FICHE D.1 : INSTRUMENTS DE MUSIQUE



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Transcription:

FICHE D.1 : INSTRUMENTS DE MUSIQUE Le bruit des instruments de musique constitue une source importante du contentieux des troubles de voisinage. En effet, l habitude montre que l activité artistique qui se trouve à leur origine est très courante et entraîne un contentieux abondant lorsque les musiciens se livrent à leur activité dans des lieux inappropriés (locaux mal insonorisés). Le fait de vivre dans un immeuble collectif implique le respect de la tranquillité d autrui. Afin de répondre à cette exigence de tranquillité, la pratique d un instrument de musique ne saurait se faire qu à condition de respecter un minimum de discrétion quant au moment choisi pour jouer, à la durée de l exercice, ou à l intensité des sons émis. Les bruits de ces instruments (I), lorsqu ils sont considérés comme étant anormaux par la jurisprudence (II), ouvre droit à réparation au profit de la victime (III). Par ailleurs, ces bruits peuvent également faire l objet de sanctions pénales (IV). I. QU ENTEND-ON PAR BRUIT DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE? A. Quels sont les bruits les plus fréquemment sanctionnés? Tout instrument de musique entre, par définition, dans le champ d application des textes destinés à sanctionner les troubles apportés à la tranquillité d autrui. Toutefois, certains instruments, en raison de leurs caractéristiques propres et de l impossibilité notamment d atténuer leur niveau sonore donnent lieu à une jurisprudence abondante. La jurisprudence la plus abondante dans ce domaine concerne ainsi les troubles anormaux résultant de bruit de piano : instrument de musique courant qui donne lieu, le plus souvent, à des leçons privées et dont le bruit s avère difficile à atténuer (C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, Juris-Data n 044183). On notera toutefois d autres exemples de jurisprudence concernant les bruits anormaux générés notamment par : - un cornet à piston (C.A. de Lyon, 23 déc. 1980, Épx Saporis, D. 1983, p. 605) ; - un orgue électrique (C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998) ; - une guitare (C.A. de Paris, 30 nov. 1984, Samora, Juris-Data n 027640) ; - une batterie (C.A. de Reims, 17 déc. 1986, Nonnot, Juris-Data n 045821) ; - une flûte (C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, n 96-05164) ; - un piano électrique (C.A. de Paris, 7 oct. 1999, Begorre, Juris-Data n 024450). Par ailleurs, les bruits de ces instruments doivent être soigneusement distingués de ceux provenant des appareils diffusant de la musique (radio, chaîne hi-fi) qui appartiennent à une autre catégorie de bruit pouvant troubler le voisinage. Ainsi, pour la jurisprudence, un piano doit être regardé comme un instrument de musique et non comme un appareil diffuseur de musique (C.A de Paris, 9 fév. 1984, Guiot, Juris-Data n 021971).

114 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage B. À quelle occasion ces bruits se produisent-ils? De ce point de vue, on peut classer les bruits des instruments de musique en trois catégories distinctes au regard de leur source, : - certains bruits provenant d instruments de musique peuvent simplement correspondre à un simple passetemps, un loisir. Il en va ainsi de ceux du flûtiste même professionnel qui se livre à une répétition (C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, préc.), des bruits d un enfant jouant au piano (T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, écho-bruit 1986) ; - les bruits des instruments de musique proviennent fréquemment aussi d enfants qui suivent une formation artistique ou passent un concours. Relèvent de cette catégorie, les bruits d un enfant jouant du cornet à piston qui se destine à une profession musicale (C.A. de Lyon, 23 déc. 1980, Épx Saporis, préc. ), de la personne qui s entraîne en vue d obtenir le brevet d enseignement pour piano (C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, préc. ) ; - enfin, les bruits des instruments de musique peuvent résulter de l exercice d une activité professionnelle. C est le cas des bruits des leçons de piano et des concerts (C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, préc. ), ou encore