Les familles migrantes confrontées au handicap : pour un travail interculturel entre professionnels et familles.



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Transcription:

1 Les familles migrantes confrontées au handicap : pour un travail interculturel entre professionnels et familles. Introduction Dans le secteur du handicap, une réalité est bien présente mais très peu abordée dans les écrits, les colloques, les journées d études : l intervention auprès des familles migrantes dont un membre est en situation de handicap. Cette question fait l objet de rares études, le plus souvent américaines. Pourtant, en Belgique, la question est importante et présente, d autant plus que la demande est bien réelle. En témoigne le nombre important de professionnels et d associations au dernier colloque bruxellois «Handicap, Migration et Interculturalité». 1 Du côté néerlandophone, une association 2 a édité une brochure appelant à plus de travail interculturel dans le secteur du handicap, pour tenter de répondre à cette question. Suite à une courte étude de terrain, cette association avait relevé que les personnes handicapées issues de l immigration étaient absentes des centres d hébergement voire des centres de jour. Certains auteurs quant à eux, ont noté qu au niveau de la prise en charge d un enfant handicapé, ces familles migrantes n ont pas d adaptation spécifique, [et elles] rencontrent des difficultés de communication ou d accès à l information 3 qui seront développées dans cette analyse. Il serait toutefois réducteur et terriblement incorrect de réduire les différences de prise en charge d un membre handicapé entre les familles migrantes et non migrantes à des facteurs d ordre culturels. 4 Comme nous le verrons dans l analyse, d autres facteurs notamment socio-économiques entrent en ligne de compte et ne sont pas à négliger. Nous insistons sur le fait que l arrivée d un enfant handicapé bouleverse toute famille, qu elle soit migrante ou pas. L idée n est donc pas de développer une prise en charge spécifique ou de stigmatiser les familles migrantes mais 1 Colloque Let s go du 14 novembre 2013 «Handicap, Migration et Interculturalité» 2 http://www.pigmentzorg.be/toolbox/fiche/kleurrijke-hulpverlening-naar-meer-interculturalisering-inde-sector-personen-met-een 3 AHMAD & HUSBAND ; CHAMBA & al ; FAZIL, BYWATERS ; ALI, WALLACE et SINGH cité par PIÉRART, G. (2006) Familles migrantes et handicap de l enfant : quel partenariat avec les professionnels de l éducation spécialisée? in Interactions Vol.9/2 pp 107-127 4 PIÉRART, G. (2006) Ibid.

2 de souligner qu elles vivent malgré tout une réalité spécifique dont il faut tenir compte dans l intervention. 5 Dans sa volonté de veiller à une inclusion plurielle des personnes handicapées en Belgique, l ASPH est interpellée par la réalité vécue par les familles migrantes face au handicap. La question qui mérite pleinement d être traitée, afin d améliorer la collaboration entre familles migrantes et professionnels pour une meilleure prise en charge. Qu entend-on par interculturalité? Toute société multiculturelle se retrouve face au défi de l interculturalité. Ceci implique une reconnaissance des différences culturelles et un respect des particularités de chacun tout en faisant la promotion des valeurs universelles 6. Ceci dit, la reconnaissance des cultures différentes ou minoritaires ne suffit pas, il faut créer des espaces de rencontre, de dialogue, de négociation qui rendront possible le respect et la reconnaissance d individus ou de groupes porteurs d héritages différents. 7 L interculturalité permet de faire l expérience d une autre culture et nous oblige à nous questionner dans nos présupposés, nos mythes et nos propres croyances. 8 C est donc un concept qui part de l idée que la tolérance et le respect à l égard des individus et des groupes de cultures différents ne peuvent exister que par une meilleure connaissance mutuelle. 9 Familles migrantes et handicap Une discipline en particulier, la psychologique interculturelle, permet d expliquer certaines variabilités d attitudes et de pratiques éducatives parentales en fonction de la culture. 10 Ainsi, les psychologues interculturels ont pu mettre en évidence certaines spécificités observées chez les familles migrantes avec un enfant handicapé. Bien que, comme dans n importe quelle famille, l arrivée d un enfant handicapé entraine, dans les premiers temps, un traumatisme, une sidération 5 PIÉRART, G. (2006) Ibid. 6 Rapport mondial de l UNESCO (2010) chapitre 2 : Le dialogue interculturel. Éditions UNESCO 7 PAGÉ cité par COHEN-EMERIQUE, M. (2011). L interculturel dans les interactions des professionnels avec les usagers migrants. Alterstice, 1 (1), 9-18 8 EBERHARD cité dans Rapport mondial de l UNESCO (2010). Op cit. 9 PAGÉ cité par COHEN-EMERIQUE, M. (2011). Op cit. 10 MONTANDON et Sapru cité par Piérart, G. (2006). Op cit.

