7 DECEMBRE 2006 C.05.0428.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N C.05.0428.F V. M., demandeur en cassation, admis au bénéfice de l assistance judiciaire par décision du bureau d assistance judiciaire du 30 août 2005 (pro Deo n G.05.0090.F), représenté par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile, contre CITY BANK BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Ixelles, boulevard Général Jacques, 263, défenderesse en cassation.
7 DECEMBRE 2006 C.05.0428.F/2 I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 29 novembre 2004 par le tribunal de première instance d Eupen, statuant en degré d appel. Le président de section Claude Parmentier a fait rapport. L avocat général Jean-Marie Genicot a conclu. II. Le moyen de cassation Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées Articles 14, 4, 2, et 86 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, tels qu'ils étaient en vigueur avant leur modification par la loi du 24 mars 2003. Décisions et motifs critiqués Le jugement attaqué confirme le jugement entrepris et déboute le demandeur de sa demande sur la base des considérations suivantes : «Aus dem hinterlegten Kreditvertrag ist tatsüchlich ersichtlich, dass der in französischer Sprache abgefasste Hinweis «Ne signez jamais un contrat non rempli» (auf Deutsch : «unterschreiben Sie nie einen nicht ausgefüllten Vertrag») weder fett gedruckt wurde noch in einem anderen Schrifttyp erscheint, sondern in Grossbuchstaben. Der Satz wurde nicht in einem getrennten Absatz verfasst. Auch wenn dass das Kreditangebot nicht den gesetzlichen Bedingungen des Artikels 14 4, 2, des Verbraucherkreditgesetzes erfült, entspricht es sehr wohl der Zweckbestimmung des Gesetzes vom 12 juni 1986 [lire : 1991] über den Konsumentenkredit, da der Schuldner mittels sich vom Rest des Textes abhebenden Grossbuchstaben durchaus effizient auf den vorhandenen
7 DECEMBRE 2006 C.05.0428.F/3 strittigen Hinweis aufmerksam gemacht wird. Der Artikel 86 des Verbraucherkreditgesetzes kann somit hier keine Anwendung finden». (Traduction libre : «Il découle en effet du contrat de crédit transmis que la référence rédigée en langue française Ne signez jamais un contrat non rempli (en allemand : unterschreiben Sie nie einnen nicht ausgefüllten Vertrag ) n'a ni été indiquée en gras, ni reprise dans des caractères de type différent, mais dans des majuscules. La phrase n'a pas été reprise dans un alinéa séparé. Même si l'offre de crédit ne remplit pas toutes les prescriptions légales de l'article 14, 4, 2, de la loi relative au crédit à la consommation, il répond toutefois à l'objectif de la loi du 12 juin 1986 [lire : 1991] relative au crédit à la consommation, puisque par les majuscules se différenciant du reste du texte, l'attention du débiteur a été attirée de manière tout à fait efficace sur la référence litigieuse. L'article 86 de la loi relative au crédit à la consommation ne peut dès lors trouver à s'appliquer»). Griefs En vertu de l'article 14, 4, 2, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 24 mars 2003, «l'offre de crédit comprend (également) sous la forme d'alinéas séparés et en caractère gras d'un type différent : (...) 2 à la hauteur de l'endroit où le consommateur appose sa signature, la mention : Ne signez jamais un contrat non rempli». L'article 86 de la même loi dispose que, «sans préjudice des sanctions de droit commun, le juge annule le contrat ou réduit les obligations du consommateur au maximum jusqu au prix au comptant ou au montant emprunté, lorsque le prêteur ne respecte pas les dispositions contenues dans les articles 14, 41, 56 et 58 concernant la délivrance et les mentions de l'offre. En ce cas de réduction des obligations du consommateur, celui-ci conserve le bénéfice de l'échelonnement des paiements».
7 DECEMBRE 2006 C.05.0428.F/4 En l'espèce, le jugement attaqué admet explicitement, en fait, que l'offre de crédit ne contient pas (1) sous la forme d'un alinéa séparé et (2) en caractères gras d'un type différent la mention «Ne signez jamais un contrat non rempli». Il décide néanmoins que cette mention étant reprise en majuscules, cette présentation répondrait au prescrit de l'article 14, 4, 2, de la loi précitée, l'objectif de cette disposition étant atteint. La disposition claire de l'article 14, 4, 2, de la loi du 12 juin 1991 est cependant d'application stricte. Elle ne peut prêter à interprétation. Le tribunal, ayant constaté que les formalités prescrites par l'article 14, 4, 2, de la loi du 12 juin 1991 n'avaient pas été remplies, devait obligatoirement, conformément à l'article 86 de la loi précitée, soit annuler le contrat, soit réduire les obligations du demandeur. En confirmant le jugement entrepris, après avoir constaté que les formalités prescrites par l'article 14, 4, 2, de la loi du 12 juin 1991 n'avaient pas été respectées, le jugement attaqué méconnaît les articles 14, 4, 2, et 86 de la loi du 12 juin 1991, tels qu'ils étaient en vigueur avant leur modification par la loi du 24 mars 2003. III. La décision de la Cour L article 14, 4, 2, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, dans sa version applicable en l espèce, dispose que l offre de crédit comprend sous la forme d alinéas séparés et en caractères gras d un type différent, à la hauteur de l endroit où le consommateur appose sa signature, la mention «Ne signez jamais un contrat non rempli». Aux termes de l article 86 de la même loi, sans préjudice des sanctions de droit commun, le juge annule le contrat ou réduit les obligations du consommateur au maximum jusqu au prix au comptant ou au montant emprunté, lorsque le prêteur ne respecte pas les dispositions contenues dans les articles 14, 41, 56 et 58 concernant la délivrance et les mentions de l offre. En
7 DECEMBRE 2006 C.05.0428.F/5 cas de réduction des obligations du consommateur, celui-ci conserve le bénéfice de l échelonnement des paiements. Le jugement attaqué constate que l offre de crédit ne contient pas, dans les formes exigées par l article 14 précité, la mention «Ne signez jamais un contrat non rempli». En refusant d appliquer l une des sanctions prévues à l article 86 de la loi, par le motif que l offre de crédit, bien qu elle soit irrégulière, répond à l objectif de la loi du 12 juin 1991, le jugement attaqué viole les dispositions légales indiquées au moyen. Le moyen est fondé. Par ces motifs, La Cour Casse le jugement attaqué ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; Renvoie la cause devant le tribunal de première instance d Eupen, autrement composé. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Sylviane Velu, et prononcé en audience publique du sept décembre deux mille six par le président de section Claude Parmentier, en présence de l avocat général Jean-Marie Genicot, avec l assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.