de ceux provenant d un commerce spécialisé dans la vente de pianos (C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, Juris-Data n 034556). Cette distinction est utile, notamment dans le contentieux pénal, car des régimes juridiques différents seront appliqués selon que les bruits ont pour origine une activité professionnelle comme dans le troisième cas (article R. 48-3 du Code de la santé publique) ou une activité culturelle ou de loisir, comme dans le premier et le second cas (article R.48-2 du Code de la santé publique) (V. ci-dessous). II. QUELS SONT LES ÉLÉMENTS PRIS EN CONSIDÉRATION PAR LE JUGE CIVIL POUR APPRÉCIER L ANORMALITÉ DU TROUBLE? Les juges du fond apprécient de façon souveraine l existence d un trouble anormal de voisinage (Cass. 2 ème civ., 17 oct. 1985, M. Farge, n 84-13.907) au vu d un certain nombre d éléments tels que : l intensité du bruit (A), sa durée et sa fréquence (B), son caractère diurne ou nocturne (C), le lieu où il se produit (D). A. Intensité du bruit 1. Comment est calculée l intensité du bruit "lorsqu'il s'agit d'une activité" Les bruits des instruments de musique peuvent être sanctionnables lorsqu ils sont particulièrement intenses (C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, préc.), certains instruments étant, par nature, plus bruyants que d autres. Les juges fondent généralement leurs décisions sur les rapports des experts acousticiens chargés d analyser l émergence c est à dire la différence entre le niveau de bruit minimal ambiant par rapport au bruit ambiant lorsque la personne joue de son instrument (T.I. de Paris, 11 déc. 1997, Mme Roux, n 9700451). La valeur de 5 décibels est reconnue comme valeur à ne pas dépasser le jour. A fortiori, les juges retiennent un trouble anormal lorsque l amplitude du bruit par rapport aux bruits ambiants est de 18 à 24 décibels (C.A. de Versailles, 16 mars 1987, Chetay, Juris-Data n 043931). Par ailleurs, même si les valeurs d émergence se révèlent inférieures à celles qui sont normalement tolérées, le trouble pourra être constaté dans le cas d un commerce de pianos dont les bruits s avèrent discontinus et imprévisibles (C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, préc. ). Lorsque le bruit produit par un musicien apparaît correspondre à un bruit habituel le trouble n est pas considéré comme anormal par le juge. Il en va ainsi lorsque ce bruit est équivalent à celui résultant de l audition d un disque, d un concert radiotélévisé (C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, préc. ) ; ou encore qu il ne dépasse pas celui qui serait provoqué par des rires (T.I. de Paris, 3 déc. 1992, M. Cange, préc.).

Fiche D.1 : Instruments de musique 115 2. Quelles sont les conséquences des mesures prises par les musiciens pour limiter le bruit? La bonne volonté des musiciens désirant réduire le trouble est prise en compte par le juge à condition que les mesures palliatives adoptées par eux se révèlent suffisamment efficaces. En effet, il appartient aux fauteurs de bruits, et à eux seuls, de prendre toutes les mesures utiles pour réduire l intensité des sons qu ils émettent. C est le cas, lorsque les musiciens : - font insonoriser le local où ils jouent (C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, préc.) ; - utilisent une sourdine ou déplacent leur instrument dans un lieu mieux protégé du bruit (C.A. de Paris, 12 avril 1988, Moguerou, Juris-Data n 021804). À l inverse ont été condamnés pour troubles anormal de voisinage, du fait de l inefficacité de leur action : - un batteur qui ne fermait pas en permanence la fenêtre et le volet de son local de répétition (C.A. de Reims, 17 déc. 1986, Nonnot, préc.) ; - un pianiste s étant contenté d appliquer des plaques de polystyrène sur les murs de son lieu de travail (C.A. de Paris, 13 juill. 