Comment mesurer la Biodiversité?



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Transcription:

Comment mesurer la Biodiversité? Pr Francour Patrice francour@unice.fr

La Biodiversité Quelle biodiversité? : génétique, spécifique, écosystémique (habitat, fonctions) Si biodiversité = diversité en espèce, il «suffit» de compter ces dernières! Est-ce aussi simple? Pour mieux la protéger, il faut aussi connaître la distribution spatiale de la biodiversité Nous verrons : Méthodes d inventaire de la biodiversité (échantillonnages) Indicateurs de diversité (richesse spécifique, indice de Shannon, diversité taxinomique) Comment mesurer la distribution spatiale de la biodiversité? Recours à des bio-indicateurs

Echantillonnage des espèces accessibilité aux espèces (encore des régions peu explorées) disponibilité des spécialistes (groupes difficiles) notion d espèce (une ou plusieurs; complexe d espèces; apport de la biologie moléculaire) inventaire complet = investissement important

Résultats Taxa Nombre d espèces identifiées dans le PNM en 2007 Nombre d espèces identifiées en France Nombre d espèces estimées dans le Mercantour Nombre d espèces identifiées dans le PNM en 2011 Bacterium 0?? 0 Protistes (Algues, protozoaires ) 0?? 182 (+100%) Vertébrés 200 950 210-230 200 (+0%) Invertébrés (insectes, arachnides, mollusques ) 1965 38000 6500 à 9000 6080 (+210%) Champignons? 7500 6000 260 (+100%) Plantes 1200 6070 2400-2600 1576 (+31%) TOTAL +/- 3200 +/-52000 +/-15000 à 20000 +/- 8300 (+160%) Premier Inventaire en Europe par son envergure (200 chercheurs); le 2 ème au Monde

Echantillonnage des espèces accessibilité aux espèces (encore des régions peu explorées) disponibilité des spécialistes (groupes difficiles) notion d espèce (une ou plusieurs; complexe d espèces; apport de la biologie moléculaire) inventaire complet = investissement important possible de recourir à des «calculs»

1982: un entomologiste américain, Terry Erwin propose une méthode rigoureuse Forêts tropicales de Panama : insecticide sur un échantillon de 19 arbres (Luehea seemannii) 1200 espèces de coléoptères récoltés 40 à 100 espèces d arbres par hectare de forêt tropicale, soit une moyenne de 70/ha 163 espèces (13.6% des 1200 espèces) d hôtes spécifiques par essence tropicale 163 espèces de coléoptères * 70 espèces d arbres/hectare = 11 410 espèces spécifiques, plus les espèces non spécifiques (1037), soit 12 447 espèces de coléoptère/ha de canopée Coléoptères = 40% des arthropodes, donc, 31 120 espèces d arthropodes/ha canopée Canopée : deux fois plus riche que le sol, donc 31 120 * 1.33, soit 41 389 espèces d arthropodes par hectare de forêt tropicale 50 000 espèces d arbres tropicaux 30 millions d espèces d arthropodes dans les forêts tropicales 1 200 000 espèces actuellement répertoriées

Figures A à E, donnent par extrapolation le nombre de taxons existant (asymptote); impossible pour les Espèces (F) G: de 1 (Phylums) à 5 (Genres), asymptotes de A-G, on «étend» la droite aux espèces (6) pour estimer le nombre d espèces vivants sur Terre 8.7 millions d espèces tous règnes confondus

Echantillonnage des espèces accessibilité aux espèces (encore des régions peu explorées) disponibilité des spécialistes (groupes difficiles) notion d espèce (une ou plusieurs; complexe d espèces; apport de la biologie moléculaire) inventaire complet = investissement important possible de recourir à des «calculs» nombreuses espèces décrites et encore à décrire compte tenu du nombre d espèces actuellement connues (1.5 millions d Eucaryotes) et du rythme actuel de description des espèces, il faudra 500 ans pour finir l inventaire (May, 2011) problème des espèces rares : quel est leur poids dans les différents calculs de diversité?

Didogobius splechtnai (d après Francour, 2008. AI&P, 38(2): 139-141.)

