Nos principales conclusions sont les suivantes :



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Transcription:

Conclusion g é nérale Les IFRS sont inadaptés à une comptabilité fiscale

Le règlement «IFRS 2005» contient une disposition optionnelle permettant aux États membres d autoriser ou d imposer l application du référentiel IFRS aussi dans les comptes annuels. En Europe continentale, les comptes annuels (ou statutaires) sont des états financiers qui déploient des effets juridiques dans plusieurs branches du droit et en particulier le droit fiscal. Le lien entre le droit comptable et le droit fiscal s exprime au travers de relations de dépendance (plus ou moins fortes) qui déterminent dans quelle mesure le bilan comptable est prépondérant pour la détermination du bénéfice taxable. Ainsi, au contraire des comptes consolidés, l introduction du référentiel IFRS dans les comptes annuels a donc nécessairement un impact sur la fiscalité des entreprises. Cet ouvrage s est proposé d analyser les questions fiscales qui résultent de l application potentielle des IFRS dans les comptes annuels en distinguant deux grandes parties : (1) Une partie pratique qui s attache à d abord analyser qualitativement et en toute généralité les grands choix qui se posent aux différents États membres, pour ensuite décrire la situation concrète dans quatre pays caractérisés par une relation forte de dépendance : France, Allemagne, Belgique et Luxembourg. (2) Une partie théorique qui s attache à analyser la compatibilité du référentiel IFRS avec une comptabilité fiscale. Cette analyse comporte deux niveaux : (a) un niveau positif (différences entre les IFRS et les droits fiscaux existants) et (b) un niveau normatif (différences entre les IFRS et les principes d un droit fiscal autonome). Les deux parties sont complémentaires : alors que la première permet de comprendre les démarches des États membres surtout dans le court et le moyen terme, les conclusions de la seconde devraient au contraire guider leurs réflexions à long terme. Nos principales conclusions sont les suivantes : (1) À court et à moyen terme, le premier choix des trois analysés (lien de dépendance entre fiscalité et comptabilité maintenu et pas d application du référentiel IFRS dans les comptes annuels) est le seul choix qui est praticable. larcier 191

quel impact fiscal suite à l adoption des normes ifrs par l union européenne? (2) À moyen et à long terme, et sous la pression de Bruxelles, les comptes annuels vont de plus en plus converger vers les normes IFRS. En effet, la Commission européenne projette d utiliser l harmonisation comptable comme un catalyseur de l harmonisation de l impôt des sociétés. Nous ne nous prononçons pas sur les chances de réussite d établir une base taxable commune consolidée à l impôt des sociétés dans l Union européenne. Nous avons simplement donné quelques pistes de réflexion à la fin de la première partie pour relancer le débat sur le bien-fondé d une harmonisation complète et sur la préférence qui est peut-être à donner au système de taxation selon l état de résidence. (3) Que le projet d harmonisation au niveau européen réussisse ou pas, face à la convergence des comptes annuels et, sous une hypothèse de neutralité fiscale, de l explosion de la liasse fiscale, les états devront se poser la question de la compatibilité fondamentale entre les IFRS et une comptabilité fiscale. Nous argumentons avec ferveur contre une telle compatibilité et nous prédisons en conséquence une indépendance de plus en plus grande entre le droit comptable et le droit fiscal. Il reste alors en dernier lieu le choix des éléments de connexion à insérer entre le bilan comptable et le résultat fiscal : un simple système d impôts différés comme aux États-Unis ou au contraire un document complexe de passage, détaillant tous les retraitements. Quoi qu il en soit, cet élément de connexion a un caractère purement informatif, et ne fait pas obstacle à une indépendance juridique plus marquée entre droit fiscal et droit comptable. Les principaux arguments invoqués pour justifier notre opinion d incompatibilité se laissent répartir en trois catégories : (a) arguments pratiques (1 re partie de l ouvrage) ; (b) arguments théoriques positifs (2 e partie de l ouvrage) ; et (c) arguments théoriques normatifs (2 e partie de l ouvrage). Ces trois catégories d arguments montrent réellement deux incompatibilités fondamentales : (a) d appliquer les IFRS dans les comptes annuels en gardant les actuels liens de dépendance ; et (b) de prendre les IFRS comme base de départ d un droit fiscal autonome. 192 larcier

