L assurance des sportifs fratçais par Lucien-Marcel Chaudet, directeur général de la Mutuelle Nationale des Sports (France) Il semblerait que c est en France que I assurance des sportifs aurait vu le jour pour la première fois. En effet, Me Fernand Gineste, président de l Union Sportive de Saint-Germain, créa, dès 1905, la première société mutualiste sportive, La Mutuelle Bretonne, pour venir en aide aux adhérents des diverses sections de son club. Ce novateur proclamait, dès 1908, au congrès qui fêtait le vingtième anniversaire des Fédérations françaises de sports athlétiques, la nécessité d une couverture sportive par la mutualité II renouvela cette proposition en 1913 en séance piénière du Congrès international que I éducation physique a organisé à Paris sous les auspices de la Faculté de Médecine. Au retour de la guerre, en 1919, quelques dirigeants sportifs dont certains travaillaient dans les assurances, commencèrent à s inquiéter des risques encourus par leurs adhérents et de la manière de les couvrir. Mais leur initiative fut vouée à l échec car, seule, l élite pratiquant les sports violents souscrivit l assurance qui leur était offerte. La Mutuelle Nationale des Sports Le mouvement était lancé et I idée devait se développer progressivement, les fédérations sportives incitèrent les sociétés adhérentes à contracter des assurances couvrant leur responsabilité civile et l accident corporel des joueurs, mais seules les sociétés disposant de ressources importantes purent faire face à cette dépense. De la rencontre au cours de l hiver 1924-1925 de Me Fernand Gineste devenu membre du Conseil de l Union des sociétés françaises de sports athlétiques où il présidait la commission du football, de James Frerejacques. journaliste, dirigeant de natation et fondateur de l Union nationale des sportifs, et d André Salmon, secrétaire général adjoint du Conseil supérieur de la mutualité, devait naître ¹ 45, rue de Clichy, 75442 Paris Cedex 09. L auteur, M. Lucien-Marcel Chaudet, fit partie de la troisième promotion de l Ecole nationale supérieure d éducation physique. Professeur d éducation physique et sportive, il compta parmi les fondateurs de l Office du sport scolaire et universitaire de son pays avant d en devenir directeur adjoint, poste qu il occupa de 1954 à 1961. Nul autre mieux que lui exposerait avec clarté la délicate question de l asdepuis près de quinze ans la Mutuelle surance des sportifs puisqu il dirige Nationale des Sports Français¹, société de secours mutuels des sportifs. Nous lui sommes reconnaissants d avoir rédigé pour nos lecteurs l article qui suit et I en remercions. la création de la Mutuelle Nationale des Sports (MNS) dont les statuts ont été approuvés par arrêté du ministre du Travail le 6 mars 1925. Cette société de secours mutuels des sportifs français avait pour but: de fournir les soins médicaux et les médicaments nécessaires à ses adhérents blessés dans l exercice du sport; de leur payer une indemnité journalière (Fr. 1000 anciens) pendant la durée de I incapacité de travail; de leur assurer un capital (Fr. 30 000 anciens) ou une rente en cas d invalidité permanente; d assurer à leurs ayants droit un capital (Fr. 9000 anciens) en cas de décès consécutif à un accident de sport. Dès 1927, s ajoutèrent: la création de Maison das sportifs, de leur Maison de retraite, ainsi que les frais d hospitalisation. Ce premier organisme réussit progressivement à s implanter dans le secteur de l assurance des sportifs, il enregistra 200 375
accidents et 2363 adhérents au cours de son premier exercice. En 1975, cinquante ans plus tard ces chiffres apparaissent à 35 000 accidents et plus de 1 900 000 adhérents. Pour une double obligation d assurance Après le second conflit mondial le sport français fut réorganisé par l ordonnance du 28 août 1945, laquelle stipule: que toute compétition sportive doit être autorisée par le ministre de l Education nationale qui délègue ses pouvoirs aux fédérations; que les associations ou fédérations organisant de telles compétitions doivent se conformer aux arrêtés du ministère fixant certaines règles statutaires obligatoires. C est en application des dispositions de cette ordonnance que le Haut-Commissariat à la jeunesse et aux sports dont le responsable était l alpiniste Maurice Herzog, devenu depuis membre du Comité Internationale Olympique, prit les arrêtés des 5 mai et 6 juillet 1962 qui, bien que n ayant pas force de loi, ont fait jurisprudence et ont été acceptés sans récrimination par l ensemble des sportifs français. Ces arrêtés instituent une double obligation d assurance en responsabilité civile et en individuelle. Les affiliations des clubs et les licences nécessaires aux compétitions sportives ne sont accordées qu aux associations, dirigeants et participants couverts par une assurance dont les garanties minimales sont de: a) une somme illimitée pour les dommages corporels, 1 million de francs pour les dommages matériels, pour garantir les conséquences pécuniaires des accidents entraînant la responsabilité civile des associations sportives, des dirigeants et des pratiquants; b) Fr. 20 000. en cas de décès, Fr. 40 000. en cas d incapacité permanente totale. En cas d invalidité permanente partielle, la garantie est proportionnelle. Cette individuelle