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QR 92 Vos questions/nos réponses Stress et messagerie électronique Quelle prévention peut être mise en place? La réponse de Virginie Govaere, Département Homme au travail, INRS Les préventeurs sont aujourd hui de plus en plus nombreux à envisager les technologies de l information et de la communication (TIC) comme sources de risques notamment psychosociaux. Plus précisément quels sont les effets sur la santé de l utilisation de la messagerie électronique? Et comment les prévenir? Des travaux et des constats de terrain La bibliographie et le retour d expérience des préventeurs font ressortir trois constats relatifs à l impact de l utilisation de la messagerie électronique dans l activité professionnelle. Le premier constat porte sur l augmentation constante du volume et de la quantité d informations. Ainsi, dès les années 2000, Lahlou [1] définit le syndrome de débordement cognitif ou «Cognitive Overflow Syndrom» (COS). Il correspond au stress des utilisateurs de messagerie électronique qui se plaignent d être «noyés» sous les informations qu'ils jugent souvent inutiles, qu ils ne parviennent pas à traiter et qui viennent s empiler par-dessus le flot existant. Certains auteurs utilisent les notions d «infobésité» [2, 3] afin de mettre l'accent sur l aspect surcharge qui peut être de différentes natures : cognitive, sensorielle, communicationnelle ou de connaissances. Ce constat d augmentation du volume et de la quantité d informations à traiter est, par ailleurs, sous-évalué dans les déclarations. Créno et al. [4] montrent que le temps réel passé à gérer les messages peut être deux fois plus long que ce qu estiment les utilisateurs. Le deuxième constat est celui de l interruption des tâches et du «pouvoir d attraction de la messagerie». Ici, il est question de l aspect discontinu de la tâche de traitement des messages tout au long de la journée. Les multiples interruptions de l'activité des salariés par le traitement des messages entraînent un phénomène de temps haché, un coût attentionnel important pour les salariés mais aussi un maintien de leur vigilance pour ne pas «passer à côté» d'un message important. De plus, l aspect prescriptif du message conduit l utilisateur à considérer chaque demande médiée par un message électronique comme une mise à jour des tâches à réaliser. Ainsi, les urgences succèdent aux urgences [5]. Le troisième constat porte sur l intrusion du travail à la maison [6], sur le transfert du stress du travail à la maison et finalement sur l allongement du temps de travail ou, son corollaire, la diminution du temps de «récupération» physique ou psychique. Ces trois constats les plus fréquents légitiment les questionnements de risques accrus de troubles musculosquelettiques (TMS), des maladies coronariennes et d accidents vasculaires cérébraux, de dépression et d anxiété associés au job strain [7]. Les recommandations actuellement mises en place dans les entreprises Les recommandations répertoriées à ce jour autour de l outil «messagerie électronique» présentent toutes les mêmes objectifs : limiter le phénomène d interruption de son travail, éviter de déclencher un conflit ou de favoriser l escalade d un conflit en adaptant la forme et le contenu du message à son destinataire, atténuer la surcharge informationnelle. Diverses aides à la gestion de la messagerie existent déjà, tels que des outils techniques proposant des règles automatiques de classement des mails ou des 182

logiciels d aide à l organisation visuelle des données. Des guides de «bonnes pratiques» développés en entreprise par des préventeurs sont également proposés. Tous ces guides présentent trois catégories de règles : celles portant sur la forme du message (formules de politesse, objet du message explicite, ton et signature du message ) ; celles portant sur les destinataires (nombre des destinataires, accusé de réception, «répondre à tous» ou répondre aux seuls concernés directement par l objet du message, indicateurs de priorités tels que la fonction «message urgent» ou «message important» ) ; celles portant sur la gestion du message ou de l activité (quand gérer, prendre le temps de répondre ). Ces recommandations permettent de sensibiliser les entreprises et les préventeurs aux normes d utilisation de la messagerie, lesquelles peuvent être spécifiques à l entreprise, à l équipe et/ou générales. La rédaction d un mail est différente de celle d une lettre ; il existe des codes tels que l écriture en majuscules qui correspond à la transcription d un niveau sonore élevé C est une compétence à acquérir «sur le tas», informelle, non «enseignée». Ainsi, des apprentissages formalisés et un partage des normes rédactionnelles conduisent à réduire les incompréhensions, certains conflits ou escalades de conflits. Par ailleurs, les solutions techniques facilitent l utilisation de la messagerie ou permettent de découvrir des fonctionnalités inconnues des utilisateurs telles que, par exemple, la fonction «conversation» qui fournit une représentation de la totalité des échanges autour d un même objet et élimine ainsi une redondance dans les réponses. Finalement, les recommandations portant sur la gestion du message telles que «prendre le temps de répondre» ou «choisir le moment opportun de répondre» doivent conduire à