Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions



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Transcription:

Doctrine Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions Hélène Rosoux 1 Candidat-notaire Collaboratrice scientifique de l Université de Liège Introduction 157 table des matières I. Régime européen 159 A. Loi successorale applicable à défaut de choix 159 B. Choix de la loi successorale 159 C. Loi applicable à la validité des dispositions à cause de mort 160 D. Loi applicable au contenu des dispositions à cause de mort 161 Introduction II. Droit transitoire 161 A. Choix de loi effectué avant le 17 août 2015 161 B. Disposition à cause de mort établie avant le 17 août 2015 162 C. Disposition à cause de mort établie avant le 17 août 2015 Régime du choix de loi présumé 163 III. Illustrations 163 A. Application des règles nationales de droit international privé 163 1. Règles belges 163 2. Règles d autres États membres 164 B. Anticipation des règles européennes de droit international privé 165 Conclusion et conseils 166 4. 1. La matière des successions internationales vient de faire l objet d une importante réforme. Le Règlement 650/2012/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 (ci-après «le Règlement») 2 3 est entré en vigueur le 16 août 2012 4. 1. L auteur remercie Monsieur Patrick Wautelet, Professeur à l Université de Liège, pour sa relecture. Cela dit, elle reste évidemment seule responsable des imperfections que le texte comporterait. 2. Règlement relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l exécution des décisions, et l acceptation et l exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d un certificat successoral européen, J.O.U.E., n o L 201 du 27 juillet 2012, p. 107 ; adde les rectificatifs publiés au J.O.U.E. des 14 décembre 2012, n o L 344/3, et 2 mars 2013, n o L 60/140. 3. Sur le Règlement, voy. notamment A. Bonomi et P. Wautelet (avec la collaboration de I. Pretelli et A. Öztürk), Le droit européen des successions commentaire du Règlement n o 650-2012, Bruxelles, Bruylant, 2013, 938 p. ; M. Revillard et G. Khairallah (dir.), Droit européen des successions internationales, Paris, Defrénois, 2013, 240 p. ; L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», in Actualités en droit international privé (coord. A. Nuyts), Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 7 33 ; J. L. Van Boxstael, «Le Règlement successoral européen», Rev. not. belge, 2012, pp. 838 863 ; E. Goossens et A. L. Verbeke, «De Europese erfrechtverordening», in Themis IPR, Bruges, die Keure, 2012, pp. 110-141 ; N. Torfs et E. Van Soest, «Le Règlement européen concernant les successions : D.I.P., reconnaissance et certificat successoral», in Confronting the frontiers of family and succession law, Liber amicorum Walter Pintens, A. L. Verbeke, J. M. Scherpe, Ch. Declerck, T. Helms et P. Senaeve (éds), Anvers, Intersentia, 2012, pp. 1443 1458 ; W. Pintens, «Naar een europese internationaal erfrecht», in Patrimonium 2012, Anvers, Intersentia, pp. 361 369 ; Le Règlement européen du 4 juillet 2012 sur les successions internationales. Actes du colloque organisé le 12 avril 2013 par l université de Pau et des Pays de l Adour, Dr. fam., octobre 2013, pp. 8 26 ; M. Revillard, «Successions internationales : le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 en matière de successions», Defrénois, n os 15-16, 15-30 août 2012, n o 40564, pp. 743 754 ; S. Godechot-Patris, «Le nouveau droit international privé des successions ; entre satisfactions et craintes», Rec. Dalloz, 25 octobre 2012, n o 37, pp. 2462 2469 ; P. Lagarde, «Les principes de base du nouveau Règlement européen sur les successions», Rev. crit. DIP, 101 (4), octobre-décembre 2012, pp. 691 732 ; F. Boulanger, «Révolution juridique ou compromis en trompe-l œil? À propos du nouveau Règlement européen sur les successions internationales», J.C.P., éd. G, 15 octobre 2012, n o 42, 1120, pp. 1903 1909 ; M. Goré, «La professio juris», Defrénois, n os 15-16, 15-30 août 2012, n o 40568, pp. 762 766 ; M. Grimaldi, «Brèves réflexions sur l ordre public et la réserve héréditaire», Defrénois, n os 15-16, 15-30 août 2012, n o 40563, pp. 755 761 ; B. Reynis, «Le certificat successoral européen, un acte authentique européen», Defrénois, n os 15-16, 2012, pp. 767 771. 4. C est-à-dire le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l Union européenne (art. 84 Règl.). Le Règlement est directement applicable dans l ordre juridique des États membres de l Union européenne (art. 84 Règl.), à l exception du Danemark, et 157

Doctrine Hélène Rosoux Ce nouveau Règlement s applique aux successions des personnes qui décèderont à partir du 17 août 2015 (art. 83, 1 er, et 84) 5 6. Ces successions seront dès lors dévolues en vertu de la loi désignée par le Règlement, lequel se substituera immédiatement aux règles belges de droit international privé successoral, principalement contenues dans le Code de droit international privé 7. Le Règlement prévoit par ailleurs une double «clause de sauvegarde» à l égard d actes qui auraient été posés avant le 17 août 2015 (art. 83, 2 et 3, Règl.) 8, laquelle ne fonctionnera que si le décès a lieu après cette date. Les dispositions transitoires du Règlement permettent ainsi de valider rétroactivement une disposition à cause de mort 9 ou un choix de loi qui seraient établis avant le 17 août 2015 conformément à ses règles substantielles et formelles. Si la disposition à cause de mort ou le choix de loi n étaient pas validés en vertu du Règlement, ils pourraient encore être «sauvés» s ils répondent aux exigences de la loi désignée par les règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment où ils ont été établis, dans certains États. 2. Jusques et y compris le 16 août 2015, il est dès lors possible de planifier une succession tantôt sur la base des règles nationales de droit international privé qui, comme nous le verrons, sont parfois plus souples que les règles européennes, tantôt sur la base des nouvelles règles européennes. Il faut dès lors se demander, avant que le Règlement n entre en application, si cette période transitoire n offre pas des opportunités intéressantes pour la planification successorale. La date de la planification revêt ici toute son importance, car pour toutes les planifications qui auront lieu à partir du 17 août 2015, seules les règles européennes seront pertinentes. Or, nous allons voir que ces règles n offriront plus certaines possibilités qu offre actuellement le Code de droit international privé. 