1988, Milo, Juris-Data n 024955). B. Durée et répétition du bruit Le temps pendant lequel une personne joue d un instrument de musique constitue un des éléments pris en compte par le juge pour caractériser l anormalité du bruit d un instrument. Les juges ont considéré à de nombreuses reprises que le fait de jouer d un instrument de musique plusieurs heures par jour pouvait constituer un trouble anormal de voisinage (C.A. de Versailles, 16 mars 1987, Chetay, préc. ; C.A. de Paris, 9 fév. 1984, Guiot, préc.). Au contraire, lorsque les plaignants ne démontrent pas qu un piano est utilisé pendant une durée excessive ou à des heures consacrées au repos, le trouble anormal ne sera pas retenu (T.I. de Paris, 3 déc. 1992, M. Cange, préc.). Les juges doivent ainsi apprécier à partir de quand le bruit devient anormal. Ils ont récemment apprécié que le fait de jouer du piano une heure par jour constitue un trouble normal de voisinage même si le joueur est débutant (les sons étant moins harmonieux) (C.A. de Paris, 7 oct. 1999, Begorre, préc.). Ce critère de durée est ainsi étroitement lié à celui de la répétition du bruit car la pratique de la musique implique nécessairement de l entraînement. De ce fait, certains bruits peuvent durer longtemps et se répéter plusieurs fois dans la semaine. Les juges ont ainsi pu retenir un trouble anormal de voisinage, en considérant que les bruits consécutifs à des leçons de piano étaient, par nature, "nerveusement répétitifs" (T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair ). C. Caractère nocturne ou diurne du bruit Cet élément est utilisé par le juge pour sanctionner plus durement les bruits qui troublent une personne durant des heures réservées au repos. Ainsi les juges relèvent régulièrement le fait que les bruits se produisent de jour comme de nuit pour condamner le musicien (C.A. de Paris, 1 er juill. 1986, Simprez, Juris-Data n 034556). D. Quelles sont les influences respectives des circonstances de lieu et de la qualité des victimes sur l appréciation de l anormalité du trouble? 1. Considérations tenant au lieu où le musicien joue Les musiciens invoquent souvent le défaut d isolation phonique du lieu où ils jouent pour échapper à leur responsabilité. Toutefois les juges estiment, au contraire, qu en raison du défaut d isolation d un immeuble, les

116 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage musiciens doivent prendre encore plus de précautions afin de réduire les bruits jusqu à un niveau acceptable (T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, préc.). Le fait de vivre en collectivité suppose une certaine tolérance au regard de certains bruits qui sont inévitables (T.I. de Paris, 3 déc. 1992, M. Cange, préc.). Les juges prennent ainsi en compte l endroit où réside la victime. Cette analyse est étroitement liée à celle des mesures du bruit ambiant. Dès lors, le fait de vivre dans un immeuble situé en bordure d une voie bruyante réduit les risques de voir le trouble qualifié d anormal car le bruit ambiant est déjà élevé (C.A. de Paris, 2 mai 1984, Goldfart, Juris-Data n 022426). Toutefois, vivre dans un endroit bruyant n empêche pas d obtenir réparation, dès lors qu une gêne particulière, anormale par rapport aux bruits ambiants (même si ces bruits sont plus élevés qu ailleurs) est constatée. Ainsi la victime pourra obtenir réparation des bruits anormaux causés par des leçons de piano alors même qu elle vit à un endroit où les bruits des passages d avions sont répétés, car les bruits du piano constituent une gêne particulière (T.I. de Longjumeau, 4 déc. 1981, Fintzel, revue silence n 81, 4 ème trimestre, 1981, p. 21). 2. Qualité de la victime Les inconvénients de voisinage doivent s apprécier par rapport aux activités susceptibles d être exercées par la victime (Cass. 2 ème civ., 17 oct. 1985, M. Farge, préc.).les juges prennent ainsi en compte le fait que la victime exerce son activité à domicile ce qui rend les bruits plus difficilement supportables (T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair, préc.).dès lors que les bruits ont une incidence sur le psychisme des victimes ils pourront être sanctionnés même si les émergences sonores se révèlent insignifiantes (T.G.I. de Nanterre, 24 nov. 1982, Épx Durupt). III. FONDEMENT ET RÉPARATION DU TROUBLE DANS L ACTION EN RESPONSABILITÉ CIVILE A. Quels sont les fondements de la responsabilité civile? 