conclusion générale : les ifrs sont inadaptés à une comptabilité fiscale On peut synthétiser l ensemble de ces arguments en affirmant que les IFRS, les droits fiscaux existants et une hypothétique comptabilité fiscale autonome sont fondamentalement différents sur six plans : (a) En ce qui concerne leur objectif : fourniture d une information pertinente pour les prises de décisions économiques à l acteur dominant qu est l actionnaire, pour les IFRS ; mesure périodique fidèle et objective d une capacité contributive, pour une comptabilité fiscale. En outre, le droit fiscal, de par son objectif, est un «droit de masse» : les règles d établissement de la base fiscale à l impôt des sociétés sont les mêmes pour toutes les sociétés, indépendamment de leur taille. En pratique, cela veut dire que l impôt sur les sociétés frappe à la fois la P.M.E. et les Microsoft de ce monde, et cela selon les mêmes règles. Par contre (en tout cas cela est notre avis), la complexité des IFRS est complètement inadaptée aux petites entreprises privées, même si le Cadre conceptuel stipule que c est un référentiel à «usage général». Si l on veut donc garder un même jeu de règles pour toutes les sociétés, une application des IFRS en droit fiscal n est pas souhaitable. (b) En ce qui concerne leur principale hypothèse de travail : les IFRS partent du constat que les dirigeants d une entité détiennent un supplément d informations par rapport à un tiers et sont donc les plus aptes à faire les évaluations que le référentiel IFRS demande. Cette subjectivité et ce pouvoir d appréciation laissés aux dirigeants font cependant l hypothèse très forte (voire un peu idéaliste) que les dirigeants veulent également communiquer leur information privilégiée aux détenteurs de parts (ce qui n est généralement pas le cas). Une comptabilité fiscale doit au contraire être pragmatique : même si le consentement abstrait et indirect des contribuables à l impôt est assuré par le vote de toute loi fiscale par le Parlement, les contribuables qui aiment pour autant payer l impôt sont de toute évidence très rares! Les contribuables vont ainsi utiliser les moyens légaux (et parfois illégaux) mis à leur disposition pour diminuer leur base imposable. Cette attitude (humaine) pose comme exigences à faire à un droit fiscal : des règles simples, claires et objectives. Il ne faut pas (1) que les règles ne puissent pas être comprises par l administration fiscale ou le contribuable et (2) que le contribuable soit trop amené à devoir faire des évaluations qui ont un impact sur sa propre base imposable. Présumer une bonne foi complète du contribuable en matière fiscale est simplement naïf. larcier 193

quel impact fiscal suite à l adoption des normes ifrs par l union européenne? (c) En ce qui concerne leurs principes fondamentaux : alors que certains principes sont les mêmes (exemple : celui d une comptabilité d engagement), d autres portent le même nom, mais ont une signification ou une portée différentes (exemples : le principe de prudence, le principe d importance relative), d autres encore ne sont formulés explicitement qu en IFRS (exemple : le principe de prééminence de la substance sur la forme). Les principes qui concernent la clarté, l objectivité et la constance de la présentation sont (et devraient être) interprétés beaucoup plus strictement dans les comptabilités fiscales qu en IFRS. (d) En ce qui concerne leur façon de résoudre diverses problématiques : les IFRS interprètent la balance entre pertinence et fiabilité très largement en faveur de la pertinence et au détriment de la fiabilité (voir les exemples de la juste valeur, de la comptabilisation des immobilisations incorporelles et de la dépréciation lors du deuxième volet de la deuxième partie) ; c est pour cette raison que les solutions présentées dans les normes ont si souvent l air très complexes et peu praticables. C est aussi une des raisons pour lesquelles le référentiel IFRS prendra très longtemps avant que les pratiques ne soient stabilisées, c est-à-dire avant que les utilisateurs se soient mis d accord sur la façon de mettre en pratique les normes, qui sont souvent très vagues. Le droit fiscal aura par contre le plus souvent tendance, pour des raisons d objectivité et de contrôle, à simplifier les dispositions, quitte à mesurer alors la capacité contributive un peu moins exactement. (e) En ce qui concerne l évolution de leur contenu : les IFRS sont des normes extrêmement évolutives. Des nouvelles normes et interprétations sont mises en place bien avant que les normes et interprétations antérieures se soient stabilisées. Cela se justifie à la rigueur par l exigence d une information pertinente dans un environnement qui change rapidement. Par contre, voilà qui n est précisément pas souhaitable pour un droit fiscal. Déjà avec les droits fiscaux actuels, les plaintes sur des «réformes» fiscales trop nombreuses se multiplient. En effet, les professionnels du secteur ont du mal à rester à la pointe et les cursus universitaires et les formations professionnelles deviennent rapidement obsolètes. Et le tout aboutit à un gaspillage de ressources, une sécurité juridique diminuée et une désorientation généralisée du contribuable. (f) En ce qui concerne la stabilité des recettes budgétaires : sauf retraitements majeurs, il est clair que le résultat selon les IFRS sera plus 194 larcier