3. Les règles nationales de droit international privé successoral des États resteront pertinentes après l entrée en application du Règlement en ce qui concerne la liquidation et le partage des successions ouvertes avant cette date 10. Il ne faut donc certainement pas planifier une succession sur la base des règles européennes, en tout cas sur la base de celles qui «innovent» par rapport aux règles actuelles du Code de droit international privé 11, s il y a des chances raisonnables que le décès survienne avant le 17 août 2015. 4. Après une brève présentation du régime européen et de ses principales différences avec le régime belge actuel (I), le régime transitoire du Règlement sera exposé (II). Nous tenterons ensuite d illustrer, au moyen de plusieurs exemples, l intérêt qu il peut y avoir de procéder avant l entrée en application du Règlement à une planification patrimoniale, dans la mesure où la période transitoire jusqu au 16 août 2015 permet de profiter d un panel de règles plus étoffé qu il ne le sera bientôt (III) 12. 158 du moins pour le moment du Royaume-Uni et de l Irlande. Il aura une application universelle, en ce sens que toute loi qu il désigne s applique même si cette loi n est pas celle d un État membre (art. 20 Règl.). 5. La date à prendre en considération est donc la date du décès. Elle résultera le plus souvent de l acte de décès, sans qu il soit nécessaire de consulter à cet égard la loi successorale. Cette dernière loi régit le moment auquel s ouvre la succession en tant que telle. Le moment de l ouverture de la succession pourrait ne pas coïncider avec le moment du décès du de cujus, par exemple en cas d absence. Dans un tel cas, le droit applicable à l absence est déterminé par les règles nationales de droit international privé (art. 41 C. DIP), et non par celles du Règlement (art. 1, 2, c, Règl.) (P. Wautelet, «Article 83», in Le droit européen des successions commentaire du Règlement n o 650-2012, op. cit., p. 856, n o 3). 6. Les articles 79 à 81 du Règlement sont déjà entrés en application, mais ils n intéressent pas la planification patrimoniale en tant que telle (en ce sens également, P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», T.E.P., 2013, p. 51, n o 35). 7. Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (M.B., 27 juillet 2004), entrée en vigueur le 1 er octobre 2004 (art. 140). 8. Et ce, sans limite dans le temps (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 858, n o 6 ; L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 10). 9. En vertu de l article 3, paragraphe 1 er, d, du Règlement, les termes «disposition à cause de mort» visent «un testament, un testament conjonctif ou un pacte successoral». 10. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 52, n o 39 ; P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 857, n o 4, et p. 861, n o 13. Il est peu vraisemblable que les juridictions appliqueront anticipativement les dispositions européennes pour les successions ouvertes avant le 17 août 2015, dans la mesure où les règles de droit international privé successoral sont clairement exposées dans le Code de droit international privé (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 857, n o 5). Comp., en France, P. de Vareilles- Sommières, «Pour une meilleure consolidation européenne des dispositions de planification successorale prises avant le 17 août 2015 relativement à une succession internationale», Rec. Dalloz, n o 35, 2012, p. 2321. 11. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 53, n o 42. 12. Sur le régime transitoire du Règlement, voy. également P. de Vareilles-Sommières, «Pour une meilleure consolidation européenne des dispositions de planification successorale prises avant le 17 août 2015 relativement à une succession internationale», op. cit., p. 2321 ; P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., pp. 49 60 ; N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», Rev. not. belge, 2013, pp. 463 480 ; P. Wautelet, «Article 83», op. cit., pp. 855 et s. ; C. Schoppe, «The intertemporal provisions regarding choiceof-law clauses under Europeanised inheritance law», IPRax, 2014/1, pp. 27 et s.

Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions Doctrine I. Régime européen 5. Comme dans le régime belge, la loi successorale est en principe la loi de la dernière résidence habituelle du défunt (A), à moins qu il n ait choisi la loi applicable à sa succession (B). A. Loi successorale applicable à défaut de choix 6. La loi de la dernière résidence habituelle 13 du défunt régit en principe toute la succession, meubles et immeubles confondus (art. 21 Règl.), là où le Code de droit international privé réserve un traitement différent aux immeubles que le de cujus possédait dans un autre État que celui de sa dernière résidence habituelle (art. 78 C. DIP). En droit international privé belge, les immeubles situés à l étranger sont en effet soumis à la loi de leur localisation, ce qui conduit au morcellement de la succession en plusieurs masses étanches, sauf lorsque les règles du renvoi permettent de réunifier la succession. B. Choix de la loi successorale 7. Comme le Code de droit international privé, le Règlement permet au de cujus de choisir la loi applicable à sa succession (professio iuris). De manière générale, une professio iuris permet de planifier une succession sur des bases relativement solides : elle se justifie à chaque fois qu elle permet d éviter les incertitudes quant à la localisation de la résidence habituelle du de cujus 14 15, car elle «fige» la loi successorale malgré un éventuel déplacement ultérieur de la résidence habituelle dans un autre État ; elle permet dans certains cas de soumettre la succession au même droit qu une autre question de 13. Sur les difficultés que peut susciter la localisation de la résidence habituelle, voy. H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», in Le testament de sa rédaction à son interprétation, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 60 68, n os 6-19. 14. Que ce soit au moment de l établissement de la disposition à cause de mort (pour les questions soumises à la loi successorale hypothétique), ou au moment du décès (pour les questions soumises à la loi successorale effective). 15. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 60, n o 59 ; C. Lisanti, «La professio iuris dans le Règlement successions du 4 juillet 2012», Gaz. Pal., vendredi 14 et samedi 15 juin 2013, n os 165-166, p. 25, n o 12 ; L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 22. droit patrimonial, par exemple, liée au régime matrimonial ou à une libéralité entre vifs 16 ; elle ne peut pas être écartée en vertu du renvoi (art. 34 Règl.) ou par le jeu de la clause d exception (art. 2, 2, Règl.). Une professio iuris peut être modifiée ou révoquée, lorsqu elle ne rencontre plus les objectifs du de cujus 17. 8. Le régime de la professio iuris dans le Règlement (art. 22) diffère à plus d un titre de celui mis en place par le Code de droit international privé (art. 79). 8.1. Les deux instruments permettent au de cujus de choisir la loi de l État dont il a la nationalité au moment du choix ou au moment de son décès. Le choix reste valable même si lors de son décès, le de cujus n a plus la nationalité de l État dont il avait choisi la loi au moment du choix 18. Le Code de droit international privé est toutefois plus souple que le Règlement en ce qu il permet également au de cujus de choisir la loi de l État dans lequel il a sa résidence habituelle au moment du choix ou au moment de son décès, ce que ne permet pas le Règlement. À partir du 17 août 2015, le de cujus ne pourra donc plus choisir la loi de l État dans lequel il a sa résidence habituelle au moment du choix. 8.2. Le Code de droit international privé est en revanche plus «timide» que le Règlement à un autre point de vue, dans la mesure où il réserve d emblée la position des héritiers réservataires. La portée du choix est limitée, en vertu de l article 79 de ce Code, par le «droit à la réserve» qu assure le cas échéant la loi qui aurait régi la succession à défaut de choix 19. Quant au Règlement, qui ne connaît pas cette limitation, il permet un choix de loi que l on pourrait qualifier de «plein et entier» 20. Il reste que l exception d ordre public international pourrait intervenir si aucune protection mini- 16. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 60, n o 59. 17. La modification ou la révocation d un choix de loi qui serait fait dans un pacte successoral pose question, puisque par définition un pacte successoral lie les parties. À ce sujet, voy. L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 15. 18. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., pp. 858 859, n o 7. 19. Ceci explique que jusqu à présent, la professio iuris n a eu qu un succès mitigé en Belgique (en ce sens, P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 50, n o 33). 20. En ce sens, voy. N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 470, n o 6. Cela ne devrait pas conduire à des abus, dans la mesure où la loi nationale, seule à pouvoir être choisie, entretient en principe des liens assez forts avec de cujus. En conséquence, jamais un ressortissant belge ne devrait en principe «échapper» au mécanisme de la réserve par un choix de loi. Tout au plus, un tel choix permettra au de cujus ressortissant d un État qui n attribue pas de «droit à la réserve» à certaines personnes d y échapper alors même que la loi de l État de sa résidence habituelle prévoirait, quant à elle, un tel droit. 159

Doctrine Hélène Rosoux 160 male et adéquate des proches n était prévue, que ce soit par la loi choisie pour régir la succession, ou par le de cujus lui-même 21. 8.3. Dans le Règlement, le choix de loi peut être tacite 22, alors que dans le Code de droit international privé, il doit être exprès. Pour éviter qu au décès, un doute ne plane quant à l existence d une professio iuris tacite, ce qui serait contraire à la sécurité juridique, on indiquera expressément dans la disposition à cause de mort si un choix de loi est fait ou si, au contraire, aucun choix n est fait 23 24. 8.4. On ne retrouve pas, dans le Règlement, de règle visant à solutionner le conflit de nationalités. Aussi, si le de cujus a plusieurs nationalités, il peut choisir n importe laquelle de ses lois nationales pour régir sa succession (art. 22, 1 er, al. 2, Règl.) 25, alors qu actuellement, l article 3, paragraphe 2, du Code de droit international privé paraît 26 quant à lui limiter la liberté dont dispose le de cujus. 21. H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., p. 120, n o 99. Il se pourrait ainsi que la loi successorale choisie prévoie d autres mécanismes ayant une fonction équivalente à la réserve, et qui s avèreraient satisfaisants dans le cas d espèce (dans le même sens, voy. A. Bonomi, «Article 35», in Le droit européen des successions commentaire du Règlement n o 650-2012, op. cit., pp. 544 545, n o 34). 22. Le Règlement permet en effet de déduire un choix de loi des termes d une disposition à cause de mort (art. 22, 2). Adde le considérant 39 du préambule. 23. Lors du décès, certains héritiers pourraient par exemple tenter d interpréter à leur avantage la référence à tel ou à tel élément inséré par le testateur dans sa disposition sans qu il y ait vraiment réfléchi, comme constituant un choix de loi. 24. Pour plus de détails, voy. H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., pp. 133 134, n o 112 et les références citées. 25. Des personnes principalement mues par des objectifs successoraux tenteront peut-être d obtenir une naturalisation. Cette liberté de choix prévue par le texte ne paraît pas pouvoir être dénaturée. Il reste à voir si la doctrine de la fraude à la loi, évoquée dans les considérants 26 et 52 du préambule, pourra être invoquée dans de tels cas (L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 14). Selon A. Bonomi, le principe général de l abus de droit pourrait peut-être être invoqué dans des cas exceptionnels ; ainsi, «on pourrait admettre que le choix est abusif lorsque le de cujus a acquis la nationalité d un État dans le seul but de soumettre sa succession à la loi de cet État» (A. Bonomi, «Article 22», in Le droit européen des successions commentaire du Règlement n o 650-2012, op. cit., p. 332, n o 81). 26. P. Wautelet plaide cependant de lege lata et de lege feranda pour une approche plus large de la professio iuris. L auteur relève notamment que l application de la règle visant à solutionner le conflit de nationalités ne s impose pas pour permettre le bon fonctionnement de la règle de rattachement, laquelle repose d abord et avant tout, en cas de choix de loi, sur la volonté du de cujus (P. Wautelet, «L option de loi et les binationaux : peut-on dépasser le conflit de nationalités?», R.G.D.C., 2012, pp. 414 430). 