Les moyens d échantillonnage Comparaison d inventaires spécifiques par plongée et par pêche (réserve naturelle de Scandola; Francour, 1999) Plongée Pêche Les 2 Total 1 23 (65.6) 8 (25.0) 3 (9.4) 34 2 11 (17.7) 30 (48.4) 21 (33.9) 62 3 2 (6.9) 2 (6.9) 25 (86.2) 29 Total 36 40 49 125 N(%) pour les poissons rares (1) à très communs (3)

Comment définir une espèce rare? Trois critères : - Distribution géographique : large ou réduite - Type d habitat : indifférent ou particulier - Densité locale : élevée ou non Rabinowitz et al. (1986) Gaston (1994) Espèce rare : (1) sur de nombreux sites, mais densité faible (2) sur peu de sites, avec abondance élevée ou faible Distinguer les causes et les conséquences de la rareté est souvent difficile

Mesurer la diversité en espèces - Diversité ponctuelle : nombre d espèces présente en un point donné de l espace (une station) - Diversité α : diversité intrabiotique ou intrahabitat; c est le nombre d espèces dans un même habitat ou biotope - Diversité β : diversité interhabitat; c est un indice de dissimilitude entre 2 habitats -Diversité γ : diversité d un ensemble de stations; c est la diversité sectorielle ou totale (combine α et β; modèles multiplicatif ou additif) - Diversité δ : c est un indice de similitude interrégions ou intersecteurs

Mesurer la diversité en espèces Diversité alpha et gamma se mesurent Diversité bêta se calcule Initialement, Whittaker (1972) a propose que la diversité bêta soit mesurée à partir du modèle multiplicatif : gamma = bêta x alpha moyen. Plus récemment, Lande (1996) a suggéré de calculer la diversité bêta à partir d un modèle additif : gamma = bêta + alpha moyen.

Lien entre diversité en espèces, fragmentation et fonctionnement Perturbation Fonctionnement de l écosystème (Sodhi N.S., Ehrlich P.E., 201. Conservation biology for all. Oxford Press)

Lien entre diversité en espèces et protection/gestion Que protéger? «Règles possibles» zones/habitats avec de fortes valeurs de diversité γ quand la diversité γ est similaire entre milieux, une faible diversité α est associée à une diversité β élevée (le contraire est vrai) en terme de protection, une faible diversité α (par rapport à γ) implique de protéger la collection de milieux; par contre, une forte diversité α (proche de γ) pourra supporter une protection partielle de quelques uns de ces milieux exemple : mares et herbier à Posidonia oceanica.

Etude des étangs de la région du Limburg (Pays-Bas) De Bie T., Lemmens P., Declerck S., De Meester L. www.biodiversity.be/1107/download

Mesurer la diversité en espèces Le calcul de la diversité (α, β ou γ) est assez simple Par contre, cela nécessite de connaitre le nombre d espèces présentes Coût élevé (échantillonnage) Comment procéder à large échelle spatiale? Est-il possible de modéliser la distribution de la diversité en espèce? Solution 1 : établissement de relations (modèles) généraux de distribution

La diversité en espèces est influencée par la surface considérée Les relations surface (A) nombre d espèces (S) : S = c. A z Premier modèle SAR (species area relationship) établi par Arrhenius en 1921 sous le nom de loi puissance Modèle robuste pour décrire les liens Richesse spécifique et Surface : loi universelle Une méta-analyse de 794 SAR donne une valeur moyenne de z = 0.27 (Drakare et al., 2006) (d après Blondel, 1995)

(d après Blondel, 1995)

La diversité en espèces est influencée par la surface considérée Preston (1960) montre que les courbes SAR sont composées de 3 parties différentes (d après Marcon, 2014)

La diversité en espèces est influencée par la surface considérée les courbes SAR sont classiques en écologie : la surface est un proxy de l augmentation des ressources seuls les processus d émigration et d immigration sont considérés (MacArthur & Wilson, 1963) l existence de phénomènes de spéciation peut modifier la pente de la droite noirs : lacs sans spéciation (seulement des «colonists» bleu : lacs avec spéciation gris : nb d espèces «colonists» dans les lacs avec spéciation Cichlidae des grands lacs africains Augmentation de la pente = effet de la spéciation (Wagner et al., 2014)

La diversité en espèces est influencée par la latitude (ou l altitude) Stevens (1989, 1992) propose la règle de Rapoport : aux hautes latitudes/ altitudes, les espèces occupent un domaine vital plus large ou la distribution géographique (mesurée en degré de latitude/altitude) augmente avec la latitude (d après Stevens G.C., 1992)