conclusion générale : les ifrs sont inadaptés à une comptabilité fiscale volatil dans le temps que le résultat selon les droits fiscaux traditionnels. En effet, le but primaire des IFRS est moins de mesurer une performance régulière, que de déterminer, au contraire, la juste valeur du patrimoine net de l entité. Ainsi, le résultat IFRS va calquer son évolution plus sur celles de valeurs de marché ou de valeurs actuarielles, alors que les résultats fiscaux traditionnels en Europe continentale se calquaient plus sur la performance opérationnelle et donc l évolution du P.I.B. en général. Les droits fiscaux existants achevaient ainsi une meilleure correspondance entre les recettes fiscales de l État et ses dépenses, et partant une utilisation plus efficace de ces premières. L ouvrage s est donc efforcé de bien montrer une chose : l application du référentiel IFRS dans une comptabilité fiscale est à rejeter à la fois sur un plan pratique et sur un plan théorique. Si l analyse positive effectuée a montré de nombreuses différences avec les droits fiscaux existants, l analyse normative montre surtout que de nombreux aspects des IFRS ne sont fondamentalement pas adaptés à une comptabilité fiscale, même à définir. Ainsi : (1) Si un État adopte les IFRS dans les comptes annuels, il ne peut alors pas garder un éventuel système de dépendance avec le droit fiscal. En effet, s il gardait une dépendance juridique entre les deux droits, il devrait à chaque changement de la législation comptable (changements qui eux risquent de devenir très nombreux), adapter son droit fiscal pour absorber l impact. Sinon son droit fiscal évoluerait en grande partie en fonction des modifications du référentiel IFRS. Le droit fiscal deviendra donc, au moins progressivement, plus autonome, c est-à-dire que de plus en plus de dispositions fiscales spécifiques régleront des problématiques de plus en plus nombreuses, indépendamment des dispositions comptables. Le principe de l unicité du bilan, surtout, se trouvera violé, d abord en pratique, puis probablement aussi formellement. (2) Si un État (ou l Union européenne) définit un droit fiscal autonome, il (elle) peut certes partir des IFRS comme base. Mais cette base devra être modifiée sur tant de points que le résultat final sera fondamentalement différent des IFRS. larcier 195

quel impact fiscal suite à l adoption des normes ifrs par l union européenne? La démarche idéale aurait été, dans l Union européenne, de prescrire les IFRS dans les comptes consolidés, mais de ne pas prévoir de toucher aux comptes individuels. Ces derniers seraient ainsi devenus au fil du temps des comptes fiscaux «implicites». Cette démarche n a pas été choisie, parce que Bruxelles avait cette grande vision d harmonisation de la fiscalité directe qui est d abord probablement infaisable (sauf éventuellement à très long terme) et ensuite peut-être même pas souhaitable (voir première partie, troisième section). En plus, il est certain que la présence des dispositions optionnelles, à la fois dans le règlement «IFRS 2005» et la directive «modernisation», ne rendra, dans un premier temps en tout cas, les pratiques comptables des États membres en termes de comptes annuels pas plus convergentes, au contraire. En dernier lieu, et au-delà des questions fiscales, il faut se méfier en général des systèmes comptables principles based. L I.A.S.B. semble oublier le bel exemple des U.S. G.A.A.P. outre- Atlantique. Ayant débuté exactement à l image des IFRS, que sont-ils devenus aujourd hui? Une masse prescriptive indigeste de plusieurs milliers de pages, s étant développée progressivement parce que les entités abusaient à outrance des dispositions antérieures plus générales. Le cours de comptabilité que nous avons suivi lors de notre échange académique aux États-Unis était très révélateur à ce sujet! Les critères de comptabilisation des produits commerciaux sont un bel exemple de ce gonflement des dispositions à travers le temps. Est-ce que l information publiée selon les U.S. G.A.A.P. est plus pertinente? Nous pensons surtout qu elle est (ou était en tout cas!) plus manipulable. Car mettre en place un système qui contrôle une information aussi complexe est tout simplement trop cher. Que le lecteur s imagine aller refaire les tests de dépréciation concernant tous les actifs et unités génératrices de trésorerie de Procter & Gamble! Les commissions des réviseurs d entreprises que les entreprises sont prêtes à payer connaissent des limites. Et sans contrôle, il est très douteux que la qualité réelle de l information soit à la hauteur de la qualité théorique! Alors que la standardisation de l information comptable est une excellente chose en soi, nous préférerions que l I.A.S.B., dans sa manière de la standardiser, n oublie pas complètement la simplicité, même si un système simple est nécessairement une approximation de la réalité. Un système approximativement juste vaut parfois mieux qu un système précisément faux. Cela est surtout valable en fiscalité. 196 larcier