1. Faute contractuelle Cette faute consiste en la violation de clauses contenues soit dans les règlements de copropriété soit dans les baux à usage d habitation ou de commerce. Les règlements de copropriété fixent généralement des règles précises concernant l utilisation d instruments de musique. Les juges sanctionnent régulièrement sur ce fondement les bruits troublant la tranquillité d un immeuble (T.I. de Paris, 11 déc. 1997, Mme Roux, préc.). Cette obligation de respecter la tranquillité de l immeuble (qui est présente dans presque tous les règlements de copropriété) constitue une obligation de résultat et non de moyen (C.A. de Paris, 6 nov. 1987, Casadei, Juris-Data n 026514). Les juges apprécient de façon souveraine les éléments de preuve des parties destinées à établir la violation d un règlement de copropriété (Cass. 3 ème civ., 1 er déc. 1999, Société Raid, n 98-14.040). Lorsque l infraction est constatée, les juges peuvent prononcer une interdiction de poursuivre l activité litigieuse sous peine d astreinte (même arrêt). 2. Faute délictuelle et quasi-délictuelle La personne qui s estime victime d un trouble de voisinage en raison des bruits émis par des instruments de musique doit en rapporter la preuve. Cette preuve du préjudice subi peut être rapportée par différents moyens, les plus fréquents sont les suivants : - attestations des voisins (T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, préc.). Ces attestations doivent démontrer le caractère particulièrement gênant du bruit. Tel n est pas le cas lorsque les attestations des voisins indiquent simplement que le bruit du piano est audible depuis l appartement de la victime (C.A. de Paris 12 avril 1988, Moguerou, préc.). - les expertises de spécialistes. Les attestations des experts qui interviennent à la demande d une partie et qui sont rémunérées par celle-ci sont prises en compte par les juges. La preuve du trouble peut ainsi être

Fiche D.1 : Instruments de musique 117 rapportée par des relevés opérés de manière non contradictoire (Cass. 2 ème civ., 23 oct. 1991, M. Sieffert, n 90-14.914). Par ailleurs, le juge peut toujours ordonner des mesures d instructions lorsqu il l estime nécessaire. Dans les faits, il a le plus souvent recours à des experts judiciaires afin d apprécier l existence ou non d un trouble anormal de voisinage (T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair, préc.). B. Comment le préjudice est-il réparé? La réparation du préjudice consécutif à des troubles de voisinage se situe généralement à deux niveaux : - réparation du dommage proprement dite par l octroi de dommages et intérêts (C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, préc. ) ; - cessation du trouble. Ces deux types de réparations sont indépendants. Ainsi, la cessation du trouble en cours de procédure (isolation efficace de l appartement, arrêt de l activité, pose d une sourdine...) n empêche pas la victime de réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice qu elle a subie avant que le trouble ne cesse (T.G.I. de Nanterre, 24 nov. 1982, Épx Durupt, préc. ). Les juges du fait ont un pouvoir souverain pour déterminer les mesures les plus efficaces à faire cesser le trouble. Ainsi, peuvent-ils ordonner : - des travaux d insonorisation du lieu où les musiciens jouent (C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, préc.) ; - des aménagements d horaires limitant les périodes pendant lesquelles les musiciens sont autorisés à jouer (C.A. de Paris, 1 er juill. 1986, Simprez, préc.) ; - la pose d une sourdine sur l instrument, afin de réduire l intensité du bruit jusqu à un niveau acceptable (T.G.I. de Paris, 11 juin 1982, Épx l'épine, préc.). IV. QUELLES SONT LES SANCTIONS PÉNALES RÉPRIMANT LES BRUITS DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE? Il existe relativement peu de jurisprudence sanctionnant pénalement les troubles occasionnés par les bruits des instruments de musique. Ces sanctions pénales faisant l objet d une étude plus approfondie (V. fiche B.1 : Bruits de comportements et fiche B.3 : Tapage nocturne), notre étude sera donc plus succincte. A. Article R. 48-1 à R. 48-4 du Code de la santé publique Les bruits des instruments de musique qui troublent la tranquillité d autrui peuvent entraîner la responsabilité pénale de leurs auteurs sur le fondement des articles R. 48-1 à R. 48-4 du Code de la santé publique. Ces articles, introduits par le décret du 18 avril 1995 qui abroge le décret du 5 mai 1988, prévoient une amende contraventionnelle de troisième classe lorsque l infraction est constituée.