3 et une incompréhension, il apparait que ce vécu traumatique est accentué dans les familles migrantes. 11 Les familles migrantes confrontées au handicap vivent une double situation de transition. En effet, la migration elle-même et la naissance (ou la survenue) du handicap sont deux situations où s opèrent nécessairement une rupture avec d anciennes normes. Ces familles doivent, pour donner du sens à ces vécus, recréer de nouvelles normes. 12 Il s avère, d après les observations de terrain, que les familles migrantes ont du mal à se séparer de leur enfant handicapé en le plaçant en centre d hébergement par exemple. Ceci peut s expliquer par le fait que la famille veut éviter une perte supplémentaire. 13 En quelque sorte, après la «perte du pays d origine», la «perte de la normalité» de l enfant, il est difficile voire impossible d envisager la «perte de l enfant lui-même» (en le plaçant dans un centre). Quant aux causes du handicap, on peut observer des étiologies (les causes expliquant le handicap) différentes : les étiologies plus traditionnelles et les étiologies médicales. 14 Les premières, utilisées par de nombreuses familles migrantes, vont se référer au surnaturel, aux croyances, au destin, etc. et les secondes à un gène défectueux, un manque d oxygène, etc. Ces étiologies presque opposées peuvent amener à des interprétations et des représentations différentes du handicap de la part des familles migrantes et des professionnels. En menant des recherches sur l adaptation familiale au handicap, certains auteurs ont mis en évidence un certain nombre de facteurs de stress mais aussi des ressources possibles qui permettent aux familles migrantes de favoriser l adaptation ou de la freiner. 15 Ces facteurs sont les suivants : les ressources matérielles, la situation professionnelle des parents, la taille du réseau social de la famille, la santé physique et psychique des parents (particulièrement celle de la mère), le fonctionnement familial, le système de représentations et de valeurs, l accès à l information et le vécu des familles. Chaque équipe d intervenants ou de professionnels doit tenir compte de ces différents facteurs lorsqu elle se retrouve face à une famille migrante avec un 11 MORO, M.-R. (2007) Handicaps et questions transculturelles in Médecine thérapeutique/pédiatrie Vol.10 (4) pp 245-252 12 VATS LAROUSSI cité par Piérart, G. (2006). Op cit. 13 MÉTRAUX cité par PIÉRART, G. (2006). Ibid. 14 Voir notamment KECK ; MERCIER, IONESCU et SALBREUX cité PIÉRART, G. (2006). Ibid. 15 LAMBERT & LAMBERT-BOITE ; BOUCHARD & al cité par PIÉRART, G. (2006). Ibid.

4 enfant handicapé. Voyons maintenant quel travail est possible avec ces mêmes familles. Familles migrantes et professionnels : comment collaborer? Du côté des professionnels Avant toute chose, si un danger nous semble important à relever dans ce contexte, c est bien celui des stéréotypes culturels. En effet, même si l accès à internet, à l information immédiate et complète à tout moment existe, il ne faut pas sous-estimer la ténacité de nos préjugés. Nous sommes en effet bien trop habitués à nous définir par opposition les uns aux autres et donc, à recourir plus facilement aux stéréotypes. 16 Les intervenants et les professionnels sont donc presque naturellement sujets aux stéréotypes et un réel travail de décentration par rapport à sa propre culture et ses propres représentations reste indispensable. Deux modèles semblent prédominer dans le rapport entre professionnels du handicap et familles migrantes : le modèle de l expert et le modèle du guide. 17 Dans l un des cas, le professionnel est expert, détenteur du savoir sur le handicap et ne prend pas en compte l expérience des familles. Dans l autre, il prend en compte l expérience de la famille et le professionnel la guide sans qu il y ait de réel partage. L idéal étant de développer le modèle du partenariat 18 où le professionnel et la famille partagent et échangent leurs expériences et savoirs sur le handicap pour permettre une collaboration optimale. Dans certaines situations, le professionnel peut se sentir mal à l aise avec la famille. Il peut par exemple penser qu on parle de lui dans une langue qu il ne comprend pas ou se sentir dévalorisé si la famille ne suit pas ses conseils. 19 Il est impératif pour les professionnels de ne pas interpréter ces situations mais de développer des «compétences interculturelles» pour pouvoir créer un réel partenariat avec les familles. Ces compétences regroupent, entre autre, l écoute, le dialogue et l émerveillement entendus ici comme la capacité à être touchée par la différence. C est une forme d ouverture active où l autre n est pas simplement inscrit dans une échelle de ressemblances/différences avec nous. La rencontre interculturelle consiste en grande partie à surmonter ses propres résistances, à prendre conscience de son ethnocentrisme, voire 16 Rapport mondial de l UNESCO (2010). Op cit. 17 BOUCHARD & al cité par 18 BOUCHARD & al 1996 cité par 19 COHEN-EMERIQUE, M. (2011). Op cit.