La diversité en espèces est généralement maximale dans les régions tropicales Est-ce évident? NON et encore une grande incertitude pour la(les) cause(s) plus fort taux de prédation et prédateurs spécialisés? Pas évident et alors comment expliquer la richesse en prédateurs? plus grande productivité (éclairement)? Oui, mais forte productivités associées à des plus faibles diversités (hump-shaped curves) des saisons moins marquées et donc plus de spécialistes? (voir hypothèse 1) un âge plus ancien des terres en zone tropicale et donc un plus grand temps d évolution? Pas évident une plus grande surface des zones tropicales? Possible (Begon et al. 2006)

La diversité en espèces est influencée par la latitude (ou l altitude) Stevens (1989, 1992) propose la règle de Rapoport : aux hautes latitudes/ altitudes, les espèces occupent un domaine vital plus large ou la distribution géographique (mesurée en degré de latitude/altitude) augmente avec la latitude Règle de Rapoport : souvent remise en cause; les dernières publications montrent une grande importance de la méthode de calcul de l amplitude du domaine spatial (altitude ou latitude). Par bande géographique (latitude), moyenne des domaines spatiaux des différentes espèces présentes (une espèce peut être sur plusieurs bandes géographiques) Idem, mais en ne considérant que la limite nord de la distribution d une espèce (une espèce n appartient donc pas à plusieurs bandes géographiques) Idem, mais en ne considérant que le point médian de la distribution d une espèce Pour chaque espèce, étendue domaine spatial vs médiane du domaine spatial (autant de points que d espèces)

Modèle le plus «réaliste» ici (d après Luo et al 2011 Plos One)

Mesurer la diversité en espèces Le calcul de la diversité (α, β ou γ) est assez simple Par contre, cela nécessite de connaitre le nombre d espèces présentes Coût élevé (échantillonnage) Comment procéder à large échelle spatiale? Est-il possible de modéliser la distribution de la diversité en espèce? Solution 1 : établissement de relations (modèles) généraux de distribution : peu performants, peu intéressants Solution 2 : prise en compte de données de terrain et de paramètres abiotiques pour développer des modèles spécifiques de distribution

La diversité en espèces est influencée par les conditions abiotiques La plus connue ou la plus étudiée, mais pas forcément la plus fréquente Gradient : perturbation, prédation (ou herbivorie), productivité primaire, paramètre abiotique (humidité, ph, profondeur, altitude, etc.), latitude (Graham & Duda, 2011)

La diversité en espèces est influencée par les conditions abiotiques courbes en bosse (hump-shaped curves) Relation entre la richesse spécifique et la production primaire (PPR) pour différents taxons des grands lacs américains (régressions quadratiques) (Begon et al. 2006)

La présence des espèces est influencée par les conditions abiotiques modélisation possible de leur distribution spatiale en utilisant les prédicteurs abiotiques pertinents (Elith J., Leathwick J.R. 2009. Species Distribution Models: Ecological Explanation and Prediction Across Space and Time. Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, 40: 677-697)

Mesurer la diversité en espèces Le calcul de la diversité (α, β ou γ) est assez simple Par contre, cela nécessite de connaitre le nombre d espèces présentes Coût élevé (échantillonnage) Comment procéder à large échelle spatiale? Est-il possible de modéliser la distribution de la diversité en espèce? Solution 1 : établissement de relations (modèles) généraux de distribution : peu performants, peu intéressants Solution 2 : prise en compte de données de terrain et de paramètres abiotiques pour développer des modèles spécifiques de distribution La diversité (α, β ou γ) peut aussi être corrélée à des facteurs abiotiques Tenir compte de la diversité β permet de tenir compte de l hétérogénéité de la répartition des facteurs abiotiques

(Mokany et al., 2011. Combining α - and β -diversity models to fill gaps in our knowledge of biodiversity. Ecology Letters, 14: 1043-1051)

Mesurer la diversité en espèces : stratégie en vue de mesures de conservation Ferrier S. 2002. Mapping Spatial Pattern in Biodiversity for Regional Conservation Planning: Where to from Here? Systematic Biology, 51: 331-363)

Mesurer la diversité en espèces mesurer le nombre d espèces sans tenir compte de leur abondance (α, β, γ) en tenant compte de leur abondance : indice de Shannon Recours à la théorie de l information et à la théorie des systèmes. Actuellement une branche de l écologie théorique en très fort développement (voir le cours sur le contrôle des populations)