118 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage L article 2 du décret du 5 mai 1988 exigeait la présence de deux conditions cumulatives pour que l infraction soit constituée : - D une part, la personne à l origine du bruit devait avoir commis une faute. - D autre part, le constat du dépassement de la valeur limite d émergence devait avoir été effectué au moyen d un sonomètre. Le décret du 18 avril 1995 modifie considérablement les conditions de mise en jeu de la responsabilité des auteurs de bruits troublant la tranquillité publique : - la présence d une faute n est désormais plus nécessaire pour que l infraction soit constituée, le bruit devant seulement désormais simplement porter atteinte à la tranquillité du voisinage. - le trouble est apprécié par les juges en fonction de la durée, de la répétition ou de l intensité du bruit. Ainsi le joueur de flûte qui s entraîne de manière répétitive, durable et dont le son révèle un niveau sonore élevé commet l infraction de trouble du voisinage (C.A. de Paris 24 fév. 1997, Cxxx, préc.). - le constat de l émergence sonore peut être effectué sans recours à un appareil de mesure acoustique, ce constat pouvant résulter des procès-verbaux. Une distinction doit être, par ailleurs, faite selon l activité à laquelle se livre le musicien. L article R. 48-3 du Code de la santé publique réprimant les bruits ayant pour origine une activité professionnelle, sportive ou de loisir pratiquée de manière habituelle prévoit toujours le recours à une mesure acoustique pour établir l infraction. Dès lors, il s agit de distinguer si le prévenu se livrait ou non à une telle activité comme des leçons de piano auquel cas l infraction sera constatée après mesure de l émergence à l aide d un sonomètre. A ce sujet, la Cour d appel de Paris a précisé qu un professionnel de la musique (flûtiste) devait être condamné sur le fondement de l article R. 48-2 du Code de la santé publique (lequel article n exige pas le recours à un sonomètre) dès lors que ce musicien se livrait à une simple répétition privée et non à un concert ou à des leçons (C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, préc.). B. Tapage nocturne Les bruits des instruments de musique troublant la tranquillité d autrui la nuit sont sanctionnés d une amende contraventionnelle de troisième classe (article R. 623-2 du nouveau Code pénal), (V. fiche B.3 : Tapage nocturne) Il existe très peu de jurisprudence sur ce sujet, car les bruits proviennent généralement de leçons de musique, de cours, de répétitions... activités exercées principalement le jour. JURISPRUDENCE I. QU ENTEND-ON PAR BRUIT DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE? A. Quels sont les bruits les plus fréquemment sanctionnés? C.A. de Paris, 7 oct. 1999, Begorre, Juris-Data n 024450 ; C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, n 96-05164 ; C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, Juris-Data n 044183 ; C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998 ; C.A. de Reims, 17 déc. 1986, Nonnot, Juris-Data n 045821 ; C.A. de Paris, 30 nov. 1984, Samora, Juris-Data n 027640 ;

Fiche D.1 : Instruments de musique 119 C.A de Paris, 9 fév. 1984, Guiot, Juris-Data n 021971 ; C.A. de Lyon, 23 déc. 1980, Épx Saporis, D. 1983, p. 605. B. À quelle occasion ces bruits se produisent-ils? C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, Juris-Data n 034556 ; C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, n 96-05164 ; C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998 ; T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, écho-bruit 1986 ; C.A. de Lyon, 23 déc. 1980, Épx Saporis, préc. II. QUELS SONT LES ÉLÉMENTS PRIS EN CONSIDÉRATION PAR LE JUGE CIVIL POUR APPRÉCIER L ANORMALITÉ DU TROUBLE? Cass. 2 ème civ., 17 oct. 1985, M. Farge, n 84-13.907 : "Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que M. Farge, qui exerce à son domicile la profession de docteur en médecine neuropsychiatre, a fait assigner M. Goldfart, propriétaire d'un appartement situé à l'étage supérieur, aux fins de faire cesser le trouble de voisinage résultant pour lui de l'usage d'un piano par le fils de M. Goldfart ; [ ] Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, après avoir analysé les éléments contenus dans un rapport d'expertise, retient, répondant ainsi aux conclusions, que les troubles allégués n'excédaient pas les inconvénients normaux de voisinage ; [ ]". A. Intensité du bruit 