8.5. On notera par ailleurs que dans le Règlement, le de cujus peut limiter la portée de son choix de loi à «sa disposition à cause de mort, quant à sa recevabilité et à sa validité au fond» (art. 24, 2, Règl.) ou à un «pacte successoral, quant à sa recevabilité, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution» (art. 25, 3, Règl.). Contrairement à la règle générale du choix de loi (art. 22 Règl.), en vertu de laquelle la loi choisie régit toute la succession, il s agit ici d un choix de loi partiel 27 28. Son régime ne sera pas abordé ici, dans la mesure où il n est pas certain qu il puisse bénéficier du régime transitoire bienveillant de l article 83, paragraphe 2, du Règlement. C. Loi applicable à la validité des dispositions à cause de mort 9. En ce qui concerne la validité en la forme, le Règlement se réfère, voire reprend, les règles de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires 29 (art. 27 et 75, 1 er, al. 2, Règl.). L article 83 du Code de droit international privé dispose quant à lui que la forme des dispositions à cause de mort est régie par la loi applicable en vertu de cette même Convention. Le large éventail de critères de rattachement alternatifs offert par cette Convention permet de valider la forme des dispositions à cause de mort dans la plupart des cas 30. 10. La validité au fond des dispositions à cause de mort est en principe soumise à la loi successorale (art. 24 et 25 Règl.), comme c est le cas en droit international privé belge (art. 80, 5, C. DIP). Le législateur européen retient néanmoins une version particulière de cette règle. Il se réfère à la loi qui se serait appliquée au titre de loi successorale si le décès était survenu le jour où la disposition à cause de mort a été établie. Le Règlement prévoit donc l application à cette question de la loi successorale hypothétique, par opposition à la loi successorale effective, effectivement applicable au décès (voy. supra, n o 6). Le mécanisme de la loi successorale hypothétique connaît une application différente selon qu il concerne 27. Pour le surplus, ce choix de loi partiel repose sur les mêmes modalités que celles prévues à l article 22. 28. Sur l intérêt que peut revêtir un tel choix partiel, voy. H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., p. 96, n o 77 et références citées. 29. Loi belge du 29 juillet 1971, M.B., 29 décembre 1971. 30. Il n y donc pas vraiment d intérêt à se demander s il faut profiter des règles belges plutôt que des règles européennes, ou l inverse, durant la période transitoire, en ce qui concerne la validité formelle des dispositions à cause de mort.

Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions Doctrine un testament (art. 24) ou un pacte successoral (art. 25) ; nous ne le détaillerons pas ici 31. D. Loi applicable au contenu des dispositions à cause de mort 11. Comme dans le Code de droit international privé (art. 80, 1 er, 6 ), la loi successorale constitue la «loi cadre» en matière de succession volontaire 32. La loi successorale effective (déterminée par les articles 21 et 22 du Règlement) encadre donc la liberté du disposant, ou, en d autres termes, la mesure dans laquelle la disposition à cause de mort va pouvoir sortir ses effets (art. 23, 2, h et i, Règl.). Le Règlement ne tranche toutefois pas clairement le point de savoir si certaines des questions relatives au contenu de la disposition à cause de mort échappent à l application de la loi successorale effective, pour être soumises à la loi successorale hypothétique visée aux articles 24 et 25 33. II. Droit transitoire 12. Les dispositions transitoires de l article 83 du Règlement prévoient une double «clause de sauvegarde» à l égard d actes posés avant le 17 août 2015, lorsque le décès a lieu à partir de cette date (voy. déjà supra, n o 1). L examen de ce régime transitoire présente donc un intérêt pour la planification des successions des personnes dont il est fort probable qu elles ne décèderont pas avant cette date. Si le décès a lieu avant le 17 août 2015, le Règlement n aura en effet, rappelons-le, aucune pertinence. Le Règlement contient, d une part, une disposition transitoire relative au choix de loi (art. 83, 2, Règl.) (A) et d autre part, une disposition transitoire relative aux dispositions à cause de mort (art. 83, 3, Règl.) (B). Une disposition à cause de mort qui contiendrait à la fois un choix de loi et des dernières volontés «substantielles» appellerait l application respective des paragraphes 2 et 3 34. 31. Pour plus de détails, voy. H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., pp. 92 et s., n os 71 et s. 32. En droit international privé belge, voy. P. Wautelet, «Le nouveau régime des successions internationales», R.G.D.C., 2005, p. 382, n o 21. 33. À ce sujet, voy. A. Bonomi, «Article 24», in Le droit européen des successions commentaire du Règlement n o 650-2012, op. cit., p. 379, n os 7 et s. ; H. Rosoux et P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., pp. 111 113, n o 95. 34. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 859, n o 8. Ces dispositions transitoires permettent de se référer aux règles européennes nouvelles, mais également aux anciennes règles de droit international privé de certains États, lorsqu elles permettent de valider la disposition (principe de la faveur testamentaire) 35. 13. L article 83, paragraphe 4, du Règlement contient encore une règle «additionnelle», qui présume que le fait qu une disposition à cause de mort ait été rédigée d une certaine manière emporte automatiquement un choix de loi (C). A. Choix de loi effectué avant le 17 août 2015 14. Si le décès a lieu à partir du 17 août 2015, le choix de loi devra être honoré s il répond aux exigences de la loi déterminée par les dispositions du Règlement (art. 22). Il ne faudra pas s assurer en plus que ce choix était valable en vertu des règles nationales de droit international privé des États membres qui étaient en vigueur au moment où il a été fait 36. Un ressortissant français qui réside habituellement en Belgique peut dès aujourd hui choisir la loi française pour régir sa succession, alors même que le droit international privé français n autorise actuellement pas un tel choix 37. Ce choix ne pourra pas être remis en cause si cette personne décède le 17 août 2015 ou après cette date, au motif qu au moment où il a été fait, le Règlement n était pas encore entré en application. Si un tel choix de loi n était pas validé par le Règlement, il pourra encore être «sauvé» s il répond aux exigences de la loi désignée par les règles de droit international privé qui étaient en vigueur au moment du choix dans l État de la résidence habituelle du défunt ou dans l État dont il avait alors la nationalité 38 (art. 83, 2, Règl.) 39 40. 35. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 58, n o 55. 36. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 860, n o 11. 37. Cass. fr. (1 re ch. civ.), 22 décembre 1970, Bonnevide, J.N.A., 1971, art. 50097, p. 660, et la note de G.-A.-L. Droz ; Rev. crit. DIP, 1972, p. 467, et la note de A. Ponsard ; M. Revillard, Droit international privé et communautaire : pratique notariale, Paris, Defrénois, 7 e éd., 2010, p. 414, n o 750. 38. Si le de cujus avait plusieurs nationalités, l on pourra se référer à l un des États dont il avait la nationalité (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 862, n o 15). 39. Contrairement à la règle de droit transitoire concernant les dispositions à cause de mort (art. 83, 3, Règl.), le législateur européen ne permet pas de valider le choix qui serait conforme aux règles de droit international privé qui étaient en vigueur au moment de l établissement de cette disposition, dans l État de l autorité chargée de la succession. Il ne permet pas, par ailleurs, de valider le choix en se référant à la lex rei sitae, s agissant du sort d un immeuble (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 862, n o 16). 40. L article 83, 2, du Règlement ne devrait permettre de sauver que les choix de loi conformes aux règles nationales de droit international privé d un État membre, et non un choix de loi qui serait conforme 161

Doctrine Hélène Rosoux 162 Ainsi, si le de cujus réside habituellement en Belgique ou s il est de nationalité belge au moment du choix, il peut, jusqu à la date d entrée en application du Règlement, faire la professio iuris conformément à l article 79 du Code de droit international privé, sans crainte de la voir remise en cause même s il ne décède qu après que le Règlement soit entré en application. On se souviendra à cet égard que la règle belge de droit international privé offre une possibilité de choix que n offrira bientôt plus le droit européen, puisque sous l empire du Règlement, le de cujus ne pourra plus choisir la loi de sa résidence habituelle au moment du choix (voy. déjà supra, n o 8 ; voy. aussi infra, n o 20). B. Disposition à cause de mort établie avant le 17 août 2015 15. Lorsque le décès aura lieu à partir du 17 août 2015, une disposition à cause de mort établie avant cette date sera valable quant au fond et à la forme si elle répond aux conditions de la loi applicable déterminée par le Règlement (voy. supra, n os 9 et 10). 16. Si la disposition est ainsi validée, il n est pas nécessaire de s assurer en outre de sa validité à la lumière du droit désigné par les règles nationales de droit international privé qui étaient pertinentes au moment auquel elle a été établie 41. 17. Si la disposition à cause de mort n est pas validée en vertu du Règlement, elle pourra encore être «sauvée» si elle conforme au droit désigné par les règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment auquel elle a été faite, dans l un des États suivants : l État de la résidence habituelle ou de la nationalité 42 du défunt 43, ou encore et ceci constitue une différence avec le régime transitoire en cas de choix de loi (voy. supra, n o 14), l État de l autorité chargée de la succession, par exemple un notaire 44 (art. 83, 3, Règl.) 45. aux règles de droit international privé d un État tiers (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 863, n o 18). Comp. l article 83, paragraphe 3, qui précise, lorsqu il se réfère au droit de l État de l autorité chargée de la succession, qu il doit s agir d un État membre. 41. Comp. L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 10. 42. N importe laquelle de ses nationalités, s il en avait plusieurs (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 867, n o 26). 43. Et non celles des autres parties qui ont éventuellement consenti à la disposition. 44. Sans que l on se trouve nécessairement dans le cadre d une procédure judiciaire (en ce sens : P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 867, n o 26). 45. Le régime de l article 83, paragraphe 3, du Règlement, s applique sans qu il soit nécessaire que les parties aient choisi la loi applicable à Ainsi, supposons qu un ressortissant allemand qui réside habituellement aux Pays-Bas depuis une dizaine d années, établisse aujourd hui un pacte successoral portant sur un immeuble situé à Bruxelles 46. Pour apprécier la validité du pacte, tant les règles néerlandaises de droit international privé le de cujus résidant habituellement aux Pays-Bas au moment du pacte, que les règles allemandes de droit international privé le de cujus était un ressortissant allemand au même moment, sont pertinentes, même si le décès survient à partir du 17 août 2015. Le pacte (Erbvertrag) sera valable s il l est en vertu de la loi allemande ( 1941 BGB), désignée par les règles allemandes de droit international privé (loi nationale ; art. 25, al. 1 er, EGBGB), même s il n était valable, au moment auquel il a été établi, ni du point de vue de la loi belge désignée par les règles belges de droit international privé (lex rei sitae ; art. 78, 2, al. 1 er, C. DIP) 47, ni du point de vue du droit néerlandais désigné par les règles néerlandaises de droit international privé (in casu loi de la résidence habituelle, art. 145, 2, livre 10, du Code civil néerlandais et art. 3, 2, et 9, 1 er, de la Convention de La Haye du 1 er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort). À notre sens, il y a lieu de rechercher si les règles de droit international privé de l un de ces États permettent de valider la disposition, conformément au principe de la faveur testamentaire qui sous-tend ce régime transitoire. Dès lors que le droit désigné par les règles de droit international privé européennes ne validerait pas la disposition, il conviendrait de consulter le droit désigné par les règles nationales de droit international privé des États visés à l article 83, paragraphe 3, jusqu à ce que l un de ces droits permette de valider la disposition. À notre avis, il convient d appliquer celui de ces droits, s ils sont plusieurs à la valider, qui le fait dans la plus grande mesure, étant entendu qu une loi étrangère pourrait être écartée pour contrariété à l ordre public (art. 35 Règl.), par exemple si la loi étrangère applicable à la validité au fond d un pacte successoral était trop «permissive». la disposition à cause de mort (P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 867, n o 27). 46. L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 10. 47. En ce sens, P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 866, n o 25.

Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions Doctrine C. Disposition à cause de mort établie avant le 17 août 2015 Régime du choix de loi présumé 18. En vertu de l article 83, paragraphe 4, du Règlement, «Si une disposition à cause de mort, prise avant le 17 août 2015, est rédigée conformément à la loi que le défunt aurait pu choisir en vertu du présent Règlement, cette loi est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession». Il s agit d une fiction de choix de loi, indépendante du régime de l article 83, paragraphe 3, du Règlement 48, et non d un choix de loi tacite. Si cette loi présumée choisie (que le de cujus et non toutes les parties s il y en a plusieurs aurait pu choisir en vertu de l article 22 du Règlement) permet de valider la disposition à cause de mort en cause, ce dont il convient tout d abord de s assurer, elle s applique à toute la succession, de manière automatique 49, sans qu il soit donc nécessaire de rechercher quelle était la volonté du de cujus. On y sera dès lors attentif au moment de la rédaction de la disposition à cause de mort, dans la mesure où cela pourrait conduire à méconnaître les intentions réelles du de cujus 50. III. Illustrations 19. S il y a de fortes chances que le décès ne surviendra pas avant le 17 août 2015 (voy. supra, n o 3), il convient de s interroger sur l opportunité de planifier la succession : soit en «profitant» encore, avant le 17 août 2015, des règles belges de droit international privé successoral qu on ne retrouvera plus dans le Règlement, et qui, parfois, offrent plus de souplesse que les règles européennes (d un point de vue belge, il est bien entendu également possible de planifier la succession sur la base de ces règles même si le décès a lieu avant cette date, mais ce n est pas nécessairement le cas du point de vue des autres États), ou en «profitant» encore de celles d autres États (A) ; 48. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 867, n o 29. 49. Comp. S. Godechot-Patris («Le nouveau droit international privé des successions ; entre satisfactions et craintes», Rec. Dalloz, 25 octobre 2012, n o 37, p. 2465), qui se demande quant à elle s il est possible de renverser cette présomption. 50. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., pp. 866 868, n os 31-32 ; L. Abadie, «La loi applicable au sein du Règlement», in Le Règlement européen du 4 juillet 2012 sur les successions internationales. Actes du colloque organisé le 12 avril 2013 par l université de Pau et des Pays de l Adour, Dr. fam., octobre 2013, p. 16, n o 24. soit en appliquant «anticipativement» les nouveautés européennes avant le 17 août 2015 (B). A. Application des règles nationales de droit international privé 1. Règles belges 20. Certaines règles du droit international privé actuel ne pourront plus être utilisées pour les planifications qui auront lieu après l entrée en application du Règlement. Ainsi, le Règlement ne permettra plus le choix de la loi de la résidence habituelle, alors que ce choix est encore permis par l article 79 du Code de droit international privé (voy. déjà supra, n os 8 et 14). S il est probable que le de cujus déménage dans un autre État dans les prochains mois, il peut être intéressant de choisir la loi de sa résidence habituelle actuelle avant que le Règlement n entre en application. Un tel choix, effectué conformément à l article 79 du Code de droit international privé permettra en effet au de cujus, même après son déménagement, d encore bénéficier de l «arsenal juridique» qu offre l État de son ancienne résidence habituelle en matière de planification successorale 51. Ce choix ne sera pas remis en cause, même si au moment du décès, le Règlement était entré en application et que le de cujus résidait habituellement dans un autre État que celui de sa résidence habituelle au moment du choix 52. Illustrons ces propos par deux exemples : 1. un ressortissant français réside habituellement en Belgique au moment de la planification. Il compte retourner vivre en France dans quelques mois. La loi française, qui sera donc probablement la loi de sa résidence habituelle au moment de son décès, est toutefois moins en adéquation que la loi belge avec ses souhaits 53. Avant l entrée en application du Règlement, il pourrait encore choisir la loi belge pour régir sa succession, au titre de loi de l État de sa résidence habituelle au moment du choix 54 ; 2. une personne réside habituellement en Suisse avec sa famille. Elle désire conclure un type particulier de pacte successoral, permis en Suisse et non en 51. N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 476, n o 14. 52. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 59, n o 57 ; P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 865, n o 21. 53. En ce sens également, N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 474, n o 13. 54. Voy. aussi N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 475, n o 14. 163

Doctrine Hélène Rosoux 164 Belgique, où elle compte s installer tout prochainement. Avant l entrée en application du Règlement, cette personne peut encore choisir, pour régir sa succession, la loi suisse, au titre de loi de sa résidence habituelle au moment du choix, car la loi de cet État offre des possibilités intéressantes en matière de pacte successoral 55 56 57. 21. Après l entrée en application du Règlement, les anciennes règles de droit international privé nationales ne seront appliquées qu in favorem professio iuris, c est-à-dire uniquement dans la mesure où elles permettent de «sauver» un choix de loi antérieur 58. En conséquence, il ne sera pas possible d invoquer les anciennes règles nationales de droit international privé pour invalider un choix de loi. Le choix de la loi belge par un ressortissant français qui réside habituellement en Belgique en vertu de l article 79 du Code de droit international privé pour régir sa succession ne sera par exemple pas invalidé à son décès au motif que les règles françaises de droit international privé ne connaissaient pas, au moment du choix, la professio iuris 59 60. 55. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 59, n o 58 ; N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 474, n o 13 ; P. Wautelet, «Droit international privé (2005-2013)», in Chroniques notariales, vol. 57, avril 2013, Bruxelles, Larcier, p. 363. 56. Lorsqu il s interroge sur l opportunité pour le de cujus de choisir une loi étrangère, le planificateur successoral lui suggèrera le cas échéant de vérifier avec un confrère étranger si le choix de cette loi ne permettrait pas de mieux cerner ses objectifs concrets dans le cadre de la planification (N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 470, n o 6). Pour une première information sur le contenu des droits matériels des États membres, voy. le site créé par le Conseil des Notariats de l Union Européenne (C.N.U.E.) : www.successions-europe.eu. Rappelons qu une loi étrangère pourrait le cas échéant être écartée pour contrariété à l ordre public (art. 35 Règl.), en fonction de son degré de «permissivité». 