Rappel : l analyse des systèmes complexes est née sous l impulsion de Shannon, chercheur des laboratoires Bell (problèmes de téléphonie) - théorie de l information I = f 1 p La quantité d information d un signal est inversement proportionnelle à sa fréquence (ex : feux à 3 couleurs ou 10 couleurs) Si deux évènements indépendants se produisent, l information totale fournie doit être égale à la somme des informations apportées par les deux évènements : I(E1 et E2) = I(E1) + I(E2) Comme la probabilité de co-occurrence E1 et E2 = produit de leurs probabilités, on doit avoir : f 1 = f ( 1 ) + f ( 1 ) p p p p 1 2 1 2 La seule fonction mathématique à avoir cette propriété est la fonction log; donc : I = 1 log = log( p) p

Le choix de la base du logarithme est arbitraire (= choix d échelle) car on passe d une base à l autre en multipliant par une constante. On retient, de façon pratique, une base telle que l information apportée par un jeu «pile ou face» soit de 1 (on est sûr qu il y aura pile ou face au prochain tirage, car ils sortent chacun avec une probabilité de 1/2). Donc I = 1 = f(1/2) = -log(1/2) = log 2 La seule base à satisfaire log 2 = 1, est la base 2 D où : I = -log 2 p = log 2 (1/p) L unité sera le BIT (binary digit) Remarque : si base e, l unité est le Nat; si base 10, l unité est le Hartley (non utilisées en écologie) Sur ces bases, la Théorie de l Information a été développée pour analyser les systèmes de communication (= systèmes complexes)

Si on a S évènements, comme l information est positive et additive (voir avant), l information totale qui en résultera sera la somme des informations de chaque évènements (une des propriétés recherchées = additivité). Si chaque événement ne se produit pas forcément, mais apparaît avec une probabilité p i, alors, l information moyenne qui en résultera sera : S p = = i. Ii = i 1 S i p.log 1 i 2 p i Cette information moyenne n est rien d autre que l Entropie du système ou encore l indice de diversité de Shannon!

Mesurer la diversité en espèces mesurer le nombre d espèces sans tenir compte de leur abondance (α, β, γ) en tenant compte de leur abondance : indice de Shannon / Simpson (D ou 1-D) problèmes : Shannon est sensible aux espèces relativement rares; Simpson sensible aux espèces abondantes; influence forte de l effort d échantillonnage Zones riches = zone forestière Zones riches = rivage (Dray S., 1999)

Mesurer la diversité en espèces mesurer le nombre d espèces sans tenir compte de leur abondance (α, β, γ) en tenant compte de leur abondance : indice de Shannon / Simpson (D ou 1-D) problèmes : Shannon est sensible aux espèces relativement rares; Simpson sensible aux espèces abondantes; influence forte de l effort d échantillonnage prise en compte des différence entre espèces (Mérigot B., 2008)

Mesurer la diversité en espèces Diversité fonctionnelle : un élément important dans la structuration des écosystèmes Diversité taxinomique : un proxy de la diversité fonctionnelle Principes de calcul : très simple : 1 branche = incrément de 1; on limite à 100 ou pas. calcul d une valeur équivalente à la moyenne et une autre à la variance calcul d un encadrement par «rééchantillonnage» Diversité taxinomique de Clarke et Warwick

Mesurer la diversité en espèces : Clarke et Warwick Dufour F., Guidetti P., Francour P. (2007) comparaison d inventaires de poissons dans des aires marines protégées des AMPs d âge et de surface variables les valeurs AvTD sont indépendantes de la surface (Spearman; p = 0.823) mais dépendantes de l âge de l AMP (Spearman; p = 0.005)

les AMPs très bien surveillées (PC, Sc, Lav) ont des valeurs «normales» les AMPs non surveillées ont des valeurs bien inférieures aux valeurs attendues

Mesurer la diversité en espèces Diversité fonctionnelle : un élément important dans la structuration des écosystèmes Diversité taxinomique : un proxy de la diversité fonctionnelle Diversité fonctionnelle : mesurer par la diversité des «traits» caractéristique d une espèce (régime alimentaire, taille, mode de vie, reproduction, etc.)

(Mérigot B., 2008)

Mesurer la diversité en espèces Diversité fonctionnelle : un élément important dans la structuration des écosystèmes Diversité taxinomique : un proxy de la diversité fonctionnelle Diversité fonctionnelle : mesurer par la diversité des «traits» caractéristique d une espèce (régime alimentaire, taille, mode de vie, reproduction, etc.) Comment calculer un indice de diversité fonctionnelle? solution 1 : regrouper les espèces dans des catégories fonctionnelles (guildes) et compter le nombre de guildes problème : quelles sont les limites des guildes peu strictes et 1 guilde, très strictes et autant de guildes que d espèces? solution 2 : espèce = espace à n-dimensions (traits); calculer une diversité fonctionnelle revient à calculer la diversité de S espèces représentées chacune par n-dimensions Indice de FD de Petchey & Gaston (2002, 2006) Entropie quadratique Q de Rao (1982)