ne s applique qu aux accidents survenus au cours des compétitions officielles, des séances d entraînement et des déplacements correspondants. Ces arrêtés imposent enfin aux fédérations, groupements et associations de mettre leurs statuts et règlements en conformité avec les dispositions qu ils contiennent. Avant la publication de ces arrêtés les fédérations, groupements, et associations se garantissent soit uniquement en responsabilité civile, soit aussi individuelle, mais souvent pour indemnités relativement faibles de Fr. 3000. à 10 000. en décès et de Fr. 5000. à 20 000. en incapacité permanente. A ces garanties obligatoires la majorité des organismes assureurs mutualistes ou du secteur commercial ajoutent le remboursement de l ensemble des frais médicaux, en complément ou, à défaut, des remboursements des régimes obligatoires de prévoyance sociale: l accident sportif ouvrant droit aux prestations «maladie». Certains organismes proposent également des indemnités d invalidité et de décès 376
supérieures aux minima imposés pouvant atteindre le double ou le quadruple de ces chiffres de base, ainsi que la possibilité d obtenir des indemnités journalières en cas d arrêt de travail. Bien avant la publication de ces arrêtés, certaines fédérations qui avaient été confrontées avec des cas pitoyables de joueurs peu ou pas garantis d eux-mêmes ou par leur club, avaient déjà institué la licence-assurance, c est-à-dire que dans le prix demandé de la licence était automatiquement inclus le montant de la cotisation d assurance. Peu après 1962, un processus irréversible entraîna les fédérations et, en football, les ligues régionales vers la généralisation de la licence-assurance. Ce système couvre actuellement plus de 75% des sportifs français, pourcentage que l on retrouve dans les effectifs de la MNS avec 1 400 000 titulaires de la licence-assurance, provenant de 42 fédérations ou ligues régionales de football. Ce système n est pas l apanage de la France, il existe avec plus ou moins d ampleur, dans plusieurs pays européens, en Espagne avec la Mutualidad General Deportiva, en Italie avec la Sportass, au Luxembourg avec la Caisse de Secours Mutuels des Sportifs, lesquelles ont le monopole ou peu s en faut de la garantie des sportifs. Avantages 5. garantie automatique de la responsabilité civile du pratiquant, du dirigeant et de tous les échelons constitués en personne morale, section de club, club, district, comité départemental, comité régional ou ligue, fédération, à l occasion de l organisation de compétitions officielles à tous les niveaux, de rencontres amicales ou d entraînement même hors des lieux d installations sportives (cross, footing, etc.); 6. la licence-assurance constitue une véritable attestation d assurance permettant à son titulaire de participer à des entraînements et compétitions loin de son club. Le seul inconvénient réside dans le fait que certains sportifs titulaires de deux ou trois licences-assurance paieront quelquefois un peu plus cher qu en se garantissant directement dans telle catégorie du classement des activités physiques. Ce procédé de licence-assurance qui apparaît être une solution de facilité est actuellement le seul système donnant le maximum de sécurité aux pratiquants et aux dirigeants. II est à remarquer que l instauration d un tel procédé, par une fédération ou une ligue, n a jamais fait régresser son effectif, bien au contraire. C est d ailleurs grâce à la licence-assurance que certaines fédérations, conscientes des risques encourus par leurs adhérents, ont pu imposer des garanties bien supérieures aux minima de 1962, ce qui n empêche d ailleurs pas les sportifs d augmenter les garanties automatiquement acquises et de les compléter en souscrivant une cotisation supplémentaire pour indemnités journa- Iières. Ce système liant I assurance à la licence présente un maximum d avantages: 1. l automaticité de la garantie du sportif pendant la validité de la licence, dès sa délivrance ou son renouvellement, automatique dans certains cas, dans d autres incitatif à renouveler ladite licence à son expiration pour ne pas être hors garantie; 2. simplification du travail des dirigeants de club et de ceux qui vérifient les licences avant le match ou l épreuve; 3. certitude de la capacité de garantie (en lncapacité permanente¹ invalidité, en décès et responsabilité Capital civile), de son champ de couverture et libératoire de son étendue territoriale; 4. modicité de son coût par suite de sa spécificité et de la loi des grands nombres, réduisant les frais de gestion et permettant un équilibre plus facile du risque assuré; C est ainsi que les adhérents de la Mutuelle Nationale des Sports peuvent souscrire, dans l une des trois séries, les garanties suivantes: ou rente annuelle de Série C 40 000 2400 Série D 80 000 4800 Série E 160 000 9600 ¹ Pour l incapacité permanente partielle. le capital ou la rente est réductible proportionnellement aux taux de l incapacité retenue. 377