1. Comment est calculée l intensité du bruit "lorsqu'il s'agit d'une activité" C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, Juris-Data n 044183 : "Attendu qu'il n'apparaît pas que l'âge et que l'état de santé de Madame Pouch lui permettent de donner fréquemment des concerts et qu'il n'est. pas en tout cas établi que les quelques soirées musicales que ne semblent pas apprécier certains des copropriétaires de l'immeuble, excédent les inconvénients normaux de voisinage ; que ceux-ci ne sauraient notamment interdire à Mme Pouch une interprétation personnelle d'œuvres de son choix plutôt que celles qui lui seraient offertes par un disque ou la retransmission radio-télévisée d'un concert public dont l'audition est habituelle dans tous les ensembles immobiliers et autorisée jusqu'à une certaine heure de la soirée ; qu'enfin Mme Pouch justifie par factures également produites aux débats qu'elle a fait procéder à l'insonorisation de son appartement ; [ ]". C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, préc : "Attendu qu'il résulte des diverses attestations produites par les intimés que les témoins ont pu constater à différents moments de la journée, des bruits musicaux (piano), les morceaux étant joués suffisamment fort pour couvrir une conversation normale entre deux personnes ou même entre plusieurs personnes. que ces sons se produisaient aussi bien le samedi que les autres jours de la semaine et notamment antre 10 heures et 18 heures ; Attendu que Mi MLIRCIANO, qui a établi une attestation dans laquelle il indique n'avoir pas été Biné par les bruits, exerce la profession d'antenniste. ce. qui a pour conséquence qu'il ne devait pas dire souvent dans son local commercial au cours de la journée, que dés lors, il est normal que les bruits des pianos ne l'ait pas incommodé, Attendu quel ressort du rapport de l'expert GELIS que le local dans laquelle la SARL ART ET SON exerçait son activité, propriété de Mme MUTTE renferme une dizaine de pianos de types divers dans une sorte de hall d'exposition, que l'expert a constaté également la présence d'un synthétiseur qui n'était pas en état de marche ; Attendu qu'au vu du relevé des mesures de bruit du voisinage, l'expert indique que l'émergences n'a pas une valeur suffisante pour conclure à une présomption de gêne que toutefois, compte tenu de la nature particulière du bruit perturbateur, il a précisé qu'au moment de la journée où la circulation automobile est ralentie ou dans l'intervalle de passage des voitures ou encore lors de l'exécution d'un morceau rapide sur un piano puissant il est certain que l'émergence est supérieure à celle qui a été mesurée et c'est à ce moment-là que les copropriétaires sont gênés ;

120 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage Attendu qu'il a encore indiqué que les sons de piano présentent des caractéristiques particulières et qu'il est incontestable qu'à niveau égal, le son d'un piano est plus gênant que d'autres types de bruit non impulsionnels apportant peu d'informations et se fondant plus facilement dans les autres bruits de l'environnement sonore ; qu'il a indiqué que la gène provoquée par le piano d'une part est supérieure à ce que laisse supposer les valeurs d'émergence mesurés ; qu'il a estimé que les occupants du 1 er étage de l'immeuble LA CIGALIERE subissent une gène discontinue mais réelle du fait de l'activité musicale de la SARL ART ET SON, sa conviction s'appuyant sur le caractère particulier du bruit perturbateur, sur la variabilité des niveaux et des émergences, sur le fait que les demandeurs sont toujours sous la menace d'être troublés dans leur repos ou leur travail par l'irruption de sons indésirables ; Attendu qu'il en résulte que tes copropriétaires ont subi durant l'activité de la société ART ET SON un trouble de jouissance dont il est dû réparation, l'expert ayant préconisé un renforcement de l'isolation ; Attendu que le tribunal a estimé de bon droit que la gérée acoustique supportée par les intimés durant la période pendant laquelle la SARI. ART ET SON a occupé le local considéré devait être réparée ; Attendu que le tribunal au vu des considérations techniques sur la nature de la gêne éprouvée a, à bon droit, considéré qu'il avait des éléments de détermination suffisants pour fixer le montant du dommage et intérêts dût aux demandeurs à la somme de 15.000 francs ; Attendu en effet que, même si lu mesures prises par l'expert soin inférieures à celles qui peuvent due éventuellement tolérées, il n'en reste pas moins, compte tenu de la particularité du commerce considéré, du fait que le piano était utilisé d'une manière discontinue et à des moments qui ne pouvaient pas être prévus, que ce trouble de jouissance est démontré ; [ ]". T.I. de Paris, 11 déc. 1997, Mme Roux, n 9700451 ; C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998 ; C.A. de Versailles, 16 mars 1987, Chetay, Juris-Data n 043931 : C.A. de Lyon, 23 déc. 1980, Épx Saporis, D. 1983, p. 605. 