Quand la faute de la victime n'exclut pas la responsabilité du SDIS. Cour administrative d'appel de Nancy 4 août 2005. Sommaire :



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Transcription:

Quand la faute de la victime n'exclut pas la responsabilité du SDIS Cour administrative d'appel de Nancy 4 août 2005 Sommaire : M. F. est décédé après être tombé du toit de sa maison dans des circonstances dues, selon le tribunal administratif de Nancy saisi par sa veuve, à son propre comportement. Sur appel de Mme F., la cour administrative d'appel de Nancy estime cependant qu'en dépit de la faute de la victime, le retard d'intervention des pompiers a joué un rôle dans la réalisation du dommage.«considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F., après s'être aperçue que son époux, alors en état d'ébriété, s'était rendu sur le toit de leur habitation et s'y était endormi, a alerté les pompiers par le 18 à 0 h 54 ; que, bien qu'ayant donné les précisions suffisantes sur l'état de son époux, son caractère violent et les circonstances de son comportement, elle s'est heurtée à un refus caractérisé d'intervention de la part de l'opérateur du centre de transmission de l'alerte de Meurthe-et-Moselle ; que, quelques minutes plus tard à 0 h 58, l'un de ses amis, qui avait constaté l'impossibilité d'accéder sur les lieux sans protection, a renouvelé l'appel auprès du centre en sollicitant au moins le prêt d'un harnais de sécurité et a essuyé un nouveau refus d'intervention ; qu'au vu de la demande du commissariat de police arrivé sur les lieux à 1 h 16 leur demandant une échelle de secours, les pompiers du centre de Neuves-Maisons sont arrivés sur place à 1 h 28, cinq minutes après que M. F., se réveillant et tentant de se mettre debout, eut chuté du toit ; que, si le comportement imprudent de M. F. a inévitablement concouru à la réalisation du dommage, il résulte cependant de la chronologie des faits sus relatés que l'attitude des opérateurs du centre de transmission de l'alerte de Meurthe-et-Moselle a eu pour effet de retarder le sauvetage de l'intéressé, alors même que cette intervention ne revêtait pas de difficultés insurmontables pour des sauveteurs professionnels ; qu'ainsi, Mme F. est fondée à soutenir que la faute commise a, de façon certaine, compromis les chances de son époux de se soustraire à la situation dangereuse dans laquelle il était placé et que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le lien de causalité entre le décès de M. F. et la faute du service n'était pas établi». Texte intégral : Cour administrative d'appel de Nancy 4 août 2005 Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 mars 2001, complétée par le mémoire enregistré le 3 juillet 2002, présentée pour Mme Valérie F. élisant domicile [...], par Me Patrice Vicq, avocat ; Mme F. demande à la Cour : 1 ) d'annuler le jugement n 991292 en date du 23 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à lui verser, tant en sa qualité d'épouse qu'en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures, les sommes de 1 545

028,84 francs et de 681 036,41 francs en réparation des préjudices subis par suite du décès de M. F. dans la nuit du 4 au 5 août 1996 ; 2 ) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à lui verser les sommes de : - 30 489 euros en réparation de son préjudice moral propre, - 30 489 euros en réparation du préjudice moral subi par sa fille Kim, - 30 489 euros en réparation du préjudice moral subi par sa fille Mégan, - 199 059,88 euros en réparation de son préjudice économique propre, - 19 136,14 euros en réparation du préjudice économique subi par sa fille Kim, - 23 707,59 euros en réparation du préjudice économique subi par sa fille Mégan, - 5 899,39 euros en réparation du préjudice matériel ; 3 ) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à lui verser une somme de 3048,98 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Mme F. soutient que : - la requérante a essuyé un refus d'intervention des sapeurs-pompiers qui ne sont arrivés qu'après intervention de la police et après la chute mortelle de son mari, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité du service ; - le tribunal, en considérant à tort que le lien de causalité entre le retard fautif et la chute de M. F. n'était pas établi, a méconnu l'autorité de la chose jugée au pénal et commis une erreur dans l'appréciation des éléments de la cause ; - le dommage est la conséquence du retard à intervenir dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il était impossible de sauver M. F. ; - les préjudices moral et économique sont certains, M. F. laissant derrière lui une épouse sans ressources ayant à charge deux jeunes enfants âgées de 8 et 4 ans au moment de l'accident ; - le préjudice matériel découle de l'ensemble des frais d'obsèques ; Vu le jugement attaqué ; Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2001, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy, déclarant ne pas avoir à intervenir à la présente instance ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2001, présenté pour le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle par la SCP d'avocats Lagrange et associés ; le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement, à un partage de responsabilité ; Le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle soutient que : - devant les premiers juges, les débats n'ont porté que sur l'existence du lien de causalité ; - le juge répressif se déclarant incompétent pour apprécier la faute de service, la décision qu'il a prise ne peut avoir aucune autorité particulière si ce n'est d'établir les faits sur la base desquels le juge administratif doit statuer ;