Mesurer la diversité en espèces : FD et Q Principes de calcul : choix des traits fonctionnels S espèces, T traits : matrice 1 S x T choix d une mesure de similarité ou de dissimilarité matrice de similarité / dissimilarité : matrice 2 S x T S espèces dans Z stations (abondance ou présence/absence) matrice 3 S x Z choix d un indice fonctionnel croisement matrice 2 et matrice 3

Mesurer la diversité en espèces mesurer le nombre d espèces sans tenir compte de leur abondance (α, β, γ) en tenant compte de leur abondance : indice de Shannon / Simpson (D ou 1-D) problèmes : Shannon est sensible aux espèces relativement rares; Simpson sensible aux espèces abondantes; influence forte de l effort d échantillonnage prise en compte des différence entre espèces Toutes les espèces sont importantes, mais toutes n ont pas le même rôle Prise en compte de certaines espèces seulement?

Des espèces indicatrices exemple 1 : rôle majeur des prédateurs de haut-niveau trophique (TL # 4) TL i + ( TLj. DCij) = j 1 TL: Trophic level; TL j : TL de la proie j; DC ij : fraction de la proie j pour i Pourcentage de poissons ichtyophages (% biomasse du peuplement total) dans et à proximité d aires marines protégées en Méditerranée NT: no-take area (réserve intégrale); R: Réserve avec quelques activités de prélèvements, OR: outside reserve (hors réserve) (modifié d après Francour et al., 2010)

Des espèces indicatrices exemple 1 : rôle majeur des prédateurs de haut-niveau trophique exemple 2 : prise en compte de la structure de l habitat Juvéniles de Symphodus spp. Réserve marine de Scandola (d après Cheminée, 2012)

Des espèces indicatrices exemple 1 : rôle majeur des prédateurs de haut-niveau trophique exemple 2 : prise en compte de la structure de l habitat exemple 3 : espèces indicatrices (notion de bio-indicateurs) Idée de base : Evolution du pourcentage de poissons observés au sein d une liste préétablie d espèces cibles (recherchées par la pêche professionnelle ou amateur) % R. intégrale Hors réserve Effo rt (modifié d après Harmelin et al., 1997)

Application : construction d un indice qui tienne compte de plus de paramètres que la pression de pêche, utilisable par n importe qui et n importe où. liste de 25 espèces prise en compte de la taille (2 classes de taille) uniquement Présence/Absence (15 minutes de nage au hasard) 6 comptages par station 5 paramètres sont calculés : indice moyen, indice cumulé, CV, proportion P & G, nombre d espèces la comparaison des valeurs simultanément permet d apprécier l état du peuplement Calcul de l index: Prise en compte d un facteur (multiplicatif) traduisant l importance de l espèce («valeur patrimoniale») Espèce Petit ou Moyen Grand Valeur Dentex dentex x 1 Sparus aurata x x 3 Labrus spp. x 2 Index = somme des valeurs

Les espèces retenues : les espèces cibles, recherchées par la pêche amateur ou professionnelle ou la chasse sous-marine des espèces représentatives des principaux habitats (herbier à Posidonia oceanica, sable, roche, coralligène) des «couples» d espèces (ex : Conger conger et Muraena helena) les espèces très peu fréquentes et d intérêt (écologique, patrimonial) sont retenues comme jokers (pas d estimation de la taille) nécessité de développer des listes régionales : Méditerranée nordoccidentale; Afrique du nord (Tunisie); Méditerranée orientale (Turquie); Caraïbes

Calcul de l index Si il y a 25 espèces, la valeur maximale est alors 25 x 3 = 75 En posant 75 = 100%, on calcule l Index en pourcentage. Si aucune espèce n est vue durant la plongée, l index = 0. Si les 25 espèces sont vues, l index = 100. Comme cet index est calculé en pourcentage, sa valeur est indépendante du nombre d espèces sélectionnées dans la liste au préalable. Index est calculé pour chaque comptage (6 de 15 minutes, nage au hasard) MI : index moyen représente la moyenne arithmétique des 6 Index CV : coefficient de Variation est calculé pour les 6 comptages (rapport entre l écart-type et la moyenne) CI : index cumulé est calculé selon la même procédure mais en regroupant les 6 comptages CP : proportion d espèces carnivores LP : proportion de grands (espèces pour lesquelles des individus de grande taille ont été notés) RSR : nombre d espèces vues Comme l Index calculé pour chaque comptage, ces valeurs sont indépendantes du nombre d espèces dans la liste