une réduction des messages échangés en fournissant des réponses plus complètes et adaptées à chaque message plutôt que des réponses rapides, quasi «réactives», qui conduisent souvent à demander des compléments. Cependant, les solutions, qu'elles soient «guide de bonnes pratiques» ou techniques, conduisent à un succès mitigé, de l avis des utilisateurs, des entreprises et des préventeurs : les solutions sont fréquemment abandonnées après quelques mois d utilisation ; le phénomène d interruption et ses effets sont toujours présents ; les plaintes des utilisateurs concernant la surcharge et/ou la noyade sous les informations sont maintenues. Le mode de diffusion ou d accompagnement de ces solutions peut expliquer en partie leur efficacité incomplète [8]. En effet, dans de nombreux cas, ces solutions sont partiellement mises en place dans l entreprise ou exclusivement proposées aux opérateurs qui se «plaignent» de la messagerie. Dans ce cas, puisque le déploiement des solutions est restreint, localisé, voire individuel, il n y a quasiment pas de bénéfice pour l utilisateur. Cette absence d effet réellement perceptible conduit à un abandon rapide des solutions et un maintien des plaintes. Dans d autres cas, les solutions sont diffusées largement au sein de l entreprise mais certains les appliquent, d autres non. Ici encore, cette application à deux vitesses restreint les effets visibles par et pour tous ce qui conduit également à un abandon. Une solution actuellement très médiatisée est celle de la déconnexion 1? Plusieurs éléments avancés dans le projet DEVOTIC 2 [9] ou dans la littérature [8] 1. Plus de 200 articles sont recensés et sont consultables sur le site du projet DEVOTIC (http:// anr.devotic.univpau.fr) 2. DEVOTIC est un projet de recherche débuté en 2009 réunissant plus de 20 chercheurs. Il s agit de rendre compte des pratiques de rupture, de résistance, de tension ou de filtre face aux effets non désirés de la connexion permanente, à la pression du «temps réel» et aux potentiels dérapages sécuritaires permis par les TIC, à la fois dans certaines catégories professionnelles et dans la vie quotidienne du plus grand nombre. SEPTEMBRE 2014 RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL N 139 183

expliquent pourquoi cette solution est peu utilisée : des salariés et des cadres déclarent qu ils ne peuvent pas se déconnecter car ils doivent constamment rester à l écoute du «pouls de l entreprise» ou du service, des relations extérieures à l'entreprise ; des cadres affirment souvent que les TIC et la messagerie leur font économiser du temps. Se déconnecter, réduire l utilisation de la messagerie équivaudrait à trop perdre de temps ou à se priver d opportunités ; des salariés affirment adopter une «hyperconnexion» qui consiste à traiter les messages électroniques dès qu ils se présentent afin d en éviter l accumulation, toujours décrite comme source de stress. En somme, le traitement au fil de l eau est une façon d échapper à la pression qu une accumulation pourrait produire. Mettre à la poubelle soulage, hiérarchiser les réponses rassure et faire suivre dilue la responsabilité ; des salariés témoignent également de culpabilité : - «si j avais été meilleur, je n aurais pas besoin de regarder mes mails à 18h01, c est donc normal que j assume et puis c est quoi une minute de plus? si ça permet de faire bien les choses, on n'a jamais le temps pendant les heures de travail» - «j'ai accepté ce poste de manager... apparemment, la consultation partout, tout le temps, ça en fait partie, alors pourquoi je n'y arriverais pas?». Alors, que faire? Ce bilan se traduit-il par une impossibilité de trouver des solutions adéquates pour supprimer ou limiter le débordement des opérateurs, les interruptions de l activité, la surcharge ainsi que la porosité entre vie professionnelle et vie privée? Pourtant des expériences dans certaines entreprises donnent des résultats encourageants. Afin de limiter le débordement du travail le soir, le week-end et durant les vacances, un cabinet international de conseil en management et en stratégie d entreprise aux États-Unis a décidé que chaque membre d une équipe de consultants serait injoignable électroniquement durant une soirée par semaine, à partir de 18 heures, ses messages étant lus par un collègue et, en cas de demande vraiment pressante, un contact pouvait être établi. L expérience a tellement bien marché qu en quatre ans, 86 % des consultants du nord-est des États-Unis travaillant pour cette entreprise ont adopté cette solution et que : la moitié de ceux qui se déconnectent a désormais hâte de venir travailler le matin, contre 27 % de leurs collègues qui ne se déconnectent pas de la messagerie ; plus de la moitié est satisfaite de l équilibre entre vies personnelle et professionnelle, contre 38 % de leurs collègues ; 65 % des déconnectés jugent que leur équipe fait son maximum pour être efficace, ce que ne pensent que 42 % de leurs collègues ; 58 % se voient rester dans l entreprise à long terme, contre 40 % de ceux qui n ont pas suivi l expérience [8]. Cette expérimentation est intéressante parce qu audelà des résultats obtenus après quatre ans, elle concernait des salariés qui affirmaient «qu il n y avait pas moyen de faire autrement pour eux que de rester connectés jour et nuit, que les clients payaient