2. Quelles sont les conséquences des mesures prises par les musiciens pour limiter le bruit? C.A. de Bordeaux, 6 juin 1991, Capette, Juris-Data n 044183 : "Attendu qu'il n'apparaît pas que l'âge et que l'état de santé de Madame Pouch lui permettent de donner fréquemment des concerts et qu'il n'est. pas en tout cas établi que les quelques soirées musicales que ne semblent pas apprécier certains des copropriétaires de l'immeuble, excédent les inconvénients normaux de voisinage ; que ceux-ci ne sauraient notamment interdire à Mme Pouch une interprétation personnelle d'œuvres de son choix plutôt que celles qui lui seraient offertes par un disque ou la retransmission radio-télévisée d'un concert public dont l'audition est habituelle dans tous les ensembles immobiliers et autorisée jusqu'à une certaine heure de la soirée ; qu'enfin Mme Pouch justifie par factures également produites aux débats qu'elle a fait procéder à l'insonorisation de son appartement ; [ ]". C.A. de Paris, 12 avril 1988, Moguerou, Juris-Data n 021804 ; C.A. de Paris, 13 juill. 1988, Milo, Juris-Data n 024955 : C.A. de Paris, 27 nov. 1986, Besse, Juris-Data n 027222. C.A. de Reims, 17 déc. 1986, Nonnot, Juris-Data n 045821. B. Durée et répétition du bruit C.A. de Paris, 7 oct. 1999, Begorre, Juris-Data n 024450 : "Cons. que les constatations de l'expert ou de l'huissier mandaté par Monique Begorre n'établissent pas que Gérard Inglebert par ses activités dans l'appartement, serait à l'origine de nuisances constitutives de troubles anormaux du voisinage et ce eu égard à la qualité de la construction ; T.I. de Paris, 3 déc. 1992, M. Cange, préc. ;

Fiche D.1 : Instruments de musique 121 T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair ; C.A. de Versailles, 16 mars 1987, Chetay, préc. ; C.A de Paris, 9 fév. 1984, Guiot, Juris-Data n 021971. C. Caractère nocturne ou diurne du bruit C.A. de Paris, 1 er juill. 1986, Simprez, Juris-Data n 034556. D. Quelles sont les influences respectives des circonstances de lieu et de la qualité des victimes sur l appréciation de l anormalité du trouble? 1. Considérations tenant au lieu où le musicien joue T.I. de Paris, 3 déc. 1992, M. Cange, n 2102/92 : "Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur DESWARTE, déposé le 16 mars 1992, que 1"'on entend distinctement le piano dans l'appartement des époux CANGE". Mais attendu que l'expert constate que " le niveau sonore ambiant est 34 dba. Il s'élève à 36 et parfois à 40 dba, lorsqu'on parle ou rit dans l'appartement de Madame ROUX. Le piano utilisé sans sourdine et porte ouverte engendre 36 37 dba." Attendu qu'il apparaît, en conséquence que l'utilisation du piano entraîne une élévation du niveau sonore inférieure aux rires, et inférieure à 40 dba. Attendu que ce niveau sonore ne peut à lui seul constituer un trouble de voisinage pour des citadins habitant en HLM, et donc particulièrement exposés à toutes sortes de bruits [ ]". T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, écho-bruit 1986 ; C.A. de Paris, 2 mai 1984, Goldfart, Juris-Data n 022426 ; T.I. de Longjumeau, 4 déc. 1981, Fintzel, revue silence n 81, 4 ème trimestre, 1981, p. 21. 2. Qualité de la victime Cass. 2 ème civ., 17 oct. 1985, M. Farge, n 84-13.907 : "Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que M. Farge, qui exerce à son domicile la profession de docteur en médecine neuropsychiatre, a fait assigner M. Goldfart, propriétaire d'un appartement situé à l'étage supérieur, aux fins de faire cesser le trouble de voisinage résultant pour lui de l'usage d'un piano par le fils de M. Goldfart ; [ ] Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, après avoir analysé les éléments contenus dans un rapport d'expertise, retient, répondant ainsi aux conclusions, que les troubles allégués n'excédaient pas les inconvénients normaux de voisinage ; [ ]". T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair, préc. ; T.G.I. de Nanterre, 24 nov. 1982, Épx Durupt.