5 de son racisme et à entrevoir la possibilité de choix existentiels radicalement différents. 20 Du côté des familles migrantes Il existe bien des différences culturelles dans la définition du handicap chez les familles migrantes, dans la manière dont elles gèrent le stress ou s organisent. 21 Ceci étant dit, il ne faut pas tomber dans le cliché et attribuer les difficultés rencontrées aux facteurs culturels uniquement. 22 Il faut en tenir compte pour établir une alliance solide avec les familles mais ne pas oublier le contexte sociale et économique dans lequel vivent beaucoup de familles migrantes. En effet, il est primordial de prendre en compte le contexte socioéconomique de nombreuses familles migrantes. Il apparait de manière assez constante, et ce dans tous les pays, que les familles migrantes sont en proie à une plus grande fragilité socio-économique, sociale et sanitaire par rapport aux familles dites «autochtones». 23 D ailleurs, chez les professionnels du handicap, il existe une confusion importante entre les difficultés socioéconomiques d une famille et les différences culturels. 24 Ils attribuent ainsi certaines résistances de la part des familles comme des freins d ordre culturel alors qu ils sont plutôt dus à des facteurs économiques. Il ne faut pas oublier qu au-delà des difficultés, les familles migrantes disposent d un certain potentiel basé sur la cohésion familiale et la solidarité. 25 Se baser sur ces potentiels-là permettrait aux professionnels du handicap d intervenir de manière plus pertinente et adéquate auprès de ces familles. 26 En prenant en compte les ressources (internes ou externes) de la famille, le professionnel peut mettre en évidence les processus et stratégies positives mises en place dans la majorité des familles migrantes pour faire face au handicap. 27 C est bien la mise en valeur de l adaptation et des projets familiaux qui va favoriser ce partenariat. 28 20 EBERHARD cité dans Rapport mondial de l UNESCO (2010). Op cit. 21 TAN MINK cité 22 23 BOLZMAN ; CHAUDET et al ; CENTLIVRES et GIROD cité 24 TAN MINK cité par 25 LANFRANCHI cité par 26 27 FERGUSON cité par 28

6 Enfin, pour parvenir à la compréhension mutuelle et à la construction d une alliance entre professionnels et familles migrantes, il faut du temps, beaucoup de temps parfois. Or, l intervention sociale se situe trop souvent dans l urgence, ce qui nuit à l établissement d une rencontre réelle entre familles et professionnels. 29 Ceci est à notre sens un élément important qui nuit à la pleine collaboration entre les professionnels et les familles migrantes. Conclusion En 2014, la Belgique fête les 50 ans de l immigration turque et marocaine. Ces familles présentent en Belgique depuis toutes ces années, mais aussi celles arrivées plus récemment, comptent, comme de nombreuses familles, un membre porteur d un handicap. Du côté des familles migrantes, elles doivent, comme n importe quelle famille, opérer le difficile processus de deuil de l «enfant normal». Mais ces familles ont aussi dû faire le deuil de leur pays d origine, que la migration ait eu lieu il y a deux, dix ou cinquante ans. Quitter sa terre natale, quelles qu en soient les raisons, est une rupture avec le passé pas toujours facile à vivre. D autant plus que ces familles migrantes sont plus facilement sujettes à la pauvreté, la précarité et l exclusion sociale. Il est impossible de séparer le processus d adaptation à la migration et le processus d adaptation au handicap lorsqu ils touchent une même famille. 30 Ces processus sont intimement liés, entremêlés, imbriqués de telle sorte que les familles migrantes vivent une réalité spécifique qui mériteraient toute l attention des chercheurs. Du côté des professionnels du handicap, un travail de décentration, de nonjugement et de compréhension est une des conditions pour créer une collaboration stable et solide avec ces familles. De plus, il ne faut pas réduire les difficultés, résistances ou obstacles rencontrés à des difficultés d ordre culturel et ne prendre en compte que le contexte social et économique dans lequel la famille se situe. Une approche globale et contextuelle est donc indispensable pour ne pas tomber dans les clichés, les stéréotypes, les préjugés qui bloquent le travail entre professionnels et familles. 29 http://www.ententecarolo.be/dossier80j.html 30

7 Documents et sites consultés COHEN-EMERIQUE, M. (2011). L interculturel dans les interactions des professionnels avec les usagers migrants. Alterstice, 1 (1), 9-18 MORO, M.-R. (2007) Handicaps et questions transculturelles in Médecine thérapeutique/pédiatrie Vol.10 (4) pp 245-252 PIÉRART, G. (2006) Familles migrantes et handicap de l enfant : quel partenariat avec les professionnels de l éducation spécialisée? in Interactions Vol.9/2 pp 107-127 Rapport mondial de l UNESCO (2010) chapitre 2 : Le dialogue interculturel. Éditions UNESCO http://www.ententecarolo.be/dossier80j.html http://www.pigmentzorg.be/toolbox/fiche/kleurrijke-hulpverleningnaar-meer-interculturalisering-in-de-sector-personen-met-een Date : 04 juin 2014 Chargée de l analyse : Najoua BATIS Chargée d études et d analyses Responsable de l ASPH : Catherine LEMIERE Secrétaire générale ASPH