57. Cette solution devrait également être admise en Suisse, même si cet État n est pas lié par le Règlement, dans la mesure où la loi fédérale suisse sur le droit international privé prévoit que «Le pacte successoral est régi par le droit de l État dans lequel le disposant est domicilié au moment de la conclusion du pacte» (art. 95) c est-à-dire par le droit suisse, et que «La succession d une personne qui a eu son dernier domicile à l étranger est régie par le droit que désignent les règles de droit international privé de l État dans lequel le défunt était domicilié» (art. 91) c est-à-dire également la loi suisse en application du choix de loi validé par le Règlement, lequel lie la Belgique. La Suisse admet d ailleurs également la professio iuris, même si elle la connaît selon d autres modalités (art. 90). 58. Dans le même sens, voy. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 56, n o 50. 59. P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 863, n o 19. 60. Comme nous l avons déjà évoqué (voy. supra, n o 19), ceci est vrai, d un point de vue belge, que le décès ait lieu avant ou après le 17 août 2015 ; en revanche, du point de vue de la France, ce choix ne sera respecté que si le décès a lieu à partir de cette date. 22. La question se pose de savoir s il sera possible d invoquer les règles nationales dans la mesure où elles conduiraient, non pas à invalider, mais à amoindrir la portée d une professio iuris. Si la réponse à cette question était négative 61, cela reviendrait à ne pas appliquer «intégralement» ces règles nationales de droit international privé. Par exemple, les proches d un de cujus qui auraient eu un «droit à la réserve» en vertu de la loi successorale applicable à défaut de choix, ne pourraient plus invoquer la finale de l article 79 du Code de droit international privé afin de réduire la portée du choix de loi, à supposer que cette lecture libérale de l article 83 du Règlement soit validée. Une professio iuris faite aujourd hui en vertu de l article 79 du Code de droit international privé n aurait donc pas, dans cette hypothèse, les mêmes effets selon que le décès a lieu avant ou après le 17 août 2015 62. 2. Règles d autres États membres 23. Les dispositions transitoires du Règlement permettent de sauver un choix de loi ou une disposition à cause de mort s ils sont validés par le droit désigné par les anciennes règles de droit international privé de certains États, lesquels peuvent bien entendu être d autres États que la Belgique. Ainsi, supposons que deux ressortissants allemands résident en Belgique. Ils souhaitent établir un testament «Berlinois» 63. Le sort de ce testament pose question, s agissant d un testament conjonctif prohibé en droit belge. Indépendamment de la question de savoir si la prohibition des testaments conjonctifs constitue une question de forme ou de fond 64, il est intéressant de relever que si le testament est établi conformément au droit allemand, désigné par les règles allemandes de droit international privé pertinentes au moment de ce testament (les époux étant alors de nationalité allemande ; art. 25, 1 er, et 26, 5, EGBGB), la règle de l article 83, paragraphe 3, du Règlement permettra à elle seule d en sauvegarder la validité, sous réserve du jeu éventuel de l exception d ordre public international, et sous réserve des dispositions de la loi successorale effective qui encadrent le contenu de cet acte 61. En ce sens, voy. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 56, n o 51. 62. En ce sens, voy. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 57, n o 53 ; P. Wautelet, «Article 83», op. cit., p. 864, n o 20. 63. Il s agit d un testament dans lequel il est prévu que le conjoint survivant recueille la totalité de la succession, chaque conjoint désignant l autre comme légataire universel, et que les enfants n hériteront qu au second décès. 64. Au sujet de laquelle nous renvoyons à notre contribution avec P. Wautelet, «Rédaction de dispositions à cause de mort dans un contexte international», op. cit., pp. 77 et s., n os 38 et s.

Arrêt sur le régime transitoire du Règlement successions Doctrine (voy. supra, n o 11). On pourrait également aboutir à ce résultat simplement en vertu d un choix en faveur de la loi nationale allemande. B. Anticipation des règles européennes de droit international privé 24. Pour que la prise en compte des règles européennes soit pertinente dans le cadre d une planification, il faut, comme cela a déjà été dit, qu il soit très probable que le décès ait lieu après le 16 août 2015. Les règles européennes n auront, on le rappelle, aucun effet pour les successions qui se seront ouvertes avant cette date (voy. supra, n o 3). Dans les lignes qui suivent, nous tentons d illustrer, au moyen d exemples, dans quels cas il peut être opportun d anticiper l application des règles européennes. 25. Un ressortissant français est amené à voyager régulièrement, ce qui peut conduire à des difficultés quant à la localisation de sa résidence habituelle. Il pourrait dès à présent choisir la loi française, au titre de loi de l État de sa nationalité, pour régir sa succession. Ce choix, conforme à l article 22 du Règlement, sera honoré alors qu actuellement, la professio iuris n est pas admise en France 65. Le de cujus pourrait souhaiter faire ce choix dès à présent, sans attendre l entrée en application du Règlement, par exemple pour éviter de risquer que dans l intervalle, il ne soit plus en mesure, pour une raison ou une autre, d exprimer un consentement valable 66. 26. Dans le Règlement, le de cujus qui a plusieurs nationalités peut choisir n importe laquelle de ses lois nationales pour régir l ensemble de sa succession, alors qu actuellement, l article 3, paragraphe 2, du Code de droit international privé paraît de prime abord limiter la liberté du de cujus à cet égard (voy. supra, n o 8) 67. Une personne qui possède à la fois la nationalité belge et la nationalité anglaise pourrait ainsi choisir la loi anglaise pour régir sa succession, ce qui peut être opportun si elle souhaite déshériter ses enfants avec lesquels elle ne s entend plus, et qu elle souhaite établir ce testament aujourd hui, car elle craint de ne plus être en mesure d exprimer un consentement valable si elle attend l entrée en application du Règlement. Il convient ici encore de réserver le jeu éventuel de l exception d ordre public international. 65. Voy. supra, note 37. 66. N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 474, n o 13. 