nous relevons lentement, en comparaison de l Ontario dont la structure industrielle a été plus durement éprouvée. Pour cette même raison, la perte de compétitivité des tarifs d électricité québécois cause déjà des torts importants à sa structure industrielle distincte et pourrait entraîner des conséquences encore plus graves si elle continuait à se détériorer. 07

Une sortie de crise difficile Avant même la crise des deux dernières années, la situation concurrentielle et les investissements s étaient détériorés. La diminution des achats d électricité, de la production, de l exportation et de l emploi a été aggravée par la crise et le régime de sortie de cette crise apporte des inquiétudes additionnelles. Indices d emploi, des livraisons et des exportations des consommateurs industriels d énergie (janvier 2008 à avril 2009) Source : Statistique Canada, données mensuelles les plus récentes En Europe, on anticipe une reprise en L, très lente et très graduelle. En Amérique, on craint une sortie de crise en W, où une nouvelle chute serait attribuable au manque de rigueur du système financier des États-Unis et à une reprise hâtive de la consommation, avant que la situation des particuliers ne se soit suffisamment assainie. Le niveau élevé des stocks et la nature ponctuelle des nouvelles commandes empêchent une reprise ferme et constante de la production dans plusieurs secteurs. Ce qui, à nouveau laisse craindre une sortie de crise difficile. 08

La position concurrentielle des unités québécoises se sera détériorée face aux unités les plus performantes des grandes entreprises internationales, en raison de la compétitivité décroissante des tarifs électriques québécois de grande puissance. Avec le rééquilibrage entre les économies émergentes et matures, plusieurs des consommateurs industriels d électricité auront opéré une restructuration stratégique, misant prioritairement sur les «super-sites» qui offrent des économies d échelle. La perte de compétitivité des tarifs, à fortiori leur augmentation subite, pourrait non seulement nuire, mais bien étouffer cette relance, empêchant les entreprises de créer un niveau optimal de richesse au Québec. Compétitivité stabilité prévisibilité, une combinaison gagnante et essentielle Le gouvernement a confirmé dans sa stratégie énergétique 2006-2015 sa volonté de consacrer une partie de la production d électricité au développement de son économie et des entreprises qui y contribuent. En raison de l importance des investissements des consommateurs industriels d électricité, du long amortissement de leurs installations et de la concurrence internationale féroce, les tarifs d électricité doivent être compétitifs, stables et prévisibles. En créant le bloc patrimonial d électricité, assorti de contraintes législatives pour préserver sa structure tarifaire, le gouvernement du Québec a envoyé un message structurant aux industriels intéressés à investir ici pour créer de la richesse. Une modification du traitement du bloc patrimonial, dans une voie contraire à la stabilité et à la prévisibilité du tarif de grande puissance, débalancerait les règles du jeu, semant une insécurité nuisible à la poursuite et à l accentuation des investissements. Exporter pour optimiser Sur le marché de l exportation de l énergie, le pétrole et l électricité n ont rien de commun. L Alberta, par exemple, ne joue pas un rôle prépondérant à l échelle mondiale, où les prix sont fixés. Le Québec a une grande importance dans le marché de l électricité, où les prix s établissent régionalement. La disponibilité de grandes quantités d électricité ferait chuter le cours de la ressource, qui n est déjà pas très élevé en raison de son abondance. 09

Déjà, le nombre d heures par année où le prix offert à l exportation dépasse le tarif résidentiel québécois ne représente que 13 % du temps. Exportations d Hydro-Québec sur les marchés de court terme depuis 2000 Sources : Rapports annuels d Hydro-Québec 2000-2008 Déjà, l allocation aux industries québécoises des nouveaux blocs d énergie de plus de 50 MW exige que la combinaison des recettes tarifaires et des retombées économiques directes dépassent le coût marginal de production. L exportation d électricité demeure un débouché lucratif, surtout si l on optimise les prix obtenus à l exportation en évitant d inonder le marché. Il faut reconnaître à la fois les limites physiques des infrastructures d exportation, et les règles de l offre et de la demande. Dans le portefeuille énergétique, les consommateurs industriels représentent la partie «revenu fixe», assurant des recettes constantes, prévisibles, sans requérir d infrastructures onéreuses de distribution ou de gestion de la demande de pointe. L exportation, par la forte variation des prix, représente un placement plus spéculatif. Elle peut faire une différence dans le rendement total, mais il ne faut pas y placer tous ses œufs! 10