Calcul supplémentraires Calcul de l occurrence d une espèce par comptage unitaire Exemple : une espèce E a été vue 3 fois au cours des 6 comptages; son occurrence est de 3/6 = 50% est fait pour chacune des classe de taille considérée intéressant pour les espèces les plus vulnérables ou les espèces à forte valeur patrimoniale et/ou économique

Suivis des peuplements de poissons du Cantonnement de Pêche du Cap Roux (Var, France) (Seytre, 2009) R : Réserve = Cantonnement N et S : Nord et Sud du Cantonnement = hors réserve Mise en évidence d un effet «protection» dès 2007, 4 ans après la mise en place du cantonnement

Mise en application de la méthode FAST (Fish Assemblage Sampling Technique) suivis à moyen ou long terme d un site; l évolution des métriques calculées n est pas entachée de la forte variance liée aux procédures de comptages classiques une autre approche : comparaison des résultats obtenus par rapport à une grille de référence

Clustering Ward's method of aggregation Euclidian Distances 500 Aggregation distance 400 300 200 100 MI CI RSR CP LP Cluster 1 >30 >55 >70 >15 >30 Cluster 2 <30 [40-55] >60 >15 >20 Cluster 3 [20-25] [35-55] [50-60] <15 >20 Cluster 4 [20-25] [35-55] >65 <12 >20 Cluster 5 <20 <35 <65 <10 <20 0 SC99NOT PC02 SC00NOT1 PC99_2 TL02_3 SC00NOT2 SC01NOT SC00MED1 TL02_1 PC99_1 LC99ILE SC01RES2 SC01RES1 TL02_2 LC99RECB SC99RES SC99SUD LC01MUG MEN01 VLF01_3 LC01CAS2 LC01ILE2 LC01BEC ANT02_2 SC00RES1 LC01LIOU LC99RECA MEN00 LC01LAR3 LC99LARG SC99NORD LC01ILE1 ANT02_1 VLF02 SC00RES2 SC00MED2 LC02ILE VLF01_2 VLF99 LC01LAR2 LC01P2 LC01LAR1 LC01P1 LC01ALON LC01CAS1 LC01P3 LC99BON VLF01_1 LC01ARN ANT01

Peuplements de poissons et paysages sous-marins en vue de l extension de la réserve naturelle de Scandola Peuplements de poissons Méthode FAST Secteur MI CI RSR CP LP CV Etat Ecol. Cavallo Nord 23.9 52.1 69.6 14.4 20.5 25.2 2-3 Cavallo Milieu 17.6 40.5 63.0 11.5 14.1 35.6 4-5 Cavallo Sud 18.7 40.2 60.9 11.8 17.0 28.2 4-5 Scuglietti Terre 20.8 40.2 59.4 8.8 19.8 14.5 4-5 Scuglietti Mer 20.7 43.1 67.4 9.6 17.7 22.5 4-5 C. Morgana 16.3 32.6 52.2 5.1 13.8 19.7 5 Focolara 22.5 39.5 62.3 9.3 20.3 27.2 4 Pori 24.3 55.2 66.7 13.4 24.4 28.4 3-4 Punta Nera 17.6 39.8 63.8 11.6 14.5 29.0 4-5 Réserve Intégrale 30.0 53.7 67.1 32.7 25.9 17.8 2 Sud Réserve 25.8 54.0 71.7 18.1 22.1 26.2 2 Girolata Nord 15.7 33.3 60.9 4.2 10.9 7.6 5 Cenino 21.1 43.7 63.8 9.7 18.1 21.3 4-5 Cenino Sud 13.8 34.5 65.2 5.6 9.4 21.7 5 Capo Rosso Est 24.5 44.1 62.3 15.7 23.7 22.9 2 Capo Rosso Centre 21.0 37.4 56.5 9.0 19.6 15.8 4-5 Capo Rosso Ouest 22.0 48.3 67.4 11.8 22.5 25.6 4 (tiré de Francour et al., 2014)

Peuplements de poissons et paysages sous-marins en vue de l extension de la réserve naturelle de Scandola Peuplements de poissons Occurrences par comptage de 15 minutes Grands 100 75 50 25 D. dentex E. marginatus S. umbra S. cabrilla 0 (tiré de Francour et al., 2014)