- la faute de la victime, qui, sans raison, est montée sur le toit alors qu'elle était en état d'ébriété caractérisé, doit avoir pour effet d'exonérer l'administration de toute responsabilité ; - à supposer que la faute commise par les agents du service ait joué un rôle causal direct dans la survenance du dommage, celle-ci doit être relativisée au regard de l'attitude des autres personnes présentes et de la faute de la victime ; - subsidiairement, à supposer que le service soit intervenu plus tôt, il ne peut être exclu que M. F. ait chuté de la même manière avant que l'intervention ne soit effective ; - le chiffrage des préjudices est excessif dans la mesure où il résulte des pièces du dossier que la requérante dispose de ressources, a bénéficié d'un capital décès et dans la mesure où les frais de monument et de caveau ne sauraient être intégrés ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2005 : - le rapport de Mme Monchambert, président, - les observations de Me Vicq, avocat de Mme F., et de la SCP Lagrange et associés, représentée par Me Zillig, avocat du service départemental d'incendie et de secours, - et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ; Sur la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe et Moselle : Considérant que M. F. a trouvé la mort, dans la nuit du 4 au 5 août 1996 en faisant une chute du toit de son habitation à P. ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme F. tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à raison des conséquences dommageables de cet accident, faute pour la requérante d'établir le lien de causalité entre le retard mis par le service à intervenir sur les lieux et la chute de son mari due à son propre comportement ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F., après s'être aperçue que son époux, alors en état d'ébriété, s'était rendu sur le toit de leur habitation et s'y était endormi, a alerté les pompiers par le 18 à 0H54 ; que bien qu'ayant donné les précisions suffisantes sur l'état de son époux, son caractère violent et les circonstances de son comportement, elle s'est heurtée à un refus caractérisé d'intervention de la part de l'opérateur du centre de transmission de l'alerte de Meurthe-et-Moselle ; que quelques minutes plus tard à 0H58, l'un de ses amis, qui avait constaté l'impossibilité d'accéder sur les lieux sans protection, a renouvelé l'appel auprès du centre en sollicitant au moins le prêt d'un harnais de sécurité et a essuyé un nouveau refus d'intervention ; qu'au vu de la demande du commissariat de police arrivé sur les lieux à 1H16 leur demandant une échelle de secours, les pompiers du centre de Neuves-Maisons sont arrivés sur place à 1 H28, cinq minutes après que M. F., se réveillant et tentant de se mettre debout, eut chuté du toit ;que si le comportement imprudent de M. F. a inévitablement concouru à la réalisation du dommage, il résulte cependant de la chronologie des faits sus relatés que l'attitude des opérateurs du centre de transmission de l'alerte de Meurthe-et-Moselle a eu pour effet de retarder le sauvetage de l'intéressé, alors même que cette intervention ne revêtait pas de difficultés insurmontables pour des sauveteurs professionnels ; qu'ainsi, Mme F. est fondée à soutenir que la faute commise a, de façon certaine, compromis les chances de son époux de se soustraire à la situation dangereuse dans laquelle il était placé et que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des

circonstances de l'espèce en estimant que le lien de causalité entre le décès de M. F. et la faute du service n'était pas établi ; Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les personnes présentes sur les lieux entre l'alerte et l'arrivée des pompiers aient commis une faute en s'abstenant d'approcher M. F. dont le comportement violent leur était connu, dès lors qu'elles ne disposaient d'aucun équipement de protection pour intervenir ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit le comportement de M. F. a concouru à la réalisation du dommage ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle 30% des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. F. ; Sur la réparation : Considérant qu'à la suite du décès de M. F., qui était âgé de 40 ans et subvenait par son travail aux besoins de sa famille, son épouse et ses deux filles mineures ont subi un préjudice économique dont Mme F. est fondée à demander réparation ; qu'il y a lieu d'estimer à 25 % des revenus annuels de M. F. la part destinée à son épouse et à 10 % la part destinée à chacune de ses filles ; qu'ainsi, compte tenu de l'âge de M. F. lors de son décès, du montant du salaire qu'il percevait avant l'accident et de la pension de réversion dont bénéficie la requérante, il sera fait une juste appréciation des pertes de revenus subies par Mme F. et ses filles du fait du décès de son époux en les fixant à la somme de 190 000 euros ; Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation due au titre du préjudice moral subi par Mme F., chargée d'assurer seule l'éducation de ses deux filles âgées respectivement de 8 et 4 ans au moment du décès de son époux, en l'évaluant à 20 000 euros ; que, par ailleurs, le montant de la réparation du préjudice moral subi par les deux enfants résultant du décès de leur père doit être évalué à 7 500 euros pour chacune d'elle ; Considérant que si Mme F. réclame une indemnité de 39 281,24 F (5988,39 euros) au titre des frais d'obsèques de M. F., il ressort des factures qu'elle a produites à l'appui de sa demande que ces frais englobent, outre les frais funéraires proprement dits et les frais de publication, des frais de concession et de réalisation de caveau qui ne peuvent être intégralement pris en compte et doivent être réduits de moitié compte tenu du nombre de places ; qu'ainsi, il y a lieu d'accorder à Mme F. une somme de 3961,33 euros ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice global s'élève à 228 961,33 euros ; que compte tenu du partage de responsabilité sus-énoncé, la somme que le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe et Moselle est condamné à payer à Mme F. s'élève à 30% de cette somme, soit 68 688,40 euros ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à verser à Mme F. une somme de 1 000 euros sur ce fondement ; Décide : Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 23 janvier 2001 est annulé. Article 2 : Le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle versera à Mme F. une somme de soixante huit mille six cent quatre-vingt-huit euros quarante (68 688,40 euros) en réparation des préjudices subis par suite du décès de M. F..

Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle versera à Mme F. une somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F. est rejeté. Article 5 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et- Moselle présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Valérie F., à la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy et au service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et- Moselle. Dalloz jurisprudence Editions Dalloz 2009