Deux solutions Afin de répondre aux besoins budgétaires du Québec et d assurer son retour à l équilibre budgétaire en 2013-2014, l AQCIE souhaite formuler deux propositions à l égard des tarifs d électricité : la scission du bloc patrimonial et une redevance de tous les consommateurs. Scission du bloc patrimonial Bien que l établissement des tarifs ultimes d électricité soit du ressort de la Régie de l énergie, le gouvernement du Québec demeure maître d œuvre en regard du bloc patrimonial et pourrait souhaiter en augmenter le prix par voie législative. Nous avons déjà évoqué l effet négatif d une telle approche sur le climat de confiance à l égard des investissements, déjà affectés par la baisse de compétitivité des tarifs de grande puissance québécois. C est pourquoi toute modification devrait s accompagner d une scission du bloc patrimonial, garantissant à long terme aux utilisateurs de grande puissance des conditions essentiellement similaires à ce qu elles sont aujourd hui. Sur le plan tarifaire, ce bloc est déjà scindé en plusieurs catégories, créés autour des fins de l utilisation de l électricité, soit le résidentiel, l institutionnel, le commercial, le municipal et l industriel. La nouvelle distinction tarifaire appliquée au bloc patrimonial tient à l utilisation active du kwh, qui amorce sa vie utile et sa création de valeur par une transformation industrielle, en comparaison du kwh passif dont l utilisation, aux fins de chauffage et d éclairage, ne crée aucune valorisation additionnelle. S il est de l intérêt de tous d encourager la mise en valeur initiale et prolongée des kwh actifs, ne serait-ce qu en raison des retombées économiques en aval, l utilisation des kwh passifs devrait se faire au prix du marché. Cette distinction est de plus en plus répandue, comme l indiquera l étude commandée récemment par l AQCIE à Industrial Economics, Incorporated de Cambridge, aux États-Unis. La nouvelle entente proposée entre Hydro-Québec et New-Brunswick Power offre aussi un exemple de cette approche à l égard de la clientèle industrielle. 11

En raison de la faible élasticité des prix de l électricité pour les consommateurs industriels, nous encourageons donc le gouvernement à poursuivre son engagement de longue date envers les entreprises qui jouent un rôle structurant dans l économie du Québec, et à maintenir la portion des kwh actifs du tarif du bloc patrimonial à son niveau actuel. Toute récupération tarifaire devrait s effectuer au niveau de la consommation passive des kwh qui devrait refléter le prix du marché puisqu elle n offre aucun avantage additionnel en aval. Comme pour le pétrole, un juste signal de prix représente un élément essentiel pour éviter le gaspillage. De plus, un prix conforme à la réalité du marché inciterait tous les utilisateurs à adopter des mesures d efficacité énergétique. C est ce qu ont fait les consommateurs industriels d électricité, avec les résultats notés précédemment. Plusieurs font d ailleurs partie du réseau Écolectrique d Hydro-Québec, qui reconnaît les entreprises les plus performantes au plan de l efficacité énergétique. 12

Redevance de tous les usagers Afin de dégager de nouveaux revenus provenant de la vente d électricité, sans modifier le cadre réglementaire et le bloc patrimonial, et tout en respectant la notion de valeur ajoutée que représente l utilisation active des kwh, le gouvernement pourrait instaurer une redevance applicable à tous les consommateurs. Celle-ci pourrait être incluse à-même la facture d Hydro-Québec et son traitement serait identique à celui de la taxe sur les produits et services (TPS) et de la taxe de vente du Québec (TVQ). Ainsi, les consommateurs utilisant de l électricité active pourraient se voir rembourser cette redevance, à l instar de la TPS et de la TVQ, comme un intrant, puisqu ils participent à l ajout de valeur sur la ressource. Se situant à l autre extrémité de la chaîne de valeur, les utilisateurs finaux de kwh passifs devraient assumer cette redevance, tout comme les taxes à la consommation. Cette proposition permettrait d augmenter les revenus du gouvernement, tout en préservant l effet stabilisateur du bloc patrimonial, et les retombées économiques tirées de l utilisation de l électricité à des fins de production. De plus, en haussant ainsi le prix de l électricité par l entremise d une redevance, les consommateurs recevraient un bon signal de prix incitant à l économie d énergie. En poursuivant l analogie entre le traitement de cette redevance et celui de la TPS et de la TVQ, les citoyens à faibles revenus pourraient recevoir un remboursement de cette redevance en utilisant le même système, voire le même chèque, que pour le remboursement des taxes de ventes. Il s agirait d une solution simple d application, qui contribuerait à l équilibre budgétaire tout en favorisant le développement économique du Québec. 13

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