67. Sous réserve de l opinion défendue par P. Wautelet, in «L option de loi et les binationaux : peut-on dépasser le conflit de nationalités?», op. cit. 27. Établir une disposition à cause de mort en vertu de la loi successorale hypothétique, ce qui constitue une nouveauté par rapport à la règle actuelle de droit international privé, permet de cristalliser le critère de rattachement au jour de cette disposition, et dès lors d éviter les incertitudes liées à un éventuel déménagement ultérieur. Ainsi, un de cujus qui réside habituellement en Suisse pourrait établir un pacte successoral conformément au droit suisse, loi successorale hypothétique. L admissibilité de ce pacte restera acquise, même en cas de retour ultérieur en Belgique où un tel pacte n est plus admis 68. Dans cette hypothèse, le de cujus fera bien d exprimer clairement dans sa disposition qu il l établit sur la base de la loi successorale hypothétique, déterminée en vertu de l article 24, paragraphe 1 er, ou en vertu de l article 25, paragraphe 1 er, du Règlement. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la loi successorale effective, qui ne peut être connue avec certitude qu au moment du décès, a, même dans le Règlement, un titre à s appliquer pour des questions cruciales touchant à la liberté du testateur (voy. supra, n o 11), comme «la quotité disponible, les réserves héréditaires et les autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort, ainsi que les droits que les personnes proches du défunt peuvent faire valoir à l égard de la succession ou des héritiers» ainsi que «le rapport et la réduction des libéralités lors du calcul des parts des différents bénéficiaires» (art. 23, 2, h et i, Règl.). L application de la loi successorale effective, au moment du décès moment auquel la disposition à cause de mort sortit en principe ses effets, peut donc remettre en cause cette disposition des années après qu elle a été établie. Encore une fois, on réservera ici l intervention éventuelle de l exception d ordre public. 28. Imaginons qu un ressortissant anglais, père de deux enfants avec lesquels il ne s entend pas, réside habituellement en Belgique et qu il souhaite léguer son patrimoine à une œuvre. Il peut choisir sa loi nationale pour régir sa succession, tant en vertu de l article 79 du Code de droit international privé qu en vertu de l article 22 du Règlement. On peut se demander s il aurait un intérêt à faire ce choix, non pas en vertu de l article 79 du Code de droit international privé, mais en vertu de l article 22 du Règlement, dans la mesure où le choix de loi y est «plein et entier». On ne retrouve en effet pas, dans le Règlement, de «sauvegarde» du droit à la réserve que prévoit le cas échéant la loi successorale applicable à 68. En ce sens également, N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 472, n o 10. 165

Doctrine Hélène Rosoux défaut de choix 69. Un choix de loi qui serait opéré en application de l article 79 du Code de droit international privé doit-il faire craindre une action en réduction qui serait intentée par les enfants lors du décès? Le Règlement ne permet pas de trancher avec certitude la question de savoir si la finale de l article 79 du Code de droit international privé permettra d amoindrir les effets d une professio iuris après l entrée en application du Règlement (voy. déjà supra, n o 22). Aussi, dans l attente d une confirmation de la lecture libérale de l article 83 du Règlement, évoquée ci-dessus, il peut sembler opportun, pour accroître les chances que le choix de loi puisse sortir ses pleins effets, de choisir la loi successorale sur la base de l article 22 du Règlement, plutôt que sur la base de l article 79 du Code de droit international privé. Dans cette optique, on conseillera au de cujus de viser expressément, dans son choix de loi, l article 22 du Règlement comme fondement de ce choix, ce qui pourrait réduire le risque que plus tard, son choix ne soit analysé sur la base de l article 79 du Code. Conclusion et conseils 29. Durant la période transitoire jusqu au 17 août 2015, il faut être particulièrement attentif dans les cas de figure suivants : lorsqu un changement de résidence habituelle est prévisible, le choix de la loi de l État de la résidence habituelle actuelle du de cujus peut offrir des opportunités plus conformes à son projet de planification, que celles qu offrira le droit de l État de sa prochaine résidence habituelle 70 ; les personnes ressortissantes d États qui ne connaissent pas la professio iuris, et dont on peut prévoir qu il sera malaisé de localiser la résidence habituelle au décès, peuvent déjà choisir la loi de leur nationalité, pour régir leur succession ; ce choix 69. Ces proches pourraient tenter d invoquer l exception d ordre public ; à ce sujet, voy. supra, n o 8. 70. Rappelons que d un point de vue belge, peu importe à cet égard que le décès ait lieu avant ou après le 17 août 2015 ; mais aux yeux d autres ordres juridiques, un tel choix de loi ne sera le cas échéant honoré que si le décès survient après cette date (voy. supra, n o 19). ne sortira ses effets que si le décès a lieu après le 16 août 2015 71 ; le de cujus qui a plusieurs nationalités peut choisir n importe laquelle de ses lois nationales pour régir l ensemble de sa succession dans le Règlement ; un tel choix, qui ne tiendrait donc pas compte de la règle de l article 3, paragraphe 2, du Code de droit international privé visant à résoudre le conflit de nationalités, ne sortira à notre avis ses effets que si le décès a lieu après le 16 août 2015, s il se confirme que l article 3, paragraphe 2, limite bien les possibilités du de cujus à cet égard (voy. supra, n o 8) ; etc. 30. On sait par ailleurs qu un changement de nationalité peut entraîner la perte de l ancienne nationalité. Comme le de cujus peut choisir la loi de l État de sa nationalité au moment du choix ou au moment de son décès, tant dans le Code de droit international privé que dans le Règlement, il faut, chaque fois qu un tel changement de nationalité est envisagé, analyser si le choix de la loi nationale actuelle n offre pas des possibilités plus conformes au projet de planification, que celles qu offrira le droit de l État de la prochaine nationalité (qui pourrait en effet très bien être le droit d un autre État que celui de sa résidence habituelle). Si c est le cas, il faut, et ceci restera valable même après l entrée en application du Règlement, conseiller le choix de loi avant d opérer le changement de nationalité 72. 31. Une fois que le Règlement sera en application, il sera également sage de revoir les testaments qui ont été établis dans une perspective de morcellement de la succession 73, puisque désormais, une seule loi régira en principe la dévolution de toute la succession (voy. supra, n o 6). 71. À cet égard, voy. déjà supra, note 60. 72. P. Wautelet, «De Erfrechtverordening : toekomstmuziek of reeds bruikbaar?», op. cit., p. 60, n o 60 ; N. Geelhand de Merxem, «Le nouveau droit international privé en matière de successions : déjà utile?», op. cit., p. 474, n o 13. 73. L. Barnich, «Présentation du Règlement successoral européen», op. cit., p. 15. 166