suffisamment cher pour ça, qu eux-mêmes étaient fort bien rémunérés et qu ils ne voyaient pas d autre solution que de quitter l entreprise si cela ne leur convenait pas». D autres entreprises ont mis en place des temps dédiés de consultation ou de gestion de messagerie, ont défini les rôles et statuts des acteurs prescripteurs d activité des salariés avec ou sans messagerie, ont veillé à l application effective des règles d utilisation de la messagerie quel que soit le statut de l émetteur ou du récepteur de message, ont adapté les critères utilisés dans l entreprise pour mesurer la réactivité des individus et des équipes Toutes ces entreprises ont en commun un engagement qui dépasse les simples «recommandations» d usage ; elles ont «repensé collectivement la manière de travailler» [8], donné les moyens à chacun de pouvoir accomplir sa tâche sans avoir à rester connecté sans limitation de durée. Elles ont ainsi proposé un système qui combine la messagerie (l outil), son utilisateur, l activité et l organisation du travail et de l entreprise. Les entreprises passent alors d une solution de gestion de la messagerie restreinte, localisée voire individuelle, peu performante, à une solution plus 184

complexe mais dont la dimension collective est indéniablement présente, et surtout qui maintient les effets recherchés dans le temps. Les entreprises restent cependant peu nombreuses à essayer de dépasser l annonce marketing. Les enquêtes menées dans le projet DEVOTIC rapportent que 72 % des cadres travaillent dans des entreprises qui n ont pris aucune mesure de régulation de la communication circulant par les TIC, la messagerie. D autres études montrent que la messagerie a été supprimée pour être remplacée par une messagerie instantanée, un autre outil de communication, une autre TIC. Sans nier les bénéfices des actions de formation des salariés à l utilisation de la messagerie, des guides de bonnes pratiques ou les outils techniques d aide, il apparaît que ces actions restent insuffisantes et inopérantes lorsque les dimensions «organisation» (du travail, de l entreprise) et «activité» ne sont pas intégrées. Il appartient aux instances représentatives du personnel (CE, CHSCT), aux services de santé au travail d amener les directions, les entreprises mais aussi les salariés à se concerter sur cette problématique, ce qui implique de repenser collectivement et globalement toute l'organisation du travail. Dans ce cadre, il peut être nécessaire de hiérarchiser les axes de travail à entreprendre selon la criticité des situations à traiter dans les entreprises : le brouillage des frontières vie privéevie professionnelle et donc le temps de récupération physique et psychique des salariés, ou les interruptions de leur activité, ou encore la surcharge attentionnelle... mais s articulant toujours autour des 4 dimensions (organisation, opérateur, activité, outil). BIBLIOGRAPHIE 1 LAHLOU S - La cognition au travail et ses outils: débordement, révolution, distribution. Intellectica : Rev Assoc Rech Cogn. 2000 ; 1 (30) : 7-18. 2 ISAAC H, CAMPOY E, KALIKA M - Surcharge informationnelle, urgence et TIC. L effet temporel des technologies de l information. Manag Avenir. 2007 ; 3 (12) : 149-68. 3 SAUVAJOL-RIALLAND C - Infobésité : comprendre et maîtriser la déferlante d'informations. Paris : Editions Vuibert ; 2013 : 205 p. 4 CRÉNO L, CAHOUR B - Triangulation des méthodes pour une analyse écologique de l expérience vécue de gestion des emails chez les cadres surchargés. In : Van de Leemput C., Chaunvin C. & Hellemans C. (Dir.) Activités humaines, Technologies et Bien-être. Actes du 7 e colloque de psychologie ergonomique, Epique 2013, Université Libre de Bruxelles, 10-12 juillet. Paris: Arpege Science Publishing. 2013 : 460p. 5 BRETESCHÉ S, DE CORBIÈRE F, GEFFROY B - La messagerie électronique, principal métronome des activités de cadre. Nouv Rev Trav. 2012 ; 1 (http://nrt.revues.org/262). 6 BENEDETTO-MEYER M, KLEIN T - Le rôle des TIC dans les reconfigurations des espaces et des temporalités : le brouillage des frontières entre travail et hors-travail. In : Klein T, Ratier D (Eds) - Impact des TIC sur les conditions de travail. Rapports et documents n 49. Paris : Centre d analyse stratégique ; 2012 : 328 p. 7 CHOUANIÈRE D - Stress et risques psychosociaux : concepts et prévention. Dossier médico-technique TC 108. Doc Méd Trav. 2006 ; 106 : 169-86. 8 PERLOW LA - Sleeping with your Smartphone: How to Break the 24/7 Habit and Change the Way You Work. Boston : Harvard Business School Publishing Corporation ; 2012 : 288 p. 9 JAURÉGUIBERRY F - Déconnexion volontaire aux technologies de l'information et de la communication. Rapport de recherche. Archive ouverte HAL-SHS, 2014 (http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00925309).] SEPTEMBRE 2014 RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL N 139 185

Erratum Dans la question-réponse n 88 «Travail en période de forte chaleur : Quelles actions de prévention des risques mettre en œuvre?», publiée dans le n 138 de la revue p. 127, le nom des auteurs n'est pas apparu. La réponse est de Philippe Hache, département Études et assistance médicales, INRS et Stéphane Darbéda, interne en médecine du travail. La question/réponse corrigée est disponible en ligne sur le site de la revue : www.rst-sante-travail.fr 186