122 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage III. FONDEMENT ET RÉPARATION DU TROUBLE DANS L ACTION EN RESPONSABILITÉ CIVILE A. Quels sont les fondements de la responsabilité civile? 1. Faute contractuelle Cass. 3 ème civ., 1 er déc. 1999, Société Raid, n 98-14.040 : "Attendu, d'autre part, que, sans se fonder exclusivement sur les attestations des copropriétaires de l'immeuble, la cour d'appel a, sans dénaturation, retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des documents versés aux débats par chacune des parties, que l'existence de nuisances sonores occasionnées par la société Raid était établie et constituait une infraction au règlement de copropriété ; [ ]". T.I. de Paris, 11 déc. 1997, Mme Roux, préc. ; C.A. de Paris, 6 nov. 1987, Casadei, Juris-Data n 026514. 2. Faute délictuelle et quasi-délictuelle Cass. 2 ème civ., 23 oct. 1991, M. Sieffert, n 90-14.914 : "Attendu que les époux Sieffert reprochent au jugement de les avoir condamnés à payer aux époux Wiebel une certaine somme alors que d'une part, ne constitue pas un témoignage le relevé de mesures acoustiques effectué par un spécialiste intervenant à la demande d'une partie et rémunéré par elle, selon une méthode dépendant de sa seule appréciation, de telle sorte qu'en retenant pour seul fondement de sa décision ses constatations, non établies contradictoirement, le tribunal d'instances aurait violé les droits de la défense, ainsi que les articles 16 et 202 du nouveau Code de procédure civile, et alors que, d'autre part le tribunal n'aurait pas répondu aux conclusions qui critiquaient la méthode utilisée par le technicien et relevaient des erreurs ; Mais attendu que la nature même des infractions alléguées excluait que la preuve en fût rapportée par des opérations opérées contradictoires ; [ ]". C.A. de Paris, 12 avril 1988, Moguerou, Juris-Data n 021804 ; T.G.I. de Paris, 19 mai 1987, Clair, préc. ; T.G.I. de Paris, 21 déc. 1984, Mme L, écho-bruit 1986. B. Comment le préjudice est-il réparé? C.A. de Montpellier, 26 mars 1997, Mutte, préc. : "Attendu qu'il en résulte que les copropriétaires ont subi durant l'activité de la société ART ET SON un trouble de jouissance dont il est dû réparation, l'expert ayant préconisé un renforcement de l'isolation ; Attendu que le tribunal a estimé de bon droit que la gérée acoustique supportée par les intimés durant la période pendant laquelle la SARI. ART ET SON a occupé le local considéré devait être réparée, Attendu que le tribunal au vu des considérations techniques sur la nature de la gêne éprouvée a, à bon droit, considéré qu'il avait des éléments de détermination suffisants pour fixer le montant du dommage et intérêts dût aux demandeurs à la somme de 15.000 francs ; [ ]". C.A. de Paris, 9 avril 1987, Amoyel, Juris-Data n 021998 ; T C.A. de Paris, 1 er juill. 1986, Simprez, Juris-Data n 034556 :

Fiche D.1 : Instruments de musique 123.G.I. de Nanterre, 24 nov. 1982, Épx Durupt ; T.G.I. de Paris, 11 juin 1982, Épx l'épine, préc. IV. QUELLES SONT LES SANCTIONS PÉNALES RÉPRIMANT LES BRUITS DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE? A. Article R. 48-1 à R. 48-4 du Code de la santé publique C.A. de Paris, 24 fév. 1997, Cxxx, n 96-05164 : Qu'en l'espèce. le bruit constaté était sans conteste de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage par sa durée, sa répétition ou son intensité au sens de l'article R 48-2 du Code de la santé publique ; Qu'il ne pouvait entrer dans la catégorie des bruits provoqués par des activités professionnelles au sens de l'article R 48-3 du Code de la santé publique dès lors qu'il s'agissait, non de concerts ni même de leçons particulières de musique mais de simples répétitions privées dont le caractère professionnel n'est aucunement avéré ; [ ]". B. Tapage nocturne