DécèS Série C Série D Série E lndemnité aux ayants droit 20 000 40 000 80 000 II est également possible, pour les personnes exerçant une activité professionnelle, de cotiser pour recevoir, en cas d arrêt de travail, des indemnités journalières de Fr. 10., 20., 30., 40. ou 50., destinées à compenser tout manque à gagner. Certains, de celles ou de ceux qui n exercent aucune activité professionnelle jeunes filles et jeunes femmes au foyer, étudiants, retraités peuvent, en cas d incapacité physique temporaire médicalement constatée d exercer toute activité, cotiser pour recevoir une allocation forfaitaire à caractère social de Fr. 10., 20. ou 30. par journée. La Mutuelle Nationale des Sports est le seul organisme à présenter ces deux types de prestations complémentaires. Les sportifs français qui se déplacent en Espagne et en ltalie et qui en font la demande peuvent bénéficier d une prise en charge des frais médicaux que nécessiterait leur état, soit par la Mutualidad General Deportiva, soit par la Sportass dans le cadre de la Convention pour l assistance médicale, c est-à-dire de la Mutualité Sportive Internationale (créée en 1963, modifiée en 1967). Les sportifs convalescents de blessures, ou de maladie, et les vieux sportifs disposent de la Maison de repos, convalescence et retraite, installée au château de Boisseron, dans I Hérault, qui est une fondation de I Association nationale des membres du mérite sportif et médaillés de la jeunesse et des sports, du Comité National Olympique et Sportif Français et de la Mutuelle Nationale des Sports, que cette dernière gère en tant qu œuvre mutualiste. II est bon de préciser que le Secrétariat d Etat à la jeunesse et aux sports est en train de remodeler I ensemble des dispositions légales et réglementaires qui régissent le sport français. Un loi portant le NO 75-988 a été promulguée le 29 octobre 1975 par le Président de la République mais les textes d application et les dispositions à venir modifieront, peut-être dans quelques années ce qui est exposé cidessus. A l étranger Sauf en ce qui concerne I ltalie (La Sportass), I Espagne (La Mutualidad General Deportiva) qui sont liées à la Mutuelle Nationale des Sports par la Convention d assistance médicale et les autres pays de I Europe occidentale, I assurance des sportifs est assez mal connue, n ayant fait, jusqu à présent, que I objet d études sommaires et assez anciennes. Cela explique le champ limité des données ci-dessous:! En ltalie Le Comité Olympique National italien avait créé, dès 1934, une caisse de prévoyance interne «La Sportass», laquelle a pris en charge, dès 1939, I assurance sans but lucratif de tous les sportifs tant sur le plan de I individuelle que sur celui de la responsabilité civile. Tous les membres de toutes les fédérations et organisations sportives affiliées au CONI sont obligatoirement assurés par la Sportass, il est réglé pour chacun une contribution uniforme correspondant à une garantie de base couvrant le décès, I invalidité permanente totale ou partielle, les frais médicaux et une indemnité journa- Iière dans certains cas. Des garanties complémentaires facultatives peuvent être souscrites.! En Espagne La Mutualidad General Deportiva a été créée en 1961, sur le modèle italien et sous le contrôle de la Délégation nationale de I éducation physique et aux sports. A I exception du football qui jouit d un régime de prévoyance particulier tous les membres de toutes les fédérations et organisations sportives sont adhérents à la MGD à laquelle ils versent une cotisation modique. La MGD, comme La Sportass en Italie, bénéficie de subventions du Toto Calcio.! Au Luxembourg Tous les sportifs, à I exception des joueurs de tennis de table et des tireurs à I arc, sont membres de la Caisse de secours mutuels des sportifs créée en 1965, ils bénéficient également d une couverture en individuelle et en responsabilité civile dont la prime est réglée par le ministère chargé de I Education physique et des Sports. 378
! En Belgique L assurance des sportifs n est pas obligatoire, mais seules les fédérations et sociétés sportives qui ont souscrit une assurance en individuelle et en responsabilité civile au profit de leurs membres peuvent percevoir des subventions de la Direction de I éducation physique et sportive au Ministère de I Education nationale et de la Culture. Divers projets pour rendre obligatoire I assurance des sportifs et créer un organisme spécialisé n ont pu aboutir jusqu à ce jour.! En Allemagne Fédérale Bien que I assurance ne soit pas obligatoire, elle est toutefois inhérente à la pratique du sport. En effet les fédérations régionales et les associations sportives fédérales spécialisées sont groupées sous I autorité de la Deutscher Sportbund. Ces diverses organisations sportives souscrivent, auprès de compagnies privées, des contrats d assurance en individuelle et en responsabilité civile.! En Hollande Par suite de la couverture très étendue de la sécurité sociale, I assurance des sportifs, non obligatoire, n est pas très développée.! En Suisse Les sportifs sont, en général, garantis par les assurances collectives contre les accidents souscrites par les employeurs, ces assurances couvrent la pratique des sports en tant que loisirs ainsi que la participation à nombre de sports en compétition. Les sports dangereux: alpinisme, automobilisme, motocyclisme, parachutisme, ski, etc. doivent faire I objet d une clause spéciale. Bien que I assurance en responsabilité civile ne soit pas obligatoire, la grande majorité des sportifs, notamment des alpinismes et des skieurs, souscrivent à cet effet. L.-M. C. 379